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Revenir...: L'étonnant destin de John Fisher
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Revenir...: L'étonnant destin de John Fisher
Livre électronique288 pages4 heures

Revenir...: L'étonnant destin de John Fisher

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À propos de ce livre électronique

Un jour, sans prévenir, John Fisher a tourné le dos à son passé, à son nom, à son père. Ce choix, il croyait être en mesure de l'assumer, jusqu'à ce qu'un coup de téléphone vienne faire dérailler son train de vie. C'est comme ça quand le destin appelle et t'exige de revenir... Et si la vie, au fond, n'était qu'un éternel retour vers l'essentiel?

LangueFrançais
Date de sortie3 févr. 2024
ISBN9782924099766
Revenir...: L'étonnant destin de John Fisher
Auteur

Richard Plourde

Richard Plourde lives in Edmundston, a lovely town nestled in a valley surrounded by mountains in New Brunswick (Canada). His first three novels were published in French and all have had a resounding success. Two of his books have been translated and published in English. « Back to You… - The astonishing fate of John Fisher » This unconventional love story chronicles a man's extraordinary journey to find the woman whose selfless act saved his life. The French version was a finalist for the "Prix France-Acadie" International Literary Prize. « The Koi and the Frog » A heartwarming love story between a fish and a frog that celebrates the beauty of differences and promotes self-acceptance. The French version was called one of the best Canadian children's book of the year by the reputable consumer guide magazine Protégez-vous. Richard is currently working on his fourth novel and is also writing the screenplay for his first novel.

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    Aperçu du livre

    Revenir... - Richard Plourde

    Du même auteur :

    Tout âge

    Si tu savais..., 2009, Éditions de la Francophonie.

    Jeunesse

    Le koï et la grenouille, 2013, Éditions Pierre Tisseyre.

    Ce qu’on dit du roman Si tu savais...

    « Un des très bons livres que j’ai lus dans ma vie. »

    Diane Losier, animatrice – Radio-Canada Atlantique

    « J’ai adoré. Bravo ! »

    Christine Michaud – Salut, bonjour !, TVA

    « Un roman à lire de toute urgence ! Parce qu’il y a des petits bijoux comme celui-ci qu’il faut découvrir ! »

    Karine, blogue Karine et ses livres, France

    Ce qu’on dit du roman jeunesse Le koï et la grenouille.

    « Un bon livre pour les vacances. – 10 livres d’été pour les jeunes. »

    Journal de Montréal et Journal de Québec.

    « Une belle histoire d’amour... j’ai adoré ! »

    Christine Michaud, Salut, bonjour ! Weekend, TVA

    « Un beau conte qui démontre qu’il ne faut pas se fier aux apparences et que l’amitié et la complicité ont souvent raison d’exister. »

    Pause Lecture

    ISBN 978-2-92409-976-6

    Tous droits réservés pour tous pays

    © 2013 Richard Plourde

    © 2013 Les Éditions de la Francophonie

    Dépôt légal – 4e trimestre 2013

    Bibliothèque et Archives Canada

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Il est interdit de reproduire cet ouvrage en totalité ou en partie, sous quelque forme et par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisation écrite préalable de l’éditeur, conformément aux dispositions de la Loi sur le droit d’auteur.

    « de fil en amour, je suis devenu à toi...

    de fil en amour, je suis revenu à toi »

    George Belliveau

    « De fil en amour », tiré de l’album Whisky amer

    Prologue

    Je n’ai pas toujours été détestable. Quelques anciens amis iront jusqu’à dire que j’ai déjà été sympathique, voire charmant ! Mais ça, c’était avant. Avant d’emménager au sein de la grande métropole dans le but de poursuivre mes ambitions, que la majeure partie de mon entourage considérait comme démesurées. Avant d’avoir coupé, un à un, tous les ponts me reliant à ceux qui affirmaient m’aimer. Avant le succès et l’argent à ne plus savoir quoi en faire. Avant les sorties interminables dans les bars et les discothèques où je noyais ma solitude au milieu des mers d’imbéciles. Avant les liaisons sans lendemain, ces one night stands pour vidanger mon trop-plein d’énergie animale. Mais c’était surtout avant le diagnostic. Avant qu’un petit nom de six lettres vienne faire dérailler mon train de vie.

    Il n’y a pas de mots qui arrivent à décrire comment on vit l’annonce d’un cancer à l’âge de vingt-sept ans. Je doute fort que le plus grand des écrivains puisse raconter avec justesse à quel point la douleur, la colère et le désarroi sont profonds. C’est le psychiatre à l’hôpital qui, pendant mes traitements, m’a suggéré d’écrire.

    — Je crois que ça vous serait bénéfique, avait-il dit de sa voix douce et paternelle.

    Sa recommandation m’avait semblé aussi ridicule que l’interprétation de taches d’encre sur une série de cartons glacés. Il faut dire que, petit à petit, j’avais apprivoisé ce médecin de la tête.

    Au départ, je refusais catégoriquement ses visites rendues obligatoires par le protocole de traitement. Mais le thérapeute sexagénaire, tout près de la retraite, aux cheveux gris ébouriffés et au regard sage, effectuait sans relâche un arrêt quotidien à mon chevet. Sept jours sur sept, pendant les quatre semaines de mon hospitalisation, il s’encombrait de l’accoutrement d’usage pour venir me saluer dans ma chambre d’isolement. Il faisait fi de mes silences. Il ignorait mes crises de jurons à son égard et poursuivait assidûment ses visites sans jamais, toutefois, pouvoir traiter son patient récalcitrant.

    — Vous ne prenez jamais de congé, doc ? lui avais-je demandé un dimanche matin, alors que le soleil illuminait Montréal dans un ciel sans nuage.

    Comme il le faisait souvent, il s’était contenté de sourire. Avec son regard perçant entouré de ses paupières ridées, il avait l’air d’Albert Einstein sans moustache.

    Drôle de psychiatre ! Jamais il ne m’avait interrogé sur mon passé et ne m’avait offert une oreille attentive. Il ne m’avait jamais posé une seule des questions qu’un thérapeute aurait dû soulever. Mis à part ses commentaires anodins relatifs à la météo ou à des sujets d’actualités artistiques ou sportives, l’unique phrase qui revenait inlassablement sur ses lèvres était cette suggestion d’écrire.

    Si j’obéissais aux moindres demandes que formulaient les médecins qui traitaient ma leucémie, je profitais cependant de la seule liberté qu’il me restait véritablement entre ces damnés murs d’hôpital, et je refusais obstinément de griffonner un seul mot. De toute manière, je savais qu’il ne me servait à rien de le faire. Mes problèmes psychologiques, si j’en avais vraiment, étaient de toute évidence dus à ce satané cancer qui était venu saccager ma vie et aux personnes que j’avais abandonnées en cours de route, puisqu’elles freinaient mes projets et mes ambitions. Des achoppements, je n’en aurais plus une fois guéri !

    Le jour où je reçus mon congé de l’hôpital, fidèle à son habitude, docteur Einstein vint me saluer cordialement.

    — Bonne chance, monsieur Fisher, n’oubliez pas d’écrire !

    Et sans que j’eusse le temps de m’y opposer, il s’approcha et me serra fermement contre lui. Je restai figé, les bras immobiles de chaque côté de mon corps, telle une statue de glace. L’étreinte chaleureuse ne dura que quelques secondes, mais eut sur moi l’effet d’un vaccin. Il me relâcha et me fit un clin d’œil complice. Sans cérémonie, il se retourna et se dirigea vers un autre département. Avant de disparaître au bout du corridor, il lança avec cette voix conviviale, mais non moins incitative :

    — N’oubliez pas d’écrire, monsieur Fisher. J’ai hâte de vous lire !

    Les mois qui suivirent effacèrent graduellement les signes de ma maladie. Mon teint verdâtre redevint peu à peu normal et, bien que le look chauve convienne à mes collègues qui, eux, perdaient prématurément leurs cheveux, j’étais particulièrement soulagé de retrouver les miens. Je retrouvai enfin l’énergie soutenue qui m’habitait avant les traitements et pus retourner au travail quatre semaines avant la date recommandée par les médecins.

    En peu de temps, à la plus grande joie de mes employeurs, pour lesquels j’amassais de petites fortunes, je repris ma cadence habituelle. Je me rendais au bureau très tôt le matin et poursuivais une fois chez moi jusque tard le soir. Victime de cette vitalité infatigable, j’avais aussi repris cette vie de jet-set que j’avais tant appréciée avant ma maladie. Mais on a beau fêter jusqu’au petit matin, parcourir les country-clubs les plus exclusifs, coucher avec les plus belles aguicheuses, il n’en demeure pas moins qu’inévitablement il y a de ces moments où l’on se retrouve seul et où ce malaise que l’on cherche à écraser avec acharnement finit par refaire surface.

    C’est dans ces circonstances agaçantes que me revenaient à l’esprit le sourire imperturbable du vieux psychiatre et sa recommandation d’écrire. Fidèle à moi-même, entêté comme un âne, je résistai à cette consigne. Pendant des mois, je refusai obstinément de mettre des mots sur le papier. Mais ça, c’était avant. Avant elle. Avant qu’une femme et une aventure invraisemblable viennent changer ma vie à jamais. Mais ça, c’est une tout autre affaire. Une histoire que je raconte parfois si le vin est bon et si l’on insiste pour que j’en fasse le récit. Et chaque fois, sans équivoque, on me dit que je devrais l’écrire, cette odyssée.

    — Vous, vous y croyez parce que vous me connaissez. Vous savez qu’elle est vraie, mais un lecteur n’y accordera aucun crédit ! leur expliquai-je.

    Mais sans relâche, ils persévérèrent.

    Elle, avec son simple sourire radieux, ne participe jamais à leurs supplications interminables. Elle se contente de m’offrir son magnifique petit rire complice et son regard, comment dire... son regard qui, à lui seul, contient tout l’amour du monde.

    À deux ou trois occasions, j’ai tapé quelques lignes, mais chaque fois, je suis resté paralysé devant la page vierge. Peut-être était-ce mon subconscient qui refusait de dévoiler une histoire à ce point personnelle. On ne raconte pas à tout un chacun les détails les plus intimes de sa vie ! Mais voilà que, petit à petit, l’envie d’écrire m’habita de plus en plus.

    « Personne n’en croira un seul mot », me répétais-je.

    Mais un jour, le besoin est devenu trop fort et j’ai osé. J’ai ouvert une intimidante page blanche à partir du logiciel de traitement de texte de mon portable, qui ne connaissait que des feuilles de calcul Excel. J’ai pris un grand souffle et j’ai écrit.

    Au début, les mots sortaient au compte-gouttes. Ensuite, ils ont ruisselé tout doucement, mais après, ce fut le tsunami, la catharsis que le docteur Einstein avait certainement prévue.

    Le résultat est le livre que vous tenez entre les mains. Si j’ai choisi la forme romanesque, c’est que personne ne croirait au récit. C’est comme ça quand la vérité est plus invraisemblable que la fiction.

    Enfin, si la vie faisait en sorte que nous venions à faire connaissance, n’allez surtout pas me demander d’éclaircir pour vous ce qui tient de la réalité et ce qui relève de la fabulation. C’est un secret. Permettez-moi simplement de vous donner un indice : je n’ai jamais été très habile à inventer des histoires.

    Alors, pour tous ceux qui m’ont supplié de l’écrire, pour vous, mon cher docteur Einstein, et surtout pour toi, mon amour, laissez-moi vous raconter l’étonnant destin de John Fisher.

    1

    Le logo argenté de la Mercedes-Benz brillait entre mes doigts lorsque je rétrogradai la transmission avant de m’immobiliser aux feux de circulation. Tapotant le volant au rythme des riffs de guitare de John Mayer, je haussai le volume d’un simple mouvement du pouce.

    « ... she’s slipping through my hands. She’s always buzzing like neon, neon ¹. »

    Le soleil irradiait sur Montréal sa chaleur écrasante du mois d’août. Le toit de la décapotable rétracté, j’avais dirigé la climatisation directement vers moi. À travers mes lunettes solaires Dolce & Gabbana, je m’inspectai dans le rétroviseur et passai mes doigts dans mes fins cheveux noirs. Alors que ces derniers, par un parfait mouvement de vague, regagnaient impeccablement leur place, j’observai ma réflexion avec un mince sourire de satisfaction.

    Entre les bourrasques qui me livraient un délicieux amalgame d’odeurs typiques du centre-ville, il m’arrivait de déceler le parfum sauvage du cuir neuf de mon roadster SL 350, et cela me comblait. Ma vie reprenait enfin son cours normal.

    Lorsque les feux changèrent au vert, les trois cent quinze chevaux-vapeur hennirent aussitôt. Quelques coups de volant précis et je zigzaguai en direction du tout dernier quartier huppé de la métropole. En peu de temps, j’arrivai à destination. Je pointai mon bolide vers un de ces vieux bâtiments complètement rénovés en condominiums somptueux.

    Voilà à peine deux ans que j’habitais un secteur longtemps délabré dans lequel des prospecteurs avides et astucieux avaient injecté des millions de dollars pour en chasser les pauvres et y créer le nouveau coin in de la ville. Depuis, plusieurs immeubles luxueux abritaient une armée de jeunes yuppies qui prenait d’assaut tous les postes prisés en vue de devenir la future élite montréalaise.

    Pendant que le toit se refermait, la voiture s’engouffra dans l’ouverture de la grande porte menant au garage souterrain. Je lançai un regard en direction de ma Rolex, que j’avais reçue en cadeau de la part d’un client très satisfait à qui j’avais fait économiser des sommes astronomiques d’impôt.

    — Douze minutes, me dis-je.

    Il avait fallu moins d’un quart d’heure pour franchir la distance qui me séparait de mon bureau situé dans le haut d’une tour imposante au centre-ville. Ça aurait pris pratiquement le même temps si j’avais choisi l’autobus, mais le transport en commun, c’était pour ce moi du passé. Un passé que j’avais vite fait d’oublier.

    Un bip caractéristique résonna contre les murs de béton et confirma que le système antivol de ma voiture s’était enclenché. En me dirigeant vers les ascenseurs, je jetai un dernier regard vers ma nouvelle acquisition et ne pus qu’admirer ses lignes précises et ses bossages sublimes, brillant de la même couleur que l’argent que j’empochais au rythme de mes ambitions.

    Fidèle à mon habitude, j’arrivais du bureau un peu avant dix-sept heures. J’en profitais alors pour reprendre mon travail dans le calme de ma demeure jusqu’à l’arrivée de Claire, qui se pointait rarement avant dix-huit heures.

    Nous consacrions tous les deux beaucoup de temps et d’énergie à notre carrière, mais c’était un choix que nous avions fait d’un commun accord.

    Avide d’argent, j’avais judicieusement choisi un poste dans la plus grande et la plus prestigieuse firme comptable de Montréal. Claire, pour sa part, avait opté pour un travail qu’elle jugeait rempli de défis et qui lui offrait un horaire plus raisonnable. Elle avait donc accepté un emploi au secteur administratif de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.

    En semaine, malgré les appareils haut de gamme qui agrémentaient notre cuisine moderne, nos soupers étaient composés le plus souvent de plats que je commandais au resto. Installé à la table de cuisine, je pouvais écouter Claire me relater les détails de sa journée au boulot tout en scrutant mes courriels sur l’écran de mon portable. Une fois nos assiettes rincées puis rangées dans le lave-vaisselle, nous passions au salon, où Claire feuilletait quelques revues ou regardait un peu la télé, alors que je m’emparais de mon ordinateur et attaquais les feuilles de calculs jusqu’à près de minuit. Après, c’était la douche et le lit où Claire se trouvait endormie depuis un long moment.

    Arrivé devant la porte de mon habitation, je fouillai dans la poche de mon manteau en cuir d’agneau. La mallette contenant mon portable d’une main et mon trousseau de l’autre, je repérai la clé et l’insérai dans la serrure. D’un pas assuré, je pénétrai dans l’entrée.

    Alors que je m’apprêtais à déposer ma mallette contre le mur à ma droite, je remarquai aussitôt la grosse valise qui s’y trouvait déjà. J’eus à peine le temps d’essayer de donner un sens à cette scène inhabituelle que je fus surpris par la voix de Claire, qui n’était plus qu’un souffle à peine perceptible.

    — Allô, John, dit-elle simplement.

    Sur une chaise étroite devant la table en acajou de la cuisine était assise celle avec qui j’avais partagé les cinq dernières années de ma vie. Une femme bourrée d’ambition et de détermination. Une compagne intelligente et indépendante qui, de plus, était d’une beauté naturelle déroutante. Cette même femme qui m’avait accompagné à travers mes pires cauchemars.

    Cette scène, je la reconnus aussitôt. Je l’avais répétée une dizaine de fois, à la différence que c’était habituellement moi qui menais le bal et que je n’avais jamais l’allure déboussolée que Claire présentait en ce moment. Chaque fois, j’en faisais l’annonce tout bonnement, comme si j’annonçais à un collègue de travail quelconque que j’avais accepté un meilleur poste chez un compétiteur. Je ne comprenais d’ailleurs pas pourquoi les femmes que je larguais réagissaient en s’offusquant ainsi. Nous avions passé des moments passionnants ensemble, fait des sorties extravagantes et des voyages mémorables, mais voilà que, comme s’il s’agissait d’un jouet que l’on désire ardemment au départ, je finissais inévitablement par me lasser de ma partenaire.

    Mais là, c’était de moi qu’on se lassait, et ça, ce n’était pas la même chose !

    — Vas-y, me contentai-je de dire en m’affaissant sur la chaise à l’autre extrémité de la table.

    Claire fixa brièvement le plafond et cligna des yeux, afin d’en déverser l’excès d’eau et de se donner un peu de contenance. Elle inspira profondément.

    — Je n’avais pas prévu verser de larmes. Je ne pleure pas souvent, tu sais. Mais là, ça me désole un peu...

    Après une expiration saccadée, elle reprit avec plus d’assurance.

    — Je te quitte, John. Inutile d’insister, je pars.

    — Mais je n’insiste pas, répondis-je du tac au tac.

    Cette réponse insensible frappa Claire de plein fouet. Elle pencha la tête de côté et plissa les yeux comme pour s’assurer d’avoir bien compris. Elle me fixa comme si elle ne me reconnaissait plus et marqua une longue pause.

    Pendant ce temps de répit, je me suis mis à chercher la raison qui pouvait justifier son départ. Ce fut difficile. Au risque de paraître vaniteux, j’oserais dire que j’ai tout pour être plaisant. On me qualifie de beau, d’intelligent, de comique et d’ambitieux. J’ai le corps sculpté d’un dieu grec et je fais l’amour avec la même intensité que celle que je mets dans chaque défi que je relève. Bien sûr, je consacre beaucoup de temps à mon travail. Mais cela n’a rien de nouveau ! Je le fais pour grimper les échelons de l’entreprise deux ou trois à la fois, pour empocher le maximum d’argent afin de me payer tout ce que je désire : une auto de luxe, des voyages dans les pays chauds, un appartement dans les bâtiments les plus exclusifs de la ville... Non, décidément, je ne trouvais pas ce qui avait bien pu la motiver à partir. À moins que...

    — Il m’aura fallu près de trois ans avant d’accepter l’évidence qu’il n’y avait pas de place pour moi dans ta vie, ajouta enfin Claire.

    — Mais de quoi parles-tu ? Nous formons un couple depuis plus de cinq ans !

    — Ah ! John ! je t’en prie, ne me prends pas pour une conne ! Depuis deux ans, nous sommes tout au plus deux colocataires partageant le même lit.

    — Parlant de lit, à ce que je sache, tu n’avais pas le même discours le week-end dernier, lui dis-je en lui lançant un clin d’œil suggestif et provocateur.

    Claire leva les bras dans les airs.

    — C’est toujours le cul avec toi, John ! Le seul temps où tu me prêtes une véritable attention, c’est lorsque tu souffres d’un trop-plein de testostérone. Le reste du temps, je suis le second violon de ton portable.

    Claire prit une grande respiration.

    — Est-ce que tu veux connaître la principale raison pour laquelle je te quitte, John ?

    Assis à l’autre bout de la table, tel un président de comité, je haussai légèrement les épaules.

    — À vrai dire, je m’en fous, Claire.

    Ce commentaire aurait dû la faire réagir avec véhémence. Mais au lieu de s’emporter, elle se limita à secouer la tête de dépit.

    — Eh bien, tu tombes pile ! Avec toi, c’est toujours « je ». Je m’en fous, je sors avec mes amis, je vais au gym. Et puis, quand ce n’est pas je, c’est « mon » et « ma ». Mon auto, mon appartement, ma caméra, mon téléviseur, mon voyage à Rio de Janeiro !

    Silence.

    — En cinq ans, jamais je ne t’ai entendu balbutier ne serait-ce qu’un « nous » ou un « notre ». À Rio, j’étais avec toi, John. C’était notre voyage. Nous avons emménagé dans le condo ensemble, c’était le nôtre, pas le tien. Il te faudra bien apprendre un jour que l’univers ne gravite pas autour de ton nombril !

    Elle marqua une pause avant de poursuivre :

    — Je n’en peux plus d’être ton sous-fifre, ton trophée que tu as depuis longtemps abandonné sur une tablette poussiéreuse. Je mérite mieux !

    Je la fixai du regard. J’encaissai les coups sans broncher.

    — As-tu déjà aimé, John ? continua Claire. As-tu jamais été véritablement amoureux de quelqu’un ?

    Une image apparut aussitôt dans ma tête. Je m’empressai de la faire disparaître. Claire ne sembla pas s’en rendre compte.

    — Au début de notre relation, j’ai cru que tu y parviendrais. Qu’avec moi tu viendrais à rêver d’une sympathique maison en banlieue donnant sur une grande cour arrière et située à deux pas d’une école élémentaire. Je t’ai senti traînasser devant le loquet de ton cœur sans jamais, une seule fois, oser l’ouvrir.

    Je détachai mon regard du sien, de peur qu’elle puisse y déceler d’autres vérités.

    — Eh bien ! moi, je t’ai aimé, John. J’étais alimentée de cet espoir

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