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Les Enfants du Roi Tome 1 - Une saga viking
Les Enfants du Roi Tome 1 - Une saga viking
Les Enfants du Roi Tome 1 - Une saga viking
Livre électronique304 pages4 heures

Les Enfants du Roi Tome 1 - Une saga viking

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À propos de ce livre électronique

Une saga Viking, pour les enfants dès 10 ans.Lorsque leur père le roi est assassiné par un chef Viking, Signy, Regin et Buri doivent fuir vers un lointain royaume allié. Ils veulent venger leur père, et récupérer leur terre d'origine... Mais leur périple, peuplé de sorcières, d'elfes et de chimères, s'avère plus compliqué que prévu ! Les enfants devront faire preuve de tout leur courage et détermination pour survivre – et rester ensemble !-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie4 déc. 2023
ISBN9788728112908
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    Aperçu du livre

    Les Enfants du Roi Tome 1 - Une saga viking - Peter Gotthardt

    Peter Gotthardt

    Les Enfants du Roi Tome 1 - Une saga viking

    Traduit par Julien Degueldre

    Saga Kids

    Les Enfants du Roi Tome 1 - Une saga viking

    Traduit par Julien Degueldre

    Titre Original Kongebørn 1 - I jordens dyb

    Langue Originale: Danois

    Copyright ©2021, 2023 Peter Gotthardt et SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN: 9788728112908

    1ère edition ebook

    Format: EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    Chapitre 1 : Dans les entrailles de la Terre

    Le loup se rapproche rapidement. Ses babines retroussées dévoilent ses longues dents pointues. Le loup le fixe de ses yeux maléfiques avec un grognement féroce. Il veut se battre contre la bête, mais ses bras sont privés de leur force. Il veut fuir, mais ses jambes se sont liquéfiées. Il n’y a rien que je puisse faire, se dit-il dans une bouffée de panique, alors que le loup se prépare à bondir sur lui…

    Buri se réveilla en criant. Il ouvrit les yeux et le cauchemar se dissipa. La petite chambre qu’il partageait avec son frère Regin était plongée dans le noir.

    Son frère se redressa dans son lit. « Tu m’as encore réveillé ! Ça commence à bien faire.

    — Je n’y peux rien, dit Buri, embarrassé. C’était encore ce cauche-mar, celui avec le loup. C’est la troisième nuit d’affilée que je lui fais face. Chaque fois, il se rapproche un peu plus. Je crains que quelque chose d’horrible arrive bientôt.

    — Arh ! Toi et tes prémonitions ! fit Regin. Aucun loup n’oserait s’aventurer jusqu’à notre domaine. Ils n’approchent pas des lieux trop habités.

    — Non, c’est vrai… » bredouilla Buri, sans réelle conviction. La peur refusait de lâcher son emprise.

    Regin lança ses jambes hors du lit et se leva.

    « Je suis complètement réveillé maintenant, dit-il. Et affamé. On pourrait facilement aller à la cuisine pour piquer des gâteaux au miel – ils en ont cuit hier. Ça te dit ?

    — Mais est-ce qu’on ne risque pas de se faire repérer ? demanda Bu-ri.

    — Aucune chance, avança Regin. On est en plein milieu de la nuit. Tout le monde dort. Allez, viens ! »

    Buri et Regin étaient les fils du roi. Regin était plus âgé d’un an que Buri. Tous deux avaient atteint la puberté ; leurs bras, et surtout leurs jambes, s’étaient considérablement allongés durant leur poussée de croissance. Les cheveux hirsutes de Buri étaient si clairs qu’ils en pa-raissaient presque blancs. Ceux de Regin étaient de la même couleur, mais plus lisses : ils recouvraient son front et l’arrière de sa nuque. « Comme si une vache les avait léchés », disaient souvent les gens, mais uniquement dans le dos de Regin.

    Les deux garçons enfilèrent leurs pantalons, leurs tuniques et leurs chaussures et quittèrent la chambre.

    « Est-ce qu’on proposerait à Signy de venir avec nous ? » demanda Buri.

    Regin secoua la tête.

    « Non. Elle dirait juste qu’on ne devrait pas faire ça. »

    Signy était leur sœur, de quelques années leur aînée. Leur mère était décédée il y a longtemps. Leur père, Alrik, était roi du Nordmark, un pays aux côtes nues et escarpées, aux vallées verdoyantes, aux sombres bruyères et aux hautes cimes de montagnes couvertes de neige éternelle.

    Regin et Buri sortirent de la maison où se trouvait leur chambre pour se diriger vers l’attenance où les domestiques préparaient les repas. Ils franchirent discrètement la cour centrale située entre les bâtisses qui constituaient ensemble la ferme du roi. Le fjord et les maisons du do-maine étaient plongés dans une brume blanchâtre.

    Le puissant signal d’une corne brisa alors soudain la quiétude de la nuit. Des cris et des bruits de lames résonnèrent en provenance de la plage.

    « C’est un signal d’alerte ! s’exclama Regin. Une attaque ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

    Les deux garçons s’arrêtèrent de marcher pour observer les environs.

    Un homme arriva en courant vers eux, une torche à la main. C’était Skakke, un des hommes de confiance du roi.

    « Ah, vous êtes là ! dit-il avec soulagement. Heureusement que je vous ai retrouvés. Venez avec moi.

    — Où ça ? Pourquoi ? demanda Regin.

    — Nous sommes attaqués, répondit Skakke. Nous ignorons qui est l’ennemi. Leurs navires de guerre ont surgi d’un coup de la brume. Le roi les affronte en ce moment même en première ligne avec ses guer-riers. J’ai reçu l’ordre de vous mettre en sécurité. Suivez-moi mainte-nant.

    — En sécurité ? Où ? demanda Regin.

    —Trêve de bavardages, fit Skakke en l’attrapant par le bras. En route !

    Il tira Regin à sa suite ; Buri dut trottiner pour les suivre.

    « Et Signy ? demanda Buri.

    — Elle vous attend, l’informa Skakke. Elle était dans sa chambre, elle, pas comme vous deux : je n’ai pas dû courir partout pour la retrouver. »

    Skakke les mena jusqu’à un petit ponton où une barque avait été ap-prêtée. Signy était déjà à bord, en compagnie d’un autre homme proche du roi.

    « Oh, enfin vous voilà ! lâcha Signy, soulagée, au moment où les garçons grimpèrent dans la barque. Elle portait un large châle qui la protégeait de la fraîcheur nocturne et couvrait ses longs cheveux blonds et une grande partie de sa robe.

    Quelque part dans l’obscurité, des cris de rage et le tintement des armes continuaient de fuser. Les trois enfants tentèrent de déterminer à l’ouïe le développement du combat, sans eux-mêmes dire un mot. Signy se mordait la lèvre pour se retenir de pleurer. Regin serrait les poings, furieux face à sa propre impuissance. Le regard inquiet de Buri furetait tout autour de lui à la recherche d’éventuels ennemis.

    « Partons, vite », intima Skakke en s’installant à l’une des rames ; l’autre homme du roi s’empara de la deuxième rame et la barque glissa sur les flots du fjord.

    — Où est-ce que nous allons ? demanda Buri.

    — Sur l’île, répondit Skakke. Et maintenant, je ne veux plus entendre un mot. Nous ne sommes pas seuls dans ces eaux. »

    L’île en question vers laquelle ils mirent le cap était un îlot recouvert d’arbres et situé un peu plus loin dans le fjord.

    Skakke et son compagnon ramaient rapidement. À part les clapotis-produits par les rames dans l’eau, tout était silencieux.

    Peu de remous agitaient les eaux sombres du fjord, tandis que de lé-gers nuages de brumes flottaient lentement au-dessus de la surface. Buri ne parvenait pas à en détacher les yeux ; ils ressemblaient à d’étranges silhouettes pâles se frayant un chemin dans la nuit.

    Il fut à deux doigts de lâcher un cri soudain lorsque la tête noire d’un dragon perça le brouillard.

    Skakke et son camarade l’avaient également repérée ; ils sortirent les rames de l’eau et la barque poursuivit sa course sans un bruit.

    La tête de dragon se prolongea en la proue d’un langskib, un navire de guerre.

    « Tu n’as pas entendu une sorte de clapotement ? demanda une voix à bord de l’embarcation.

    — C’était sûrement un canard ou autre, répondit une deuxième voix. Ça arrive souvent. Par contre, on s’ennuie vraiment comme des rats morts ici… Devoir rester à bord pour monter la garde, alors que tous les autres sont en train de récolter gloire et richesses…

    — Tu l’as dit, bouffi, acquiesça le premier garde. C’est toujours pour notre pomme. »

    Les enfants se firent aussi silencieux que des souris. Ils osaient à peine respirer. La barque continuait d’avancer, portée par le courant. Le langskib disparut au fur et à mesure dans la brume.

    Skakke et son compagnon poussèrent un soupir de soulagement et reprient les rames. Désormais ils pouvaient progresser rapidement.

    L’île apparut enfin à travers l’obscurité. La barque s’introduisit dans une étroite crique entourée de grands arbres. Un individu les attendait sur le rivage.

    Skakke aida les enfants à débarquer et leur présenta l’inconnu.

    « Voici Grutte Barbe-grise. Il va veiller sur vous.

    — J’ai entendu quelqu’un souffler le signal d’alarme, dit Grutte. La ferme du roi est attaquée ?

    —Oui et le combat fait rage, répondit Skakke. Nous devons y retourner pour nous battre avec notre roi.

    — Emmenez-moi avec vous, intervint Regin. Je…

    — Hors de question, l’interrompit Skakke. Ce n’est pas un jeu. La mort rôde quand les hommes se battent. »

    Il regagna la barque qui repartit à vive allure en s’éloignant de l’île.

    Les enfants se tournèrent avec curiosité vers Grutte. Sa barbe était émaillée de poils gris et sa peau ridée telle la surface d’une pomme des-séchée. Il gardait cependant le dos bien droit et le regard if.

    « Pourquoi est-ce qu’on nous a amenés ici ? demanda Signy. Et qui es-tu ?

    — Je suis un vieil ami de votre père, lui répondit Grutte. J’étais dans la fleur de l’âge tandis qu’il n’était alors pas plus grand que tes deux frères. C’est moi qui lui ai enseigné à brandir une épée et je l’ai suivi au cours de nombreuses aventures. Lorsque je suis devenu trop vieux pour partir guerroyer, je me suis installé sur cette île, où je vis seul. Mais j’ai promis à votre père que vous trouveriez toujours ici un refuge si un danger survenait. Ce qui est le cas à présent… Mais venez, allons à ma hutte. »

    Grutte Barbe-grise habitait sur un coteau offrant une vue sur l’eau. Un filet de pêche était accroché devant la hutte pour sécher et une petite barque était attachée à un poteau au fond de la crique.

    Les enfants entrèrent dans la hutte à la suite de Grutte. L’homme dé-posa quelques fourrures épaisses sur le sol.

    « Je me doute que vous devez vous faire du souci pour votre père, mais essayez tout de même de dormir un peu. »

    Ils se couchèrent docilement sur les fourrures et malgré cette nuit tu-multueuse et toutes leurs inquiétudes, ils s’endormirent rapidement.

    *

    Ils furent réveillés par une forte odeur de poisson frit. La lumière ma-tinale s’engouffrait via une ouverture dans le toit aménagée pour éva-cuer la fumée.

    « Voilà de quoi grignoter, dit Grutte en posant un plat sur la table. Ce n’est sûrement pas la même chose que ce que vous recevez habituellement à la ferme de votre père, mais il n’y a rien d’autre. »

    Les enfants s’installèrent à table ; Grutte ouvrit la porte, permettant ainsi d’observer le fjord. Le brouillard s’était levé et les vagues scintil-laient sous les rayons du soleil. Un groupe de cormorans survolait de près la surface de l’eau.

    Les trois enfants tentèrent d’apercevoir la ferme du roi. Ils espéraient déceler des signes qui les auraient renseignés sur l’issue du combat. Mais une pointe de terre boisée leur bloquait la vue.

    « Si au moins on savait un peu comment ça s’est terminé… soupira Signy.

    — Les guerriers de papa sont les meilleurs du monde, affirma Regin. Ils ont certainement vaincu leur ennemi cette nuit.

    — Je vois un bateau ! s’exclama alors Buri. Il est en train de contourner le cap. C’est peut-être papa qui vient nous chercher. »

    Grutte se mit debout d’un bond. Il regarda au loin avec une main au-dessus des yeux pour bloquer le soleil depuis le pas de la porte.

    « Ce n’est pas un des navires du roi Alrik, dit-il. C’est un dragon qui veut se repaître de votre sang. Il n’y a pas un moment à perdre : jetez votre repas et vos bols dans le tonneau à déchets et suivez-moi. »

    Les enfants débarrassèrent la table à toute vitesse, tandis que Grutte rangeait les fourrures sur lesquelles ils avaient dormi. Ce dernier les conduisit ensuite dans la forêt.

    Les premières feuilles jaunes étaient apparues sur les branches. Le so-leil perçait à travers le couvert des arbres, mais l’air de la forêt n’en de-meurait pas moins froid et humide.

    Les enfants devaient faire de grands pas pour suivre la cadence de Grutte.

    « Mais notre père… Que penses-tu qui lui soit arrivé ? s’inquiéta Si-gny. Et les autres ?

    — Je l’ignore, dit Grutte. Pour l’instant, le plus important est de vous trouver une cachette. L’île n’est pas bien grande : quelques hommes suffisent pour la fouiller dans son intégralité. Mais je connais un bon endroit. »

    Grutte s’arrêta bientôt devant un chêne gigantesque qu’une tempête hivernale avait renversé. L’immense tronc déraciné gisait au sol, sa couronne de racines exposée à l’air libre. A l’endroit où jadis ces dernières s’enfonçaient dans le sol se trouvait à présent une large cuvette. Au fil du temps, de petits bouleaux et des ronces avaient envahi l’espace et le vent avait accumulé un amas de feuilles mortes au cours de l’année.

    « Il y a une sorte de cavité sous les racines, leur expliqua Grutte. Vous pouvez vous y cacher. Elle n’est pas simple à repérer si on ne connaît pas les lieux. Il y a un ours qu’il l’utilise souvent comme tanière pour hiberner.

    — On doit rester cachés là avec un ours ?! » s’affola Buri.

    Grutte lâcha un rire bref.

    « Il n’y retourne qu’aux premières gelées », rassura-t-il.

    Les enfants rampèrent entre les branches et écartèrent les feuilles mortes qui cachaient effectivement une cavité juste assez large pour leur permettre de s’y serrer à trois.

    Grutte réorganisa les feuilles et posa une série de longues branches de ronces par-dessus.

    « Voilà, dit-il. Restez ici jusqu’à ce que je revienne vous chercher. Et n’oubliez pas : pas un bruit ! »

    Il se dépêcha de regagner sa cabane et arriva pile au moment où la proue décorée de la tête de dragon atteignqit le fond de la crique. Une troupe d’hommes sautèrent par-dessus le plat-bord du langskib et mar-chèrent dans l’eau pour rejoindre le rivage. Ils étaient armés de lances et de haches. Celui qui était en tête de file portait une épée de belle facture et un anneau en argent au bras droit.

    Il se dirigea droit vers Grutte.

    « Nous sommes les hommes de Hærulv. Je m’appelle Bødvar, son meilleur guerrier. »

    Grutte serra les dents pour cacher sa fureur. Il avait entendu de nom-breuses histoires à propos de Hærulv et aucune n’était glorieuse. Hærulv ne possédait aucune terre. Son pouvoir résidait en une flotte de navires véloces. Lui et ses guerriers arpentaient les côtes et ne regagnaient les terres que pour tuer et piller sans vergogne. Ils étaient haïs de tous et les hommes du roi Alrik avaient eu plus d’une fois affaire à eux.

    « Hærulv est au pouvoir ici à présent, poursuivit Bødvar. Il nous en-voie pour retrouver trois enfants : une fille, presque adulte, et deux gar-çons. Est-ce que tu les as vus ? Quiconque serait en mesure de nous dire où ils se trouvent sera récompensé par une bourse remplie de pièces d’argent.

    — Des enfants ? répéta Grutte avec un air ébahi. Il n’y a pas d’enfants ici.

    — C’est ce qu’on va voir, rétorqua Bødvar avant de se tourner vers ses hommes. Fouillez-moi cette île. »

    Deux d’entre eux avaient déjà inspecté la hutte et se joignirent aux autres qui se divisèrent en petits groupes entre les arbres.

    « Tu prétends que Hærulv a pris le pouvoir, dit Grutte à Bødvar. Que veux-tu dire par là ?

    — C’est très simple, répondit Bødvar avec un rictus malveillant. Nous avons attaqué la ferme du roi Alrik cette nuit et nous l’avons tué – même s’il faut souligner qu’Alrik a combattu vaillamment. »

    Le visage de Grutte resta impassible. Il s’était déjà préparé au pire.

    « Après qu’Alrik est tombé, beaucoup de ses hommes ont rejoint les rangs de Hærulv, continua Bødvar. Les autres ont accompagné leur roi au royaume des morts – avec notre aide. C’est donc maintenant Hærulv le roi du Nordmark. Mais Alrik a trois enfants et ceux-ci n’étaient pas à la ferme. Or, une esclave nous a indiqué que deux hommes et trois enfants étaient partis à bord d’une barque et nous a parlé de toi. Tu es un des amis du roi, n’est-ce pas ?

    — Alrik est tout sauf mon ami, dit Grutte en crachant par terre. Je l’ai servi longtemps, c’est vrai, mais une fois que je suis devenu vieux et faible, il m’a chassé. Nourrir un chien sans dents, c’est gâcher de la nourriture, voilà ce qu’il m’a dit ! Je n’oublierai jamais ces mots. Ses gamins ne sont pas ici. S’ils l’étaient, j’aurais été le premier à les attra-per. »

    Bødvar lâcha un rire sec.

    « Tu es doué avec les mots, dit-il. Mais je ne te fais pas confiance, vieux renard. On va bien voir quel type de gibier mes hommes vont ra-mener.

    *

    Buri respirait avec difficulté. L’air moite sous la terre était étouffant. Il entendait vaguement les respirations de Signy et Regin à côté de lui, mais à part cela tout était silencieux. L’épais tas de feuilles mortes blo-quait les rayons du jour.

    Il fait aussi froid et sombre que dans une tombe, songea-t-il à mesure qu’une boule d’angoisse grandissait en lui. Après nous avoir tués, ces guerriers n’auront qu’à laisser nos dépouilles ici : nous serons déjà dans le royaume des morts.

    Ils se tenaient là devant lui, dans l’obscurité de la terre : les nombreux visages blêmes de ceux qui avaient quitté la lumière du soleil et gisaient à présent ici, condamnés à une raideur éternelle. Mais leurs yeux n’avaient pas perdu la faculté de voir : ils fixaient les trois enfants apeurés venus se réfugier au fond de cette cavité.

    « Les morts, chuchota Buri. Ils nous regardent. »

    Signy posa une main sur la bouche de son frère pour le forcer à se taire.

    « Chut ! » siffla-t-elle.

    Buri obéit. Signy tendit l’oreille, à l’affût du moindre bruit à l’extérieur. Le vent faisait bruisser les premières feuilles de l’amas re-couvrant leur cachette. Le chant de quelques mésanges leur parvenait, étouffé.

    Un geai criailla soudain à proximité.

    Signy se raidit et enroula instinctivement un bras autour des épaules de ses frères.

    Ils entendirent alors des voix.

    « Combien de temps est-ce qu’on doit encore s’amuser à fouiller le coin comme des imbéciles ? dit l’une. On perd notre temps.

    — Je sais bien, dit l’autre. Mais va dire ça à Bødvar.

    — Et le gros tas de feuilles là ? Il n’y a pas quelqu’un qui pourrait s’y cacher ?

    — Oui, des souris et des cloportes. Allez ramène-toi, on est en train de perdre les autres.

    — Attends, je vais quand même jeter un œil. »

    Signy retint sa respiration de pur effroi et serra les garçons fermement contre elle. Une lance se fraya un chemin entre les feuilles à plusieurs reprises. La pointe de l’arme cogna la chaussure de Signy.

    « Tu viens ?

    — Ouais, ouais, j’arrive. »

    Les deux voix s’éloignèrent. Signy poussa un long soupir. Buri et Regin se redressèrent légèrement. La panique relâcha progressivement son étreinte.

    Ils restèrent par la suite un long moment dans ce trou exigu, sans possibilité de s’étirer ou de se mettre debout. Regin avait une crampe à une jambe qui devenait de plus en plus douloureuse. Il essaya de la tendre un peu, mais la paroi du trou l’en empêcha.

    « Ils sont partis maintenant, chuchota-t-il. On peut sortir, non ? »

    Signy lui attrapa le bras d’une main ferme.

    « Qu’est-ce qu’on nous a dit ? dit-elle. De rester ici. »

    Regin ronchonna intérieurement. Mais il demeura assis.

    Ils entendirent enfin Grutte les appeler. Ils dégagèrent les feuilles, les yeux plissés à cause de la lumière intense du soleil.

    « Les hommes sont repartis, dit Grutte. Vous êtes hors de danger. Pour cette fois. C’est Hærulv qui a attaqué la ferme du roi. Vous avez…

    — Hærulv ! s’exclama Buri. Ulv – le loup ! Je le savais !

    — Que veux-tu dire ? demanda Grutte, interloqué.

    — Euh… C’était une vision dans mes rêves, bredouilla Buri.

    — Vous avez certainement déjà entendu parler de Hærulv, reprit Grutte. Lui et ses hommes constituent la pire bande de voleurs et d’assassins que cette terre ait jamais portée. Je les ai moi-même affron-tés quelques fois avant d’être trop vieux pour…

    — Grutte, l’interrompit Signy. Tu n’as rien dit par rapport à notre père. Est-ce que… ? »

    Grutte la fixa avec désarroi.

    « Il est… il est mort, c’est ça ? » murmura Signy.

    Grutte hocha la tête.

    « Il est tombé aux côtés de ses hommes, dit-il. Il est mort avec hon-neur et bravoure – bien que ça ne soit pour vous qu’une maigre consolation… »

    Signy pleura silencieusement ; ses larmes coulèrent abondamment le long de ses joues.

    Buri passa maladroitement un bras autour de sa sœur.

    Le visage de Regin devint complètement blême.

    « Vengeance ! gronda-t-il en serrant les poings. Hærulv doit mourir ! Je vais le découper en morceaux : d’abord ses mains, puis ses pieds, et enfin son horrible tête ! »

    Grutte attrapa Regin par les épaules avec fermeté.

    « Quand le temps sera propice, dit-il. Mais tu as encore un long che-min à parcourir. Tu dois apprendre à contrôler ton impulsivité, autre-ment elle risque de te jouer de mauvais tours. Et tu dois également ap-prendre à manier une arme. Cela vaut pour vous trois d’ailleurs . Nom-breux sont ceux qui souhaitent votre mort.

    — J’ai déjà appris à me battre avec une épée, protesta Regin.

    — Je n’en doute pas, dit Grutte. Mais tu n’as aucune chance face à un guerrier expérimenté. Cela nécessitera de l’entraînement. Un entraînement que vous pouvez recevoir ici ; même si je suis maintenant aussi gris qu’un blaireau, je n’ai pas oublié mes aptitudes guerrières. »

    Le soleil était bas à l’horizon lorsque Grutte et les enfants furent de retour à la hutte. Ils mangèrent en silence.

    Buri et Regin jetèrent de fréquents coups d’œil au fjord, dans l’espoir sûrement de voir leur père arriver à bord d’un navire. Ils ne parvenaient pas encore à concevoir que jamais plus il ne reviendrait.

    Une fois le repas terminé, Grutte sortit ses armes.

    « J’ai gardé leur lame tranchante, dit-il. Je ne pouvais tout de même pas les laisser rouiller… Ces épées m’ont fidèlement servi durant mes années au service d’Alrik. L’heure est maintenant venue pour elles de servir ses enfants. Vous êtes les derniers de sa lignée. Si vous mourez, il n’y aura plus personne pour le venger, vous devez par conséquent apprendre à vous défendre. »

    Les enfants acquiescèrent. Leur vie entière venait d’être bouleversée à jamais. Ils avaient déjà perdu leur mère plusieurs années auparavant, et à présent, ils devaient faire face à la mort de leur père. Ils leur

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