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Arnulf
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Arnulf
Livre électronique319 pages5 heures

Arnulf

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À propos de ce livre électronique

Arnulf. Arn pour l'aigle et Ulf pour le loup. Le jeune Viking est d'ailleurs aussi sauvage que les animaux qui lui ont donné son nom. Son rêve est de partir en voyage et prouver sa valeur, mais lorsque le bateau de Helge, son frère, revient au village avec un équipage ensanglanté, tous les projets d'Arnulf s'effondrent. Fou de chagrin, Arnulf se rend coupable d'un crime et doit fuir pour sa vie en compagnie d'un esclave norvégien. Son périple sera dangereux, dramatique et tumultueux. Il pillera, rencontra des rois et livrera de violentes batailles avant que son chemin ne croise finalement les Vikings de Jomsborg. Il lui sera difficile de trouver sa place parmi ces guerriers si impitoyables et féroces qui ne connaissent que la voie de la guerre et méprisent la faiblesse. Plongez dans cette épopée grandiose de l'ère viking – une époque où les liens avec la famille et les amis sont primordiaux et où de rudes choix attendent celui qui désire survivre.Premier tome de La Saga d'Arnulf – une saga haletante et saluée par la critique.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie2 déc. 2022
ISBN9788726848502

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    Aperçu du livre

    Arnulf - S. C. Pedersen

    S. C. Pedersen

    Arnulf

    SAGA Egmont

    Arnulf

    Traduit par Julien Degueldre

    Titre Original Arnulf

    Langue Originale : Danois

    Copyright © 2005, 2022 S.C. Pedersen et SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788726848502

    1e édition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l’accord écrit préalable de l’éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu’une condition similaire ne soit imposée à l’acheteur ultérieur.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d’Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d’euros aux enfants en difficulté.

    Nos biens meurent, la famille meurt

    Nous aussi, un jour viendra notre heure

    Mais une chose, je le sais, jamais ne meurt

    Le jugement qui attend chacun le dernier jour

    Nos biens meurent, la famille meurt

    Nous aussi, un jour viendra notre heure

    Mais la gloire jamais ne meurt

    Si on la gagne avec honneur

    Ce livre est dédié à mes enfants adorés Ragnhild, Asbjørn, Sigrid et Hjørdis.

    Remerciements

    Mes plus grands remerciements vont à l’historien Kåre Johannessen, pour son enthousiasme et son impressionnante connaissance du monde viking. Ses réponses complètes et détaillées à mes moindres questions m’ont été d’une aide inestimable. Merci pour ton soutien constant et sans faille !

    Un énorme merci empli de respect pour la troupe de combattants vikings Ulfhednir pour m’avoir aidée à trouver l’inspiration pour les scènes de bataille. Un remerciement tout particulier à Peter Marius Stampe et Christoffer Cold-Ravnkilde qui ont gentiment accepté de partager avec moi leur expérience de guerriers et leurs connaissances en matière de batailles et de stratégies de guerre, grâce auxquelles il fut aisé de décrire Jomsborg.

    Je remercie également le maître scalde Rune Knude, qui a levé le voile de mystère entourant les secrets de la poésie scaldique et m’a permis de goûter à l’hydromel de Suttungr.

    Un grand et chaleureux merci au jomsviking Bjarne Dahl.

    Je remercie chaleureusement le dessinateur Louis Harrison, qui a dessiné la tête de loup d’Arnulf.

    Enfin, un dernier merci – mais non le moindre – à mon époux bien-aimé pour la confiance et la place qu’il nous a réservées, à moi et à ma plume fougueuse.

    Arnulf s’arrêta au sommet de la colline et observa le détroit. Le ciel était encore teinté de rose là où le soleil avait plongé sous l’horizon et la mer ondulait paisiblement. Un banc de poissons étincelait sous la surface. Arnulf scruta intensément le moindre trait d’écume au loin : aucun bateau ne viendrait perturber la quiétude du détroit ce soir. Il soupira. Une brise tardive chuchotait entre les brins d’herbe printaniers alors que l’obscurité sortait discrètement de la forêt derrière le village. Un chien aboyait et Aslak, le constructeur de bateaux, criait sur la plage des ordres à ses apprentis, dont les haches produisaient un sifflement qui venait s’étouffer dans le bois de la quille – du chêne fraîchement abattu. La potée du soir bouillait dans les marmites, tandis qu’autour des maisons, les gens vaquaient aux dernières tâches de la journée. On finissait de ranger tissus et paniers, de couper le bois pour le feu ou de mettre à sécher la pêche du jour. Dans sa forge, le forgeron apportait les dernières touches au tranchant d’une hache. De jeunes garçons taquinaient avec leurs épées en bois des filles sortant de la réserve les bras pleins de morceaux de viande. Finn l’Arc, de retour de la chasse avec trois lièvres sur l’épaule, donnait en passant une claque sur les fesses de sa femme. Trud, les poings sur les hanches, grondait son plus jeune esclave avant de reporter sa fureur sur le vieil Olav qui tentait de s’interposer avec des gestes apaisants, laissant filer l’esclave tête basse. Personne ne semblait se hâter de rentrer manger ; ce soir-là l’air était doux, enivrant, et le vert des nouvelles pousses calmait les esprits après un hiver froid et gris.

    Arnulf chassa une longue mèche de cheveux de son visage, plissa les yeux. Il était trop tard : Helge ne viendrait plus à présent. Après un été de pillages, il ne choisirait pas de rentrer furtivement sur les eaux sombres de la nuit. Il attendrait le jour : le soleil ferait alors scintiller les cottes de mailles et la lame des armes et illuminerait de ses rayons les richesses qu’il rapporterait. Il se tiendrait droit et digne à la proue de son bateau, rejetterait d’un geste noble sa cape en arrière et ouvrirait ses bras garnis de lourds bracelets d’argent. Il crierait fièrement le nom de son père et Stridbjørn serait là pour l’accueillir, avec de larges cornes en bronze remplies d’hydromel, afin de trinquer avec son fils dès qu’il mettrait pied à terre. Helge saluerait ensuite Rolf d’une embrassade avant de soulever sa mère en l’air comme une plume, tandis que toutes les femmes du hameau l’observeraient en rougissant, les yeux remplis d’étoiles. Les enfants se rassembleraient autour des guerriers revenus au bercail, admireraient leurs trésors et leurs nouvelles cicatrices. Les esclaves s’affaireraient pour préparer le festin et rires et chants résonneraient dans la somptueuse demeure de Stridbjørn. Helge s’installerait à table pour décrire cette saison de raids et les jeunes enfants trembleraient de peur auprès de leur mère en écoutant ses histoires. Après que tous les convives se seraient endormis, ivres, le ventre rempli de viande et de bière, Helge se tournerait vers Arnulf et tendrait sa main droite, celle de son épée, pour qu’ils s’affrontent au bras de fer en se dévisageant férocement. L’année dernière, Helge avait jugé la poigne d’Arnulf vigoureuse pour le printemps suivant. Il avait en outre promis de lui rapporter une bonne épée.

    Encore un soupir. Mais tout cela ne serait pas pour aujourd’hui non plus ! Le séjour hivernal d’Helge chez le roi s’éternisait, mais jamais auparavant un homme de la famille de Stridbjørn n’y avait personnellement été invité. Or, Helge devait veiller à sa réputation, accroître sa renommée. La saison des neiges était depuis longtemps terminée, agneaux et veaux tétaient à présent le lait de leur mère dans les champs ; jamais un hiver n’avait paru à Arnulf aussi long et déprimant.

    Une mouette poussa un dernier cri en survolant les vagues. Il suivit l’oiseau du regard et sentit à son appel le sang bouillir dans ses veines. La mer. La mer l’appelait. Des lames d’eau salée déferlaient dans ses membres et le tourmentaient sans relâche, sans lui laisser une seconde de calme. Il aurait seulement voulu s’arracher le cœur pour le lancer loin dans les eaux de la marée montante, pouvoir chevaucher la tempête qui l’emmènerait loin de tout, du rivage et de ces grands oiseaux marins. Les mouettes criaient fort en ce début de printemps. Elles allumaient un brasier dans le cœur des intrépides en quête d’aventures, elles appelaient au courage et à la détermination, proclamaient que c’était à présent le tour d’Arnulf de parcourir la mer. Il serra fermement les poings. Avec Helge, il prendrait le large et tournerait le dos au détroit d’Egilssund – oui, avec Helge !

    Arnulf ferma les yeux, les narines dilatées. Le sel rendait l’air piquant, une force parcourait la terre et les racines, son cœur battait intensément. Il s’apprêtait à rebrousser chemin quand il aperçut Frejdis parmi les vaches dans le pré salé de l’autre côté de la colline. Elle lui tournait le dos. Accroupie, elle trayait d’une main experte une vache qui n’avait qu’une corne. Ses cheveux blonds tombaient derrière elle telle une cascade dorée. Elle avait retroussé ses manches jusqu’aux coudes et le bas de sa robe jusqu’à ses genoux pour ne pas salir ses vêtements avec des éclaboussures de lait. Arnulf sourit, l’esprit tout de suite plus guilleret. La joue de Frejdis était collée au flanc tacheté de la vache. La peau de la jeune femme, pâle après ce long hiver, contrastait avec le vert de l’herbe fraiche. Arnulf pouvait discerner les rondeurs de ses hanches sous sa robe et sentit une chaleur envahir son entrejambe. Impossible de regarder Frejdis sans que son membre viril se dresse aussi droit que la lance du puissant Odin ! Freya devait avoir prodigué à Frejdis de telles hanches uniquement pour inciter les hommes à les agripper !

    Plutôt que de rentrer, Arnulf contourna dès lors la butte en courant d’un pas souple pour la rejoindre. Frejdis ne l’avait pas vu. Le vent soufflait fort sur le pré et les vaches mastiquaient bruyamment : il put se faufiler discrètement sans qu’elle l’entende arriver. Elle fredonnait. Il reconnut la mélodie, car il l’avait lui-même composée. La robe de Frejdis avait glissé, dévoilant presque complètement son épaule, et le sang d’Arnulf pulsa de plus belle sous sa ceinture. Sa peau douce et fragile n’avait pas encore beaucoup vu le soleil printanier. Il n’existait pas de peau plus délicate que celle de Frejdis ! En comparaison, même le duvet de cygne était rêche. Il s’accroupit. La vache tourna sa tête et son unique corne vers lui, perplexe ; Arnulf bondit tel un lynx, avant que l’animal ne trahisse sa présence.

    Frejdis lâcha un cri de stupeur au moment où il agrippa ses épaules. Ils tombèrent dans l’herbe ; le seau de lait se renversa sur les jambes nues de Frejdis. Il la pressa contre le sol. Elle se débattit, mais il bloqua ses bras sans peine. Frejdis le foudroya du regard, dégagea une mèche de ses yeux d’un mouvement de tête rageur et tenta de s’échapper :

    — Lâche-moi, espèce de vermine excitée !

    Arnulf gloussa et s’installa à califourchon sur le corps chaud et agité de sa prisonnière :

    — J’ai eu une soudaine envie de lait !

    — Tu es fou à lier ! Regarde, tu as renversé tout le lait ! Lâche-moi sur le champ !

    Elle voulut se redresser pour le mordre, mais en vain, incapable de faire autre chose que souffler furieusement. Arnulf relâcha son étreinte et son regard tomba sur le décolleté de la robe, qui dévoilait les belles rondeurs de la poitrine de Frejdis. Il tendit les doigts vers ses seins, mais Frejdis écarta la main baladeuse d’une claque :

    — Tu es lourd et tu m’empêches de respirer : bouge-toi !

    — Je deviens fou chaque fois que je te vois !

    — Tu es né fou, Arnulf fils de Stridbjørn !

    Frejdis essaya de le repousser de toutes ses forces.

    — Sens comme je suis dur !

    Arnulf se tortilla dans l’herbe et pressa son bassin contre elle. Frejdis se redressa et l’écarta :

    — Tu as certes du sang d’étalon dans les veines, mais ça ne fait pas de moi ta jument !

    Il attrapa le pied de Frejdis d’une main ferme et lécha le lait qui coulait sur sa cheville :

    — Il arrive qu’un jeune étalon monte une jument qui s’est éloignée du troupeau !

    Frejdis secoua son pied pour le libérer, mais Arnulf tint bon. Il remonta avec sa langue jusqu’au genou.

    — Je ne me suis pas éloignée du « troupeau » ! grogna Frejdis. J’étais en train de traire jusqu’à ce que tu renverses la moitié de mon seau ! Ma mère va être furieuse ! Ça suffit maintenant ! Imagine que quelqu’un nous voie… Ton frère par exemple.

    Arnulf suça avidement les gouttes de lait sur la peau de Frejdis et mordilla ses hanches fermes :

    — Mon frère ? Son bateau n’est toujours pas revenu.

    Frejdis empoigna les cheveux d’Arnulf et lui tira la tête en arrière pour le décoller de sa jambe.

    — Pas Helge, andouille. Ton autre frère, Rolf.

    Arnulf se libéra et ses doigts explorèrent maintenant le creux des genoux de Frejdis :

    — Tu veux dire mon frère, ce grand paysan responsable, respectable et ennuyeux ? Qu’il aille rejoindre la déesse Hel en enfer !

    — Arnulf !

    Elle toisa Arnulf d’un air accusateur, mais sa main caressa tendrement les cheveux de son ami :

    — Tu n’es pas le seul à avoir des vues sur moi, tu le sais, n’est-ce pas ?

    Arnulf soupira avant de se laisser retomber sur le dos. Il fronça les sourcils et entama un poème scaldique à voix basse :

    Les fils de Stridbjørn

    Frères tous deux fiers

    L’un de son épée

    L’autre de son blé

    L’ours gris

    Agressif grogne et gronde

    Le dernier fils

    Transforme malheur en valeur

    Ami du sauvage

    Sans limites, chevauche

    Sur un lointain chemin

    À l’occasion chafouin

    Il est voleur d’honneur

    Qui toujours vole seul

    Frère des loups

    En fuite partout

    — Arrête un peu !

    Frejdis s’allongea sur le ventre à côté de lui et Arnulf attrapa l’une des mèches de la jeune femme. Il fit glisser les longs cheveux entre ses doigts et roula contre elle pour enfouir son visage dans sa chevelure dorée.

    — Sais-tu que ta beauté est une offense pour les dieux ? Freya elle-même ne possède pas de tels cheveux, de tels yeux turquoise ou des jambes aussi fermes !

    Elle rit et reprit ses cheveux d’entre ses doigts :

    — Tu es vraiment sot ! Ton père a bien raison d’être fier d’Helge et de Rolf : peu d’hommes peuvent se vanter d’avoir de si bons fils. S’il est fâché contre toi, c’est de ta faute. Il n’y a même pas deux jours encore, tu as ruiné sa meilleure monture en la faisant galoper trop longtemps.

    Arnulf s’appuya sur les coudes et arracha une brindille :

    — Cet animal avait besoin d’exercice après l’hiver.

    — Tu as aussi cassé une charrue !

    — C’est juste que mes bras sont trop puissants pour ce travail d’esclave !

    — Tu as également laissé des moutons pâturer librement sans surveillance !

    — Ce n’est pas digne d’un homme de garder des moutons, c’est une tâche pour les gamins. J’ai à présent seize printemps et quand Helge reviendra, il prendra les commandes de son nouveau navire et m’emmènera.

    Arnulf chatouilla la gorge de Frejdis avec un brin d’herbe. Elle l’attrapa avec ses dents :

    — Contre la volonté de ton père !

    — Stridbjørn m’appelle Veulf, le loup du malheur, et Veulf je resterai ! Depuis quand est-ce que je me plie à sa volonté ? Il devrait plutôt se réjouir : grâce à son fils ainé, son cadet va peut-être finir tranché en deux.

    Frejdis lâcha le brin d’herbe et lui adressa un regard sombre :

    — Arrête de dire des choses pareilles ! Helge sélectionne les hommes pour partir en raid depuis maintenant plusieurs printemps. S’il t’emmène, c’est parce qu’il t’en juge digne.

    Arnulf sourit et se recoucha. L’herbe était trempée par la rosée du soir ; même si l’air était doux, la terre restait froide. Un long moment, son regard fixa au loin les nuages roses qui naviguaient à travers le ciel tels de l’écume. Frejdis posa son menton sur la poitrine du jeune homme, et lui demanda sur le ton de la confidence :

    — Il t’a beaucoup manqué durant cet hiver, n’est-ce pas ? C’est la première fois qu’il est absent aussi longtemps.

    Arnulf tourna son visage vers elle. Si Helge lui avait manqué ? À tel point que l’attente lui avait gelé les os ! Cela faisait presque un an à présent. Helge était juste rentré quelques jours en automne pour tout de suite repartir en mer pour tenter de vendre quelques biens pillés avant de mettre le cap vers la cour du roi.

    — Rolf a toujours fait ce que mon père lui demandait et ma mère l’aime, car il préfère être paysan et berger plutôt que de prendre la mer et se battre, mais le monde ne s’arrête pas aux champs et à la viande. Je veux partir, Frejdis ! Quitter cet endroit ! Je veux voyager, tenter ma chance au large, rafler les trésors et les honneurs !

    Ces mots attisaient sa soif d’aventure, telle une tempête printanière.

    — Des trésors, Helge en a déjà rapporté suffisamment à ton père, répondit Frejdis d’une voix douce.

    Arnulf jeta un coup d’œil aux poignets blancs de la jeune fille et sentit de nouveau le désir monter en lui. Ses doigts caressèrent le bras de Frejdis :

    — De quoi Rolf t’a-t-il parlé la dernière fois que vous vous êtes vus ?

    Elle rit et ramena son bras contre elle.

    — Rolf ? On a simplement discuté. Il m’a montré ce qu’il fait et m’a expliqué ses projets pour les cultures et le bétail. Il a de l’or entre les mains.

    — Attends, je vais te montrer, moi, quelque chose qui te fera oublier Rolf et ses petites graines !

    Arnulf saisit la main de Frejdis et la posa sur son sexe dur.

    — Ah, Arnulf, tu ne penses vraiment qu’à ça !

    Arnulf répondit, excité :

    — Touche-le, et tu ne penseras plus jamais à mon frère !

    Frejdis renâcla, mais s’exécuta. Arnulf ferma les yeux et soupira de plaisir, lorsque la main de Frejdis se glissa sous sa tunique et son pantalon. Elle acquiesça en souriant :

    — Pas mal. Mais ça ne fait pas germer les graines et ne rapporte pas richesses et prospérité à son retour de mer.

    Arnulf rétorqua tout bas :

    — Rapproche-toi, je vais te montrer ce qu’il peut faire germer ! Tu ne t’ennuieras jamais avec lui, ce qui serait sûrement le cas avec un certain type qui ne pense qu’aux socs de ses charrues et à ses têtes de bétail !

    Il empoigna la cuisse nue de Frejdis et sa main se faufila sous sa robe. Ses doigts pétrirent durement la fesse tendre.

    — Aïe, tu pinces !

    Arnulf lâcha prise et tritura la boucle de sa ceinture. Frejdis roula sur le côté :

    — Garde ton pantalon ! Grim a sûrement bientôt fini de manger et il va venir ici pour surveiller les bêtes cette nuit. Il nous verrait à coup sûr !

    — Un esclave qui colporte des commérages, on lui arrache les yeux. Grim n’osera pas cafarder !

    Frejdis tira sa robe jusqu’à ses chevilles et Arnulf abandonna :

    — Très bien, mais promets-moi que tu me suivras demain en forêt ! Je t’amènerai à une lisière que même les animaux ne connaissent pas.

    Frejdis sourit des yeux, mais secoua la tête :

    — J’ai froid, il fait encore un petit peu trop frais pour se tortiller dans l’herbe, et n’étais-tu pas censé aider Aslak à terminer son nouveau knarr demain ?

    Arnulf haussa les épaules, indifférent :

    — Il peut bien se passer de moi. Cela fait des mois que je travaille dur pour lui sur le nouveau bateau d’Helge. Mais travailler sur un knarr? Un bateau marchand ? Un knarr ne rapporte aucun honneur.

    — Aucun honneur ? L’argent reste de l’argent, qu’on l’obtienne en pillant ou en commerçant !

    Frejdis se remit debout et se dirigea vers la vache à une corne qui entretemps s’était éloignée plus haut sur la colline. Le balancement de ses hanches lorsque Frejdis marchait était enivrant. Arnulf se redressa d’un bond et la suivit avidement. Ces hanches, il devait les attraper ! Leur danse l’appelait, l’invitait, il ne pouvait pas leur résister.

    — Un bateau ! Un bateau ! Un bateau, là ! Frejdis ! Arnulf ! Il y a un navire qui arrive !

    Le petit Ivar faisait de grands gestes, là-haut, sur la colline, et pointait du doigt avec insistance le détroit. Il fila en courant.

    Le cœur d’Arnulf s’emballa. Son sang fusa si fort dans ses veines qu’il en eut le vertige. Helge ! Helge était de retour ! Il croisa le regard pétillant de Frejdis et éclata de rire avant de lâcher un cri de joie aigu en bondissant en l’air.

    — Allons-y, Arnulf !

    Frejdis semblait avoir complètement oublié sa vache. Elle saisit la main d’Arnulf qui se mit à courir tellement vite qu’il fut obligé de la tirer. Il lui serra la main de toutes ses forces, comme s’il concourait déjà avec Helge au bras de fer – si fort qu’elle gémit. Du haut de la colline, il vit que l’obscurité était sur le point d’engloutir le détroit, mais les voiles en laine couleur ocre du bateau d’Helge transperçaient le noir, comme une étoile à travers les flots. Sur la plage, les villageois s’amassaient, fébriles. Cris et rires résonnaient dans l’air. Les femmes, qui avaient dû s’en sortir sans leur époux pendant si longtemps, se frayaient un passage dans la foule. Les enfants jubilaient et faisaient de grands signes en direction du navire en tentant d’apercevoir, voire de reconnaître, en dépit de la pénombre croissante, leur père ou un autre membre de la famille.

    La tension était insoutenable, et beaucoup priaient tout bas, car les hommes ne rentraient pas toujours de leur voyage – ou du moins pas en bonne santé et en un seul morceau.

    Stridbjørn avançait avec détermination. Il arriva à grandes enjambées via un chemin couvert de planches en bois menant à la mer. Il était vêtu de sa plus belle tunique brodée et d’une cape cérémonielle d’un rouge étincelant. Sa longue barbe, soigneusement tressée, descendait jusqu’à sa poitrine et son cou arborait une large chaine en argent : il souhaitait accueillir Helge comme il se devait. Il tenait dans ses mains les deux cornes en bronze poli remplies à ras bord d’hydromel, alors que les autres hommes lui assénaient des claques dans le dos en riant. Quand Helge, fils de Stridbjørn, revenait au bercail, l’heure était au festin, pour sûr ! Un festin dont personne n’aurait à se plaindre vu la richesse de Stridbjørn. Une richesse qu’il devait aux trésors que son fils ramenait et partageait généreusement avec sa famille. Trud, quant à elle, s’était débarrassée de sa tenue en laine brune pour enfiler une robe bleue et festive, garnie de broches en argent. D’imposants colliers d’ambre décoraient sa poitrine tandis que de lourds bracelets entrelacés cliquetaient autour de son poignet. Aucune femme dans le hameau n’était plus majestueuse que Trud. Stridbjørn lui sourit et brandit les cornes. Arnulf, lui, ne se préoccupait pas le moins du monde de son apparence. Qu’importe que sa tunique soit blanche ou grise – il voulait juste voir Helge revenir ! Quel dommage cependant qu’il rentre si tard ! La nuit serait tombée avant que les rôtis ne soient enfin bien tendres – pas de potées ce soir, les esclaves pouvaient les avoir.

    Les apprentis d’Aslak, le constructeur de bateaux, allumèrent les torches. Trud vint se tenir fièrement aux côtés de Stridbjørn en faisant tinter les clés accrochées à sa ceinture. Des hommes agitèrent des torches à bord du navire en guise de réponse. Même si l’obscurité s’épaississait à mesure que le navire se rapprochait, la voile dorée du bateau brillait tel un clair de lune.

    Rolf se joignit tout sourire à Stridbjørn et Trud en caressant sa barbe clairsemée d’un geste impatient. Stridbjørn lui tendit l’une des deux cornes pour libérer un de ses bras. Rolf aussi s’était débarrassé de ses vêtements de travail, et même débarbouillé rapidement, car si Helge ne lui avait certainement pas autant manqué qu’à Arnulf, il se réjouissait chaque fois d’accueillir son frère si estimé. Le feu des torches sur la plage se reflétait sur les bijoux de bronze et dans les regards émus. Arnulf sentit Frejdis s’appuyer contre lui ; il passa son bras autour d’elle pour la serrer fermement contre lui. Quel bonheur de la tenir ainsi ! C’était en outre une bonne chose qu’Helge les vît ainsi quand il mettrait pied à terre. Pouvait-on rêver meilleur endroit où poser son bras que la taille d’une femme aussi douce et attirante ? Plus tard, à son propre retour de raid avec Helge, Arnulf irait voir le père de Frejdis pour étaler sur la table les trésors qu’il aurait obtenus lors de son périple. Il prouverait ainsi qu’il était capable d’entretenir sa fille. La main de Frejdis lui appartiendrait. Il veillerait à ce que Stridbjørn défende sa cause, même si pour cela il devait préalablement menacer son vieux loup de père de l’étrangler avec sa barbe grise ! Arnulf sourit. Certes, les gens du village le regardaient de travers à cause de son caractère impulsif et de ses actes inconsidérés, mais il prouverait bientôt sa vraie valeur lors d’un pillage : ils apprendraient alors à le respecter. Frejdis ne manquerait de rien ! Il acquerrait autant de colliers en or et en ambre qu’il serait possible d’en accrocher au cou de sa bien-aimée et sa réserve déborderait de viande de bétail et de gibier ! Des esclaves, elle en commanderait une légion, si bien que ses tâches de la journée se résumeraient à peigner sa chevelure blonde et à partager ses charmes avec lui. Ils finiraient chaque soir allongés sur une peau d’ours près du feu.

    — Tu ne rejoins pas ta famille pour souhaiter la bienvenue à ton frère ?

    — Si.

    Arnulf se tourna vers elle pour lui serrer le visage entre ses mains. Il voulait lui dire combien il était heureux de revoir Helge, décrire ses sentiments pour elle, se confier à elle. Tout son corps tremblait. Il voulait crier, bondir, mais finalement, il décida d’embrasser Frejdis avec une telle fougue que celle-ci vacilla, le sourire aux lèvres. Il s’écarta d’elle brusquement, dévala la pente jusqu’à la plage, s’avança dans l’eau, dépassa tous les autres, et enfin atteignit l’endroit, sur la plage, où le bateau était censé accoster.

    — Ah, enfin te voilà !

    Rolf tendit le bras pour taper dans la main de son frère, ce qui indiquait qu’il était de bonne humeur. Il tapait toujours en espérant que cela fasse mal, il voulait voir Arnulf ramener sa main contre lui en gémissant. Cette fois cependant, son petit frère ne broncha pas, ce que Rolf ne manqua pas de remarquer.

    — Il a grandi, le poulain ! As-tu préparé un chant pour ton frère ? Chanter, ça au moins tu sais faire !

    Stridbjørn ébouriffa les cheveux de son cadet. Aujourd’hui, il était fier de chacun de ses fils. Arnulf ne répondit rien, préférant observer le navire. L’équipage venait d’affaler les voiles et le bateau était proche à présent. Tellement proche qu’Arnulf commençait à reconnaitre les hommes à bord et à distinguer le bruit rythmé des rames. Frejdis le rejoignit, rouge et essoufflée. Le navire flottait sur les eaux, fier comme un aigle, mais la tête de dragon dorée ornant habituellement la proue avait été retirée. La silhouette se tenant debout à l’avant était plus large que celle d’Helge. Arnulf plissa tant les yeux que des larmes flouèrent sa vision. C’était Halfred, le second d’Helge. Arnulf se mordit la langue et ses joues devinrent exsangues. Où était Helge ? Pourquoi Halfred se tenait-il là à sa place au lieu de tenir le gouvernail ? Helge était-il resté auprès du roi ? Pourquoi n’était-il pas rentré ? Le roi avait tout de même eu suffisamment le temps de s’entretenir avec lui. La déception serra le cœur d’Arnulf d’une main glacée tout en instillant subrepticement l’angoisse dans son esprit.

    Halfred

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