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Les 5 derniers dragons - Intégrale 4 (Tome 7 et 8)
Les 5 derniers dragons - Intégrale 4 (Tome 7 et 8)
Les 5 derniers dragons - Intégrale 4 (Tome 7 et 8)
Livre électronique461 pages6 heures

Les 5 derniers dragons - Intégrale 4 (Tome 7 et 8)

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À propos de ce livre électronique

Un vent malsain

Les porteurs de dragon sont à la limite de leur temps et un rien semble les contrarier. En plus de ce vent malsain qui souffle, ils devront affronter un océan qui se lézarde comme à tous les printemps lors d’un dégel normal et attendu. Pendant qu’Andrick essaie de calmer les porteurs et le reste de l’équipage, la princesse Launa, à Dorado, craint un malheur pour ses deux dragonneaux noirs. Là aussi, un vent malsain flotte dans les airs du pensionnat ainsi qu’au château Mysriak. Fort heureusement, Frankie Dévi veille au grain. Toutefois, Pacifida aura toutes les misères du monde à contenir l’excitation de sa classe lorsqu’une séance de dressage des jeunes dragons est annoncée. De multiples surprises et rebondissements s’annoncent à l’horizon avec Launa et ses dragons ainsi qu’avec Spino, ce fougueux dragon rouge aux intrigues amoureuses compliquées. Ce dernier donnera du fil à retordre à Andrick et à sa porteuse.

Le destin de Rajni

Jamais les porteurs de dragons n’auront été si près d’acquérir cette précieuse liberté. Pourtant, une hantise obsède Inféra, l’image de Waldo possédé par le diable. Elle craint que cette entité soit encore là, à la Terre d’Achille. Andrick fait tout pour la calmer, mais Arméranda le ramène à la réalité. D’une voix grave, elle déclare: «Elle a raison. Cette entité n’est peut-être pas partie après tout. Nous n’avons rien fait pour nous en assurer.» C’était la triste vérité. Satan nourrissait l’espoir de diriger d’une main de fer son empire infernal, mais sa confiance envers Belzébuth s’effritait puisqu’il n’avait pas réussi
sa dernière mission : celle de construire une tour de 666 mètres. Aussi, Belzébuth ajoutera deux promesses pour adoucir la colère de son princ : celle d’un suppôt, Rajni, l’enfant de Purnima, et le chaos à Nourem. Pour ce faire, Belzébuth a pris possession d’un dragon, mais la bête est loin d’être docile. Réussira-t-il à la contrôler et à accomplir ses actes funestes ou les chevaliers du Dragon rouge réussiront-ils à contrecarrer ses projets peu édifiants? Vous le saurez en suivant les nouvelles péripéties de la troupe sur le chemin du retour.
LangueFrançais
Date de sortie21 avr. 2020
ISBN9782898080968
Les 5 derniers dragons - Intégrale 4 (Tome 7 et 8)

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    Aperçu du livre

    Les 5 derniers dragons - Intégrale 4 (Tome 7 et 8) - Danielle Dumais

    UN VENT MALSAIN

    CHAPITRE 1

    UN SENTIMENT PARTAGÉ

    Tôt le matin de la quatrième semaine de juin, la troupe composée du couple Brian et Yuka, des porteurs de dragon Talfryn et Inféra, des jumeaux Andrick et Nina et enfin d’un rat magicien, du nom de Picou, avait quitté la Cité de glace, une ville située sur le continent Kinuit, pour se diriger vers un continent plus au sud du nom d’Alphard. L’humeur était à la fête, et la belle Inféra avait crié un joyeux :

    — Et c’est parti !

    Au début de l’après-midi, le groupe atteignit la limite sud de ce continent. Les rayons chauds d’été dardaient sur la couverture enneigée des terres de ce continent nordique pour chasser toute trace d’un indésirable, l’hiver. Malgré cette lutte incessante entre la fin du printemps et le début de l’été, la froidure n’avait pas dit son dernier mot. À certaines occasions, avant de quitter les lieux définitivement, elle revenait avec une force surprenante, une ultime fois, comme pour prouver qu’elle serait de retour à nouveau pour de longs et pénibles mois. De sa large cape de vent, de frimas et de neige, la froidure venait anéantir les ardeurs timides et naissantes des poussées embryonnaires de la flore et tentait de chasser la verdure, du moins pour un certain temps, avant l’arrivée triomphale de l’été et la renaissance de la vie végétale.

    Pour l’instant, la dame au manteau blanc s’avérait discrète. Partout, la neige et la glace fondaient à une vitesse incroyable en émettant des petits sons cristallins. Quelques ruisseaux s’étaient formés ici et là et serpentaient au milieu des vallons pour créer leur chemin jusqu’à la mer. La vie endormie d’un sommeil provoqué par la glaciation reprenait ses droits. Quelques touches ici et là de fuchsia, de caramel et de vert lime annonçaient une reprise encore craintive de la croissance de la végétation.

    L’océan Hyperbore s’étalait devant eux. Cette surface glacée monolithique d’un blanc uniforme d’il y a quelques semaines s’était effritée et se présentait comme d’énormes pièces de puzzle ballotant sur une mer houleuse. Des lézardes bleuâtres et mouvantes s’agrandissaient et s’amincissaient au gré du vent et des déplacements de ces banquises.

    La troupe survola les étonnants blocs de glace se soulevant et s’entrechoquant avec force et fracas au rythme des flots. Dans ce brouhaha, les bruits formaient une suite de sons comme une sorte de mise en garde aux nouveaux venus. « N’approchez pas ! » semblaient dire les voix de la mer. « N’essayez même pas de poser un pied sur nous sinon vous courez le risque de vous noyer. » Les glaces se fracassaient comme un claquement de mâchoires, et des éclaboussures blanchâtres se projetaient dans les airs en créant des spectres de la mort.

    Pourtant, il était impérieux de traverser cette grande étendue d’eau dès que possible. Brian fit accélérer sa bête et prit les devants. Il survola un peu plus de 10 kilomètres en espérant y découvrir au loin une banquise plus grande, plus stable et plus sécuritaire permettant de s’y poser afin de récupérer de l’énergie suite à cette portion d’un périlleux et exténuant trajet. Aucune ne présenta ces caractéristiques, et il en déduisit qu’il n’y en aurait pas davantage plus loin. L’heure tardive et la distance à parcourir firent craindre à Brian — bien que l’intention collective de la poursuite du voyage soit louable — que cette traversée était trop risquée. Penaud, il fut le premier à revenir sur ses pas et à intervenir. Il indiqua par un grand geste l’obligation pour tous d’atterrir sur la terre ferme.

    — Faisons halte, cria-t-il du haut de sa monture.

    Yuka, la conjointe de ce dernier, avait soupiré de résignation. Oh ! comme elle regrettait à l’heure actuelle d’avoir omis la consultation de ses astrologues Renan, Auguste et Damien avant son départ. Eux auraient pu la prévenir de ce que les cieux lui réservaient. En cette période de l’année, un vent cinglant du nord peut s’abattre et transformer une journée ensoleillée en une violente tempête de neige durant quelques instants ou même des jours. Elle craignait ce revirement de situation dans un avenir immédiat. Elle essaya de chasser cette pensée noire et suivit l’ordre de Brian de revenir sur ses pas.

    Obéissants, les quatre autres dragnards firent demi-tour et se posèrent sur la rive. Une pointe de déception se lisait sur les visages des voyageurs déçus de cet arrêt jugé prématuré. Brian mit un genou à terre et observa les mouvements des glaces. En se relevant, il déclara d’une voix grave :

    — Nous partirons très tôt demain matin. Il y a des chances qu’un froid sibérien fige les banquises durant la nuit !

    Andrick fut le premier à soupirer très fort et à se demander ce qu’il pouvait bien faire en attendant. Le temps était frais, et le soleil, radieux. Il fit de son mieux pour se trouver une occupation intéressante. Il prit un bâton et commença à dessiner des formes dans la terre à demi dégelée. Il ne traça rien qui vaille. Il délaissa vite cette activité artistique peu fascinante à son goût.

    Qui dit oisiveté dit aussi commérages et autres vices. Picou, lui aussi en panne d’inspiration pour un quelconque divertissement, se rapprocha d’Andrick et grimpa sur l’épaule de son compagnon. Ils observèrent les déplacements de l’un et de l’autre et, plus particulièrement, ceux des deux porteurs de dragon à l’écart du groupe.

    — Bon, encore ces deux-là. Ils ne se lâchent pas d’une semelle et se chuchotent constamment des mots doux à l’oreille, fit remarquer Andrick qui regardait intensément Inféra et Talfryn marcher à une centaine de mètres de lui.

    — Ouais, toujours la main dans la main, s’apitoya Picou assis sur l’épaule d’Andrick. Et dire que j’ai vécu avec elle plus de 150 ans et, maintenant, elle ne daigne même plus me regarder, c’est comme si je n’existais plus. C’est comme ça qu’elle me remercie, moi qui ai consacré ma vie à la protéger sous la forme d’un rat.

    — C’est incroyable, c’est comme si nous n’étions plus que des vers de terre, renchérit le jeune magicien.

    Celui-ci chassait de temps à autre des moustiques virevoltant près de lui.

    — Mais qu’est-ce que c’est ça ? Il y en a des dizaines qui tournoient autour de nos têtes.

    En ce début d’après-midi, degré par degré, la chaleur montait. Elle frôlait maintenant les 10 °C. En plus d’apporter un confort indéniable, elle avait fait sortir d’une profonde léthargie des insectes inactifs jusqu’alors. En se réveillant, ces piqueurs furent attirés par le groupe de personnes et d’animaux à sang chaud. Bien vite, un nuage de moustiques, qui se trémoussaient avec leurs ailes naissantes, se forma à l’horizon. Au fur et à mesure que la température augmentait, leur nombre croissait. Le son aigu provoqué par les battements d’ailes de ces maringouins, en plus de leurs piqûres, commença à les mettre sérieusement à l’épreuve.

    Inféra en avait écrasé un qui s’acharnait à lui tirer le sang derrière l’oreille, puis un autre dans le cou. Elle essaya de les chasser en agitant son bras comme les ailes d’un moulin à vent. Peine perdue car, aussitôt qu’elle arrêtait son mouvement, ils l’assaillaient.

    — Des suceurs de sang, dit Talfryn. Ils ne nous lâcheront pas tant et aussi longtemps que la température sera douce, avait-il ajouté.

    Il parlait d’une voix quelque peu pleurnicharde en écrasant quelques moustiques qui s’attaquaient joyeusement à la veine jugulaire externe de son cou.

    — Oh ! se lamenta Inféra, on aura à les endurer un long moment.

    En entendant la jolie voix soprano colorature de sa douce compagne empreinte d’une si grande tristesse, il se déplaça pour se positionner devant elle. Il souleva les deux mains de sa bien-aimée et les embrassa tendrement.

    Depuis un long moment, Andrick et Picou les guettaient. Ils auraient bien voulu être les petits moustiques qui tournaient autour de leurs têtes pour entendre leur conversation intime. À leur grand désespoir, il n’y avait qu’une chose à faire, les observer.

    Une heure plus tard, la température atteignit les 18 °C. Par malheur, les moustiques étaient de plus en plus vigoureux et nombreux. Combattant les assaillants volant avec vigueur, le porteur essaya de rassurer sa belle épuisée, agacée et à la limite de la crise de nerfs en lui susurrant :

    — Heureusement que les nuits sont froides, ici. Tu verras lorsque le soleil sera bas ; une fraîcheur s’emparera des lieux, et ils ne viendront plus nous importuner. Ces vilains moustiques tomberont en léthargie.

    — Oui, mais… le soleil n’est pas très pressé de se coucher à ce que je sache.

    — Je sais, ma belle, un peu de patience.

    Bien que les températures soient de plus en plus clémentes et que les journées se soient allongées au point qu’en cette période de l’année, et à cette latitude nordique, le soleil embrassait l’horizon et ne disparaissait que quelques heures seulement avant de poursuivre sa course matinale, cette courte interruption d’ensoleillement suffisait pour refroidir l’air. Au plus froid, le mercure pouvait aisément atteindre les -5 °C et même moins.

    — Tu verras qu’un froid polaire envahira à nouveau les lieux durant cette courte pénombre crépusculaire. Tu pourras observer un grand silence, un silence aussi délicieux que tes yeux, tes yeux dont la beauté n’a pas d’égal. D’ailleurs, ils sont magnifiques, d’un vert et d’une brillance dont la plus belle émeraude serait jalouse.

    Inféra rougit jusqu’à la racine des cheveux en émettant un petit oh de gêne. Talfryn poursuivit en baisant la main de sa bien-aimée qui ne se lassa pas de ces petites attentions.

    — Tu verras, ma belle, plus de bzz, plus de piqûres et plus de suceurs de sang. Tu pourras enfin t’abandonner à un sommeil réparateur.

    À leur grand désarroi, Andrick et Picou ne comprenaient pas un traître mot de leur conversation. Pour se désennuyer, le jeune magicien mima les gestes de Talfryn et prit une voix haut perchée. Du coin de l’œil, ce dernier perçut Andrick en train de l’imiter et n’en fut pas heureux. Espérant que sa compagne ne l’aperçoive pas, il lui fit une suggestion.

    — Viens ma belle, allons un peu plus loin ! J’y vois de jolis perce-neige.

    Le couple s’éloigna d’eux. Ne pouvant les suivre, sinon ce geste aurait paru trop suspect, les deux jaloux de cet amour se frustrèrent davantage.

    À quelques mètres des deux mécontents, Nina s’occupait à nourrir un bon feu pour chauffer de l’eau. Tout près d’elle, de joyeux dragnards déharnachés gambadaient depuis quelques heures à la recherche de délicieux petits mammifères tout en mangeant à pleine gueule des tas de moustiques. Un peu plus loin, Brian et la fée Yuka conversaient en tête-à-tête, assis sur un rocher encore partiellement enneigé.

    — Je crois que notre fille Lunia fera une très bonne reine, confia Brian qui repoussait d’une main une mèche rebelle au visage de son épouse.

    — Et Bernard, un très bon mari. Il a su attendre tout ce temps, dit Yuka.

    — Oui, en parlant de temps, je crois qu’il ne faudra pas trop tarder à partir, nota Brian en scrutant la vaste étendue de glaces mouvantes et d’eau. D’ici quelques jours, ces banquises seront de plus en plus petites et, alors, il nous sera impossible de s’y poser pour y faire une halte. À moins qu’un grand froid ne ralentisse ce dégel.

    — Tu as raison. Il est plus que temps de repartir, dit la reine en se rapprochant de lui. Espérons qu’une dernière et sévère tempête hivernale s’abatte sur le territoire, comme il arrive si souvent en cette période de l’année. Bien que je ne tienne pas à endurer ce froid, elle pourrait avoir des conséquences bénéfiques.

    — Comme le gel de cette masse d’eau et l’ensevelissement de ces banquises sous un épais manteau de neige, ma douce.

    — Oui, mon amour.

    Elle rapprocha sa tête et lui dit :

    — Je t’aime !

    — Moi aussi, ma reine, dit-il en chassant de vilains maringouins tournoyant au-dessus de la tête de sa conjointe.

    Tout à coup, elle se raidit.

    — Quoi ? fit-il, surpris de sa réaction.

    Elle se rappela qu’elle n’était plus la reine, qu’elle n’était plus assise à sa table de travail et qu’elle n’avait plus à régler le sort de son peuple. Elle était là, assise à ne rien faire et à attendre que le moment soit propice à un départ. Elle eut le cœur serré de ne pas être auprès des siens et de ne pouvoir diriger le pays, un pays qui se limitait à une seule ville.

    — Ex-reine, corrigea-t-elle avec un trémolo dans la gorge.

    Elle enfonça sa tête sur son épaule et pleura légèrement. Déjà, elle regrettait d’avoir quitté ce coin de pays qui était le sien, ce pays isolé de toute civilisation. Elle appréhendait un parcours difficile et plein d’embûches. Elle se sentait tout à coup vulnérable et sans défense.

    — Pardon, je ne voulais pas te faire de la peine et te rappeler ton pays.

    — J’ai promis que je reviendrais, chuchota-t-elle.

    — Oui, ma chérie, et nous reviendrons avec un dragon blanc.

    — Oui, dit-elle d’une voix évasive.

    Bien que Brian lui inspire force et confiance, il y avait une incertitude. Puisque ce dragon blanc appartenait aux Doradois, elle ne pouvait le ramener à la Cité de glace. Il lui faudrait attendre la naissance ou la venue d’un autre dragon blanc, mais combien de temps lui faudrait-il attendre ? Un mois ou des années ? Elle n’osait poser cette question qui lui chamboulait le cœur. Combien d’années serait-elle partie et loin des siens ? Elle releva la tête. Elle se devait d’être forte et de ne plus montrer sa vulnérabilité. Et si ce dragon blanc était le seul de son espèce, un cas unique ? Cette idée la bouleversa, et elle se retint pour ne pas faiblir et pleurer.

    Un peu plus loin, Nina observait la faible vapeur s’échappant de sa théière. Elle attendait que de gros bouillons indiquent le moment d’ajouter une poignée de feuilles de thé à l’eau. Pour se protéger des attaques de maringouins, elle s’était enduite d’une crème épaisse et collante, sur toutes les parties exposées, y compris dans ses cheveux. Ce produit agissait comme une colle meurtrière pour ces insectes. Malgré une apparence repoussante, elle s’en réjouissait en se disant : « qui s’y frotte, s’y colle ». Sa figure était maintenant parsemée de maringouins décédés. Heureusement qu’elle ne se voyait pas ; elle aurait eu peur de son propre visage.

    Quant à Picou et Andrick, ils continuaient à dévisager avec une insistance maladive les deux porteurs de dragon tout en se faisant dévorer par les insectes piqueurs.

    — Regarde-les, soupira Picou, ils se courtisent en public. Ils ne pourraient pas se retenir un peu, hein !

    — Difficile de les contrecarrer, conclut Andrick, nous sommes devenus invisibles à leurs yeux. Depuis qu’ils ont passé une nuit à la belle étoile à se zieuter le blanc des yeux, ils sont devenus inséparables, eux ou leurs dragons.

    Le compagnon de Picou fit une pause.

    — Hum… murmura Andrick en se désolant. Ils ont un point en commun, ce sont des porteurs de dragon. Qu’est-ce qu’on peut y faire ?

    — Tout de même, dit Picou qui avait compris le marmonnement de son compagnon. J’ai été là pour elle pendant 150 ans, se lamenta-t-il. Maintenant, elle ne m’adresse même plus la parole. Quelle ingrate !

    Après bien des cris et des sautillements au contact de l’eau glacée d’Hyperbore, Nina s’était lavé le visage et les cheveux avec un gros savon du pays pour se débarrasser de l’onguent gluant chargé d’impuretés. La figure brillante de propreté et les cheveux encore mouillés, elle passa près d’eux en transportant une théière fumante et des tasses. Elle avait adopté une autre stratégie pour combattre ce fléau et avait opté pour un voile couvrant sa tête. Elle s’arrêta devant eux et ne put s’empêcher de s’impatienter en entendant les jérémiades du rat magicien :

    — Ouais, je pense qu’il est temps que tu changes de refrain, mon vieux ! Tu n’arrêtes pas de le dire et le redire : 150 ans, fit-elle en agrandissant ses yeux. Hé, ça va faire ! On commence à la connaître par cœur ta petite ritournelle ! Si tu veux, je peux te composer une chansonnette.

    Picou s’attrista et lui dit :

    — Ce ne sera pas nécessaire.

    Elle se radoucit en le voyant boursouflé à plusieurs endroits de piqûres d’insectes, mais elle n’était pas rendue au point de se rabaisser et d’être trop conciliante. Avec sarcasme, elle poursuivit :

    — Veux-tu un peu de thé, mon vieux croûton ? Peut-être qu’un bon breuvage chaud t’amènerait à de meilleurs sentiments, cher Picou de mon cœur, le presque bicentenaire !

    Il se redressa sur ses pattes et aurait bien voulu métamorphoser cette garce de Nina en l’enveloppant comme une zombie en citrouille.

    — Non ! s’écria Picou d’une voix pleine de vibratos en pointant le couple au loin. Tu es bien la seule à ne pas te rendre compte qu’ils font tout pour nous provoquer. Ils se tiennent à l’écart pour se dire des mots doux. Ton thé, tu peux le garder pour toi ! Je n’en veux pas !

    — Mais par la barbe des dieux ! Tu es jaloux, vraiment jaloux, s’étonna Nina en riant. Oh là là ! Je vois des flammèches sortir de ta tête. Ouch ! Ça chauffe là-dedans. Tu as raison, du thé chaud serait comme jeter de l’huile sur le feu. Ouf ! Je ne peux pas imaginer un feu plus intense.

    Quelques piqûres d’insectes mirent fin à sa joie. Quelques-uns avaient réussi à s’infiltrer sous le voile. Elle claqua et grimaça en retirant sa main. Un moustique écrasé décorait le bout de ses doigts. Picou couina, et son frère pouffa dans sa face. Grinçant des dents, elle déposa sa théière et les tasses sur un rocher et ajusta le voile en le glissant sous l’encolure de sa tunique de façon à réduire au maximum les ouvertures.

    Puis, elle lorgna le couple que le jumeau et le rat dévisageaient si intensément. Elle rit. Elle nota qu’une nuée de maringouins tournoyait autour d’eux et les empêchait d’avoir une discussion romantique. On aurait dit un spectacle de marionnettes mal monté. Tous les deux balayaient l’air à répétition comme des pantins désarticulés.

    — Vraiment, dit-elle. Allô les mots doux, je crois que les suceurs de sang les embrassent plus qu’eux ne s’embrassent.

    Elle souleva la théière.

    — Alors, tu n’en veux vraiment pas ?

    Picou grogna, et Andrick détourna le regard. Elle se dirigea alors vers l’autre couple pour leur servir un bon thé. Elle s’arrêta pour admirer sa dragnarde Orphée qui s’amusait à dévorer des protéines volantes en se dressant sur ses pattes de derrière et en agitant celles de devant comme pour en saisir à pleines patoches. Les autres bêtes semblaient agacées par les piqûres et se soulageaient en se roulant dans les quelques dernières plaques de neige.

    — C’est magnifique ! dit Talfryn encore en extase devant les yeux ravissants de son amoureuse.

    D’une manière originale, il embrassa cette fois-ci la paume de sa vis-à-vis et poursuivit ses baisers jusqu’au poignet. Inféra, qui avait perdu le fil de la conversation et qui repoussait de sa main libre les moustiques, crut comprendre qu’il parlait des bestioles et non de ses yeux. Aussi, elle lui répondit :

    — Je suis contente que tu aimes ça ! Mais pas moi. Ces insectes me rendent folle. J’ai hâte de partir d’ici. Au moins, en plein milieu de l’océan, il n’y en a pas. N’est-ce pas, Talfryn ?

    — Voyons, ma belle ! Plus tu bouges, plus ils te piqueront. Ces petites bestioles ne me dérangent pas. J’y suis habitué. Chaque année, ils envahissent la Cité durant une semaine ou deux, fit-il en claquant sa joue avec force.

    D’un simple coup, il réussit à tuer deux ardentes mouches piqueuses. Inféra rit en voyant sur son beau visage les deux taches sanglantes laissées par les défuntes aplaties.

    — Je vois bien que ces bestioles ne te dérangent pas, ricana-t-elle.

    Il rit à son tour. Tous les deux décidèrent de marcher vers un monticule de forte taille couronné de neige d’où s’échappaient quelques vapeurs intrigantes et blanchâtres scintillant comme des milliers de diamants sous le soleil de plomb.

    Tout à coup, Orphée arrêta ses gambades et se mit à hennir, et les autres dragnards se relevèrent comme alertés par un bruit menaçant et perceptible seulement par eux. Ils s’accroupirent en rond et émirent un long et ahurissant criaillement.

    Chacun mit fin à ses activités plus ou moins passionnantes et s’interrogea sur le comportement mystérieux et inattendu des dragnards. Ils n’eurent pas à se questionner longuement. Le sol trembla violemment, et la troupe entendit un roulement de tambour.

    Puis, une seconde secousse encore plus violente les jeta tous au sol suivi d’une cascade de bruits d’enfer. Une minute passa. Aucune autre secousse ne retentit. Un à un, ils se relevèrent. Ce fut Picou le premier à arriver à cette constatation.

    — Mais où est Inféra et Talfryn ?

    Après quelques cris d’appel et aucune réponse des porteurs de dragon, Brian et Yuka se figèrent dans la peur et le silence. Nina fut la première à se diriger vers le panache de fumée blanchâtre où ils avaient été aperçus la dernière fois. Elle vola au-dessus d’une fissure béante.

    — La secousse vient d’ici, cria-t-elle aux autres. Il y a une large crevasse. Ils ont dû tomber dedans, je n’y vois pas d’autres explications.

    Des tonnes de glace et de roc s’étaient rompues. Nina s’y posa en bordure. Les rives s’étaient fragilisées, et quelques blocs de glace tombèrent sous la faible pression de son poids. D’urgence, elle dut s’en éloigner et préféra survoler à nouveau la faille.

    — Je ne les aperçois pas, cria-t-elle, inquiète à l’adresse du groupe.

    La moitié du corps projetée vers l’avant, en exerçant un battement arrière suivi d’un autre avant, à la manière d’un oiseau en vol stationnaire, elle hurla :

    — Hou, hou, m’entendez-vous ?

    Aucun son ne s’échappa de la fissure béante. Elle se retourna.

    — Par tous les sorciers, je crains qu’ils ne soient disparus dans cette crevasse ! Venez ! Ils doivent être en danger. Tout est sur le point de s’effondrer.

    Brian et Yuka se dirigèrent vers elle en courant. Jetant un regard vers ces deux volontaires, Nina fut horrifiée de voir en arrière-plan qu’Andrick et Picou n’avaient pas bougé d’un poil de dragnard. Rouge de colère, elle leur cria :

    — Hé ! Grouillez-vous au lieu de vous admirer le nombril !

    Pendant un instant, ni l’un ni l’autre n’avaient envie de venir en aide. « Ils sont bien assez nombreux », songea Andrick pendant que Picou allongea sa silhouette et croisa les bras sur sa poitrine. Il avait bien l’intention de rester où il était, c’est-à-dire sur l’épaule de son compagnon.

    — Elle peut bien attendre quelques minutes ! se permit de crier le jumeau. Il n’y a pas le feu !

    Choquée, Nina aurait voulu leur envoyer une décharge électrique, mais elle avait mieux à faire avec la magie que de la gaspiller en pure vengeance. Elle se pencha à nouveau.

    — Hé oh ! Êtes-vous là ?

    Toujours ce silence oppressant. Yuka qui venait à peine d’arriver près d’elle suggéra :

    — Il faudrait que quelqu’un descende.

    — J’y vais, proposa Brian sans hésiter.

    Avec vivacité, il alla chercher un gros rouleau de cordage et deux piolets dans ses bagages empilés près du rivage à quelques dizaines de mètres de la crevasse. Il revint au pas de course, en planta un dans la glace et souleva le lourd paquet de corde. À l’une des extrémités, il forma un nœud et une boucle qu’il fit passer au-dessus de sa tête. Il la glissa jusqu’à la taille. S’étant assuré de la solidité du nœud, il attacha l’autre extrémité à l’anneau du premier piolet planté dans la glace. Muni d’une autre pioche, il amorça sa descente. Andrick et Picou comprirent que cette manœuvre était périlleuse et voulurent participer à l’intervention. Ils se déplacèrent et se positionnèrent près du premier pic, prêts à le secourir, si nécessaire.

    — Je suis là, cria Andrick à l’adresse de Brian dont il ne voyait plus la tête. Si jamais ce piolet cède, je saurai l’empêcher de…

    Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que l’objet se décrocha et disparut à la vitesse de l’éclair dans l’ouverture. Brian émit un long cri d’épouvante, suivi d’un bruit d’impact et puis, plus rien. Le néant. Un silence de mort plana.

    CHAPITRE 2

    UN CRI DANS LA NUIT

    À des milliers de kilomètres de là, bien au chaud et sans les moustiques suceurs de sang lui tournoyant autour de la tête, la princesse Launa se réveilla en sursaut dans sa chambre au pensionnat du Collège de la magie à Dorado. Des cris l’avaient réveillée. Bien qu’elle n’entende plus aucun des sons déchirants d’il y a quelques secondes, elle était convaincue de la véracité de ces hurlements et, par surcroît, qu’ils provenaient de l’extérieur, de ses dragonneaux gardés dans une cage métallique, un peu à l’écart du pensionnat.

    Lorsqu’un nouveau cri strident de grande amplitude se fit entendre, elle sursauta. Effrayée, elle enfouit un coin de son drap dans sa bouche, imaginant qu’une épée avait tranché la tête de Gord, son dragon préféré. D’autres cris suivirent, plus faibles, cette fois-ci.

    — Non, non, non s’écria-t-elle. Quelqu’un serait-il en train de faire du mal à Gord et à Drak ?

    Elle déglutit, s’imaginant la mise à mort de ses bêtes. Elle comprit l’importance d’agir, car la vie de ses dragons en dépendait, la vie de deux magnifiques dragons noirs acquis d’un autre continent.

    Elle les avait appelés Gord et Drak, une décomposition du prénom Gordrak, un splendide dragon noir ayant appartenu à un valeureux chevalier de l’Actinide. Bien qu’ils soient de vrais jumeaux, Gord portait une petite tache distinctive de couleur or à son front et Drak, en l’examinant bien, avait de fines lignes bleues sur ses ailes.

    La princesse Launa avait reçu quelques mois auparavant un œuf de Frédéric, le fils de la commandeure qui demeurait sur le continent Matrok. Bien que le donateur ait cru l’œuf infertile, deux jeunes dragons bien vivants en étaient sortis, deux beaux dragons noirs.

    Alarmée par d’autres cris, la princesse imagina le pire. « Quelqu’un est-il en train de les tuer pour que le vœu de ma mère se réalise, que je devienne la Première chevalière du Péridot, une chevalière d’un dragon vert et non une chevalière de dragons noirs ? Ma mère serait-elle derrière tout ça ? »

    L’amertume lui monta à la gorge. Elle se rappelait le discours de fermeture lors du double mariage de la souveraine avec le magicien Éxir et de sa sœur Naura avec le fils du plus grand éleveur de dragnards, Melvin. À la toute fin de son exposé, la reine avait annoncé une nouvelle se voulant sensationnelle, à savoir que Launa deviendrait la Première chevalière du Péridot du royaume de Mysriak. Au lieu de s’en réjouir, Launa en avait été catastrophée. Elle ne tenait pas à chevaucher un dragon vert, vert comme les couleuvres qu’elle détestait. Non, son plus grand souhait était de chevaucher un dragon noir car, selon elle, le noir inspire commandement et respect. Au pire, elle aurait chevauché un dragon rouge, un dragon fougueux qui a du cœur au ventre, et non un dragon aux coloris vert laitue, des teintes sans grande envergure, ou pire un dragon blanc, une couleur livide. C’est ainsi que Launa voyait le caractère des dragons selon leur couleur.

    Inquiète, elle enfila ses pantoufles à toute vitesse, se couvrit d’un châle chaud et se précipita à l’extérieur de sa chambre. Au saut du lit, ses jambes tremblèrent de faiblesse passant trop rapidement d’un état somnolent à un état actif. Elle prit un certain temps avant de les sentir fortes et portant bien son poids. Elle n’était pas la seule à se précipiter au-dehors.

    Alertés par les cris effroyables, une trentaine de pensionnaires, éveillés en plein milieu de la nuit, déferlaient devant elle. Ils empruntaient le majestueux escalier à fond de train en jacassant comme des pies. Cet escalier antique craquait et vibrait sous l’impact de tous ces pas cadencés et pressés. Malgré son vieil âge, il tenait le coup. Launa les suivit. Elle mit la main sur le garde-corps en érable richement sculpté de dragons, de licornes, de nains, de personnages et de bêtes inconnus, et amorça la descente.

    À l’extérieur, le ciel s’était couvert, et il faisait aussi noir que dans un tunnel souterrain sans fin. Launa se dirigeait au pas de course vers les geignements de plus en plus faibles comme si les deux bêtes se mouraient. Au loin, elle reconnut Frankie, professeur d’alchimie et surveillant du dortoir des garçons, tenant une lanterne. Il était placé devant la cage où étaient enfermés les dragonneaux. Rutha, la surveillante de nuit des filles et professeure au Collège de magie, ainsi qu’une dizaine d’élèves étaient déjà là et chuchotaient tout bas. Launa, tout essoufflée, remarqua la position couchée des deux jeunes animaux et les reflets d’un liquide gluant sur le cou de chacun. Personne ne s’aventura à toucher à la cage, surtout par ce temps pluvieux. Frankie avait fabriqué et installé un système antifugue électrifié, une invention dont il était très fier.

    Les deux animaux étaient étendus et inanimés dans leur enclos fermé. Elle se rua sur le professeur en criant et en laissant tomber son écharpe.

    — Mais qu’est-ce que vous avez fait ? Ils sont couverts de sang. Comment avez-vous osé les tuer ?

    Elle le rua de coups de poing et de coups de pied en continuant de lui lancer des qualificatifs peu élogieux.

    — Tranquillisez-vous, princesse ! Bien sûr que non, pour qui me prenez-vous ? se fâcha Frankie en lui saisissant solidement un bras. Loin de moi l’idée de tuer des bêtes sans raison.

    Se débattant comme elle put, elle essaya encore de lui donner des coups de pied aux jambes ainsi que des coups de poing au visage. Il réussit aisément à les esquiver et à la maîtriser. Puis, il lui saisit l’autre bras et les fit passer derrière elle. Voulant faire chuter son adversaire, elle tomba tête première dans l’herbe mouillée, et le professeur s’étala sur elle de tout son poids. Les élèves émirent un oh de compassion, plus envers le jeune professeur qu’à l’endroit de Launa. Il se dressa et attendit qu’elle en fasse autant. Dans cette position inconfortable au sol, elle s’avoua vaincue et pleurnicha. La force tranquille de son professeur la calma.

    — Ils ont l’air… fit-elle en soulevant la tête en direction de la cage. Ils ont l’air…

    — Endormis, compléta-t-il en l’aidant à se relever et en la couvrant de son châle. Ce n’est qu’un sortilège d’endormissement de quelques heures.

    — Oui, confirma un jeune élève, ils sont vivants et ils dorment. Je vois leur thorax se soulever à chaque respiration.

    Frankie s’agenouilla devant la princesse pour être à la même hauteur d’yeux avant de poursuivre :

    — Tu oublies que je n’ai jamais eu l’intention de faire quoi que ce soit. Je sais que pendant fort longtemps, à la période Pentagonsaurius limitée à cinq races, on a cru que les autres races de dragon s’étaient éteintes. Mais pas moi, je suis un alchimiste, un scientifique, tu sais. Il a existé une quantité phénoménale d’espèces de dimensions variées, et j’espère qu’un jour la période antérieure, Dragonsaurius, renaîtra.

    Un murmure s’éleva du groupe qui approuvait les dires du professeur ; même Rutha secouait la tête avec conviction.

    — Ah oui ! s’enthousiasma Launa qui avait elle-même contribué à rapporter une race dite exterminée malgré elle. Moi aussi, je veux bien y croire ! Ce sont mes dragonneaux !

    Sous l’éclairage de la lanterne, elle vit le sourire radieux de Frankie. Ce sourire ranima son vœu le plus cher de chevaucher un dragon noir, une race soi-disant exterminée. Aussi incroyable que cela puisse paraître, Geffroy Des Charmes, le père d’Éxir devenu son beau-père, avait peut-être contribué à sauver cette race. Il avait révélé, dans un de ses écrits, qu’il avait mis des œufs de dragons noirs dans une caisse de bois cirée et les avait laissés dériver sur la mer, il y a de cela très, très, très longtemps.

    Elle imagina la petite caisse de bois flottant sur des eaux parfois calmes et parfois démontées. Affrontant vents et marées, elle s’écrasait sur les plages des îles du Diable en déversant son contenu : les précieux œufs. Certains ont sûrement été attaqués et dévorés par des oiseaux, et d’autres ont dû rouler dans un des trous de nidification de lézards. Sous la chaleur des grands sauriens du Korodo, la race s’est assurément développée à l’insu de tous. Sans le savoir, la princesse Launa en avait rapporté un œuf de Matrok, un qu’elle croyait infertile. Et sans le savoir, cet œuf contenait deux jolis

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