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Les quatre derniers jours de la vie d'Anton Kotchev
Les quatre derniers jours de la vie d'Anton Kotchev
Les quatre derniers jours de la vie d'Anton Kotchev
Livre électronique347 pages4 heures

Les quatre derniers jours de la vie d'Anton Kotchev

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À propos de ce livre électronique

Anton Kotchev, un immigré russe à la retraite, a disparu, une nuit d’orage du mois d’août, en plein Paris. Pourquoi ? C’est ce que va chercher à comprendre Julian Pastor, un jeune inspecteur de police chargé de l’enquête. Cette dernière durera quatre jours. Le temps de retrouvé Anton Kotchev et de découvrir son passé plus que trouble, sur fond de mafia russe et de bijoux dérobés. Une enquête en forme de puzzle dans laquelle il faudra rassembler tous les éléments pour savoir qui a été Anton Kotchev. Mais, une enquête de ce genre peut bouleverser la vie de celui qui la mène…
LangueFrançais
Date de sortie26 mars 2013
ISBN9782312024011
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    Les quatre derniers jours de la vie d'Anton Kotchev - Isabelle Pheulpin

    cover.jpg

    Les quatre derniers jours de la vie d’Anton Kotchev

    Isabelle Pheulpin

    Les quatre derniers jours de la vie d’Anton Kotchev

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-02401-1

    « Il ne faut pas neuf mois, il faut soixante ans pour faire un homme, soixante ans de sacrifices, de volonté, de… tant de choses ! »

    André Malraux.

    Chapitre 1

    PARIS – 18 AOUT – 17 H 23

    L’atelier était désormais totalement plongé dans une lumière crépusculaire.

    La fin d’après-midi s’était très vite obscurcie. L’horizon avait été d’abord d’un gris cendré, puis, avait très vite tourné au noir, annonçant un orage violent.

    Avec cette météo un peu folle, en raison du contraste de température entre l’extérieur et l’intérieur, la grande verrière, qui donnait d’habitude cette clarté si caractéristique à l’appartement, était constamment embuée.

    Dès lors, la lumière n’était plus la même, et cela depuis déjà plusieurs jours.

    Alors qu’elle apportait habituellement une chaleur incomparable en ces journées d’été, faisant chatoyer les couleurs et mettant en relief les contrastes, elle était devenue diffuse, comme si elle s’évaporait à travers cette buée qui résistait à toute tentative d’essuyage.

    D’ailleurs, comment essuyer une verrière aussi immense ?

    Anton soupira.

    Il tenta de voir quelque chose à travers le mur de verre. Il essuya un bout de vitre avec le revers de la manche de sa blouse et jeta un coup d’œil dehors.

    Il ne voyait plus grande chose du fleuve majestueux qui coulait à ses pieds.

    Seules les lumières vacillantes des bateaux mouches qui sillonnaient la Seine, lui permettaient de repérer les berges du fleuve et d’apercevoir quelques détails. Des lumières dans les appartements situés sur l’autre rive. Les phares des voitures longeant la berge, déjà coincées dans un gigantesque embouteillage. Le vent violent, qui agitait vivement les feuilles des arbres qui ombrageaient les quais. Tout cela lui paraît presque fantomatique et irréel.

    Le monde au dehors avait l’air agité d’une frénésie d’insecte. Tout semblait se mouvoir dans le seul but de se mettre à l’abri de la tornade en gestation. En effet, nul besoin d’être météorologue pour savoir que la prochaine salve serait violente. Tous aux abris !

    Sur les bateaux mouches, qui semblaient vouloir braver les éléments, les touristes étaient eux aussi agglutinés derrière les vitres embuées.

    Anton se demanda ce qu’ils pouvaient bien voir dans ces conditions aussi exécrables : « Paris under the rain » ? Ils avaient voulu des souvenirs, ils allaient en avoir !

    Déjà, comme si elle le narguait, la buée commençait à se reformer sous son nez. Il essuya à nouveau la zone d’un geste rageur, pour montrer qui était le maître.

    Marre de ce temps pourri !

    Il savait bien que, passé le 15 août, le temps se dégradait souvent. Les orages craquaient sur la capitale, annonçant déjà la fin de l’été. Mais, cette année était exceptionnelle. Depuis plusieurs jours, le temps était imprévisible, comme si la boussole météorologique s’était déréglée. Devant ces trombes d’eau ininterrompues, on lui aurait annoncé la fin du monde que cela ne l’aurait pas du tout étonné.

    Il jeta encore un dernier coup d’œil à ce paysage déprimant et puis, il se retourna en poussant un nouveau soupir.

    Il leva la tête vers l’avancée de verre, qui ressemblait désormais à un plafond de douche.

    « Mais qu’est-ce que je t’ai fait, mon Dieu, hein ? Qu’est-ce que je t’ai fait pour mériter cela ?! », grogna-t-il.

    Il se dirigea sans bruit vers un abat-jour.

    Malgré son âge avancé, il avait les yeux perçants et voyait très bien dans la pénombre. Et puis, il connaissait cet appartement comme le fond de sa poche. Il pouvait s’y déplacer les yeux fermés.

    Il alluma tout de même l’abat jour. L’appartement restait lugubre. La faible lueur donnait un côté plus intime, mais le volume de la pièce était vaste et tous les recoins n’étaient pas éclairés.

    Anton s’effondra dans son vieux fauteuil de cuir aux ressorts usés, placé sous l’abat-jour. Cela fit un « plouf » bruyant qui réveilla en sursaut un chat, pelotonné dans un coin du canapé. Ses yeux, vert intense, se tournèrent un instant vers son maître, dans un reproche muet.

    Puis, le chat bailla fortement, s’étira puis se redressa d’un bond, en faisant cet arc avec le dos, si caractéristique des félins.

    Le vieil homme le regarda avec un sourire aux lèvres.

    « Toi, tu n’as pas ce genre de soucis, n’est-ce pas, Douchka ? », lui lança-t-il.

    Le félin répondit par un faible miaulement et sauta avec agilité au bas du canapé. Il s’approcha de son maître et se frotta contre ses jambes avec une joie évidente.

    Anton étendit mollement la main pour le caresser. Le chat se mit à ronronner doucement. Puis, subitement, il tourna la tête vers le fond de l’appartement, comme surpris par quelque chose d’inhabituelle.

    « Allons, allons, Douchka. Du calme ! Ce n’est que l’orage qui approche. Tu le sais bien. N’aie pas peur, ma Douchka. Tu es à l’abri ici ! », dit-il en intensifiant les caresses sur le dos, puis sur la tête de l’animal.

    Le rituel immuable reprenait entre eux, lorsque le premier éclair zébra le ciel, éclairant toute la pièce pendant un court instant. Anton, qui n’avait même pas sursauté, leva calmement les yeux vers le plafond de verre.

    Le chat quitta rapidement le pied du fauteuil et s’éloigna en courant vers le fond de l’appartement, à la recherche d’un coin plus tranquille.

    Le vieil homme sourit.

    « C’est cela ! Va te cacher, ma Douchka ! Petite peureuse, va !!! », dit-il en achevant sa phrase par quelques mots complémentaires dans sa langue maternelle.

    Il se leva, avec une agilité surprenante pour son âge et celui du fauteuil de cuir.

    Il erra quelques instants dans la pièce immense, comme un ours dans un enclos du bois de Vincennes. Faisant le tour des lieux, jetant des coups d’œil furtifs dehors en passant près des vitres embuées, puis revenant vers le fauteuil, pour amorcer de nouveau son tour de piste.

    Finalement, il prit un vieux livre posé sur un guéridon, le feuilleta rapidement avant de le reposer, et se rassit.

    Il était un peu perdu dans cet espace dédié à la lumière que cette dernière avait abandonné lâchement depuis plusieurs jours. Ce n’était pas ce soir qu’il allait pouvoir travailler.

    Il jeta un coup d’œil pensif vers le chevalet installé près de la fenêtre et soupira.

    « Après tout !, dit-il en hochant la tête. Comment faisaient-ils à l’époque des bougies et des candélabres, hein ? Il fallait bien qu’ils se débrouillent avec les moyens du bord, non ?! »

    Par bravade, il étendit alors la main vers le cordon de l’abat-jour pour l’éteindre. Cette fois-ci, c’était le noir complet dans l’appartement.

    Il resta ainsi, immobile.

    Il y avait un contraste saisissant entre le calme des lieux et l’agitation désordonnée de l’orage qui se déchaînait à l’extérieur. L’absence de lumière dans l’appartement renforçait également l’intensité des éclairs qui s’enchaînaient à une cadence élevée.

    Anton ressentait ce qu’il aimait bien : observer les éléments en furie, tout en étant à l’abri.

    Faux sentiment de pouvoir ! Il savait bien qu’il ne fallait pas sous-estimer la puissance infinie de la nature et surtout qu’il ne fallait jamais la braver.

    Cela lui rappela cette tornade qui s’était subitement abattue sur le sovkhoze, de très nombreuses années auparavant. C’était en été, Anton s’en souvenait très bien. L’orage avait pris tout le monde de court. On était en plein travail des champs et les journées étaient bien chargées. Lorsque les orages s’annonçaient ainsi, tout le monde restait au travail jusqu’à la dernière minute. On prenait juste le temps de protéger ce qui pouvait l’être, notamment les animaux et les plantations les plus fragiles. Mais, cette fois-là, on allait frôler la catastrophe ! L’horizon, qui avait été d’abord annonciateur d’un timide orage sans aucune prétention, c’était tout à coup obscurci, présageant d’un phénomène d’une toute autre ampleur. Les plus âgés l’avaient compris. Ils commençaient à enjoindre ceux qui voulaient bien les écouter à quitter les lieux au plus vite. Ensuite, le vent s’était rapidement levé, animé par de violents courants. Puis, les choses avaient évolué avec une telle rapidité, que les hommes avaient été totalement dépassés par les événements. De grosses gouttes étaient tombées violemment sur le sol, puis de la grêle s’était manifestée, accompagnée de violentes bourrasques. Les éléments étaient totalement déchaînés. Les hommes et les femmes couraient dans tous les sens, à la recherche d’un abri de fortune. Ils semblaient avoir réduit de taille, comme s’ils étaient des nains, poursuivis par des éléments gargantuesques et monstrueux. Certains d’entre eux n’avaient rien trouvé de mieux qu’un groupe de gros arbres. Cela avait été une erreur ! Alors que la tornade gonflait, comme alimentée par un mécanisme diabolique interne, la foudre était tombée sans crier gare. Le groupe avait été touché de plein fouet. Sous les arbres, certaines victimes étaient brûlées au troisième degré et il avait fallu les évacuer vers un hôpital, situé à plus de trente kilomètres de là. Anton, qui était encore jeune à l’époque, avait été très marqué par cet incident. Depuis, il avait toujours été d’une grande prudence à l’approche d’un simple orage.

    Un nouvel éclair alluma le ciel comme un éclat de feu d’artifice.

    La fréquence de passage des bateaux mouches semblait s’être nettement réduite. Sans doute, certaines compagnies avaient-elles préféré arrêter le service, plutôt que de reproduire une version fluviale du « Titanic ».

    De toute façon, on n’y voyait goutte, c’était le cas de le dire ! Il était à peine six heures du soir, en plein mois d’août ! Il était plutôt difficile de naviguer, ces temps-ci. Ce n’était pas bon pour le commerce, tout cela !

    Anton soupira de nouveau.

    « Et que dirais-tu d’un petit thé, mon vieil ami ?, se dit-il à lui-même.

    – Avec plaisir, mon cher ! », répond-il avec politesse.

    Depuis bien longtemps déjà, il avait pris l’habitude de ses dialogues intimes qui l’auraient fait passer pour fou aux yeux d’un observateur extérieur. Il aurait probablement été enfermé sur le champ dans un hôpital psychiatrique, avec la camisole de force en guise de cadeau de bienvenue.

    Certains pensent que les personnes seules ne parlent pas assez et qu’elles se murent dans un silence dangereux pour leur santé mentale. Balivernes que tout cela ! La réalité est bien différente. Les solitaires sont des bavards impénitents, qui passent leur temps à mener des dialogues imaginaires avec eux-mêmes et ne s’en portent pas plus mal. Faire les demandes et les réponses est un exercice complexe qui entretient les neurones. C’est un moyen comme un autre de rester vivant !

    Il reconnaissait quand même que la contradiction était rare. C’était vrai. Mais, il lui arrivait parfois de ne pas être d’accord avec lui-même. Le ton montait et cela pouvait se terminer dans un fracas. Comme chez les couples, où le bruit de l’assiette rencontrant le sol met souvent un terme à la crise d’hystérie collective.

    Il n’était pas solitaire par vocation. Non. Il l’était devenu par nécessité, avec le temps. Il avait connu des femmes dans sa vie. Mais, elles étaient passées. Elles n’étaient pas restées. Finalement, il ne s’était jamais marié. Pourtant, il ne regrettait rien. Il n’était ni amer, ni frustré. Il avait vécu une vie riche et pleine, qui l’avait satisfait. La seule chose qui le tracassait parfois, c’était de ne pas avoir eu de fils. Il aurait bien aimé avoir quelqu’un à qui transmettre tout ce qu’il avait appris durant sa longue vie. Mais, cela ne s’était pas produit. C’était ainsi !

    De toute manière, après toutes ces années passées seul, il ne pouvait plus supporter de vivre avec quelqu’un. Cette solitude, qui faisait peur aux autres, était devenue une drogue dont il ne pouvait se passer.

    Il pouvait tout juste accepter la visite d’une auxiliaire qui faisait le ménage, puisque ce service lui était gratuitement offert par la mairie d’arrondissement.

    Il reconnaissait tout de même qu’il en avait « usé » quelques unes, avant de trouver la perle rare. Elles « craquaient » en moyenne au bout d’une à deux semaines. Toujours le même motif : il était impossible de faire le ménage, car il ne tolérait aucun déplacement d’objet et pestait contre le bruit des aspirateurs, qui l’empêchait de se concentrer.

    La mission était impossible, il le savait bien : faire le ménage sans rien toucher et en ne faisant pas le moindre bruit !

    Les petites jeunes jetaient l’éponge les premières, car l’idée même de devoir travailler sans un engin moderne et bruyant les faisait fuir. Elles n’avaient sans doute jamais vu un balai de leur vie et n’avaient aucunement envie de passer en mode « manuel ». Elles font partie de cette génération qui ne peut vivre sans un engin électrique à portée de main.

    En revanche, les plus âgées étaient capables de travailler dans un silence total, employant les vieilles techniques ancestrales ignorées de leurs cadettes.

    Mais leur défaut était différent : elles voulaient tout astiquer dans l’appartement ! C’était une manie chez elles : tout devait briller, être frotté, jusqu’à l’écœurement.

    La caverne du vieil ours ne convenait pas à ce genre d’ambitions louables.

    Tout devait sentir le vieux, la poussière, le renfermé. C’était comme cela qu’il concevait le monde dans lequel il souhaitait vivre. Le propre, le brillant, l’astiqué lui faisaient peur. Comme si la saleté était la vie et la propreté, la mort.

    A la fin, de guerre lasse, la mairie avait finalement dépêché un émissaire dans cette contrée reculée de laquelle les missionnaires revenaient désabusées. Il fallait se rendre compte de visu de ce qui se passait dans ce trou noir.

    Un matin, la responsable du service passa donc à l’appartement.

    Anton vit tout de suite que c’était une femme intelligente, car elle ne lui fit aucune remarque désobligeante.

    Elle fit le tour de l’appartement, suivie du vieil homme et de son chat. Elle prit beaucoup de notes, en hochant parfois la tête d’un air assuré. Elle le complimenta sur la verrière de l’atelier et jeta un coup d’œil à la superbe vue qu’il possédait sur la Seine. Elle s’émerveilla de la beauté des lieux et su probablement voir cet enchantement, sans s’arrêter aux entassements présents dans chaque pièce.

    A la fin, il lui avait offert une tasse de thé, en guise de calumet de la paix. Elle avait beaucoup apprécié le breuvage dont il tenait la recette de sa mère. C’était un signe de raffinement évident !

    Au moment de partir, elle lui avait dit :

    « Bon ! Monsieur Anton, je vois bien ce qui ne va pas. Je crois que j’ai la personne qu’il vous faut.

    – Ah bon ? Vous avez cela en magasin ?, avait dit Anton, incrédule.

    – Oui, cela tombe bien, en effet ! Nous avons une nouvelle recrue qui vous plaira. Je vous envoie cette personne dès demain et je vous appellerai pour savoir si vous en êtes content. D’accord ?!, avait-elle répondu tout en caressant le chat qui se frottait contre ses jambes.

    – Et bien, dans ce cas… »

    Il avait hésité un instant, puis avait pris son courage à deux mains.

    « Je voulais vous demander...

    – Oui ? »

    Elle lui avait lancé un regard franc et clair.

    « Vous ne voudriez pas vous en occuper vous même ?, lui avait-il dit d’un air penaud.

    – Non. Hélas, Monsieur Anton, je suis une administrative ! Je ne vous serai d’aucune utilité, question ménage ! », avait-elle répondu en riant.

    Puis, elle avait ajouté, très sûre d’elle :

    « Faites-moi confiance, Monsieur Anton. Tout va s’arranger, vous verrez ! »

    Le lendemain, lorsque la sonnette de l’appartement avait retenti, Anton était un peu inquiet. A quoi pouvait bien ressembler cette aide ménagère dont on lui promettait qu’elle serait parfaite ?

    Il était allé ouvrir prudemment et il avait vu, pour la première fois, sa providence : Christina.

    Autant dire que ce fut une apparition !

    Anton s’attendait à tout sauf à voir apparaître une aussi jolie personne. Sur le plan des apparences, elle contrastait clairement avec celles qui l’avaient précédée. Il n’était pas trop regardant sur ce point, mais tout de même ! Cela faisait un changement important. Il ne savait pas s’il avait gagné une excellente aide ménagère, mais en tout cas il était monté en gamme sur le plan de l’esthétique. C’était déjà un premier point positif à porter au crédit de la responsable du service.

    Mais, il y avait d’autres bonnes surprises.

    La jeune femme était d’origine Croate. Elle avait fait des études de droit à Zagreb et cherchait du travail à Paris. Elle avait été embauchée très récemment. Elle parlait très bien le russe et c’était un confort réel pour Anton. Cela allait évidemment faciliter les relations.

    Egalement, cette fois-ci, les consignes avaient été clairement passées. La responsable du service de l’aide ménagère avait bien noté ce qui posait problème et avait décidé de mieux cadrer l’exercice, afin d’éviter un nouvel échec.

    Elle avait également su cibler le profil de l’aide ménagère qui conviendrait le mieux à Anton. En cela, elle avait été, une fois de plus, d’une très grande efficacité.

    Christina était différente des autres. Elle semblait être dotée d’une intelligence bien supérieure à la cohorte qui avait défilé les semaines précédentes. Elle faisait manifestement preuve d’une sorte de recul bienfaisant par rapport aux tâches à accomplir.

    Elles étaient certes essentielles, mais il ne fallait pas non plus en faire une religion !

    Elle était également d’une grande sensibilité. Elle avait tout de suite aimé le capharnaüm ambiant et lui accordait un respect évident.

    Par des petites caresses et des mots gentils, elle su s’attacher les faveurs de Douchka en moins de deux secondes. Elle n’était nullement dérangée par la présence de l’animal. Elle jouait même avec le chat, tout en faisant son travail.

    Elle promit immédiatement d’être la plus discrète possible et de laisser Anton travailler au calme. Elle apprit également à faire le thé « maison » et su rapidement produire un breuvage excellent.

    Par petites touches, Christina entra dans la vie d’Anton avec une habilité étonnante. Elle arriva également à mettre un ordre relatif, qui ne se voyait pas au premier coup d’œil, mais qui produisait tout de même les effets attendus.

    Un vrai miracle !

    D’abord, un peu étonné par tant de qualités présentes en une seule personne, Anton s’était dit qu’il avait finalement trouvé sa perle rare.

    Le dossier « femme de ménage » fut donc définitivement clos dans son esprit.

    Mais ce soir, Christina n’était pas là. Elle ne viendrait que le lendemain matin, apportant ainsi un peu de mouvement et de vie dans le quotidien un peu terne du vieil homme et de son animal de compagnie.

    Quant à Douchka, elle était cachée on ne sait où !

    Anton avait envie d’un thé bien chaud qu’il partagerait, accompagné de quelque petits gâteaux secs, avec son vieil ami de toujours : lui-même.

    Il allait se lever de son fauteuil, lorsqu’un bateau mouche passa lentement sur le fleuve.

    Il s’agissait d’un des derniers modèles, très en vogue parmi les touristes. Celui avec une rangée de phares de chaque côté, permettant d’éclairer les façades des immeubles, au point de produire une lumière intense, comme en plein jour, dans les pièces des appartements donnant sur les quais.

    A son passage, l’appartement reprit vie un instant et c’est à ce moment précis qu’il cru voir une forme humaine entrer furtivement dans la pièce.

    Au début, il pensa à une hallucination, produite par le violent contraste entre l’ombre et la lumière et le déplacement latéral des phares du bateau mouche.

    Pourtant, il lui semblait bien que quelqu’un venait d’entrer dans la pièce et se cachait dans un recoin.

    Il commença à s’inquiéter.

    A l’intérieur de son cerveau, le combat débuta entre la raison et l’instinct.

    Comme, au bout de quelques secondes, rien ne se passait, c’est la raison qui triompha.

    C’était clairement une illusion d’optique. Il n’y avait aucun motif pour s’affoler ainsi. Ce n’était que des enfantillages. Comme les petits enfants, qui craignent les ombres de la nuit et qui demandent à ce qu’on laisse les lumières allumées. Tout cela n’avait donc aucun sens. Anton eut le temps de se détendre un instant, et de relâcher la pression exercée par ses mains crispées sur l’accoudoir du vieux fauteuil de cuir.

    Subitement, un éclair jaillit dans le ciel obscurci, éclairant de nouveau la pièce avec une intensité vive.

    Anton se crispa de nouveau.

    Cette fois-ci, il n’y avait plus de doute. Quelqu’un était là, dans la pièce !

    Un homme ? Une femme ? Impossible de le dire : la pièce était immédiatement retombée dans l’obscurité.

    Il ne l’avait pas du tout entendu venir. Probablement, à cause du vacarme extérieur. Pourtant, le vieux parquet en bois craquait comme du sapin dans un feu de bois. Mais là, rien du tout ! Pas le moindre bruit susceptible de trahir la présence de l’inconnu.

    Sa raison tentait toujours de garder le contrôle de la situation et le poussa à ouvrir la bouche.

    « C’est vous, Christina ?!! », cria-t-il.

    Pas de réponse.

    Nouvelle tentative de la raison.

    « Mais qui êtes-vous, enfin ! Et que faites-vous ici, chez moi ?! »

    Toujours pas de réponse.

    Désarçonnée, la raison lâcha la barre pendant un instant, et l’instinct s’en empara immédiatement.

    Anton tenta de se lever, ou plutôt son instinct de survie commanda à ses jambes de se mettre debout.

    C’est au moment précis où le fauteuil de cuir s’exprima, que l’inconnu ouvrit la bouche.

    « Reste assis, petit père. Ne bouge pas ! », dit la forme humaine tapie dans l’ombre.

    Dans un geste très lent mais sûr, l’inconnu tendit le bras et Anton vit qu’une arme prolongeait la main qui se dirigeait dans sa direction.

    La situation était claire : il y avait bien un intrus dans l’appartement !

    La voix de l’inconnu était très calme et presque mélodieuse. Pas la moindre agressivité dans le ton. Pas de geste, non plus, pour venir vers lui. L’inconnu restait immobile, à l’endroit où Anton l’avait vu pour la première fois.

    Et puis, ce détail ne lui vint pas à l’esprit tout de suite, l’inconnu lui avait parlé dans sa langue maternelle.

    Il ne prononça pas un mot de plus. Il replia le bras et l’arme disparut. Il sembla ensuite à Anton que l’inconnu faisait un geste pour regarder sa montre. Il paraissait attendre quelque chose, ou quelqu’un…

    Anton resta figé dans son élan pour se lever.

    Il était à moitié assis et à moitié debout.

    Il ne savait pas quoi faire.

    Il demeura un instant dans cette position, qui aurait très bien pu faire partie des exercices de Pilates, mais une douleur dans la colonne lui indiqua qu’il lui fallait rapidement se rasseoir.

    Il fit un effort pour redescendre doucement dans le fond du fauteuil, en faisant le moins de gestes possibles. Il eut le sentiment que cette action prenait une éternité. Ses muscles lui faisaient mal.

    Lorsque ses fesses rencontrèrent le fond du siège, il ne put empêcher le fauteuil d’émettre son bruit habituel.

    L’inconnu tourna la tête vers le vieil homme et le fauteuil péteur.

    « Chut ! Reste calme, petit père. », lui dit-il doucement, toujours dans la langue maternelle.

    Anton était désormais assis.

    Pas confortablement, non : il était assis sur une pile électrique.

    L’instinct était en éveil et, à cet instant précis, c’était lui qui gouvernait.

    Aux commandes, il envisageait déjà la suite possible.

    A un moment d’inattention de l’inconnu, il faudrait bondir prestement hors du fauteuil.

    Le plus dur serait de passer la porte, car l’inconnu était très proche de l’issue de secours.

    Il ne fallait pas, non plus, se faire des illusions ; il y aurait lutte et il faudrait une arme efficace. Les yeux étaient donc chargés de parcourir la

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