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Visites buissonnières: Témoignages sur les relations patients-médecins
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Visites buissonnières: Témoignages sur les relations patients-médecins
Livre électronique120 pages1 heure

Visites buissonnières: Témoignages sur les relations patients-médecins

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À propos de ce livre électronique

Relation patients-médecins : des professionnels de la santé racontent

Une parole autour de ce que l'auteur - un médecin généraliste - a de plus intime : l'amour de la vie, l'amour des hommes et des femmes qu'il croise, un certain point de vue sur le bonheur...

Par petites touches, ce récit tendre, émouvant, drôle, réaliste, nous ouvre à l'humanité de l'autre, qu'il soit soignant ou patient. Il nous raconte l'essence même d'un métier que certains disent en perdition.

À lire... À offrir... À méditer... mais sachez-le : vous ne regarderez plus jamais la médecine ni les médecins comme avant !

EXTRAIT 

Ce matin, j'ai découvert un perce-neige, inattendu, une vraie merveille. Ses clochettes paraissent surprises de se retrouver là, dans l'enclos givré que leur forment les dernières croûtes de neige qui luttent contre un pâle soleil. On se prend à guetter l'appel lointain des oies rieuses qui se rassemblent dans les lagunes en attendant que les souffles printaniers les poussent plus au nord, ou le chant de la sarcelle amoureuse appelant au renouveau. En pinçant avec deux doigts un fragment de leurs délicates enveloppes, la main s'assure de la réalité de tant de douceur inespérée hier encore, quand le vent nocturne faisait claquer les volets dans leurs rails.
LangueFrançais
ÉditeurWeyrich
Date de sortie9 déc. 2014
ISBN9782874892509
Visites buissonnières: Témoignages sur les relations patients-médecins

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    Aperçu du livre

    Visites buissonnières - Carl Vanwelde

    Agathe

    Ce matin j’ai découvert un perce-neige, inattendu, une vraie merveille. Ses clochettes paraissent surprises de se retrouver là, dans l’enclos givré que leur forment les dernières croûtes de neige qui luttent contre un pâle soleil. On se prend à guetter l’appel lointain des oies rieuses qui se rassemblent dans les lagunes en attendant que les souffles printaniers les poussent plus au nord, ou le chant de la sarcelle amoureuse appelant au renouveau. En pinçant avec deux doigts un fragment de leurs délicates enveloppes, la main s’assure de la réalité de tant de douceur inespérée hier encore, quand le vent nocturne faisait claquer les volets dans leurs rails.

    Comment nommer ce temps qui s’ouvre devant Agathe, petite merveille de quelques jours née avec les derniers frimas d’un hiver rude, si désirée, si choyée dès sa naissance par de jeunes parents amoureux qui s’en émerveillent ? Comment décrire cette impatience dans l’espérance, ce renouveau de l’air respiré éclatant d’un amour qui s’est incarné ? Les petites menottes qui battent dans le vide paraissent répondre aux clochettes de mes perce-neige matinaux, annonçant avec quelques semaines d’avance le retour de la grande gaieté du soleil, des jardins qui vont renaître aux fenêtres pour fêter la noce éternelle de Gaia, la Terre, et du Soleil. Je me surprends à chantonner en sourdine, oubliant un moment les gémissements douloureux du patient arthritique de chez qui je viens, les céphalées sans fin de sa voisine et les purulences qui poissent mes instruments. Ce qui est fragile aurait-il ce matin raison de ce qui est fort ; ce qui commence, de ce qui finit ; la vie sous la neige, de la mort en surface ? Bienvenue Agathe, la terre t’espère.

    Alice

    Comment raconter l’automne mieux que par la fenêtre d’Alice ? À chacun ses trésors, mais vieillir avec un paysage pareil n’est plus dépérir. Je suspends l’auscultation un moment, ébloui par le platane dont les lumières mordorées inondent la baie vitrée. Comment raconter les roses, les mauves, les bourgognes et les violets qui succèdent aux oranges, aux cuivres, aux ocres et aux ors ? Le regard se promène, bondit de buisson en bosquet, enchanté et rêveur devant cette nature qui resplendit dans son agonie. De la cime au sol jonché de feuilles craquantes, l’arrière-saison invite la palette du peintre à faire chanter les dernières heures précédant les feux dans l’âtre, les frimas et le retour des mitaines.

    Il y a quinze ans qu’Alice a rangé ses valises au vestiaire, troquant les paysages lointains pour un superbe appartement de la banlieue verte de la capitale. Les billets d’avion ont été remplacés par les longues flâneries du regard dans le sillage des oiseaux, les tables d’hôtes par le sobre repas pris sur la terrasse d’un soir d’octobre. Les rayons du soleil couchant donnent à sa vie un éclairage pointilliste dont elle se plaît à souligner la valeur symbolique : « Moi aussi, je disparais doucement de l’horizon, et c’est doux. » Elle prend congé de la vie sans se presser, avec de bonnes manières, soucieuse de n’importuner personne. L’automne est une mort douce.

    Aline

    « Cette fois, j’y vais. » Je décroche le téléphone pour la cinquième fois et forme avec peine le numéro d’Aline, la gorge serrée. Je souhaite la rencontrer pour l’informer d’une mauvaise nouvelle, bredouille une formule d’encouragement au lieu d’une formule de politesse, qui me trahit, et raccroche.

    Elle est maintenant assise en face de moi, les jambes bien droites, les mains nouées sur les genoux et attend. Elle se tait, une flamme anxieuse dans le regard : une fraction de seconde qui me paraît un siècle. Son mari, à ses côtés, transpire de grosses gouttes qui tombent sur le tapis comme la première pluie avant l’orage. Lui non plus ne dit rien. Je m’éclaircis la voix, me donne une contenance, et tout à coup m’abandonne aux mots qui spontanément me viennent aux lèvres. « Je suis inquiet, Aline, et vais essayer de vous expliquer pourquoi. N’hésitez pas à m’interrompre si je ne suis pas clair. N’avez-vous jamais ressenti une gêne au foie… » J’enfile les phrases avec attention, conscient qu’elles résonnent dans mon bureau comme des cloches sonnent le tocsin. « Pourrait-ce être un cancer ? » Nos regards se croisent, il n’est même plus nécessaire de chercher les mots. Elle a compris. Son mari lui prend la main et je le vois pleurer doucement. Quant à elle, son visage se décompose progressivement, et une arborescence de ridelles que je ne lui avais jamais remarquées précédemment lui sillonnent brusquement les alentours des yeux et les commissures des lèvres. Dix ans se sont écoulés en deux minutes et je suis pris d’une nausée incoercible à la seule pensée des mots que je viens de prononcer. Une lâche envie de fuir, de claquer la porte et de courir éperdument en rue me saisit, et j’en ai honte. Un long silence habite la pièce où la pénombre d’un soir de novembre s’est soudain installée. Je regarde à nouveau Aline, esquisse un pâle sourire, suscite d’éventuelles questions. La veille, j’ai lu Françoise Henry¹, était-ce prémonitoire ?

    Le sol se dérobait sous elle. Le ciel se déchira, devint transparent, et toutes les choses qu’elle aimait du fond d’elle-même, l’air de septembre, l’odeur lointaine d’un feu de broussailles arrêté par la pluie dans un champ, celle plus proche de l’herbe un peu humide, et les sensations d’avant l’automne, celle du tissu léger de sa robe sur ses jambes encore nues, même le léger crépitement des gouttes sur le tissu du parapluie, tout cela fut douloureux d’un seul coup.

    Un sourire las clôt la consultation, une poignée de mains, je les raccompagne à la porte. Le reste appartient à l’oncologue qui va prendre Aline en charge ; je la reverrai épisodiquement pendant la chimiothérapie, et plus tard au moment de l’ultime glissade « de l’irréel vers le réel, du rêve vers la conscience » pour paraphraser la Gîtâ. Ô mes yeux bienheureux, tout ce que vous avez vu, que cela soit comme cela voudra, c’était quand même si beau ! (Goethe).


    1. Françoise Henry, Le postier, Calmann-Lévy, 1999.

    Alphonse et Marie-Louise

    Il y a du Brassens dans ce visage : la moustache rieuse, le pétillement au fond des yeux, l’absence de malice dans les rides. Alphonse vieillit bien, je le lui rappelle les jours d’anniversaire et quand il parle de vendre… Marie-Louise ne vieillit pas, elle le suit et le protège, couvrant ses rhumatismes de laine chaude et de liniments durant la saison hivernale, discrète et efficace petite main que le travail ne rebute guère. Je les traite six mois par an, passant le relais le jour du printemps à un confrère du pays profond, collaboration médicale inhabituelle mais efficace.

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