Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1
Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1
Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1
Livre électronique260 pages3 heures

Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Julia Schwarz est familière avec la mort : dans son institut médico-légal, on la surnomme « La dame de glace », et rien ne la déstabilise. Du moins, tant qu'elle parvient à refouler son sombre passé...
Lorsque le commissaire Florian Kessler l'appelle sur une scène de crime au bord du marais, l'affaire lui semble simplissime. Enfin, jusqu'à ce que le corps disparaisse... et que celui d'une nouvelle victime affleure. Julia doit se rendre à l'évidence : un dangereux tueur en série est à l'œuvre. Et le seul indice qu'elle possède est l'étrange tatouage sur le ventre des victimes...
Le temps joue contre Julia ! Saura-t-elle trouver le meurtrier avant qu'il ne fasse une autre victime ? Et surtout, se rendra-t-elle compte à temps de son implication dans ce tourbillon du mal ?
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie4 mars 2024
ISBN9788728419984
Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1

Auteurs associés

Lié à Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1

Titres dans cette série (4)

Voir plus

Livres électroniques liés

Procédure policière pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1 - Catherine Shepherd

    Catherine Shepherd

    Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1

    Traduit par Aline Weill

    Saga

    Les Ténèbres du marais - Julia Schwarz, Livre 1

    Traduit par Aline Weill

    Titre Original Mooresschwärze

    Langue Originale : Allemand

    Cover image : Shutterstock

    Copyright ©2016, 2024 Catherine Shepherd et SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728419984

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    Le Lac

    Profond, sombre et froid est ce lac. Sombre et froid comme l’âme d’un monstre.

    Mais quand le soleil darde sur lui ses rayons, il semble clair et charmant,

    Comme l’âme d’un monstre qu’un sourire illumine, mais tous les deux font illusion.

    Le soleil se couche, le sourire s’efface, et l’âme et le lac redeviennent effrayants.

    Katharina Eisenlöffel

    Prologue

    Le ciel est radieux, si bleu et sans nuages que je pourrais m’y perdre. Je sens le parfum de l’herbe, sec comme celui de la paille. J’aime cette odeur. Elle me rappelle mon enfance, le temps où je me cachais dans le foin pour ne pas aller dans la ferme de mes grands-parents. Je ne voulais jamais entrer dans cette petite cabane, percée de minuscules fenêtres, qui était non seulement étouffante mais sombre, même en été.

    Je laisse mes yeux errer sur la prairie flétrie. Les fleurs sont toutes déshydratées par la chaleur. Il n’en reste que les tiges, les feuilles desséchées et les corolles pendantes. Leurs couleurs se sont fanées et la vie a depuis longtemps quitté leurs fibres délavées. Je regrette que les fleurs soient mortes. En même temps, je me souhaite une fin semblable. Quoi de mieux que de mourir en plein été, sous un ciel d’azur ? Y a-t-il un autre lieu, où l’on puisse être plus près de Dieu ? Je secoue la tête, répondant ainsi à ma question. Pourtant, mon cœur bat bien plus vite que d’ordinaire. Pas à cause des endorphines, qui me font planer au-dessus de l’herbe. Non. C’est la peur qui affole mon cœur. Je la sens partout sur ma peau qui, malgré la chaleur, se contracte et me fait trembler violemment.

    Les feuilles d’un bouleau bruissent dans le vent. Je les contemple, fragiles créatures vert tendre qui volettent comme des papillons et me donnent un peu de réconfort. Le tronc noueux, en forme d’index courbé, semble pointé vers l’endroit qui m’est destiné. Je préférerais rester dans cette prairie desséchée et m’étendre parmi les grillons, qui stridulent entre les brins d’herbe en me jouant un chant d’adieu. J’aimerais pouvoir mourir avec leurs douces râpes dans les oreilles. Mais mon dernier voyage me mène plus loin, vers un épicéa isolé, de brillantes molinies et des buissons arrondis, qui ont poussé si dru qu’ils peuvent braver la sécheresse. Des saules pleureurs se profilent, annonçant un plan d’eau qui sera bientôt ma nouvelle demeure. Je jette un œil au charmant paysage derrière moi, pour l’admirer une dernière fois. Un faucon plane en altitude. Ses ailes sont déployées, presque comme mes bras qui se balancent, sans force, le long de mon corps. La vue de ce rapace m’affecte un peu. Il pousse un cri qui s’engouffre dans mes oreilles et continue d’y résonner. J’aimerais le retenir car c’est un signe de vie. D’une vie à laquelle je tiens et ne veux pas renoncer – mais je continue à planer vers ma destination finale, celle qu’il m’a réservée. Je sens la sueur dégouliner sur mon corps – sa sueur – , ses bras puissants me porter inexorablement. Mes muscles sont bien trop affaiblis pour couvrir eux-mêmes la distance. Je vois ses tendons solides, qui s’étirent sur son cou athlétique, sa mâchoire anguleuse et son nez crochu, qui me fait penser à celui d’un sorcier. Peut-être en est-il un. Il semble le croire, en tout cas. Sinon, nous ne serions pas là. Il a tatoué mon ventre. Je sens encore les fines aiguilles qui ont tracé une image sous mon nombril, que j’emporterai avec moi dans l’oubli. Elle coulera avec le reste de mon corps et ne reverra peut-être jamais le jour, comme moi. Des moustiques se posent sur mes jambes, mais je n’ai pas la force de les chasser. Leurs trompes s’enfoncent profondément dans ma chair, pour me sucer. Comme si cela faisait une différence, maintenant. Je vais mourir. Avec ou non du sang dans les veines. Je ne résiste pas et tourne à nouveau mon regard vers le ciel. Je vois son larynx tressaillir. Il avise quelque chose qui l’excite. A-t-il trouvé l’endroit ? Le désespoir me gagne. Je croyais avoir encore un répit, si court soit-il, car chaque instant glané est une victoire. Je cille sous la sueur de son menton qui perle sur mon front. Ses gouttes qui rebondissent me rappellent la pluie, sans l’impression de purification. Je sens l’effort qu’il fait pour me porter sur tout le trajet. Il ne me jette pas un regard, comme si je n’étais déjà plus là. Ses yeux sont fixés droit devant lui. Il titube et je baisse brièvement la tête. En bas, il n’y a plus d’herbe, seulement de l’eau stagnante. Ses bottes s’enfoncent dans la nappe trouble, si sombre qu’elle avale la lumière du soleil. Ses rayons percent la surface, qui ne les renvoie jamais. Je ferme les yeux et je l’entends gémir, car chaque pas l’épuise et réclame toute son attention. J’aimerais qu’il dise quelque chose. Pouvoir entendre une dernière fois une voix humaine, l’emporter quand la fin s’abattra sur moi. Mais il reste muet et ne me regarde pas. Je respire plus vite. Chaque seconde compte. J’ouvre grand les yeux et la bouche. Même mes bras se lèvent un peu et, un instant, je crois pouvoir me cramponner à son corps massif. Mes doigts forment des griffes dans l’air, tâchant de trouver une prise. Le bâillon m’empêche de crier, mais un croassement parvient à sortir de ma gorge. Il tressaille et me regarde. Ses yeux me fixent avec étonnement.

    Puis il me lâche. Je tombe. Cela dure bien plus longtemps que je m’y attendais. Je l’aperçois, vois ses yeux et ses lèvres. Même la ride sur son front. J’oublie cette vision pour m’abîmer dans la contemplation du ciel. Le soleil m’éblouit, m’enveloppe dans une cape de lumière juste avant que je sombre. L’eau m’attrape avidement et m’attire vers le fond. Le passage de la clarté à la nuit me surprend et me coupe le souffle. L’obscurité sans fin, percée un instant par mon haleine, capte la dernière lueur sous la surface, pendant que je coule. C’est curieux de sentir la fraîcheur sur ma peau brûlante. Ce serait presque agréable, s’il n’y avait l’eau qui m’envahit et s’empare de moi.

    La panique me donne un élan ultime. Je me débats pour tenter d’atteindre la surface. J’y parviens presque et une lueur d’espoir me prête des forces surhumaines. J’émerge.

    Mais alors, je sens sa botte sur mon ventre. Elle écrase l’image qu’il a tracée à grand’peine et me repousse vers le fond dans les ténèbres, qui me prennent dans leurs bras et expulsent la vie de mon corps. Elle le quitte dans un flot de bulles d’air où, peu à peu, s’amenuise le reflet de la lumière. Jusqu’à ce que tout vire au noir.

    Chapitre 1

    L’éclairage soulignait l’atmosphère macabre. Pourtant, malgré la vive lumière et l’abondance de sang, la cruauté ne régnait pas dans cette salle. Au contraire, le rayonnement bleuté créait une réalité artificielle qui montrait sobrement l’anatomie du corps. Sur le fond en inox de la pièce carrelée, la peau livide de l’homme semblait encore plus incolore. La plupart des gens se sentaient mal à l’aise dans cette salle. Ils devaient lutter contre le réflexe de vomir et leur envie de fuir. D’ordinaire, ces instincts masquaient la faculté de concentration comme la pensée logique.

    Pour le docteur Schwartz, c’était bien différent. Julia ne pouvait pas mieux se concentrer qu’ici. Elle maniait fermement le scalpel, qui laissait une fine ligne rouge sur la peau du cadavre. Julia suivait le protocole standard. C’était une de ces autopsies dont on n’attendait pas de surprises. Il n’en allait pas toujours ainsi. Julia était médecin légiste à l’institut médico-légal de Cologne. Pour elle, collaborer avec la police judiciaire et éclaircir des morts violentes était monnaie courante. Elle acheva l’incision en Y sur le torse et mit de côté le scalpel pour empoigner une scie. Habilement, avec des gestes mesurés, elle sectionna les côtes et la clavicule, détacha les pectoraux et observa les organes de l’homme. Les poumons ne présentaient rien de particulier. Ce corps aurait pu fonctionner encore des années si une balle n’avait pas déchiqueté le cœur. C’était celui d’un dealer russe, tombé dans une fusillade entre bandes rivales, qui avait fait deux victimes, dont Boris Fjodorow. L’autre se trouvait dans la chambre froide. Son autopsie viendrait après. Julia préleva le cœur et les poumons, puis retira la balle mortelle.

    – Le calibre est de 9,2 millimètres, ce qui correspond à l’arme du crime, un pistolet Makarov. (Julia posa la balle dans une boîte de Pétri, qu’elle remit à son assistant Emanuel, qui la regarda avec de grands yeux.) Porte ça à la ballistique, ajouta-t-elle en souriant.

    Emanuel partit avec la boîte. En médecine légale depuis quelques semaines, il ne s’y était pas encore habitué. Chaque autopsie le rendait blême et parfois, sa pomme d’Adam tremblait si nerveusement que Julia craignait de le voir s’évanouir à tout moment. Heureusement, ce n’était pas arrivé jusqu’ici. Elle aimait bien Emanuel. Il était prometteur et lui rappelait ses propres débuts. Comme lui, elle avait su dès l’adolescence qu’elle allait embrasser ce métier. Mais si le choix d’Emanuel reposait sur des séries télévisées qui tendaient à l’idéaliser, Julia avait eu d’autres raisons. Elle ne cherchait pas à tirer une quelconque gloire de son travail ni à s’en vanter. Sa motivation était bien plus simple, quoique due à un tragique coup du sort : un besoin de justice.

    Elle était parvenue au foie du mort et le posait sur la balance quand ses pensées revinrent au jour qui avait dramatiquement changé sa vie. En rentrant de l’école par une froide soirée de novembre, elle avait trouvé une voiture inconnue garée dans l’allée. Julia n’y avait guère prêté attention. Sortant une clé de la chaîne qu’elle portait au cou pour ne pas la perdre, elle avait ouvert la porte de la maison.

    Des voix étranges s’élevant du salon au bout du couloir l’avaient arrêtée. Julia avait refermé la porte en silence et écouté. Au début, elle n’avait rien compris, puis elle avait entendu sa mère. C’était son cri désespéré qui l’avait transpercée. Quelque chose de terrible avait dû se produire. Sa mère n’avait jamais été aussi bouleversée. Julia avait ôté ses chaussures, puis s’était faufilée dans le couloir. En écoutant à la porte du salon, elle n’avait d’abord pu saisir qu’un murmure. Puis, un homme à la voix grave avait dit :

    – Je suis désolé, Mme Schwarz. Nous ferons tout notre possible pour trouver au plus vite le meurtrier de Michael.

    Ces mots avaient fendu l’air tels des boulets de canon, pour aller se fracasser dans les oreilles de Julia. Assommée, elle avait cherché à comprendre le sens de cette phrase. De quoi parlait cet homme ? Michael était à l’école. Elle-même l’y avait accompagné ce matin, comme tous les jours. L’homme avait tort. Elle en savait mieux que lui. Comme chaque matin, ces quatre dernières années, Michael était allé à l’école avec elle. Elle lui avait dit au revoir sur le seuil de sa classe et l’avait vu entrer. Elle était sûre de le retrouver à la maison dans l’après-midi. D’habitude, il avait une journée plus courte que la sienne et se trouvait déjà dans sa chambre à son retour, penché sur ses devoirs. Mais ce jour-là, son frère n’était pas rentré. Il n’était jamais revenu. Perplexe, Julia avait poussé la porte entrouverte et surgi dans le salon, où ses parents étaient assis avec deux inconnus.

    – Où est Michael ?

    Lourd silence. Sa mère l’avait regardée avec effroi, les yeux mouillés de larmes. Son père était resté figé sur le divan. Les visiteurs fixaient leurs pieds.

    Pendant que le docteur Schwarz remuait le passé, elle poursuivait son travail sur le cadavre. Avec des gestes exercés, elle ouvrait des parties de l’intestin et vidait leur contenu dans des boîtes de Pétri pour un examen plus poussé. Emanuel était revenu. Julia remarqua la crème mentholée qu’il avait encore appliquée sous son nez. Elle ne put s’empêcher de sourire, se rappelant sa propre réaction au début de sa formation en médecine légale. À l’époque, elle ne supportait pas les odeurs, mais au bout d’un moment, son dégoût était passé. Elle acheva l’examen de la cavité abdominale et se fit aider par Emanuel pour refermer la cage thoracique. Tandis qu’elle recousait le corps, la routine du travail la ramena à l’instant où la Julia de seize ans avait surgi dans le salon de ses parents.

    – Ah, ma puce ! (Sa mère avait été la première à sortir de l’état de choc. Elle s’était levée d’un bond pour la prendre dans ses bras.) Il est arrivé une chose affreuse à ton frère.

    – Où est Michael ? avait répété Julia d’une voix étranglée.

    Elle sentait la respiration rapide de sa mère, qui parlait confusément. Son étreinte lui coupait presque le souffle.

    – Où est-il ? avait-elle crié en se dégageant.

    Des larmes torrentielles coulaient sur les joues de sa mère. Ses lèvres tremblaient. Elle déglutissait, tâchant de ne pas perdre son sang-froid. Puis, à nouveau, elle l’avait enlacée en lui caressant les cheveux.

    – Il ne rentrera plus à la maison, avait-elle soufflé au bout d’un moment. Dieu l’a emmené au ciel.

    C’était la seule explication qu’avait reçue Julia en ce jour terrible. Tout le monde avait cherché à lui cacher la cruelle vérité. Comme si ça pouvait adoucir sa peine. Les faits n’étaient apparus que peu à peu. Dans une forêt voisine, un inconnu avait abusé de son frère de douze ans et l’avait tué. Aujourd’hui, plus de quinze ans après, Julia avait encore du mal à contenir ses larmes quand elle pensait à lui.

    Son regard se posa sur l’horloge et elle constata avec soulagement que c’était l’heure de la pause petit-déjeuner.

    – On va s’arrêter un peu, lança-t-elle, ignorant l’air stupéfait d’Emanuel. J’ai l’estomac qui gronde. On est là depuis cinq heures du matin et j’ai besoin d’avaler quelque chose et de prendre un café.

    Elle ôta en hâte ses gants et sa blouse, puis quitta la salle de dissection sans un mot. Au lieu de la cafétéria, elle gagna les toilettes, ferma la porte et s’assit tout habillée sur la cuvette. Elle respira à fond. Ses émotions la submergeaient rarement. Ce devait être le stress des derniers jours qui la mettait à bout. D’habitude, Julia était une championne du déni. Depuis la mort de Michael, elle avait toujours refoulé la douleur qui menaçait de la ronger. Toutes les séances de thérapie du deuil n’avaient servi à rien. Comment auraient-elles pu marcher ? L’assassin n’avait jamais été arrêté. Il était toujours en liberté et Dieu seul savait combien d’enfants il avait encore sur la conscience. Il en disparaissait tant chaque année. Chaque fois que la disparition d’un mineur était médiatisée, elle ne pouvait s’empêcher de penser à l’homme qui avait sauvagement tué son frère. Son portable sonna et elle sursauta. Elle le tira aussitôt de sa poche et mit l’appel en attente. Son regard tomba sur la date et elle comprit, à cet instant, la raison pour laquelle elle était à cran. Elle tentait de l’ignorer depuis son réveil : c’était l’anniversaire de Michael. Il aurait eu vingt-sept ans aujourd’hui. Il serait sûrement devenu un jeune homme séduisant, croquant la vie à pleine dents. Il pourrait être encore auprès d’elle et la railler avec son insolence coutumière. Au moins, il ne lui manquerait plus aussi atrocement. Elle enfouit son visage dans ses mains. Quelques larmes roulèrent sur ses joues. Elle arracha du papier toilette et les essuya prestement. Il y avait si longtemps et pourtant, le chagrin la brûla dès qu’elle s’y laissa aller. Michael n’était plus là. Le coupable avait couvert ses traces. Il ne lui restait plus que l’espoir de trouver une nouvelle piste qui permette enfin de le confondre. C’était ce qui l’avait poussée à devenir médecin légiste. Elle ne pouvait pas accepter que l’assassin reste impuni. Elle ne pouvait admettre qu’on ne puisse pas isoler d’ADN sur les cheveux prélevés sur le lieu du crime. Entre-temps, après avoir analysé une énième fois les preuves, elle était parvenue à la conclusion que la police de l’époque avait fait tout son possible. Et l’usage de méthodes plus modernes n’avait pas donné d’autres indices sur l’identité du coupable.

    Dès lors, elle s’attaquait à chaque nouvelle affaire avec acharnement. Son taux de réussite était époustouflant. Elle éprouvait une satisfaction infinie quand son travail aidait à coincer les coupables. Chaque fois qu’elle envoyait un criminel en prison, ça calmait un peu la blessure que le meurtre de son frère avait laissée dans son cœur. Elle s’imaginait venger sa mort à chaque arrestation et croyait, en son for intérieur, qu’un jour, elle trouverait également son tueur. Elle savait que la justice finirait par se faire entendre. Bien souvent, sa persévérance avait été payante. À l’institut médico-légal comme dans la police judiciaire, elle était connue pour donner une voix aux morts et se battre pour leur rendre justice.

    À nouveau, son portable sonna. Cette-fois, elle décrocha.

    – Schwarz, dit-elle d’une voix ferme en quittant la cabine des toilettes.

    – Julia. Ah, te voilà ! J’ai besoin de toi immédiatement, pour examiner une scène de crime.

    Son ventre gargouilla, frappé par ce ton grave. Le lieutenant Florian Kessler n’était pas du genre à exagérer. Quand il disait immédiatement, c’était vraiment urgent. Julia nota l’adresse et raccrocha. Elle se tenait encore devant le miroir du lavabo. Des cernes s’étalaient sous ses yeux. Elle ouvrit le robinet et s’humecta le visage d’eau froide. Puis elle s’observa un instant. Elle avait le teint pâle, les cheveux noirs et des lunettes sombres en écaille, derrière lesquelles veillaient des yeux bruns perçants. Une coupe au carré encadrait son visage, car c’était la coiffure la mieux adaptée à son travail. Julia n’aimait pas les cheveux courts. Mais si elle les avait gardés longs, elle aurait toujours dû les relever en chignon, pour qu’ils ne la gênent pas. La coupe au bol était un compromis qui, du reste, lui allait assez bien. Son physique

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1