A l'école de la solitude: Témoignage philosophique et psychologique
Par Danièle Henky
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À propos de ce livre électronique
Désorientée, égarée dans une société où elle n’a plus aucun repère, une jeune femme remet pour la première fois en cause son appartenance au monde du travail et à notre système de communication. Elle éprouve soudain le désir de tout quitter et de partir vivre durant une année sabbatique dans un hameau déserté. Elle espère reconquérir, grâce à l’écriture, sa personnalité en train de se déchirer sous l’effet de signaux et d’appels aussi impératifs que contradictoires. L’isolement, puis la vie simple du village et le contact de la nature l’y aideront peut-être. C’est de toute façon un voyage au bout duquel elle se doit d’aller, car elle a une mission : se retrouver.
Que peut-on bien faire hors des impératifs de la vitesse, du chaos de bruits, de mouvements, de couleurs et d’odeurs qui, chaque jour, stimulent et/ou excitent les sens, qui donnent à l’existence, par leur effervescence, sa raison d’être ? Comment peut-on se sentir vivre sans les séductions multiples et toujours renouvelées de la consommation, sans la présence et surtout sans le regard des autres ?
Pour quelle raison certains ressentent-ils, à l’heure, actuelle, le besoin presque vital de s’isoler ? Et que peut-il bien se passer lorsque l’on s’évade dans « un endroit écarté » afin de se mettre à l’école de la solitude et de laisser faire les choses… pour une fois ?
En proposant de s'isoler de l'agitation du monde pour tenter de répondre à ses propres questions identitaires, Danièle Henky nous emmène dans une quête initiatique, sur le chemin de la réflexion et de la spiritualité.
A PROPOS DE L'AUTEUR
Danièle Henky est maître de conférences en langues et littératures française à l'université de Strasbourg et membre du groupe de recherches "Configurations littéraires". Parallèlement, Danièle Henky est spécialiste de la littérature jeunesse des XXe et XXIe siècles et fait partie du groupe de recherches "Voir autrement en littérature d'enfance" à l'université de Laval (Québec). Elle a rédigé de nombreux ouvrages scientifiques sur le sujet.
EXTRAIT
Par le passé, on appelait « solitude » une demeure « où l’on vit retiré du commerce des hommes ». À la fin du Misanthrope de Molière, Alceste, déçu par la société de son temps et surtout par Célimène, sa bien-aimée, qui lui préfère le monde hypocrite et léger des courtisans, décide de « fuir tous les humains » et de s’en aller vivre dans ce qu’il appelle « son désert ». Pour les gens du XVIIe siècle, se retirer à la campagne dans la solitude, fût-elle celle d’un château, c’est un enterrement.
On peut se demander si aujourd’hui les citadins n’envisagent pas de façon aussi négative le désir que certains d’entre nous éprouvent soudain de tout quitter pour se retrouver à l’écart. Un départ, même momentané, à l’occasion de vacances par exemple, vers un lieu isolé, calme, silencieux, privé des attraits d’un complexe touristique, loin de l’agitation perpétuelle des rues, des magasins, des bureaux et des ceintures de routes, de voies médiatiques et numériques qui entourent désormais les villes, est perçu comme une désertion par ceux qui restent.
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Aperçu du livre
A l'école de la solitude - Danièle Henky
À Audrey et Julien
Toucher terre, c’est retrouver tout le grand air.
Henri Pourrat
À l’école de la solitude
Par le passé, on appelait « solitude » une demeure « où l’on vit retiré du commerce des hommes ». À la fin du Misanthrope de Molière, Alceste, déçu par la société de son temps et surtout par Célimène, sa bien-aimée, qui lui préfère le monde hypocrite et léger des courtisans, décide de « fuir tous les humains » et de s’en aller vivre dans ce qu’il appelle « son désert ». Pour les gens du XVIIe siècle, se retirer à la campagne dans la solitude, fût-elle celle d’un château, c’est un enterrement.
On peut se demander si aujourd’hui les citadins n’envisagent pas de façon aussi négative le désir que certains d’entre nous éprouvent soudain de tout quitter pour se retrouver à l’écart. Un départ, même momentané, à l’occasion de vacances par exemple, vers un lieu isolé, calme, silencieux, privé des attraits d’un complexe touristique, loin de l’agitation perpétuelle des rues, des magasins, des bureaux et des ceintures de routes, de voies médiatiques et numériques qui entourent désormais les villes, est perçu comme une désertion par ceux qui restent.
Que peut-on bien faire hors des impératifs de la vitesse, du chaos de bruits, de mouvements, de couleurs et d’odeurs qui, chaque jour, stimule et/ou excite les sens, qui donne à l’existence, par son effervescence, sa raison d’être ? Comment peut-on se sentir vivre sans les séductions multiples et toujours renouvelées de la consommation, sans la présence et surtout sans le regard des autres ?
Désorientées par tant d’aimants qui affolent l’aiguille de leur boussole intérieure, de plus en plus de personnes aspirent, cependant, à un moment de retrait hors de la société afin d’entreprendre la reconquête d’une personnalité en train de se déchirer sous l’effet de signaux et d’appels aussi impératifs que contradictoires. Ce temps de la reconstruction peut être donné dans « un endroit écarté » afin de se mettre à l’école de la solitude et de laisser faire les choses… pour une fois.
Le pays était vert, et vide.
Pourtant, le premier soir, depuis la fenêtre de la chambre, à l’arrière de la maison, c’est du rouge qu’elle avait vu barrant l’horizon. Elle n’avait pu détacher son regard de cette ligne qui saignait pardessus le village mort. Elle avait attendu que ça s’éteigne doucement et n’avait tiré le volet sur la cendre du ciel qu’au premier cri de l’oiseau nocturne.
La bâtisse épaisse et lourde où elle venait d’élire domicile faisait fonction d’école au siècle dernier. Il lui fut facile de retrouver la place des élèves et celle du maître ou de la maîtresse dans la salle de classe au rez-dechaussée. Le tableau noir avait laissé sa trace sur un mur lisse, face à la porte d’entrée. Juste devant le tableau, le bureau des instituteurs pour forcer l’attention des plus paresseux.
Peut-être, à gauche de l’estrade, y avait-il une carte de France avec des fleuves et des montagnes en relief. Et à droite, de part et d’autre de la seule fenêtre de la pièce, des tables de multiplication ou des portraits d’hommes célèbres. Un espace minutieusement cadré, pour stimuler le goût de l’étude et refréner la tentation de la distraction, du rêve…
Ses rêves à elle venaient s’échouer ici dans cette terre gommée des atlas de géographie, oubliée dix mois sur douze, réveillée le temps d’un été en pointillé et de moins en moins souvent. Un trou, un de ces villages autrefois vivant où l’on faisait de l’élevage, un peu de céréales et des légumes, où l’on vivait bon an mal an comme on pouvait, en travaillant tous les jours que Dieu fait et plus encore… Elle pensait aux femmes surtout, ces femmes de la campagne : fermières, fromagères, épouses et mères, ouvrières, enfin, à leurs moments perdus si mal nommés. Elle avait vu, sur des cartes postales, des photos en noir et blanc du début du XXe siècle, les dentellières à l’ouvrage. Yeux vides, sourires serrés, bonnets mal ajustés, lançant les canettes par-dessus les épingles des coussins, de leurs mains abîmées et lestes. Elle était fascinée par ces doigts pleins de nœuds, mais assez déliés pour entrelacer savamment les fils et réaliser des kilomètres de frises à la géométrie compliquée. Quel effet pouvait produire sur ces paysannes la beauté apprêtée et subtile de leurs ouvrages, si éloignée de leur univers rustique purement fonctionnel ?
Ce pays lui était étranger. Elle