Fantastique La colocation

Impossible d’écrire quoi que ce soit. J’essayais depuis plusieurs jours sans résultat. L’esprit ressemble parfois à ces stylos-plume qui ont perdu leurs propriétaires : tout devrait fonctionner, l’encre est dans la cartouche, mais rien à faire, la plume déchire la feuille au lieu d’entamer avec elle une danse. Les mots accrochent, ne s’inscrivent pas.

Court-circuit.

Autour de moi, un désordre d’ouvrages entrouverts, de feuilles volantes et de tasses de café vides. Des recherches, des pistes de travail, des paquets de chips éventrés, des bières éventées, des cendriers remplis, des assiettes sales. Autour de moi, les vestiges d’un écrivain en ruine, qui avait été prometteur, puis décevant, sur le retour puis disparaissant, jusqu’à se faire oublier dans la masse ou la jungle du monde des livres. Aidé par un premier succès d’édition, j’avais hésité quelque temps entre ma formation de journaliste et ma passion de la littérature, mais la lassitude et les échecs s’accumulant par la suite, la chute paraissait inévitable : l’idée de retourner travailler dans l’entreprise familiale revenait de plus en plus souvent. Une vie saine, un emploi stable, des rêves à ma portée.

Mes yeux erraient à travers la fenêtre, sur les murs des immeubles d’en face, sur la rue, les passants. Dehors, à quelques mètres à peine, un spectacle habituel se mettait en place. Je regardais distraitement l’agitation d’un jour de semaine, un chat se faufilant entre les capots des voitures garées le long du trottoir, les pigeons à la recherche d’un morceau de pain sous les bancs publics.

Le printemps commençait sur les chapeaux de roue, brillant, actif, fluide et vivant. Un moineau sur la rambarde du balcon mit fin à ma rêverie et mon esprit retourna s’enfermer à l’intérieur, dans ce bureau aux étagères recouvertes de connaissances, de beautés et d’aventures.

Les artistes qui recouvraient les murs de ma bibliothèque avaient traversé le monde. Ils