Sept jours en face: Roman
Par Anne Lecourt
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À propos de ce livre électronique
Sept jours en face est un petit roman intimiste et énigmatique construit en miroir, une quête sur la vérité des origines, une histoire de résilience et de réconciliation, où le paysage, omniprésent, est presque une figure poétique à part entière.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Anne Lecourt est traductrice de métier. Autrice de plusieurs ouvrages sur la parole des femmes en Bretagne, elle signe avec les éditions Parole son premier roman.
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Avis sur Sept jours en face
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Aperçu du livre
Sept jours en face - Anne Lecourt
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Page de titre
Anne Lecourt
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Sept jours en face
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À toutes les naissances
En guise d'introduction 1
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C’était un rendez-vous entre ciel et mer, leur bavardage incessant. 1943-1967. Aucune autre inscription, rien. Une tombe à l’écart, saupoudrée d’un sable presque blanc, si fin que les motifs sur la pierre polie se recomposaient inlassablement chaque fois que la brise respirait. J’ai déposé mes roses. Je suis restée longtemps, assise là, dans ce tête-à-tête pacifié avec celle qui reposait le front contre la dune. On sentait le soleil et la pluie, et la paix accroupie dedans les murs. Le silence et le vent, infatigable. L’éternité. Puis la grille rouillée du cimetière derrière moi a poussé un petit cri grêle.
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Je rentrais.
Port B., septembre 2000
En guise d'introduction 2
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Au début j’ai marché, beaucoup. Je me suis abandonnée, je n’ai pas essayé de résister ni de comprendre. J’ai laissé venir à moi les sensations, et aussi les gens. J’ai pensé, il faudra du temps, sans doute, pour délier les langues de ce pays-là, comme il faut du temps pour qu’en chacun de nous commence à se relever un passé résigné ou depuis longtemps contraint au silence. L’idée, une double quête, s’annonçait comme un lent cheminement à l’envers, un compte à rebours dont j’espérais qu’il me ramènerait au commencement. Je voulais regarder les choses en face et écrire l’histoire telle qu’elle se raconterait au fil des rencontres. Une fois pour toutes. Après tous ces détournements, ces tentatives d’étouffement, ou d’esquive. Après ce temps de tâtonnement, si long, qu’avait été ma vie. Une histoire, forcément, qui aurait plusieurs voix, mêlant le dedans et le dehors, le présent et le passé, le vrai et le faux – il faudrait composer avec toutes ces voix – il faudrait improviser, rebondir. Je ne savais rien d’avance. Ni quoi, ni comment, et si seulement je serais capable d’aller au bout. Je venais d’avoir quarante ans. J’attendais un enfant. Il me restait un peu moins de vingt semaines.
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Je voulais savoir.
Premier jour
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Elle dit qu’au début, les premières semaines, la jeune femme était restée assise à la table, à regarder le bébé. La petite chose chiffonnée dormait dans un couffin d’osier posé au sol avec deux poings fermés minuscules. Et aussi que le couffin était si grand que le corps y semblait noyé. Elle dit, elle s’en souvient, qu’elle avait donné des brassières, deux paires de chaussons tricotés, une pile de petits vêtements repassés. Elle n’avait pas trouvé de mots pour accompagner son geste. C’était un geste, du reste, qui n’attendait rien en retour. L’autre avait tout pris, paupières baissées, avait tourné le dos, s’était sauvée.
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On vous a bien renseignée. Si quelqu’un l’a écoutée, il me semble que c’est moi.
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Elle dit ça mais quelque chose sonne faux dans la voix. À moins que ce ne soit moi. Moi qui sonne faux, déjà. Elle s’appelle Madame Luce et c’est la personne qui me loge. Je la remercie pour le café et je tourne la petite cuillère dans ma tasse pour surmonter la gêne – je ne prends pas de sucre, merci. Je prétends que j’écris un livre. Je lui donne le nom que je partage avec toi, mais en fin de compte, elle ne pose aucune question. Elle ne s’intéresse pas, elle a son monde, il semble que cela lui suffise. Elle me regarde à peine, ou plutôt ne soutient pas mon regard. Elle m’explique qu’elle vit avec des chats depuis qu’elle est veuve. Ils sont quatre. Je les cherche des yeux. Elle dit ils viendront plus tard – elle est prise d’un petit rire frileux, sonore comme un grelot –, pour l’instant ils observent. Je la regarde remonter sur son épaule maigre un gilet couleur de feuille morte. On dirait un petit rongeur, un mulot de livre d’enfant. La maison est sombre, tout en hauteur, étroite. Un mur au pignon piqué de ravenelles pourpres, une façade à l’enduit délavé par les grains qui se succèdent en rangs serrés sous un ciel qui ne tient pas en place.
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Je choisis pour la semaine une chambre à l’étage. La vue porte loin. De la fenêtre, je peux voir la vague s’avancer, blanchir, puis s’éteindre sur le sable sans qu’aucun son ne me parvienne, un film muet, en couleurs. Je souris, étrangement heureuse de me trouver là, avide d’espace et de vent. Elle dit il n’y a rien pour se faire à manger. Un lavabo pour la toilette, et vous trouverez une douche au fond du couloir. Vous serez tranquille, il n’y a personne d’autre dans la maison, que vous et moi. Elle parle d’un café-presse sur la place de l’église et d’une boulangerie, juste en face. Je l’écoute, distraite. Je hausse les épaules, manger m’est égal. Boire, peut-être. Je triture au fond de ma poche le carnet que j’ai acheté exprès pour écrire cette histoire. D’un brun chaud et velouté, comme ta peau. J’écarte la pensée de toi qui me vient, l’éloignement, la séparation temporaire, la première en vingt ans. Je ne défais pas mes sacs. Je me réserve la possibilité de tout quitter d’un moment à l’autre. Je