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Au flirt de la folie: Thriller psychologique
Au flirt de la folie: Thriller psychologique
Au flirt de la folie: Thriller psychologique
Livre électronique376 pages5 heures

Au flirt de la folie: Thriller psychologique

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À propos de ce livre électronique

Anna Flores, directrice d’hôpital, mène une vie paisible auprès de son mari, un brillant médecin, et de leurs deux enfants. Un soir, sa mère se fait violemment agresser. Plongée dans le coma, ses jours sont en danger. C’est alors que le quotidien d’Anna bascule dans l’horreur. Une mystérieuse femme vient semer le trouble dans sa vie, son esprit semble vaciller en proie à de multiples hallucinations. Entre folie, machination ou paranoïa, Anna cherche désespérément à comprendre ce qui lui arrive…
LangueFrançais
Date de sortie2 mars 2021
ISBN9791037720399
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    Aperçu du livre

    Au flirt de la folie - Victoria Ross

    1

    — Chloé ? Léopold ? Descendez, papa vous attend ! criais-je en bas des escaliers.

    — Oui, on arrive Maman ! me répondit Chloé.

    — Chéri, ma voiture est encore au garage. Peux-tu me déposer en chemin ? Je rentrerai en bus, demandais-je à Nicolas.

    — Oui évidemment. Le garagiste a pu te préciser lorsque tu pourrais récupérer ta voiture ?

    — Non. À dire vrai, il ne comprend pas ce qui dysfonctionne. Cela dit, je vois le bon côté des choses. Je découvre la ville autrement, je me repose pendant le trajet. Ce n’est pas si désagréable le bus finalement.

    — Tu es bien courageuse Anna chérie. La promiscuité matinale ne m’enchante guère, se moqua-t-il. Bon les enfants je pars sans vous, s’impatienta mon mari. Anna, ton thé ?

    — Il est trop chaud tant pis. J’en prendrai un au travail,

    — Je suis prêt moi. C’est Chloé qui prend son temps, marmonna Léo en enfilant son manteau à la hâte.

    — C’est faux je… bredouillait mon aînée,

    — Oui bon, allons-y ! Vous nous raconterez vos excuses ce soir, concluais-je agacée.

    Après avoir amené les enfants dans leur établissement respectif, Nicolas me déposa dans l’hôpital que je dirigeais depuis plusieurs années. Désormais dix ans que lui et moi avions uni nos cœurs. Nous nous étions rencontrés lors de nos études de médecine, où Nico me sollicitait constamment pour l’aider dans ses travaux et lors de ses révisions. « Tu es si brillante », me répétait-il sans cesse. J’ai été complètement séduite par ses allures de gentleman, digne d’une époque révolue aujourd’hui. Il m’attendrissait par son élégance, son charisme, son côté rassurant allié à une grande sensibilité. Il était si charmeur, comment lui résister ? Nombreuses étaient les étudiantes qui tentèrent de le séduire, mais c’est moi qu’il choisit, et j’en étais flattée. Rapidement, nous flirtions, et, une fois nos études terminées, il me demanda en mariage. Nous fêterons nos vingt ans d’amour demain. Nicolas aimait s’amuser, et pour lui, tout était prétexte pour se divertir. C’était un grand sociable, assoiffé de rencontres et d’échanges. Pour ma part, j’étais plutôt réservée et timide. L’inconnu m’effrayait et j’étais un peu sauvage. Nous nous complétions parfaitement me répétait souvent maman qui l’adorait : « C’est l’Homme parfait, tu ne pouvais pas rêver mieux ». Incontestablement, Nicolas était un merveilleux mari, couplé à un formidable père pour nos enfants. En outre, il m’avait toujours soutenue, notamment lors de mes nombreuses périodes de dépressions, ponctuées de troubles alimentaires. Pourtant, sans jamais me juger, mon mari avait inlassablement été présent pour moi.

    — Bonjour, madame Flores ! Comment allez-vous ce matin ? me demanda Samia la secrétaire. D’origine iranienne, Samia travaillait pour moi depuis mon arrivée. Elle était compétente, loyale et consciencieuse. Au cœur de l’hôpital, Samia était l’oreille attentive dans laquelle se déversaient les confidences des uns et des autres, ainsi que les indiscrétions les plus absurdes.

    — Très bien, je vous remercie et vous ?

    J’avais décidé de garder mon nom de jeune fille, tant j’étais fière de mes origines latines. Flores, ce nom mexicain, je le tenais de Papa, né à Mexico. Ruben Flores était arrivé en France à l’âge de dix-neuf ans. Il avait rencontré Maman lors d’un spectacle de danse, où Sarah Perez, Vénézuélienne par son père, avait connu une grande carrière dans la danse latine. Papa avait eu le coup de foudre pour cette étoile qui scintillait sur scène. J’admirais maman pour sa beauté légendaire. Elle avait de longs cheveux noirs ondulés, qu’elle laissait valser en enfilade sur son dos. Sa peau était légèrement hâlée, et ses grands yeux noirs lui donnaient un air exubérant et assuré. Telle une biche, sa silhouette élancée, alliée à une démarche céleste et gracieuse, laissait supposer qu’elle flottait comme un nuage. J’adorais sa personnalité vive et franche, qui contrastait, de prime abord, avec la délicatesse que son apparence pouvait augurer.

    Papa était un homme d’une élégance rare au charisme naturel. Il aimait s’affubler avec soin, porter des parfums qui témoignaient de sa virilité, et utiliser un langage assez soutenu autant en société, qu’avec ses proches. Ses cheveux bruns indisciplinés, couplés à un regard tendre et sensible, détonnaient notablement avec l’image froide qu’il arborait. Il se moquait souvent de son teint blafard pour un mexicain « ce sont mes années passées en France, ma chérie, qui m’ont fait perdre ma couleur originelle » me confessait-il amusé.

    Pour ma part, j’étais blonde, petite et fluette. « Tu ressembles à ta grand-mère quand elle était jeune » me consolait Maman. Indubitablement, je n’avais pas hérité de la crinière de mes parents ni de leur grâce naturelle. La génétique me passionnait étant jeune, c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je m’étais tournée vers la médecine.

    — Allô ?

    — Anna ? C’est maman. Tu viens toujours déjeuner avec moi ce midi ?

    — Ah ! zut, j’avais oublié. Je suis en réunion. Je viendrais vers treize heures.

    — D’accord, je te prépare ton repas préféré, à tout à l’heure.

    Chaque mercredi midi avec Maman, nous avions pour rituel depuis mon arrivée dans cet hôpital, de déjeuner ensemble. Depuis la mort de Papa, elle s’était acheté un appartement en centre-ville pour se sentir moins seule. J’étais leur fille unique, et Maman n’avait plus de famille. J’étais désormais tout ce qui lui restait.

    — Ah ! te voilà enfin. Tiens, assieds-toi, tu dois avoir faim ! s’écria-t-elle en me serrant dans ses bras.

    Maman sentait le parfum à la vanille, ce même parfum qu’elle portait depuis qu’elle avait rencontré Papa. C’était son préféré. Il lui avait offert à chaque anniversaire de mariage, pendant plus de quarante années. L’appartement de maman était chaleureux et plaisant. La décoration était épurée, sobre et lénifiante. Un grand salon lui permettait de continuer à danser : « sa passion la suivrait jusqu’à sa mort », me répétait sans cesse Papa. Elle avait une chambre exiguë, composée d’un lit simple, et d’une grande armoire occupée principalement par ses anciens costumes de scène, tous aussi brillants et somptueux les uns que les autres. Chacun racontait une histoire, un souvenir, une chanson ou une émotion. J’adorais contempler maman les porter et l’écouter me relater le récit de ses tenues : « Cette robe est très courte pour aujourd’hui, mais à mon époque, c’était éclatant ! Je l’ai portée lors du championnat régional que j’ai gagné. Elle m’a porté bonheur et je l’ai de nouveau mise pour le Championnat de France. Ma concurrente était vraiment extraordinaire. Je ne comprends toujours pas à ce jour ma victoire. Cela dit, je m’étais entraînée nuit et jour jusqu’à épuisement. Ton père n’en pouvait plus, je le savais, mais il ne s’est jamais plaint ».

    Enfin, sa cuisine américaine lui permettait de me concocter des repas époustouflants. Papa adorait manger, et Maman avait appris à cuisiner par amour pour lui. Je n’avais pas hérité non plus de ses gènes gastronomiques. À la maison, c’est Nicolas qui était le chef cuisinier.

    Maman vivait avec Castor et Pollux ses deux chats siamois, ainsi que son lévrier afghan Sissi. Je n’appréciais guère les animaux, toutefois, les siens reflétaient parfaitement son élégance : comme elle, ils se déplaçaient avec grâce et légèreté. Une touche verdoyante s’ajoutait à cet environnement plaisant. Des plantes aux tailles et aux formes diverses ornaient chaque pièce de son logis. Cette verdure abondante procurait fraîcheur et éclat dans une atmosphère musicale latine, qui rappelait à Maman ses origines hispaniques.

    — Alors ma chérie, comment vas-tu ? Comment vont les enfants ? Et Nico ? me demanda-t-elle en me servant ses succulentes gambas ajillo.

    Déjeuner avec Maman était une véritable excursion culinaire. Je n’avais pas le temps de voyager, aussi, le rituel du mercredi m’évadais littéralement.

    — Oh tu sais tout va bien, déplorais-je. Chloé est continuellement en crise d’adolescence et Léopold est toujours aussi adorable.

    — Oui, c’est l’âge que veux-tu. J’ai un concours de danse les deux prochains week-ends, cependant, dès que je suis libre, je passerai vous voir à la maison, assura-t-elle en me servant un verre d’eau.

    Maman ne concourait plus désormais, néanmoins, elle communiquait sa passion pour les danses latines auprès d’un fidèle public d’adultes et d’adolescents. Ses prestations, ainsi que les spectacles qu’elle organisait, avaient un véritable succès. J’exaltais lorsque j’assistais à ses compétitions, et désirai secrètement pouvoir danser comme elle. Malheureusement, mes études de médecine avaient grignoté chaque bout de temps libre que je possédais jadis, et, jamais je ne m’étais accordé ne serait-ce qu’une minute pour qu’elle m’enseigne ce don naturel qui l’animait. Je le regrettais amèrement aujourd’hui.

    — Mange Anna chérie, tu as maigri ! lança Maman en me servant une copieuse assiette. Depuis mes périodes de dépression, elle était très inquiète, et, dès qu’elle ne m’apercevait pas pendant quelques semaines, il lui semblait que j’avais dépéri. Nico te prépare toujours à manger ? questionna-t-elle suspicieuse.

    — Oui, d’autant qu’il rentre toujours avant moi du travail, et qu’il adore me préparer des petits plats, la rassurais-je.

    — Très bien. J’en suis ravie. Je l’aime beaucoup ce Nicolas.

    — Et toi Maman ? Comment vas-tu ? Tu es pâle !

    — Je suis un peu malade, mais rien de grave, ne t’en fais pas.

    — D’accord. Bon, je suis désolée, il va être quatorze heures trente, je dois filer. Merci pour ce délicieux repas. On se voit la semaine prochaine, m’exclamais-je à la hâte. Je m’empressai de me diriger vers la porte, quand Maman me retint pour me serrer dans ses bras. Elle m’étreignait toujours avec une incroyable force – ce qui me surprenait constamment au vu de la finesse de ses bras – comme s’il s’agissait de notre ultime entrevue. Elle m’embrassa sur le front, me caressa la joue, et m’enlaça une dernière fois.

    **********

    — Bonsoir chéri !

    — Bonsoir, Anna, ta journée s’est bien passée ?

    La maison embaumait l’odeur de la cuisson, et diffusait de multiples senteurs que mon nez ne parvenait à distinguer. Nico, comme à son habitude, préparait le repas du soir. Je l’embrassais sur la joue. Il avait une cuillère dans la bouche, un torchon sur l’épaule droite et son tablier – à l’origine d’un blanc pur – affichait aujourd’hui des couleurs variées laissant supposer une riche activité culinaire. Ce cadeau n’avait pas été vain pensais-je en souriant. Je montais à l’étage pour saluer les enfants qui étaient dans leur chambre. Chloé se démaquillait devant son miroir, et sursauta quand elle ouvrit les yeux et aperçut mon reflet derrière elle.

    — Ahhh maman ! Tu m’as fichu une de ces peurs ! brailla-t-elle effarée.

    — Oh je suis désolée ma puce. Je venais te dire bonsoir.

    Chloé et moi étions très proches jusqu’à son entrée au lycée où depuis, elle me jugeait bien trop ringarde pour être digne de rester sa confidente. Elle m’avait tout simplement relayée au rôle de mère qui autorise et interdit. Chloé s’était en revanche fortement rapproché de son père ce qui accentuait ma peine. J’étais triste d’avoir perdu notre complicité. Il est vrai que Chloé n’aspirait plus aujourd’hui à regarder des films d’animation, ou lire un livre au coin de la cheminée avec moi. Aujourd’hui, elle désirait faire du shopping, acheter des produits de beauté, et flâner devant son miroir. Ses nouvelles envies nous avaient sensiblement éloignées. Je m’assis sur son lit, et observai combien sa chambre s’était métamorphosée avec elle. Fini les peluches et autres posters de jeunesses. Désormais, des hommes au corps d’Apollon, immortalisés derrière du papier glacé, avaient pris possession de sa tapisserie. Son armoire de vêtement quant à elle, s’était agrandie au détriment de sa bibliothèque, et des trousses de maquillage emplissaient son bureau davantage que ses stylos.

    Chloé était le portrait craché de son père. Tout comme lui, elle avait de jolis yeux verts en amande, et un visage rond couronné par une impressionnante frimousse bouclée, qu’elle aplatissait chaque matin. Sa chevelure brune rehaussée son teint légèrement hâlé, et tombait parfaitement le long de son dos. J’observais ma Chloé se coiffer, et constatais combien son corps de jeune fille commençait à disparaître.

    — Mon petit bébé, lâchais-je à voix haute.

    — Non, maman, j’ai seize ans. Je ne suis plus un bébé, et j’aimerais que tu sortes de ma chambre s’il te plaît, m’implora-t-elle.

    — Pardon, j’étais dans mes pensées. Le temps passe si vite, tu as tant grandi ! m’exclamais-je en glissant ma main dans ses cheveux.

    — Oui bon c’est la vie ! cria-t-elle en retirant brusquement sa chevelure de mes doigts. Tu peux sortir s’il te plaît ? Je dois passer un appel privé, gronda-t-elle en souriant.

    — Sois prudente, ma puce.

    — Oui maman !

    Je fermais sa porte le cœur serré, espérant qu’elle me supplie de rester à ses côtés pour me raconter ses histoires de lycéennes. Son silence me transporta naturellement dans la chambre de Léopold, qui s’amusait avec ses voitures et ses figurines.

    — Maman ! hurla-t-il en lâchant ses jouets pour plonger dans mes bras.

    Léopold et moi étions très fusionnels. Sa préadolescence n’avait eu à ce jour aucune influence sur nos relations. Il avait toujours besoin de moi, et cela me confortait. Très vite, mon grand bavard me relatait sa journée et ne s’arrêtait plus. Ravie, je l’embrassais sur ses joues roses.

    — Mais maman écoute moi ! gémit-il.

    — Je t’écoute mon chéri, mais tu m’as manqué.

    — Moi aussi maman mais laisse-moi finir d’abord. Et après tu m’embrasses, protesta-t-il en fronçant les sourcils.

    — Oui mon cœur pardon.

    — Anna ? Les enfants ? C’est prêt ! cria Nico du bas des escaliers. Je descendis accompagnée de Léopold, suivi de Chloé, toujours scotchée à son téléphone.

    — Tu raccroches s’il te plaît ma puce, lui demandais-je gentiment. Elle ignora tout simplement ma requête. Son père renchérit.

    — Bon, faut que je te laisse, ici on vit une autre époque. On doit manger en famille ! objecta Chloé à son interlocuteur.

    — Oui, c’est important que nous dînions ensemble, nous ne nous voyons pas de la journée, expliqua Nicolas. Je m’assis en face de ma fille, qui se mura dans un silence accusateur pendant le dîner, ne répondant que par des onomatopées à chacune de mes questions. Léopold, fidèle à lui-même, avait toujours une multitude d’histoires à nous raconter.

    — Je veux un chien, lança soudain Chloé en interrompant son frère. Je m’étranglai.

    — Pardon ? questionnais-je surprise.

    — Oui, je suis grande aujourd’hui. Tu as toujours refusé prétextant que j’étais trop jeune. Donc maintenant quelle est l’excuse ?

    Je regardais Nico, espérant un soutien. Il choisit de détourner le regard.

    — Ma chérie je comprends, répondis-je, mais tu es à l’école toute la journée. Qui s’en occupera ?

    — Comment font les autres ? Ils ont des chiens et travaillent la journée ! s’enquit Chloé agacée. Papa ? insista-t-elle.

    — Moi aussi je veux un chien, s’aventura Léopold timidement.

    — Je suis d’accord avec votre mère. Et puis un chien va détruire la maison et le jardin ! se risqua Nicolas.

    — Mamie a bien un chien et deux chats ! ajouta Chloé.

    — Oui mais elle est avec eux toute la journée, et Sarah les emmène partout, continua-t-il.

    — Et si elle est d’accord pour le garder la journée ? tenta Chloé.

    — Je ne sais pas ma puce il faut que je réfléchisse…

    Je sentis Nicolas s’incliner face à l’ouragan Chloé. Alors que je gardais pourtant le silence, elle m’interpella avec virulence.

    — C’est toujours la même chose avec toi, on ne peut rien avoir et tu fais des promesses que tu ne tiens pas. Elle se leva brutalement sans terminer son repas, sortit de la cuisine, et dévala les escaliers. Chloé ferma brutalement la porte de sa chambre, ce qui me fit sursauter.

    — Maman je peux quitter la table ? demanda Léopold offusqué.

    — Oui mon chéri tu peux y aller.

    — Nico, qu’en penses-tu ? Je ne comprends pas, comment peut-elle me parler ainsi alors que tu es aussi de mon avis, déclarais-je abasourdie.

    — Je sais chérie, mais c’est l’âge, tu sais. Il lui faut un allier, et quelqu’un contre qui s’opposer.

    — Mais là, tu n’es pas son allier, ripostais-je médusée.

    — Oui mais elle suppose que mon avis va dépendre du tien.

    — Et qu’en penses-tu ?

    — Je suggère que nous acceptions afin de la mettre face à ses responsabilités. Elle veut un chien, très bien, qu’elle assume, proposa-t-il fermement.

    — Elle est difficile avec moi ces derniers temps. Je ne sais plus quoi faire.

    — Écoute là, parle-lui, me conseilla Nico en débarrassant la table.

    Je l’embrassai et m’assis dans le salon à côté de Léo qui feuilletait un livre. Je fis de même. Néanmoins, plongée dans mes pensées, je ne parvenais à me concentrer. Ce salon évoquait tant de bons souvenirs où nous nous réunissions les soirées d’hiver pour lire, jouer à des jeux de société, et où nous rions tous ensemble. Nico nous rejoignit, et m’apporta une tisane. L’absence de Chloé m’attrista. Des larmes coulèrent sur mes joues, qu’il ne remarqua point, trop concentré lui, sur sa lecture. Nous avions trois divans spacieux, pourtant, nous nous installions constamment sur celui qui jouxtait la cheminée. Trop petit pour tous nous accueillir, le plaisir d’être ensemble était tel, que l’inconfort devenait relatif. Je contemplais avec nostalgie le tapis couleur taupe au milieu du salon, où Chloé avait fait ses premiers pas et renversait ses premiers potages. Puis, mon regard se porta sur la table basse en verre que nous avait offert maman. Léopold s’y était heurté à de nombreuses reprises. Mon regard croisa ensuite la photo de notre mariage, suspendue au-dessus de la cheminée, où des photos de nos vacances au Mont Rose notamment embrassaient les portraits des enfants pris à l’école. La décoration est tellement désuète me disais-je. Nous n’avions jamais changé la tapisserie depuis notre emménagement il y a cinq ans. Ni le carrelage ni les meubles. À chaque fois, Nico et moi prévoyions de nous y atteler le week-end suivant. Cependant, avec le travail et les activités des enfants, nous ne le fîmes jamais. Si bien que nous nous étions habitués à cette décoration sans vie. Seulement, ces photos et ce décor figés, dans le temps, m’encourageaient à ne pas oublier ces instants, pour les inscrire dans ma mémoire.

    — Ça va chérie ? demanda Nico, tu es à la même page depuis tout à l’heure.

    — Oui, je suis dans mes pensées…

    — À cause de Chloé ? Ne t’en fais pas ça lui passera. Je serai en déplacement la semaine prochaine en Allemagne. Tu sais, à la suite du séminaire que j’avais eu en Suisse ?

    — Ah oui déjà ? Moi qui me demandais quand nous nous attellerons à décorer la maison à notre goût, avouais-je tristement.

    — À mon retour, on s’en occupe, me promit mon mari avant de m’embrasser sur la joue.

    — Et pour notre anniversaire de mariage ?

    Depuis vingt ans, Nicolas adorait préparait notre anniversaire. Soit il conviait nos proches lors d’une soirée festive à la maison, soit il organisait un voyage à l’autre bout du globe. Notre endroit préféré restait pourtant les sommets suisses, où nous aimions nous retrouver une fois par an. Pour la première fois cette année, il n’avait évoqué ni réception ni excursion.

    — Anna, je… je suis vraiment désolé, le travail m’a submergé ces derniers temps, et non pas que j’ai oublié, mais pourrait-on faire quelque chose de simple cette année ?

    Nicolas paraissait tellement attristé que je m’empressai de le rassurer.

    — Je te taquinais, cela fait vingt ans que tu te charges de notre anniversaire, et qu’à chaque fois c’est une réussite incontestable. Reposons-nous cette année. Un simple dîner à la maison avec les enfants m’ira très bien.

    Il sembla apaisé.

    — Merci Anna chérie, tu es la meilleure, chuchota-t-il en constatant que les yeux de notre fils étaient clos. Léopold s’était endormi dans la chaleur de mes bras, bercé sans doute par les crépitements de la cheminée. Nico le monta, et le coucha dans son lit.

    Je passai à côté de la chambre de Chloé. Je voulais tellement lui parler, mais la peur d’être rejetée prit le dessus, et je me dirigeai dans la salle de bain. Je me déshabillai, et m’observai un instant dans le miroir. Je n’aimais pas mon corps frêle et fragile. J’avais peu de poitrine et des fesses aussi plates que mon ventre, et ce, malgré deux grossesses.

    Je passai ma main dans mes cheveux fins et secs, et repensai à la jolie crinière de maman. Je me demandai ce que Nico pouvait bien me trouver. J’enfilai mon pyjama bleu, un joli ensemble que mon mari m’avait offert quand j’étais étudiante. Il était trop petit à l’époque. Qui aurait cru qu’il m’irait quinze ans plus tard ? Nico terminait de se brosser les dents, et, délicatement, ses lèvres se posèrent dans mon cou, puis sur mes épaules. Il ôta mes vêtements et me porta dans notre chambre. Nico m’embrassa langoureusement, me scruta et me susurra combien j’étais sublime. Nous nous enlaçâmes aussitôt. Pourtant, mon corps n’était pas réceptif au sien, mon esprit était ailleurs. Il voyageait dans le passé, errait dans le présent et s’imaginait un autre futur.

    — Je t’aime, murmura-t-il après que nos corps se sont épousés. Je lui répondis que moi aussi, puis me levai, et retourna dans la salle de bain. L’hiver était particulièrement froid cette année. J’étalais ma crème de soin pour le corps, avant de vêtir une tenue plus chaude.

    — Tu n’as pas vu ma brosse à cheveux ? demandais-je à Nico.

    — Non ma chérie, je ne l’utilise pas répondit-il en riant.

    — C’est étrange elle a disparu…

    — Ce n’est pas Chloé qui te l’aurait empruntée ?

    — Non je ne pense pas, au vu de sa chevelure, ma brosse n’aurait pas survécu.

    J’étais bien trop fatiguée pour me lancer à la recherche de cet accessoire à cette heure tardive. J’attachai simplement mes cheveux en queue de cheval, et alla rejoindre la chaleur corporelle de mon mari.

    **********

    — Tu n’as rien oublié ? m’assurais-je en balayant vivement du regard la valise de Nicolas.

    — Non je pense que j’ai l’essentiel, et puis ce n’est qu’une semaine.

    Nico me serra dans ses bras et m’embrassa avant de monter dans le taxi qui l’emmenait à l’aéroport, à destination de Berlin.

    — Que va-t-on manger pendant une semaine ? demanda Chloé d’un ton froid, saluant son père d’un signe de la main.

    — Papa a préparé des repas, et nous pourrons également nous faire plaisir et commander des plats, proposais-je en invitant les enfants à retourner dans la maison.

    — Ah oui génial ! s’exclama Léopold.

    — Mouais, ça ne m’emballe pas plus que ça. Je pourrais dîner chez Justine ? Sa grand-mère cuisine aussi bien que papa.

    — Mais Chloé tu ne vas pas prendre ton repas chez Justine tous les soirs voyons,

    — Je ne tiens pas à devenir aussi maigre que toi maman, pouffa-t-elle.

    — Chloé, s’il te plaît, parle-moi sur un autre ton.

    Je sentais de nouveau les larmes montaient. Les remarques de Chloé me touchaient au plus haut point. J’attendis qu’elle aille dans sa chambre, et composa le numéro de Maman :

    — Allô ? Maman ?

    — Oui ma chérie ? Tu vas bien ? Tu as une petite voix.

    Je ne pouvais rien lui cacher. Maman ressentait ma douleur comme si on la lui infligeait.

    — Non effectivement ça ne va pas. Pouvons-nous avancer notre déjeuner du mercredi à demain midi ?

    — Tu aurais dû me prévenir avant ma puce, le lundi je donne des cours de midi à quinze heures. Mardi, ça te conviendrait ?

    — Tant pis. Alors mardi, acceptai-je dépitée.

    — Je suis vraiment désolée Anna, j’espère que ce n’est rien de grave.

    — Non pas du tout ne t’en fais pas.

    Je raccrochai et m’enfermai dans les toilettes pour laisser ma peine s’épandre. Je me trouvai ridicule, et sanglotai davantage. Je ne comprenais pas pourquoi tout cela me mettait dans un tel état. Nico n’était parti que depuis quelques heures et il me manquait déjà. Encore cinq jours avant son retour. La semaine allait être longue.

    — Chloé, tu as vu ma brosse ? Je ne la trouve plus, osais-je lui demander.

    — Non que ferais-je avec cette brosse ? se moqua-t-elle.

    — Oui, c’est ce que je me suis dit aussi, mais je ne la trouve plus…

    Chloé m’ordonna aimablement de quitter sa chambre, et la claqua sous mon nez. J’allai me coucher le cœur au bord du gouffre.

    ***********

    — MAMAN ! MAMAN !

    C’était Léopold. Je me levai et courus aussitôt dans sa chambre. Il semblait avoir fait un cauchemar, et pleurait à chaudes larmes.

    — J’ai… j’ai…

    — Calme-toi mon bébé,

    — J’ai… j’ai… vu

    — Tu as rêvé mon ange, rendors-toi, j’attends.

    Je l’embrassai sur le front.

    — Il y avait… dans… dans… là…

    Apeuré, ses mots s’étouffaient dans ses spasmes. Chloé se leva à son tour, réveillée par les sanglots de son petit frère.

    — Il est trois heures du matin ! Il n’a pas bientôt fini ?

    — S’il te plaît ma puce, toi aussi à son âge il t’arrivait de faire des cauchemars.

    — Oui bah ce n’est pas une raison. Qu’il roupille avec toi, je veux dormir !

    Je tentai de porter mon fils, c’était sans oublier qu’il était finalement bien trop lourd du haut de ses douze ans. Je me résignai à rester dans son lit, jusqu’à ce qu’il s’endorme paisiblement dans mes bras.

    ***********

    — Léo, réveille-toi mon ange, le petit déjeuner est prêt, chuchotais-je calmement.

    — J’ai eu tellement peur maman cette nuit, bredouilla Léopold.

    — Oui, mais ce n’était qu’un rêve, viens manger et prendre des forces.

    Nous déjeunâmes tous les trois dans un silence assommant.

    — Je te dépose ma puce ?

    — Non ça ira merci. On vient me chercher.

    — Pardon ? dis-je surprise. Qui est « on » ? demandais-je.

    — Oh rien un ami… confia Chloé en fuyant mon regard.

    — Un ami ?

    Un sourire crispé s’afficha sur mon visage. J’essayai de me calmer, et de trouver un ton suffisamment amical, pour que Chloé ne perçoive pas mon inquiétude.

    — Oui un ami maman, répéta la jeune fille.

    — D’accord. Très bien. Puis-je au moins connaître son nom ?

    — Pour quelle raison ? Tu serais capable de faire des recherches sur lui.

    — C’est juste par curiosité je t’assure. C’est tout à fait normal à ton âge de fréquenter des garçons, attestais-je pour me rassurer. Chloé qui s’apprêtait à quitter la table se rassit et sourit. J’étais ravie. Je ne me souvenais pas la dernière fois qu’elle m’avait affiché sa dentition.

    — Il se nomme Simon. Il est plus âgé que moi, mais il est génial !

    J’essayais de ne pas lui montrer mon effroi. Aussi, j’affichai de nouveau un sourire forcé.

    — Ah très bien… euh… quel âge a ce jeune homme ? Tiens passe-moi ma tasse s’il te plaît Léo.

    — Vingt ans, cracha Chloé, observant avec attention mes réactions.

    Je déglutis. Et Nicolas qui n’était pas là. Je pris le temps de boire mon thé pour réfléchir à une réponse.

    — Hum, mais… euh… où vous êtes-vous rencontrés ? demandais-je, en évitant volontairement d’aborder l’âge de cet homme.

    — Oh ! c’est une longue histoire

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