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La peau noire des anges: Un roman d'apprentissage
La peau noire des anges: Un roman d'apprentissage
La peau noire des anges: Un roman d'apprentissage
Livre électronique143 pages1 heure

La peau noire des anges: Un roman d'apprentissage

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À propos de ce livre électronique

Le drame humain de l'exil.

Les parents d’Angelina rêvent d’une vie meilleure, loin de la misère de Madagascar. Mais après le naufrage de leur barque au large de Mayotte, la vie d’Angelina et de son petit frère va basculer. Maintenant, elle doit payer la dette de ses parents, afin de rembourser les passeurs.
Elle retourne alors dans son pays, puis part pour Beyrouth, où elle est exploitée pour un salaire de misère. Ses rencontres l’aideront-elles à retrouver sa liberté ?

Un roman d'apprentissage sélectionné pour le prix littéraire Hors Concours et qui aborde l'actualité au travers des thèmes de l'immigration et de la clandestinité.

EXTRAIT

Célestin se blottit contre sa sœur.
La poigne d’un pompier se referma sur l’épaule d’Angelina, qui s’approchait trop près du brasier.
— Qu’est-ce que tu fais, petite ? lui demanda l’homme.
— C’est… c’est là que je… que nous…
« Vivions » resta coincé dans sa gorge. Un garçon avait ramassé les livres de classe sur le chemin, et les rendait à Angelina.
— C’est elle ! explosa Mme Ichati en pointant l’index accusateur vers Angelina. C’est elle qui a mis le feu !
— Moi ?
— Tu as laissé la lampe à pétrole dans la case, sale Malgache !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une lecture intelligente et impliquante pour les acteurs du monde de demain. - Gwordia, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Yves-Marie Clément est né à Fécamp en Normandie. Écrivain voyageur, il est l’auteur de près de 90 ouvrages, surtout destinés à la jeunesse. Il rencontre souvent ses lecteurs dans les classes et les bibliothèques, et participe à de nombreux salons du livre en France et à l’étranger. Il a écrit ce roman après un séjour de quatre ans à Mayotte.

À PROPOS DE LA COLLECTION

La collection Rester vivant est constituée de nouvelles et de romans qui parlent du monde d’aujourd’hui, en abordant sans détour les questions écologiques, sociales et éthiques qui émergent au sein de la société dans laquelle nous évoluons. Elle s’adresse en priorité aux pré-ados, aux ados… et plus généralement à tous les lecteurs qui résistent encore à l’asservissement des esprits, quel que soit leur âge. Ces livres ont pour ambition, en plus d’attiser l’imaginaire du lecteur, d’éveiller son sens critique et de poser un regard incisif sur nos comportements individuels et collectifs.
LangueFrançais
ÉditeurLe Muscadier
Date de sortie16 févr. 2017
ISBN9791090685864
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    Aperçu du livre

    La peau noire des anges - Yves-Marie Clément

    Liban.

    1

    — Angelina, attends-moi !

    Angelina s’arrêta. Elle se retourna pour attendre son petit frère Célestin, puis son regard embrassa le lagon de Mayotte. Au loin, la barrière de corail était éclaboussée d’écume. Elle pensa à leurs parents. Elle pensa à Madagascar, la Grande Île où ils étaient nés.

    — Dépêche-toi, Célestin ! Tu traînes !

    Ils avançaient tous les deux entre la plantation de manioc et le champ de bananes du vieux Sami. Angelina marchait devant. Son cahier et ses livres de classe sur la tête, un pan de son châle roulé autour du bras. Angelina avait eu 18/20 en français. C’était la meilleure élève de 5e 4. Elle avait suivi l’école primaire à Madagascar, et elle s’était toujours appliquée à bien apprendre le français.

    Le soir, parfois, quand elle avait le temps, elle aidait Célestin à faire ses devoirs.

    Le sentier était semé d’ordures que les pluies emporteraient bientôt jusqu’au lagon. Couches-culottes, boîtes de conserve, pneus de voiture et de vélo, sacs poubelles éventrés par les chiens. C’était tout cela qui tapissait les bords de route et les sentiers de Mayotte, l’île aux fleurs.

    Des kapokiers[*] et des manguiers bordaient le chemin de terre et de caillasses. Le soir, les rats, les limaces et les insectes nocturnes se bataillaient les mangues tombées à terre.

    Bientôt, ce serait la saison des pluies.

    Angelina avançait d’un bon pas. Célestin, son petit frère, marchait derrière. Il n’avait pas eu classe, ce jour-là. Sa maîtresse faisait grève. Il s’arrêta, ramassa une mangue, la colla dans sa bouche et croqua à pleines dents.

    — Dépêche-toi, Célestin !

    — Attends !

    — Allez !

    — Attends, Angelina, supplia-t-il.

    Célestin avait de grands yeux noirs, brillants. D’énormes billes, qui faisaient craquer Angelina. Elle l’aimait, son petit frère. C’était toute sa famille.

    Célestin n’était pas allé à l’école. Mais de toute façon, il ne comprenait pas grand-chose à ce que disait la maîtresse. Célestin n’était pas un idiot, bien au contraire, mais un petit oiseau voletait dans sa tête. Un oiseau qui chantait en permanence, lui racontait sans cesse des histoires. Ce petit oiseau, il était entré par les yeux de Célestin, ou par ses oreilles, peut-être, le jour où la barque de ses parents s’était retournée pendant la traversée de l’océan. Depuis, Célestin n’écoutait plus personne. Seulement Angelina. Et parfois d’autres gens, mais c’était une chose rare. Il termina sa mangue, avalant même la peau verdâtre.

    Angelina grogna.

    Célestin n’était pas pressé, lui. Il n’avait pas un chapelet de devoirs pour le lendemain. Et il n’était pas obligé de s’occuper des enfants de Mme Ichati. Angelina faisait la bonne. C’était le prix de leur loyer à tous les deux, le frère et la sœur, et du peu que Mme Ichati leur donnait à manger. La grosse dame logeait et nourrissait Célestin et Angelina, alors Angelina travaillait pour deux.

    Célestin se baissa pour ramasser une autre mangue déjà rognée jusqu’au noyau. Il la porta à la bouche.

    Sa grande sœur se fâcha :

    — Ne mange pas celle-là, c’est dégoûtant !

    — J’aime bien ça, Angelina.

    — Tu vas te rendre malade !

    — T’aimes pas les mangues, Angelina ? C’est bon, les mangues !

    — Si, j’aime les mangues, mais pas comme ça ! Pas les mangues mangées par les rats ! Et en plus, elle n’est pas mûre.

    — J’aime bien quand c’est pas mûr, ça gratte la bouche.

    — Si ça gratte la bouche, c’est que c’est pas bon pour toi !

    Célestin fit mine de recracher des morceaux pour faire plaisir à Angelina, puis il jeta le noyau par terre.

    — Alors, j’en mangerai plus jamais. C’est promis. Les mangues qui grattent, c’est pour les rats, les chèvres et les zébus ! J’en mangerai plus, Angelina. C’est promis !

    — Menteur !

    — C’est promis, Angelina. C’était la dernière fois de ma vie… Même quand je serai grand !

    — Tu m’énerves, des fois…


    [*] Si vous ne comprenez pas les mots écrits de cette façon dans le texte, Célestin vous explique ce qu’ils désignent à la fin de l’ouvrage

    . Il vous suffit de cliquer sur le mot pour accéder à sa définition.

    2

    Célestin, lui, c’était un garçon. Alors il n’avait rien à faire quand il rentrait de l’école. Il était libre comme le vent. Seule Angelina travaillait. Elle s’occupait des enfants de Mme Ichati, pendant que la grosse femme dormait, allongée sur le côté dans sa case de tôles.

    En arrivant à la case, Angelina emmènerait les enfants de sa logeuse à la rivière pour le bain. Elle ferait la vaisselle du midi, et aussi le linge, tandis que Célestin, lui, il irait gratter le fond de la marmite de riz. Puis il s’envolerait comme un mainate avec la bande des petits voisins du quartier.

    Ils montaient encore et encore jusqu’aux cases situées au-dessus de la carrière de Majicavo-Koropa. Angelina traversa la ruelle où couraient les poules et deux ou trois brebis. Les brebis avaient peur d’elle. Dès qu’elles la voyaient, elles dégageaient en bêlant. Angelina ne les aimait pas. Elles sentaient la crasse. Leur laine puait. Elle prit à gauche après le vieux manguier.

    Elle soupira.

    Mme Ichati était une Mahoraise. Elle était née ici, de père mahorais et de mère mahoraise. Elle avait ses papiers depuis son premier cri, c’est-à-dire depuis le jour de sa naissance.

    C’est elle qui avait recueilli Angelina et Célestin après le naufrage. Au village, on disait que les parents de ces deux jeunes Malgaches étaient morts dans la vague. Mais Angelina ne l’avait jamais cru. Ça murmurait au fond d’elle-même qu’ils étaient toujours vivants… c’était un grondement dans son ventre. Elle les voyait. Ils n’étaient pas morts noyés. Ils étaient là, quelque part. Peut-être étaient-ils retournés au village, à Madagascar.

    Son père travaillait dur. Il était maçon. Il était fort. Il portait trois sacs de ciment à la fois. Deux sur les épaules et un sur la tête. Angelina l’avait vu faire. La poudre grise maculait son torse, son visage. La sueur traçait des veines sur son front, ses joues. Il souriait. Pendant ce temps, sa mère était à la rivière avec les autres femmes. Elles se racontaient la vie. Elles se disaient des choses qu’on ne se dit qu’entre femmes. Les nuits d’amour, les rencontres, les malheurs.

    Leurs parents, ils étaient vivants. Ça grondait comme un torrent impétueux dans le ventre d’Angelina…

    — Alors, Malgache, on se marie ?

    Un frisson traversa Angelina. C’était le vieux Saïd qui s’adressait à elle. Il était assis devant la porte de sa case. Il rigolait dans sa barbe blanche.

    — Alors, Malgache, tu veux m’épouser ?

    Il souleva sa gandoura, posa la main sur son sexe et fit un geste obscène.

    La voisine s’ébroua :

    — Tu as déjà trois femmes, vieux satire. Et Angelina n’est qu’une gamine !

    — Ce sera bientôt une femme, postillonna le vieil homme. Et j’ai de quoi nourrir quatre épouses, Inch’Allah !

    Il était sérieux, le vieux Saïd.

    Le soleil se voila. D’épais nuages obscurcirent le ciel.

    — Allez, Malgache. Je sais que tu aimeras ça ! Elles aiment toutes ça, les petites Malgaches…

    — Elle a l’âge de tes petits-enfants, vieux dégoûtant !

    Soudain, Angelina leva les yeux. La peau noire de son front luisait. Le vieux Saïd hocha la tête. Ses yeux ne lâchaient pas le corps menu et élastique, les fesses rondes et les seins de jeune fille, qui pointaient à peine sous le tissu coloré du châle. Il la déshabillait du regard. Angelina s’arrêta. Elle le regarda bien dans les yeux et cracha par terre.

    — C’est pour toi, sale vieillard !

    « Malgache », elle détestait ce surnom. Mais elle était née à Majunga, à Madagascar. Elle possédait son acte de naissance qu’elle conservait précieusement dans sa poche. Ce document représentait ce qu’elle avait de plus précieux au monde : il était la preuve de son existence. Dessus, étaient gravés les noms de sa mère et de son père : « Anselmine et Jules Mananjara ».

    Ici, à Mayotte, Angelina et Célestin étaient des clandestins.

    « Pour améliorer tes chances de devenir française, il faut que tu te maries avec un Mahorais, et qu’il te fasse des enfants ! » lui avait dit un jour Mme Ichati. Il le savait bien le vieux Saïd. Et il en jouait. Des filles de son âge acceptaient. Angelina pourrait se marier, pas à la mairie (évidemment !),

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