Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La mort au bout des fils: Enquête dans les Ardennes
La mort au bout des fils: Enquête dans les Ardennes
La mort au bout des fils: Enquête dans les Ardennes
Livre électronique262 pages3 heures

La mort au bout des fils: Enquête dans les Ardennes

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Une série de meurtres qui réveille d'anciens souvenirs...

Été 1868, le corps mutilé du fiancé d’Isabelle est retrouvé, première victime d’une longue série, obligeant la jeune femme à se lancer à la recherche de la vérité à travers la campagne ardennaise.
Près de cent cinquante ans plus tard, des meurtres en tous points semblables déciment le festival mondial des marionnettes de Charleville-Mézières. Le lieutenant Victor Chesnais est chargé de l’enquête.
Mais parviendra-t-il à chasser les démons du passé ?

Découvrez ce thriller passionnant qui prend Charleville-Mézières comme décor !

EXTRAIT

En arrivant au pied de la statue de Gonzague, des éclats de voix lui parviennent de la rue Jean Jaurès. Des bénévoles du festival quittent l’Institut de la Marionnette après avoir terminé les derniers préparatifs avant l’ouverture du festival dans moins de quarante-huit heures. À une centaine de mètres plus bas dans la rue, le commissariat central crache une voiture de patrouille à la hauteur du 36.
Un courant d’air frais remontant de la Meuse oblige Victor à remonter son col. Il repart dans la nuit. Demain sera un autre jour…

À PROPOS DE L'AUTEUR

Virginie Lauby a grandi au milieu des livres, elle a commencé à écrire dès le plus jeune âge. Aujourd'hui, elle partage ses activités entre sa famille, son travail de chargé de mission à Pole-Emploi, les lectures et l'écriture. Auteurs de plusieurs romans, elle décrit des univers très éloignés de sa propre existence.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie30 août 2017
ISBN9782359629613
La mort au bout des fils: Enquête dans les Ardennes

Auteurs associés

Lié à La mort au bout des fils

Livres électroniques liés

Procédure policière pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La mort au bout des fils

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La mort au bout des fils - Virgine Lauby

    cover.jpg

    Table des matières

    Résumé

    La mort au bout des fils

    Dans la même collection

    Résumé

    Eté 1868, le corps mutilé du fiancé d’Isabelle est retrouvé, première victime d’une longue série, obligeant la jeune femme à se lancer à la recherche de la vérité à travers la campagne ardennaise.

    Près de cent cinquante ans plus tard, des meurtres en tous points semblables déciment le festival mondial des marionnettes de Charleville-Mézières. Le lieutenant Victor Chesnais est chargé de l’enquête. Mais parviendra-t-il à chasser les démons du passé ?

    Virginie Lauby a grandi au milieu des livres, elle a commencé à écrire dès le plus jeune âge. Aujourd'hui, elle partage ses activités entre sa famille, son travail de chargé de mission à Pole-Emploi, les lectures et l'écriture. Auteurs de plusieurs romans, elle décrit des univers très éloignés de sa propre existence.

    Virginie Lauby

    La mort au bout des fils

    Thriller

    ISBN : 978-2-35962-961-3

    Collection Rouge : 2108-6273

    Dépôt légal aout  2017

    © couverture Ex Aequo

    © 2017 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.

    Toute modification interdite.

    Éditions Ex Aequo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.fr

    Ceci est une fiction,

    Toute similitude avec des personnes existantes

    serait fortuite.

    ***

    1

    Dans le Nord-ouest ardennais, juillet 1868

    Isabelle remit du bois sous la grosse marmite suspendue à la crémaillère de la cheminée où mijotait un coq. Ce soir, on fêterait la fin de la moisson. Elle avait été exceptionnelle cette année. Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu une récolte aussi abondante.

    Une atmosphère joyeuse et festive avait envahi tout le village. Les gosses couraient dans la rue chauffée par le soleil, soulevant des nuages de poussières brunes. Devant les maisons, les vieux se réunissaient par petits groupes avant de se disperser en riant. Tous attendaient le dernier chariot qui marquait le début des festivités.

    L’abbé, les mains sur les hanches, regardait d’un air satisfait toute cette agitation. Une bonne récolte, c’était de bonnes rentrées pour lui. Ce soir, lui aussi mangerait du coq. Ce n’était pas si souvent !

    Isabelle souriait en retournant la volaille dans la marmite. Tout à l’heure, elle irait retrouver Jacques, comme tous les jours, à la même place. Cela faisait presque trois mois qu’ils se fréquentaient. Leurs parents s’étaient arrangés. Leurs noces seraient célébrées à l’automne, un mois avant son vingtième anniversaire. Elle avait déjà commencé son trousseau. Sa mère était allée à la ville voilà deux semaines, lui acheter des pièces de drap. Depuis, Isabelle brodait. Jacques était un peu plus âgé qu’elle, vingt-trois ans. Pourtant, il avait vécu des aventures extraordinaires. Elle n’était pas certaine qu’elles fussent toutes vraies, mais elle aimait les écouter. Évidemment, elle avait bien remarqué qu’il ajoutait de nouvelles anecdotes chaque fois qu’il contait ses périples, mais elle l’écoutait comme on écoute un conteur à la veillée. Elle le trouvait beau et l’imaginait dans l’armure d’un chevalier, cavalant vers le sud pour rejoindre les croisés, comme dans les histoires que la Monie lui apprenait à lire en cachette quand elle était petite. Leur secret, parmi bien d’autres, à elles deux.

    Il était près de six heures et l’heure du rendez-vous approchait. Elle ôta son tablier taché et le pendit au clou rouillé derrière la porte. Elle troqua la résille qui protégeait ses cheveux blonds en chignon pour un bonnet blanc en mousseline. Et, elle courut vers le champ du haut.

    Le soleil s’était voilé et la chaleur était étouffante. L’orage gronderait avant la nuit. Une chape de plomb écrasait la contrée depuis le début de l’après-midi, à croire que la porte des enfers s’était ouverte. Quelques oiseaux, abattus eux aussi par l’atmosphère pesante trillaient faiblement dans les cimes sèches des chênes.

    Isabelle arriva rouge et essoufflée à leur point de rencontre habituel. Du revers de sa manche, elle essuya les gouttes de sueur qui perlaient à son front. Jacques n’était pas encore là. Elle s’assit, heureuse de pouvoir reprendre son souffle. Le champ se trouvait à moins d’un kilomètre du bourg, mais il fallait traverser le bois Malandry pour y parvenir, ce qui l’isolait complètement. Ici, on se serait cru au bout du monde. Le pré s’étalait largement dans la forêt, mais brusquement, il semblait coupé par un ravin au-delà duquel la colline s’élevait. Isabelle savait que le champ s’étendait encore loin, redescendant en pente raide de l’autre côté de la butte. Mais de là où elle se trouvait, assise sur ce rondin, en bas du pré, elle ne pouvait imaginer autre chose qu’un précipice vertigineux.

    Le temps commença à lui paraître long. Jacques n’arrivait pas et elle devait déjà rentrer. Il la retrouverait certainement à la fête tout à l’heure. Il avait dû être retenu. Certainement un collet à lever.

    Déçue, elle redescendit vers le village.

    Elle préférait le voir quand il était seul. Il s’occupait moins d’elle s’il y avait les autres gars. Ils la plaisantaient, quelquefois même la chahutaient. Évidemment, Jacques faisait toujours attention que cela n’aille pas trop loin. Mais, après leurs noces, plus personne ne lui manquerait de respect. Quand elle serait la femme de Jacques, plus personne n’oserait lui parler haut.

    En arrivant aux premières maisons, elle vit des visages graves converger vers la place au centre du bourg. L’agitation qui régnait lui fit craindre immédiatement la survenue d’un malheur. Une angoisse irrépressible lui serra soudain le cœur. Oui, un affreux drame était arrivé. Elle courut jusqu’à l’attroupement. Un homme essaya de la retenir :

    — Non, Isabelle ! N’y va pas...

    Elle sut à cet instant que Jacques avait eu un accident. Ralentissant sa marche, elle se faufila au travers de la foule compacte. Le silence s’était abattu à son arrivée. Livide, elle redoutait ce qu’elle allait découvrir. Quelques bras avaient tenté de la retenir, elle les avait repoussés violemment. Tous la regardaient maintenant, tournant le dos à la scène qui les avait rassemblés là. Isabelle était devenue le centre de l’intérêt général. Elle avança lentement. Les villageois s’écartèrent sur son passage, lui dégagèrent un couloir. Elle s’approcha de la masse sombre étendue à terre.

    Son hurlement retentit dans toute la vallée, repris par les cris de frayeur des oiseaux effarouchés. Elle s’écroula évanouie sur un corps mutilé.

    Isabelle se réveilla en sueur. Elle écarta doucement les rideaux de l’alcôve. La journée touchait à sa fin. Elle se leva lentement. La tête lui tournait encore un peu. Un murmure lui parvint du dehors. Elle s’approcha de la porte entrouverte et perçut distinctement des voix. Demeurant dans l’ombre, elle les écouta.

    — C’est pas ordinaire…

    — J’ai jamais vu une chose pareille. Qu’est-ce tu crois qu’a pu faire ça ?

    — Pas une bête en tout cas !

    — Pauvre Jacques ! C’était un menteur et un bon à rien, mais c’est pas une raison pour y passer comme ça…

    À l’évocation de son promis, Isabelle étouffa un sanglot.

    — Chut ! La petite est réveillée…

    Le père s’avança dans la maison. Il prit sa fille par les épaules et l’accompagna dehors. Les joues encore ruisselantes de larmes, Isabelle dévisagea les hommes.

    Il y avait son père, Mathieu ; son oncle, Fernand et puis Charles, Robert, Godefroy et Nicolas, ses cousins. Tous se tenaient droits devant elle, dans un mutisme parfait. On les entendait à peine respirer. Godefroy fixait le sol, ses frères mirent leurs mains dans leurs poches pour se donner une contenance. Fernand détourna le regard quand les yeux d’Isabelle cherchèrent les siens. Mathieu s’éclaircit la gorge :

    — Ma fille, Jacques est mort. Tu resteras avec nous. Comme avant.

    — Père, je vous ai entendu. Qu’est-ce qui l’a tué ?

    Les hommes se regardèrent gênés. Comment pouvaient-ils annoncer à la petite la découverte horrible qu’ils avaient faite ?

    — On ne sait pas. On n’a jamais vu ça par ici.

    — C’est pas une bête ?

    — Les animaux ne laissent pas une proie sans la manger. Le Jacques, il lui manque rien… enfin il a ses bras, ses jambes… y a juste… dit lui toi le Fernand, moi j’peux pas !

    — L’a plus rien dans la tête…

    Isabelle les regarda. Comment ça plus rien dans la tête ? Qu’est-ce qu’il voulait dire par là ? Elle demanda à revoir le corps de Jacques. Les hommes hésitèrent, l’abbé ne serait pas content. Finalement, ils l’accompagnèrent jusqu’à la chapelle où le mort avait été déposé.

    Les hommes s’arrêtèrent à la porte, laissant la jeune fille s’avancer seule dans la nef. Au milieu de l’allée, trônait le catafalque. Faisant un rapide signe de croix, plus par habitude que par dévotion, elle s’approcha. Un linceul blanc recouvrait la dépouille. Lentement, elle descendit le voile funèbre jusqu’en au haut des joues.

    Le front crayeux était détendu, presque serein, comme dans un profond sommeil. Les paupières closes légèrement bleutées enfermaient à jamais les yeux verts de Jacques. Ces yeux dans lesquels elle voyait son amour, clos pour l’éternité. Qui l’aimerait maintenant ? 

    Elle se tourna vers l’entrée de la chapelle interrogeant le Fernand du regard. L’homme, le pas hésitant, s’avança.

    Sans un mot, il finit de soulever le drap fin et découvrit le haut du corps qui avait été nettoyé. La jeune fille eut un haut-le-cœur en découvrant la plaie béante aux bords déjà racornis balafrant le visage blafard. Une partie de la mâchoire inférieure du jeune homme avait disparu et une plaie béante laissait apercevoir l’intérieur du crâne, un os blanc, une cavité vide.

    Le Fernand remit le linceul en place pendant qu’Isabelle se ruait hors de la nef, la main plaquée sur sa bouche remplie de bile.

    ***

    2

    Charleville-Mézières, une année impaire.

    Jeudi

    L’été touche à sa fin. Les soirées ont déjà la fraîcheur de l’automne. Victor, assis à la terrasse d’un café, sirote voluptueusement une bière brassée à quelques centaines de mètres. Les terrasses se remplissent peu à peu, troublant le calme habituel. Victor observe une tablée s’installer à trois mètres de lui. Deux hommes au visage tanné et une femme. Ils s’assoient bruyamment en riant. La femme a une trentaine d’années, plutôt jolie, avec des cheveux mi-longs, bruns qui lui caressent les épaules à chaque fois qu’elle bouge. Elle a les cheveux de Claire, son profil romain, son cou gracile, ses longues mains. Mais ce n’est pas Claire. Victor se force à détacher son regard de cette inconnue qui dans un instant tournera la tête vers lui et se demandera ce que lui veut cet homme, assis seul à la terrasse.

    Depuis le départ de Claire, il y a deux ans, Victor attend. Il sait pourtant que c’est inutile. Elle ne reviendra jamais. Il doit s’y faire. Elle l’a quitté un matin, juste après le petit-déjeuner. Après huit ans, trois mois et vingt-deux jours de bonheur, elle l’a abandonné. Sans prévenir.

    Ils s’étaient rencontrés devant les Noces de Cana au Louvre. Les deux seuls visiteurs tournant le dos à la Joconde. Ils s’étaient souri. Ils s’étaient retrouvés ensemble au pied de la Diane chasseresse d’Houdon, dans la galerie des grands hommes. Ils s’étaient parlé. Quand ils s’étaient de nouveau croisés dans la cour Marly, ils avaient été boire un café. Et depuis ils s’étaient aimés. Elle, provinciale étudiante en art, lui parisien en seconde année de droit. Il l’avait suivie quand elle était retournée dans les Ardennes pour enseigner les arts plastiques à des adolescents boutonneux et immatures.

    Mais tout cela était si loin...

    Victor pose sa monnaie dans la soucoupe. Il est temps de rentrer.

    Il fait un signe au serveur en passant devant l’entrée du bar pour lui signaler son départ. Une main pressée lui répond. Sur la terrasse, sa chaise est déjà occupée par une jeune fille en salopette.

    Victor longe les arcades de la place Ducale. D’un pas décidé, il bifurque vers la rue du Moulin, le quai Charcot. Ce soir, il ne rentrera pas directement s’enfermer dans son appartement déserté. Il ne s’assiéra pas seul à table, dans le silence froid. Sa collègue Pascale l’a invité à dîner. Ordonné de venir serait plus exact.

    Il sait qu’elle s’inquiète pour lui. Elle ne devrait pas.

    Elle a organisé une soirée pour fêter l’ouverture du festival. Elle accueille un couple de marionnettistes hongrois, pour la durée des réjouissances.

    Victor fait bonne figure sans se forcer. Les marionnettistes sont sympathiques et parlent couramment le français. L’atmosphère est détendue et au moment du dessert l’arrivée d’autres festivaliers fait monter l’ambiance d’un cran. La bière coule à flots et c’est tard dans la nuit que Victor rentre chez lui.

    Il remonte la rue piétonne. Le claquement de ses talons sur les pavés résonne dans le silence des rues vides. Derrière les lampadaires, les étoiles le surveillent. Victor remonte son col de veste et repense à ce que Pascale lui a dit tout à l’heure : « Tu ne peux pas rester comme ça. Claire ne l’aurait pas voulu et tu le sais…

    — Arrête, Pascale, nous avons eu cette conversation cent fois déjà…

    — Non, je n’arrêterai pas ! Tu n’es plus l’ombre que de toi-même. Ça fait deux ans, Victor !

    — Pour moi, c’était hier...

    — Claire était mon amie. Et toi aussi. Tu sais que je t’aime... Elle marque une légère hésitation avant d’ajouter un peu trop précipitamment… Beaucoup.

    — Oui, je le sais, Pascale. Moi aussi, je t’aime beaucoup. »

    Victor l’avait embrassée sur la joue avant de tourner les talons. Il avait conscience de s’être enfui, lâchement. Mais il ne voulait pas faire de mal à Pascale. C’est vrai qu’il l’aimait, mais pas comme elle l’aurait voulu. Ils se connaissaient depuis trop longtemps et Pascale était indissociable de Claire. Elles étaient amies d’enfance, presque sœurs. Comment pourrait-il envisager ne serait-ce qu’un instant d’avoir une liaison avec elle ? D’ailleurs, Victor ne se sent pas aussi désespéré qu’elle le croit. Bien sûr, il a encore des coups de blues, c’est normal. Mais chaque jour qui passe pose sur sa douleur son baume de l’oubli, et avec le temps, la souffrance est moins vive. La cicatrice sera toujours là, mais il sent que la plaie se referme. Il le regretterait presque. La solitude qu’il s’impose lui permet de repousser ce sentiment de culpabilité de ne plus penser à elle aussi souvent, aussi douloureusement.

    En arrivant au pied de la statue de Gonzague, des éclats de voix lui parviennent de la rue Jean Jaurès. Des bénévoles du festival quittent l’Institut de la Marionnette après avoir terminé les derniers préparatifs avant l’ouverture du festival dans moins de quarante-huit heures. À une centaine de mètres plus bas dans la rue, le commissariat central crache une voiture de patrouille à la hauteur du 36.

    Un courant d’air frais remontant de la Meuse oblige Victor à remonter son col. Il repart dans la nuit. Demain sera un autre jour…

    ***

    3

    On avait enterré le Jacques à côté de sa mère, morte en couche dix ans plus tôt.

    L’abbé n’avait pas voulu procéder à l’enterrement quand il sut dans quel état se trouvait le cadavre. Cela ne pouvait être que l’œuvre du diable. Rien ne put le faire fléchir, il ne bénirait pas ce mort. Le maire procéda à un enterrement civil. Le premier du village.

    La vie avait repris son cours. Personne ne parlait de la façon dont le presque fiancé d’Isabelle avait disparu. Le sujet était devenu tabou.

    La jeune fille vivait comme une recluse depuis qu’on lui avait enlevé son unique amour. Pleurant jous et nuit, elle se séparait du monde des vivants pour se murer dans la solitude des morts.

    Elle aurait certainement fini par dépérir si un incident ne lui avait rendu son instinct combatif.

    Une nuit, elle fut réveillée en sursaut par des bruits sourds. Son premier mouvement fut d’alerter ses parents qui dormaient encore à poings fermés. Les coups qu’elle entendait distinctement ne troublaient nullement leur sommeil. Dans son lit, son père se tourna sur le côté et émit un ronflement. La respiration légère et régulière de sa mère émut la jeune fille, qui renonça à perturber les dormeurs.

    Elle mit son châle pourpre sur ses épaules et sortit dans la nuit fraîche.

    D’abord, elle ne vit rien. Puis, il lui sembla percevoir un bruissement léger, derrière le saule, à côté du puits. Réprimant un frisson, elle alla dans cette direction. Au pied de la margelle, un serpent leva sa tête gracile à son arrivée. Isabelle, voyant l’animal, stoppa, n’osant plus bouger.

    Le reptile s’avança en ondulant lentement. Pétrifiée, la jeune fille respirait à peine. Enfin, il s’immobilisa à moins de dix centimètres de son pied nu. Elle baissa les yeux pour mieux affronter le danger.

    Le serpent la fixait, faisant sortir sa langue fourchue de temps à autre. Tous deux immobiles, ils semblaient se défier du regard. Isabelle n’était pas du genre patient. Cette attente commençait à l’énerver.

    N’y tenant plus, elle finit par lui demander d’une voix assurée :

    — Que me veux-tu ? Je ne vais pas rester là toute la nuit ! Si tu n’attaques pas, je m’en vais…

    L’animal secoua sa tête de gauche et de droite.

    — Non ? Tu ne crois pas que je vais rentrer ? Eh bien ! C’est ce qu’on va voir !

    L’insensée tourna brusquement les talons. La réaction du reptile ne se fit pas attendre. Se lovant promptement autour de sa cheville fine, il la fit tomber. Puis, il s’approcha du visage de l’imprudente. Sa langue fourchue lui caressa la joue. Elle ne fanfaronnait plus.

    Une voix fluette s’insinua dans son oreille :

    — On m’a dit qu’on ne te voyait plus sortir. Tu resterais enfermée jour et nuit à dépérir. Je suppose que ce sont des fadaises. Je ne peux imaginer que tu puisses ainsi te laisser mourir. Aurais-tu oublié que le suicide est péché mortel ? Non, évidemment ! Puisse la quête de la Vérité et de la Justice guider tes pas et sauver ton âme.

    Isabelle se réveilla au milieu du jardin. L’aube pointait à l’horizon. Son châle pourpre recouvrait ses épaules comme un drap qu’une main généreuse aurait posé là. Sa longue chemise était humide de la rosée du petit matin. Elle se leva péniblement.

    Nulle trace du serpent de la nuit. Elle ne parvenait pas à se souvenir exactement ce qu’il s’était passé. Il y avait eu cette voix, venue de nulle part. Cette voix qui lui parlait de Vérité et de Justice.

    Un frisson la parcourut. Le froid l’enveloppait d’un linceul. Elle courut se réfugier dans la chaleur de la maison. Sa mère se levait.

    — Qu’est-ce que tu fais là ? Mais tu es trempée ! D’où viens-tu ? Approche du feu, que tu vas attraper la mort…

    En se signant rapidement à l’évocation de la faucheuse, la mère

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1