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Le management municipal, Tome 1: Un gouvernement de proximité?
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Le management municipal, Tome 1: Un gouvernement de proximité?
Livre électronique553 pages6 heures

Le management municipal, Tome 1: Un gouvernement de proximité?

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À propos de ce livre électronique

Au Québec, les municipalités ont été récemment reconnues comme gouvernement de proximité. Si elles sont familières aux citoyens, leurs actions et leur fonctionnement interne ne sont pas pour autant bien connus. Le présent ouvrage apporte une vue d’ensemble sur le rôle et sur la place qu’occupent les municipalités dans l’action de l’État, et il ouvre la boîte noire de leur mode d’opération politico-administratif. Il adopte une perspective holistique qui empêche de réduire le rôle de la municipalité à la production de quelques services tangibles et qui resitue les questions de proximité dans les problématiques générales de la société.

La municipalité est en première ligne pour le maintien d’un vivre-ensemble harmonieux et dynamique. Elle n’est pas un « gouvernement » comme les autres et son management doit tenir compte de sa spécificité. La municipalité ne sert pas seulement les citoyens ; elle les intègre comme coproducteurs des orientations, des services et du milieu de vie. Les élus sont plus que leurs représentants : ils sont des métagestionnaires qui décident autant des projets que des paramètres des opérations courantes. Il découle de ces particularités que la performance municipale est triple, à la fois organisationnelle dans la qualité de prestation des services, collective dans l’orchestration des initiatives de tous les acteurs du milieu et fondamentalement institutionnelle dans la confiance que les citoyens lui accordent pour les aider à s’épanouir. La responsabilité sur ces trois plans fait en sorte que le management municipal n’est pas une fonction de seconde classe dans la gestion publique et que son dynamisme est indispensable pour rendre efficace l’ensemble de l’action étatique.
LangueFrançais
Date de sortie23 janv. 2020
ISBN9782760550582
Le management municipal, Tome 1: Un gouvernement de proximité?
Auteur

Gérard Divay

Gérard Divay, professeur associé à l’ÉNAP, a alterné carrière universitaire et carrière de gestionnaire. Comme gestionnaire, il a occupé divers postes de direction au sein des administrations provinciale, régionale, municipale et universitaire. Il a été de 1972 à 1982 professeur-chercheur à l’INRS urbanisation et de 2005 à 2018 professeur régulier à l’ÉNAP. Il s’intéresse particulièrement au management local, à la mesure des performances organisationnelle et collective, à la mobilisation des acteurs locaux et la gouvernance locale, à la contribution des gestionnaires locaux à l’évolution des pratiques et de la pensée administratives.  

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    Le management municipal, Tome 1 - Gérard Divay

    INTRODUCTION /

    Le management public sur mesure municipale

    Gérard Divay et Étienne Charbonneau

    Pourquoi consacrer maintenant un ouvrage aux particularités du management municipal au Québec? Pour deux raisons, une plus conjoncturelle, une plus fondamentale.

    Quantité de discours insistent sur l’importance croissante que prennent les villes dans la gouvernance nationale et mondiale. D’ailleurs, leur association internationale, Cités et gouvernements locaux unis (CGLU), s’est défini un programme pour «Cocréer le futur urbain» (CGLU, 2016). Au Québec, en 2016, les municipalités ont acquis un statut de «gouvernement de proximité» (MAMOT, 2016), laissant entrevoir de plus grandes responsabilités. Si, effectivement, les municipalités, notamment les villes, sont appelées à jouer un rôle plus important, le management municipal devient plus stratégique également. Il conditionne la capacité de l’État à garder une emprise sur l’évolution de la société tout en permettant aux populations locales de prendre en charge le vivre-ensemble sur leur territoire.

    Plus fondamentalement, le management municipal est une porte d’entrée féconde pour analyser le management public. Contrairement à certaines impressions que distille l’expression «créature de la province», les municipalités ne sont pas des administrations publiques de second ordre par rapport à celles des gouvernements dits «supérieurs». La gestion municipale est confrontée à toutes les problématiques du management public, qu’elle contribue d’ailleurs à renouveler. Un bref retour sur les évolutions depuis un siècle en fait foi. Avant de le présenter, précisons ce qu’il faut entendre par management public. Le management public n’a acquis ses lettres de noblesse que récemment, comme le rappelle Hughes (2017, p. 547):

    Management in the public sector has been transformed over the past 30 years from public administration to public management. Public administration involves process, procedures, bureaucracy in the formal sense, and following instructions from political leaders. Public management means that a manager takes personal responsibility for the delivery of results.

    Le management public s’est affirmé par une double démarcation, soit par rapport à l’administration publique classique et par rapport à la gestion des entreprises privées (Parenteau, 1992). Le management public, comme le management en général, a trait au pilotage d’organisations, comme le définit Bartoli (2009, p. 99-100):

    Le management public correspond à l’ensemble des processus de finalisation, d’organisation, d’animation et de contrôle des organisations publiques visant à développer leur performance générale et à piloter leur évolution dans le respect de leur mission.

    Sans l’adjectif «publiques» accolé à «organisations», la définition ci-dessus pourrait convenir au management privé. Or, ce qualificatif change radicalement la perspective. Les organisations dont s’occupe le management public sont des administrations publiques entendues dans un sens large, avec tout ce que le poids institutionnel de ce terme induit eu égard à l’encadrement légal et au pilotage politique dans un État de droit. Si, dans une stratégie d’affirmation professionnelle et disciplinaire, le management public a voulu se distancier au départ d’une approche de gestion par les règles, identifiée à l’approche traditionnelle d’administration publique, il doit maintenant mieux réinsérer sa quête de résultats (Mazouz, Leclerc et Tardif, 2008) dans un environnement institutionnel étatique (Amsler, 2016). Le management public renferme de multiples paradoxes (Emery et Giauque, 2005). Comme Pollitt (2016, p. xi) le formule avec humour,

    if you want to deal directly with matters of pressing international, national and local concern, then study public management… On the other hand, if you want to work on a topic that some people will regard as ineffably boring and anorak-ish, then study public management.

    Ce grand écart entre le traitement noble des grands enjeux de société et la vie prosaïque au sein d’une administration ne saurait mieux caractériser le management municipal. À travers ses activités courantes, en partie répétitives (par exemple la collecte des matières résiduelles), le management municipal apporte des solutions concrètes à des enjeux de société (en l’occurrence, le recyclage et la prise en compte de tout le cycle de vie des produits). Au surplus, il contribue à redéfinir les façons de penser et de pratiquer le management public en général.

    Depuis un siècle, en Amérique du Nord, la gestion municipale a été une source d’inspiration importante des grands courants de pensée qui se sont succédé dans le management public. Évoquons-les brièvement: la mesure de la performance au début du siècle dernier, la nouvelle administration publique des années 1970, le nouveau management public à partir des années 1980, le management de la «valeur publique» et le nouveau service public à partir des années 1990.

    Au début du XXe siècle, dans le cadre du mouvement réformiste en Amérique du Nord, la mesure de la performance municipale a été associée à une stratégie de transformation de l’interface tripartite politique-administration-citoyens. Les travaux influents du New York Bureau of Municipal Research sur la transformation de la présentation des budgets et l’instauration d’une compatibilité analytique avaient pour but de rendre les choix politiques éclairés, visibles et compréhensibles (Williams, 2004). Les mesures portaient sur l’efficience et l’efficacité (confondues à l’époque dans le terme anglais efficiency), sur les résultats et sur les conditions du milieu. Une diffusion large de ces mesures était préconisée et réalisée (Lee, 2006) pour mieux outiller les citoyens dans leur jugement politique. La mesure de la performance était une stratégie pour remplacer la politicaillerie partisane par une politique transparente de l’intérêt commun raisonné, stratégie renforcée par la diffusion en parallèle de la formule du city manager (Price, 1941), qui a irradié au Québec avec l’introduction du «gérant municipal» dans quelques villes (entre autres, Westmount, Outremont, Shawinigan et d’autres villes industrielles).

    La mesure des services municipaux a été systématisée sous l’impulsion de Ridley (1927) à partir des années 1920, mais elle a été pratiquée avec plus ou moins d’intensité et de généralité dans les décennies subséquentes. Elle s’est centrée sur la production des services, en délaissant les préoccupations démocratiques (Williams, 2004). En 1938, le leader de la mesure à l’époque, Clarence E. Ridley, cosignait avec un futur Prix Nobel, Herbert A. Simon, un article qui restreignait la portée démocratique de la mesure:

    It was once believed that if the administration published each year a complete and encyclopedic account of city activities, governmental efficiency could be appraised by the citizen. This highly optimistic view of the intelligent citizen has long been discarded. The voter has neither the time nor the information to interpret undigested statistical tables in an intelligent manner. The reporting official must act as interpreter as well as recorder (Simon et Ridley, 1938, p. 466-467).

    La publication systématique de rapports sur la mesure de la performance municipale s’est effritée après les années 1930 (Lee, 2006). Quelques décennies plus tard, au début des années 2000, la pratique de la mesure de la performance municipale a connu un regain de ferveur dans les municipalités de plusieurs pays, notamment au Canada, pour s’essouffler de nouveau (Charbonneau et Bingley, 2015). Au Québec, l’abandon, en 2017, de l’obligation imposée aux municipalités de produire des indicateurs de gestion est le dernier épisode de cette longue histoire de flux et reflux dans la mesure de la performance. Comme le souci de la performance se veut une marque distinctive du management public par rapport à la gestion traditionnelle d’une administration publique, ce bref survol historique est de mise pour garder une certaine humilité dans l’analyse du management public. Évoquons encore plus brièvement les autres courants.

    Au cours des années 1970, aux États-Unis, dans un contexte d’agitation sociale, un courant nommé «nouvelle administration publique» a connu une certaine popularité. Il a mis à l’ordre du jour des gestionnaires publics et des universitaires les préoccupations de démocratisation, de prise en compte des minorités, globalement de l’équité sociale (Frederickson, 2016). Une certaine effervescence dans les initiatives de participation citoyenne à l’échelle des quartiers a en outre contribué à alimenter les réflexions de ce courant.

    À partir des années 1980, le courant du nouveau management public a connu une popularité bien plus grande et influencé, avec beaucoup de variantes, les politiques de plusieurs pays (Lynn, 2006). Or, un livre phare de ce courant, Reinventing Government (Osborne et Gaebler, 1992) dont l’un des coauteurs était city manager, tirait ses prescriptions d’expériences de gestion municipale. Le courant du nouveau management n’en a d’ailleurs retenu qu’une lecture sélective, exaltant les chapitres sur l’esprit entrepreneurial, la mise en compétition avec le privé et la fixation sur les résultats tout en négligeant ceux qui soulignaient l’importance de l’habilitation de la communauté et de la prévention. Dans les courants plus récents qui supplantent le nouveau management public (Bryson, Crosby et Bloomberg, 2014), l’une des sources d’inspiration théorique se trouve clairement dans le management municipal, qu’il s’agisse du nouveau service public de Denhardt et Denhardt (2003) ou de la création de «valeur publique» de Moore (1995).

    Actuellement, le management municipal continue à transformer les pratiques de management public et à en nourrir les analyses. Par exemple, en ce qui concerne les pratiques, dans un contexte où les données numériques se multiplient et s’interconnectent, les administrations publiques doivent élaborer des politiques sur l’accessibilité aux données. Les municipalités font leurs propres choix qui peuvent être très différents d’une administration à une autre. Pour ce qui est des analyses, le gouvernement 2.0 est un thème significatif dans la littérature scientifique et les changements qu’introduit ce concept dans le management municipal y sont aussi considérés (Grimmelikhuijsen et Feeney, 2017; Caron et Boudreau, 2016).

    Bref, le management municipal s’inscrit pleinement dans le management public. Il n’en est pas une composante inférieure, mais, à l’occasion, une variante créatrice de nouvelles façons de le pratiquer et de le penser. Il ne suffit cependant pas de connaître les principes et les enjeux du management public en général pour apprécier la vaste contribution du management municipal à l’ensemble de l’action publique; il est nécessaire de cerner ses particularités, les contraintes auxquelles il est soumis ainsi que les dynamiques sociopolitiques qui le régissent.

    Le présent ouvrage tente de cerner ces particularités. Le premier chapitre explore les principales dimensions de la proximité qui amènent à considérer la municipalité non seulement comme organisation, mais d’abord comme institution et ensuite comme collectivité partageant un même milieu de vie. Le deuxième chapitre déconstruit une perception courante qui ne voit dans la proximité que des affaires purement locales en réinsérant les phénomènes de proximité dans les évolutions sociétales et dans l’action de l’État. Le troisième chapitre aborde la proximité du point de vue du citoyen et la traite en tant qu’espace public local, dans les deux sens du terme, c’est-à-dire à la fois comme un environnement riche en biens communs et des scènes de conversation publique sur ces biens. Le quatrième chapitre analyse les responsabilités municipales dans le traitement des droits de propriété en fonction de l’intérêt public, la propriété étant un pilier de la proximité. Le management municipal associe étroitement élus et gestionnaires dans la conduite de l’action municipale; le cinquième chapitre expose certaines modalités institutionnelles de leurs relations ainsi que les tribulations qu’elles encourent. La prise en compte de toutes les dimensions de la proximité élargit la compréhension de ce que la municipalité doit produire: non seulement des services spécifiques, mais aussi un milieu de vie, ce qui entraîne une complexification de la fonction de production détaillée dans le sixième chapitre et une multiplication des besoins et des formes de coordination que la municipalité doit assumer, présentée dans le septième chapitre. Le dernier chapitre invite à évaluer le management municipal à partir du critère le plus névralgique qui soit pour une institution publique, celui de la confiance des citoyens. Dans la mesure où la municipalité n’est pas seulement une entreprise de services, mais aussi une institution démocratique et une collectivité, le maintien de la confiance est primordial pour assurer un vivre-ensemble paisible et dynamique. Enfin, la conclusion amorce une synthèse sur la spécificité du management municipal dans l’ensemble du management public axé sur la place des citoyens dans la vie municipale.

    Par ailleurs, cet ouvrage aborde la réalité municipale dans une perspective particulière, celle du management public. Le management public associe étroitement conduite opérationnelle et stratégique d’une organisation publique et préservation de l’institution incarnée dans cette organisation. La municipalité est une institution publique décentralisée que l’État démocratique met à la disposition des populations locales pour prendre en charge leurs biens communs dans le cadre des politiques et règles générales. La municipalité s’acquitte de cette fonction en sa qualité d’organisation qui optimise les ressources dont elle dispose pour produire des services, organiser la collectivité locale et l’animer. La fibre institutionnelle de tout management public est parfois oblitérée dans les discours managériaux; cet ouvrage tient à la rendre explicite.

    Une perspective managériale doit concilier une vue d’ensemble et un accent sur les éléments les plus significatifs; elle doit être à la fois englobante et sélective. Englobante, en ce sens que tous les éléments de la vie municipale doivent y trouver place, la raison d’être du management étant d’introduire une cohérence d’ensemble; sélective, en ce sens que chacun de ces éléments ne peut être exposé en détail. Dans le présent ouvrage, l’analyse est centrée sur l’objet spécifique du management municipal et sur les problématiques transversales les plus importantes qui hantent la recherche d’intégration aussi bien sur le plan de l’organisation municipale que sur celui de la collectivité locale. Cette perspective sélective nous a obligés à laisser de côté des développements particuliers sur chacun des principaux secteurs de l’action municipale (habitation, sécurité, infrastructures, etc.), sur la structure institutionnelle, sur la politique locale et sur les finances municipales, développements souvent proposés dans les ouvrages de référence sur le gouvernement local (Sancton, 2011; Tindal et Tindal, 2013).

    Le management municipal tisse une trame entre les diverses facettes de la réalité municipale. Il s’agit d’un exercice d’assemblage politico-administratif de multiples pratiques professionnelles dont chacune est menée par des personnes formées dans une discipline universitaire particulière, éventuellement élargie par des formations complémentaires. Ces professionnels travaillent dans les municipalités ou pour le compte de celles-ci. Sans en faire un inventaire exhaustif, énumérons quelques-unes des disciplines présentes dans le monde municipal:

    •Le droit administratif et municipal encadre le fonctionnement et les actions de la municipalité.

    •Le génie civil est à l’œuvre dans tous les équipements et infrastructures.

    •Les sciences de la gestion, notamment en comptabilité, en ressources humaines et en relations de travail, servent à assurer l’intégrité dans la gestion des fonds publics et l’efficacité des opérations.

    •Les sciences de l’information occupent de plus en plus une place névralgique dans le fonctionnement municipal et dans les relations avec les citoyens en raison du développement des technologies numériques.

    •Les communications sont devenues une activité clé de l’action publique municipale.

    •Les sciences du territoire, en incluant sous ce terme aussi bien l’urbanisme et l’aménagement, le développement régional et le développement des communautés que l’environnement, soutiennent la structuration et la mise en valeur du territoire.

    •Les sciences sociales dans de nombreuses disciplines, notamment la criminologie sur les questions de sécurité, la récréologie dans les domaines de la culture et des loisirs, la sociologie et le travail social sur diverses problématiques, interviennent sur la qualité du vivre-ensemble.

    •Les sciences politiques servent à comprendre la politique locale et les politiques mises de l’avant par les municipalités; elles sont souvent incluses sous le vocable de politiques urbaines.

    Dans les universités, nombre de professeurs, d’équipes et de centres de recherche forment ces professionnels et contribuent à l’amélioration des pratiques. Le présent ouvrage, centré sur les traits essentiels et particuliers du management municipal, ne permet pas de rendre compte de toutes ces contributions, mais s’appuie sur certaines d’entre elles. Si la pratique du management municipal est un assemblage continu et plus ou moins exhaustif de multiples points de vue, la réflexion universitaire sur ce management ne peut échapper à un certain syncrétisme. Cet ouvrage n’a d’ailleurs pas de visée théorique comme motivation première. Pour reprendre la distinction de Pollitt (2016) entre description et théorie, l’ouvrage cherche simplement à présenter une description du management municipal comme variante originale du management public et à saisir les particularités qui devraient être prises en compte dans l’élaboration d’un modèle de management municipal intégré. Certes, cette description ne s’en tient pas aux discours et aux perceptions du monde municipal; elle fait appel à plusieurs éclairages disciplinaires pour mettre en lumière toute la complexité et la portée du management municipal. Elle fournit une contribution originale à la littérature scientifique et professionnelle sur les municipalités du Québec, qui s’attache plus souvent à décrire des aspects particuliers de leur management qu’à en donner une vue d’ensemble.

    Il n’en demeure pas moins difficile pour les gestionnaires municipaux de dégager une vue d’ensemble de tout ce qu’ils font compte tenu de la nature de leurs activités.

    It is a career in which, particularly for those in the senior offices, the constant flow of detailed day to day problems and the never ending contact with individuals and their difficulties makes it almost impossible to obtain an opportunity to view the whole picture and its problems from sufficient distance, and with sufficient detachment, to get a good perspective (Crawford, 1945, p. 511).

    Cette citation du milieu du siècle dernier est toujours d’actualité. Le présent ouvrage propose des pistes de réflexion pour aider ceux et celles qui travaillent dans les municipalités ou qui s’intéressent aux affaires locales à prendre un recul inspirant face aux flux quotidiens des activités municipales.

    Bibliographie

    AMSLER, L.B. (2016). «Collaborative Governance: Integrating Management, Politics and Law», Public Administration Review, vol. 76, no 5, p. 700-711.

    BARTQLI, A. (2009). Le management dans les organisations publiques, Paris, Dunod.

    BRYSON, J.M., B.C. CROSBY et L. BLOOMBERG (2014). «Public Value Governance: Moving beyond Traditional Public Administration and the New Public Management», Public Administration Review, vol. 74, no 4, p. 445-456.

    CARON, D.J. et C. BOUDREAU (2016). L’ouverture des données dans les municipalités québécoises: enjeux et degré d’avancement, Québec, CEFRIO.

    CHARBONNEAU, E. et A. BINGLEY (2015). «Performance Improvement, Culture, and Regimes: Evidence from the Ontario Municipal Performance Measurement Program, 2000-2012», International Journal of Public Sector Management, vol. 28, no 2, p. 105-120.

    CITÉS ET GOUVERNEMENTS LOCAUX UNIS (CGLU) (2016). Quatrième rapport mondial sur la décentralisation et la démocratie locale. Cocréer le futur urbain: l’agenda des métropoles, des villes et des territoires, Barcelone, Cités et Gouvernements Locaux Unis.

    CRAWFORD, K.G. (1945). «Public Administration Training at the Municipal Level», Canadian Journal of Economics and Political Science, vol. 11, no 4, p. 509-515.

    DENHARDT, J.V. et R.B. DENHARDT (2003). The New Public Service: Serving, not Steering, Armonk, M.E. Sharpe.

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    FREDERICKSON, H.G. (2016). Social Equity and Public Administration, New York, M.E. Sharpe.

    GRIMMELIKHUIJSEN, S.G. et M.K. FEENEY (2017). «Developing and testing an integrative framework for open government adoption in local governments», Public Administration Review, vol. 77, no 4, p. 579-590.

    HUGHES, O. (2017). «Public Management: 30 Years On», International Journal of Public Sector Management, vol. 30, nos 6-7, p. 547-554.

    LEE, M. (2006). «The History of Municipal Public Reporting», International Journal of Public Administration, vol. 29, no 4, p. 453-476.

    LYNN, L.E. (2006). Public Management, Old and New, New York, Routledge.

    MAZOUZ, B., J. LECLERC et M.J.B. TARDIF (2008). La gestion intégrée par résultats: concevoir et gérer autrement la performance dans l’administration publique, Québec, Presses de l’Université du Québec.

    MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DE L’OCCUPATION DU TERRITOIRE (MAMOT) (2016). Déclaration sur la reconnaissance des municipalités à titre de gouvernements de proximité, Québec, Gouvernement du Québec, <https://www.mamot.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/ministere/declaration_reconnaissance_municipalites_gouvernements_proximite.pdf>, consulté le 10 novembre 2017.

    MOORE, M.M. (1995). Creating Public Value: Strategic Management in Government, Cambridge, Harvard University Press.

    OSBORNE, D. et T. GAEBLER (1992). Reinventing Government, Reading, Addison Wesley.

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    POLLITT, C. (2016). Advanced Introduction to Public Management and Administration, Cheltenham (R.-U.), Edward Elgar Publishing, p. xi.

    PRICE, D.K. (1941). «The Promotion of the City Manager Plan», Public Opinion Quarterly, vol. 5, no 4, p. 563-578.

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    SANCTON, A. (2011). Canadian Local Government: An Urban Perspective, Don Mills, Oxford University Press.

    SIMON, H.A. et C.E. Ridley (1938). «Trends in Municipal Reporting», Public Opinion Quarterly, vol. 2, no 3, p. 465-468.

    TINDAL, C.R. et S.W. TINDAL (2013). Local Government in Canada, Toronto, Nelson Education.

    WILLIAMS, D.W. (2004). «Evolution of Performance Measurement until 1930», Administration and Society, vol. 36, no 2, p. 131-159.

    CHAPITRE 1 /

    Les proximités du milieu de vie

    Gérard Divay

    Quel est l’objet spécifique du management municipal? Sur quoi porte-t-il? Pour répondre succinctement, nous pourrions dire que le management municipal porte sur l’organisation municipale. Cette réponse évidente reste toutefois partielle et insuffisante. Une organisation n’existe qu’en fonction d’une raison d’être. Elle traite d’une problématique particulière et son action se traduit dans des produits et résultats spécifiques. Pour une municipalité, quelle est cette raison d’être et comment transparaît-elle dans les résultats de son action?

    Au début de la décennie 2010, les deux unions de municipalités québécoises, soit la Fédération québécoise des municipalités (FQM), qui regroupe surtout les petites municipalités et les municipalités régionales de comté (MRC), et l’Union des municipalités du Québec (UMQ), qui représente surtout les municipalités plus urbaines, ont mené, chacune de leur côté, une réflexion stratégique sur leur devenir, avec une large participation de leurs membres. Tout en visant clairement à appuyer leurs revendications face au gouvernement provincial, cette réflexion les a amenées à expliciter leur rôle dans deux documents généraux, Gouvernance de proximité (FQM, 2014) et Livre blanc municipal (UMQ, 2012). Malgré certaines différences d’argumentation et de présentation, les deux documents convergent sur une représentation commune de cette caractéristique distinctive: les municipalités s’occupent de tout ce qui relève de la proximité, notion mise en évidence dans le titre même du document de la FQM et à quelques reprises dans le document de l’UMQ, qui présente la municipalité comme un «gouvernement de première ligne». La notion de proximité y apparaît davantage comme étendard de ralliement et principe de philosophie politique en évoquant une approche humaniste de l’action publique locale; les deux documents soulignent que la proximité signifie notamment une préoccupation à l’égard des «personnes» dans leur milieu de vie. En revanche, cette notion encore fortement associée à la fiscalité et aux contraintes du financement municipal n’est pas assortie de critères permettant de circonscrire et de mesurer l’ensemble des phénomènes qui sont de l’ordre de la proximité. Il ressort des deux documents que la proximité concerne tout ce que font actuellement les municipalités et ce qu’elles aimeraient faire si le gouvernement leur faisait davantage confiance en leur accordant plus d’autonomie et de ressources.

    Ces deux réflexions stratégiques se sont révélées fructueuses pour le positionnement des municipalités dans leurs rapports de pouvoir avec les gouvernements, notamment le gouvernement du Québec. Les deux unions ont solennellement signé avec ce dernier, en décembre 2016, la Déclaration sur la reconnaissance des municipalités à titre de gouvernements de proximité (MAMOT, 2016a). La proximité n’y est pas davantage précisée, mais les attendus renvoient à ce que font les municipalités et au rôle qu’elles jouent. La déclaration rappelle par ailleurs un état de fait qui n’était guère souligné dans les deux documents de réflexion stratégique, soit que ces gouvernements de proximité font «partie intégrante de l’État québécois», expression qui se retrouve dans le premier attendu de la Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, adoptée en juin 2017.

    Compte tenu de son importance dans le positionnement récent des municipalités et malgré son flou, la notion de proximité est-elle pertinente pour caractériser l’objet du management municipal? D’emblée, deux arguments peuvent être invoqués à l’encontre d’une telle proposition. En premier lieu, d’autres institutions publiques se veulent proches des citoyens dans leur milieu de vie, notamment les écoles primaires et secondaires et les unités de première ligne dans le domaine de la santé et des services sociaux. Au total, les services dispensés par ces institutions accaparent, en nombre de personnes, des ressources publiques trois fois plus importantes que les organismes municipaux, comme le montre le tableau 1.1.

    TABLEAU 1.1 / Effectifs des divers secteurs publics en équivalent temps complet

    Cependant, le cadre institutionnel qui caractérise chacun de ces trois secteurs (municipal, scolaire, santé et services sociaux) est bien différent. Si les commissions scolaires sont des entités décentralisées comme les municipalités, leur financement provient presque aux trois quarts (MEES, 2016) du gouvernement provincial contre seulement 14% pour les municipalités (MAMOT, 2016d). Les commissions scolaires ont en outre connu une restructuration qui a radicalement diminué leur nombre; alors qu’elles étaient à peu près aussi nombreuses que les municipalités au début des années 1960, elles ne sont plus que 72 aujourd’hui comparativement à plus de 1 100 municipalités. Les entités du domaine de la santé et des services sociaux sont déconcentrées et des vagues successives de restructuration ont éloigné leurs centres de décision du local vers les instances régionales et notamment ministérielles depuis 2010. Le secteur municipal est le seul à avoir gardé deux paliers décisionnels, soit le local (municipalité locale, avec un palier infralocal d’arrondissement dans certains cas) et le supralocal (MRC, agglomération, communauté métropolitaine). Les MRC n’effectuent qu’une fraction de toutes les dépenses municipales (4% en 2016¹), mais elles jouent un rôle stratégique dans certaines fonctions, notamment en aménagement et en développement. Cette rétrospective structurelle montre que, parmi ces instances publiques, les municipalités sont celles qui ont le mieux résisté à la centralisation et ont, de ce fait, le mieux conservé leur caractère de proximité.

    En deuxième lieu, à l’intérieur du monde municipal, les disparités sont si grandes que la proximité ne revêt pas partout la même signification, ni sur le plan géographique (par exemple, la superficie de Montréal-Ouest, l’une des plus petites municipalités avec statut de ville, n’est que de 1,4 km², alors que celle de la plus grande, La Tuque, atteint 28 294 km²), ni sur le plan démographique (la population de l’Île-Dorval n’est que de 5 habitants, alors que celle de Montréal, juste à côté, est de 1,7 million d’habitants). Or, si l’on veut cerner la spécificité du management municipal, son trait distinctif devrait se retrouver, à des degrés variables, dans toutes les municipalités. Dans quelle mesure la proximité peut-elle servir de dénominateur commun?

    Les deux documents stratégiques des unions municipales québécoises lient étroitement proximité et milieux de vie. La notion courante de milieu est pratique en ce qu’elle cache et intègre de multiples connotations sous une présomption d’identité, de cohésion et de potentiel d’animation. Elle renvoie aux liens entre les grandes fonctions des «modes d’habiter» (Morel-Brochet et Ortar, 2012): se loger, travailler, circuler et vivre ensemble, chacune de ces fonctions pouvant être assurée dans des endroits différents. Le milieu se rapporte d’abord à l’expérience de vie courante des individus et des ménages. Il délimite leurs espaces de vie quotidienne ou hebdomadaire, polarisés par le lieu de résidence. Il lie les divers endroits fréquentés et, à cet égard, le milieu est le plus souvent multilieu, sauf pour les personnes peu mobiles. Les cartes individuelles de milieu peuvent être fort différentes, sauf dans des communautés vivant en autarcie ou en «institutions». La présomption de cohésion devient ainsi vite problématique si l’on veut qualifier de milieu un large territoire.

    Dans son utilisation municipale, la notion de milieu est centrée sur la résidence et englobe tout ce qui en est proche. Le proche s’évalue d’ailleurs moins par la distance physique que par la facilité d’accès. Les diverses dimensions de la proximité ont été analysées par plusieurs chercheurs, en particulier dans les champs du développement économique local et régional (Carrincazeaux, Lung et Vicente, 2008) et de la sociologie urbaine (Bourdin, Lefeuvre et Germain, 2006). Dans le premier champ, la proximité se joue sur trois plans: institutionnel, organisationnel et territorial. Certains auteurs de cette école (Torre, 2010) en retiennent seulement deux, en intégrant l’institutionnel à l’organisationnel. La proximité institutionnelle renvoie à une réalité à la fois plus intangible et plus fondamentale: celle des valeurs partagées et de l’adhésion à des règles de conduite communes. La proximité organisationnelle concerne les relations qui s’établissent entre des organisations et les contributions des acteurs locaux. Cette proximité peut être déconnectée du plan géographique, notamment dans le contexte actuel des nouvelles technologies de l’information et des communications. La proximité territoriale se mesure en distance et se traduit en accessibilité physique des lieux ou des personnes. Ces trois plans de proximité offrent un point de départ stimulant pour circonscrire la spécificité de l’objet du management municipal. Nous allons les explorer tour à tour, en adaptant leur définition au contexte du management municipal.

    La proximité institutionnelle

    Commençons par le plan institutionnel, qu’escamotent certaines présentations du management, plus centrées sur l’optimisation des ressources que sur l’analyse des résultats et des effets. Il est pourtant fondamental en raison de sa force structurante et de sa capacité d’inspiration des conduites. Le concept de l’institution est sujet à toutes les modulations de sens que lui donnent les diverses disciplines des sciences sociales. Le noyau commun évoque la stabilité des arrangements dans les façons de faire, les règles de conduite tout autant imposées qu’acceptées, comme le montre la définition de l’un des auteurs les plus cités en la matière (North, 1994, p. 360):

    Institutions are the humanly devised constraint that structure human interaction. They are made up of formal constraints (e.g., rules, laws, constitutions), informal constraints (e.g., norms of behavior, conventions, self-imposed codes of conduct), and their enforcement characteristics. Together they define the incentive structure of societies and specifically economies.

    Les municipalités sont régies par des arrangements éminemment formels, façonnés par de nombreuses lois, ancrés dans les valeurs d’un État de droit démocratique. Elles élaborent elles-mêmes des règles sur des territoires bien délimités et constituent des institutions décentralisées. Dans son essence même, la décentralisation rapproche les lieux de décision des citoyens vivant sur un territoire donné. Mais de quelle nature est la proximité institutionnelle? Comment est-elle enchâssée dans les dispositifs juridiques municipaux? Dans quelle mesure est-elle véhiculée dans les justifications de la décentralisation? Et comment se manifeste-t-elle dans les conduites des citoyens?

    Les citoyens comme membres de la municipalité

    La notion de proximité repose habituellement sur une séparation entre deux éléments et sur une faible distance entre les deux. La proximité institutionnelle municipale est très intense, en ce que la distance entre l’institution et les citoyens est nulle. L’institution municipale ne surplombe pas les citoyens; elle est inhérente au collectif qu’ils forment, comme l’édicte la Loi sur l’organisation territoriale municipale: «La municipalité locale est une personne morale de droit public formée des habitants et des contribuables de son territoire» (art. 13). De cette consubstantialité découlent deux exigences réciproques. D’une part, la municipalité doit toujours être en prise avec les préférences et les aspirations de ses citoyens et, d’autre part, les citoyens locaux sont des êtres institutionnalisés, disciplinés (à la fois contraints et habilités), dans l’expression de leurs volontés, par les procédures de prise de décision, et dans leurs conduites, par les règles émises par la municipalité. Ce type de proximité institutionnelle prévaut aussi dans tout État de droit. Cependant, elle est assortie localement d’un ensemble de dispositifs qui, du moins en regard des grands principes qui inspirent leur fonctionnement, gardent les citoyens très présents dans la vie de l’institution, pour ce qui est de la prise de décision, des compétences dévolues et du financement des activités.

    En ce qui concerne la prise de décision, dans la municipalité locale, le maire est élu par l’ensemble des citoyens, mais les conseillers sont obligatoirement élus dans des districts électoraux dans les villes de 20 000 habitants et plus comme le veut la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités (art. 4). Ce mode de désignation des conseillers minimise potentiellement la distance avec les électeurs et facilite la connaissance des problématiques microlocales. Outre le mécanisme électoral de démocratie représentative, les citoyens disposent d’un outil de démocratie directe, propre au municipal, le référendum décisionnel. La Loi oblige les municipalités à soumettre à l’approbation des personnes habiles à voter certaines décisions majeures, notamment en matière d’urbanisme et d’aménagement. La Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs, adoptée en 2017, ouvre cependant la possibilité d’une mutation de l’approbation référendaire en procédure améliorée de consultation publique. En outre, les citoyens peuvent s’insérer dans la prise de décision lors des consultations publiques que les municipalités

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