Les nuées: Recueil de nouvelles
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À propos de ce livre électronique
Aux peuples d’Afrique Noire qui se sentent parfois étrangers sur leur propre terre dans certaines périodes de tourments, à toutes ces personnes pour qui la vie n’a jamais été facile, à tous ceux-là qui n’ont jamais eu les moyens d’une vie selon leur convenance, je vous dédie cet ouvrage, qui en réalité est un hommage à toutes les victimes de la vie qui subissent l’histoire sans pouvoir y participer, la rédiger ni la modifier.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Lozère Moukoueri Loukinza est né au Congo. Il est titulaire d'un Master en Droit Public obtenu à l'université Marien Ngouabi.
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Avis sur Les nuées
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Aperçu du livre
Les nuées - Lozère Moukoueri Loukinza
Avant-propos
Les réalités quotidiennes sont nos plus grands ouvrages, elles sont aussi l’histoire de nos vies, une histoire écrite avec ardeur, avec labeur, avec sueur et larmes parfois. Tant bien que mal, elles nous forgent à de meilleurs lendemains. La vie est un recueil de nouvelles, chaque fait, chaque événement, chaque obstacle que nous bravons, chaque étape que nous franchissons, raconte une histoire qui s’ensuit d’une autre, soit plus tragique, soit plus agréable. Et si nos maux intérieurs ne peuvent parfois cicatriser, certains ne guériront qu’avec des mots plus habiles pour nous soulager de nos éventails de malheurs qui nous rendent certainement plus humains.
Aux peuples d’Afrique Noire qui se sentent parfois étrangers sur leur propre terre dans certaines périodes de tourments, à toutes ces personnes à qui la vie n’a jamais été facile, à tous ceux-là qui n’ont jamais eu les moyens d’une vie selon leur convenance, je dédie cet ouvrage, qui en réalité est un hommage à toutes les victimes de la vie, qui subissent l’histoire sans pouvoir y participer, la rédiger ni la modifier.
Rescapé d’une génération que l’on voudrait infructueuse, l’auteur nous plonge dans un univers à mille lieues des contes de fées qui font vibrer nos âmes et nous font trépigner de l’intérieur, pour un résultat non moins fameux. Il nous fait découvrir la rude réalité de la vie qui, épuisant nos efforts, nous pousse à l’élévation : vers les nuées pour enfin parvenir à se faire une raison et voir l’arc-en-ciel au bout de l’orage qui semble s’éterniser. L’auteur se propose de nous faire connaître et vivre les réalités du quotidien congolais mais encore plus, universel. Il a, pour ce faire, choisi une légèreté dans son écriture que certains adeptes de la littérature artistique, « amoureux de la belle phrase », trouveraient mortifère. Mais ce choix trouve sa raison d’être dans le désire de faire vibrer au rythme de la réalité, qui ne s’encombre d’aucun artifice lorsqu’elle se présente à nous, tous par un langage qui a le mérite de mieux faciliter la conceptualisation et l’appropriation du contenu de l’ouvrage. Cette initiative pourtant très audacieuse vous garantit un voyant des plus fabuleux au cœur des réalités congolaises contemporaines, entre costume et modernisme, savoir et rites.
Jordy Cloud Ntsoumou
« Le caractère sublime du livre (oui, je n’hésite pas devant cet adjectif intimidant) est lié à la nudité du récit, à l’absolue simplicité des dialogues… C’est là ce que j’oserai appeler un livre exemplaire ou toute complaisance de quelque ordre que ce soit fait défaut »
Gabriel Marcel
1
Mawa
Papa est mort. Il s’est tiré une balle dans la tête…
J’ai grandi dans une famille noble, où le père était un homme bon, travailleur et très riche. Nous étions jusqu’à ce jeudi noir une famille aussi parfaite que l’aurait rêvé tout jeune de mon âge. Jusqu’à ce jour sombre où mon père a unilatéralement décidé de décréter une journée funeste pour tous les membres de notre petite famille.
Il s’était enfermé dans sa chambre, avait pris le quelques gorgées de son champagne préféré, avait enfilé sa tunique noire et s’était tiré une balle dans la tête pour une raison inconnue. Personne ne le crut capable de poser un acte si ignoble et répréhensible. Je revenais de l’école ce jour-là, il était prévu, selon l’emploi du temps de ma classe, que j’ai sept heures de cours, soit de sept heures du matin à quatorze heures. C’était aussi mon dernier jour de cours avant l’examen qui me préparait à ma soutenance. Malheureusement, un seul professeur était présent. Celui des relations publiques. Il nous prenait pour deux longues heures qui se transformaient plus tard en quatre heures de discussion et de conseils. J’avais décidé ce jour-là de suivre ce cours avec autant d’attention possible et ça s’était plutôt bien déroulé. Il y avait tellement d’ambiance que le professeur s’était persuadé d’être moins sévère avec nous lors de l’examen. Puis le tour était au secrétaire académique qui décida de nous laisser quartier libre et le feu vert pour un retour à la maison du fait qu’il y avait conseil des professeurs. Ce qui empêchait toute autre dispense de cours. J’étais un peu frustré car je m’attendais à recevoir les derniers conseils des enseignants avant l’examen. Il ne me restait donc plus qu’à rentrer chez moi. J’ai cheminé avec un collègue de classe qui en cours de route me racontait à quel point il était heureux de pouvoir en finir avec les études et d’avoir sa licence afin de pouvoir vite trouver un emploi (comme si c’était facile dans ce pays pour un jeune diplômé de se faire embaucher). Son paternel étant devenu incapable d’investir de plus belle dans ses études, tous les petits démons de la misère s’étaient retrouvés chez lui pour manifester leur joie.
À ce qui paraît, un malheur financier avait frappé tous ceux que l’on croyait aguerrît de toutes plaintes financières et de tout soucis fiscaux légaux : les dignitaires incontestables de l’État de Seké.
Nous marchions comme deux bons amis, comme si nous étions très proches. De mon côté, je n’étais pas de nature à m’ouvrir facilement et à raconter ma vie au premier venu. Je jugeais ennuyeuse toute conversation qui s’articulait autour du « je » et du « moi ». J’ai de ce fait et par extrême bonté consenti à lui raconter quelques blagues et anecdotes, afin de ne pas garder silence et de paraître plus courtois. Il m’avait tendu la main, tout marchait comme sur des roulettes et au moment où nous commencions à développer une certaine complicité, je me retrouvais à quelques pâtés de mon domicile familial et il devait continuer sa route. J’appris à l’instant même qu’il habitait juste en face de chez moi, de l’autre côté de la rue. La grande résidence qui ressemblait à un château mais dont on ne voyait sortir que des voitures de marque dont personne ne connaissait le propriétaire et des hommes musclés et lourdement armés. Je rentrai donc chez moi, le portail était grandement ouvert. Ce qui m’inquiéta. La porte d’entrée de la maison était également ouverte. Cela n’était pas dans les habitudes de mes parents de laisser les portes ouvertes. Ils avaient toujours l’habitude de les fermer à clef même quand ils étaient dans leur chambre à notre absence. Mais là, tout était ouvert et la maison avait l’air déserte. La voiture de mon père était là, garée à la place habituelle alors qu’il était censé être au travail, c’était une Jeep Cherokee Blanche, dernier modèle. Je me rappelle qu’il venait de l’acheter il y avait une semaine et qu’il se vantait tant d’avoir un tel bijou. Lui qui était issu d’une famille pauvre et qui ne regardait autrefois ces voitures-là que dans des cinémas pendant qu’il rêvait d’en conduire une chaque jour qui passait. Il lui a fallu attendre plus de 25ans pour réaliser son fameux rêve. Mon paternel était le seul homme riche de sa famille. Une famille qu’il fréquentait peu et dont il n’était pas si content de faire partie du fait que lui et sa mère avaient été chassés de chez eux sans aucun franc ni vêtement. Et ceci après la mort de son père. En dépit de cela, il continuait de leur venir en aide chaque fois besoin il y avait.
Il était onze heures sur ma montre, la télévision était en marche au salon mais ni ma mère ni la domestique n’étaient présentes. Je décidais donc d’aller voir au 1er étage, dans la chambre des parents, afin de m’enquérir de la situation. J’étais sur la dernière marche des escaliers en face de ladite chambre, lorsque je remarquais que la porte n’avait plus de serrure. Elle avait été détruite avec une hache, qui s’accusait encore là par terre. Je courus très vite voir ce qu’il en était de mes parents. J’étais moi-même surpris, choqué et émotionné de voir ce que j’ai vu. Seigneur ! comment cela est-il arrivé ? Je n’en revenais pas. Mes larmes commencèrent à couler. J’avais envie de remonter le temps afin de comprendre ce qui s’était passé dans la tête de mon père. Il était là, allongé. Son cadavre gisait sur le sol. Son sang coulait abondamment. Une balle avait traversé sa tête. Une balle qu’il s’était lui-même tirée. Tout avait l’air d’un suicide. Une arme était accrochée à sa main droite. C’était un pistolet de précision, cinq millimètres. Émotionné, je croyais encore pouvoir le réanimer et le ramener à la vie. Je le pris donc dans mes bras de toutes mes forces en essayant d’éviter qu’il se vide de tout son sang. Ses yeux étaient grandement ouverts et tournés vers la table