Autour d'une bouteille avec Denis Dubourdieu: L'oenologie dans tous ses états
Par Gilles Berdin
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À propos de ce livre électronique
Œnologue, chercheur et professeur d’université, directeur de l’Institut des Sciences de la Vigne et du Vin, consultant, vigneron, Denis Dubourdieu a mis toute sa vie au service de la compréhension des phénomènes qui façonnent les grands vins. Cette quête d’excellence a fait de l’homme un visionnaire exigeant, expert talentueux de l’œnologie contemporaine dont les travaux sont mondialement reconnus. Des racines de la vigne aux lèvres des dégustateurs, il évoque ici, en compagnie de son ancien élève Gilles Berdin, les chemins et les mystères qui mènent aux crus mythiques.
« Cette série d’ouvrages, « autour d’une bouteille avec… » a pour ambition de cueillir les paroles des plus grands viticulteurs, œnologues, dégustateurs, en souhaitant que tous ces passionnés nous fassent partager leur flamme, leur expérience et qu’ils transmettent également aux générations futures un peu de leur mémoire, de leur connaissance, de leur savoir-faire. Comme le charme de la conversation réside aussi en ses imperfections, digressions, silences ou onomatopées… je vous débouche nos propos tels quels, sans décantation, aération ou habillage en carafe. Dégustez-les avant de vous rendre dans les vignes avec ce livre, comme sésame, vous y serez assurément bien reçus… (Gilles Berdin) »
Un livre incontournable pour découvrir les secrets des plus grands œnologues.
EXTRAIT
Pour notre première dégustation, en cette chaude fin d’après-midi d’août 2009, à Arcachon, je vous propose un Clos Floridène blanc 2007. Avant de le savourer, quelques mots de son histoire. Mon épouse Florence et moi-même avons commencé à constituer ce cru au début des années 80. Son nom lui-même est formé de l’association de nos deux prénoms. J’avais repéré ces sols très superficiels de Pujolssur-Ciron, faits de sables rougis d’argile, sur un rocher presque affleurant. Ce terroir est le prolongement du plateau calcaire de Barsac qui donne des vins liquoreux très racés.
CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE
- « Voici pour 16 euros le meilleur stage d’œnologie et le livre indispensable sur le vin, pour ceux qui veulent savoir ou ceux qui pensent savoir. Même l’auteur de ces lignes, dont la mise en bouteille ne date pas d’hier, a savouré la magistrale leçon du professeur Denis Dubourdieu. Langage clair et direct, français élégant, culture raffinée. Cet ouvrage est un bonheur durable. » (Jacques Dupont, Le Point)
- « Un livre remarquable. Si vous n’avez pu le lire pendant vos vacances, il est incontournable. Excellent pédagogue, Denis Dubourdieu explique en toute simplicité son savoir-faire et en particulier comment il produit ses fameux vins blancs. » (Louis Havaux,Vino Magazine)
- « Les bons pédagogues vous apprennent toujours quelque chose. Le Bordelais Benis Dubourdieu est de cette veine. A la fois professeur d’œnologie réputé, propriétaires de châteaux reconnus et conseiller écouté d’autres vignerons français et étrangers, il fait l’objet d’un livre, véritables régal pour les neurones. Cette triple trajectoire, à notre connaissance unique, apporte un « assemblage » de pratiques de terrain, de confiance dans la matière grise et d’écoute des clients, digne des plus grands crus ! » (Le Mag Sud Ouest)
A PROPOS DE L’AUTEUR
Denis Dubourdieu est né en 1949 à Barsac. Issu d’une famille de viticulteurs, ingénieur agronome et titulaire d’une maitrise en sciences économiques, il est œnologue, chercheur et enseigne l’œnologie à l’université de Bordeaux. Considéré comme l'un des meilleurs spécialistes de la vinification et de l'élevage des vins blancs, il est également consultant pour de nombreux viticulteurs français et étrangers.
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Aperçu du livre
Autour d'une bouteille avec Denis Dubourdieu - Gilles Berdin
PREFACE
Ces conversations, qui ne sont pas des biographies, résultent d’un constat : il y a, dans notre paysage viti-vinicole français, des personnalités extraordinaires, aux parcours des plus divers, des plus étonnants, des plus passionnants.
Il me semblait urgent de recueillir leur parole, surtout si, comme le redoutent certains, le vignoble devait de plus en plus passer aux mains de ce que nous appelons les institutionnels
: banques, assurances, multinationales ou autres fonds de pension. Je souhaitais que tous ces passionnés nous fassent partager leur flamme, leur expérience et qu’ils transmettent également aux générations futures un peu de leur mémoire, de leur connaissance, de leur savoir-faire.
Cependant, comme tout ne peut jamais être dit ou évoqué, la véritable ambition de cette collection ne serait-elle pas, en définitive, de susciter une certaine frustration chez le lecteur ? Frustration qui conduirait à vouloir en savoir plus sur les acteurs de ces livres, en dégustant leurs vins, en se rendant dans leurs propriétés…
Comme le charme de la conversation réside aussi en ses imperfections, digressions, répétitions, silences, contradictions, onomatopées, paradoxes, rires… je vous débouche nos propos tels quels, sans décantation, aération ou habillage en carafe. Aux Châteaux Doisy-Daëne, Reynon ou Floridène, dégustez-les bien et rendez-vous dans les vignes avec ce livre comme sésame, vous y serez assurément bien reçus.
Denis Dubourdieu
Dégustation d’un vin blanc sec du Clos Floridène 2007.
Couleur jaune à reflets verts, nez complexe et puissant, fraîcheur en bouche avec une sucrosité gourmande mais sans sucre.
PREMIERE CONVERSATION
Denis Dubourdieu : pour notre première dégustation, en cette chaude fin d’après-midi d’août 2009, à Arcachon, je vous propose un Clos Floridène blanc 2007. Avant de le savourer, quelques mots de son histoire. Mon épouse Florence et moi-même avons commencé à constituer ce cru au début des années 80. Son nom lui-même est formé de l’association de nos deux prénoms.
J’avais repéré ces sols très superficiels de Pujols-sur-Ciron, faits de sables rougis d’argile, sur un rocher presque affleurant. Ce terroir est le prolongement du plateau calcaire de Barsac qui donne des vins liquoreux très racés. J’ai pensé qu’on pouvait aussi y produire des vins blancs secs remarquables en raison du microclimat étonnamment continental de ce lieu soumis à l’influence de l’air froid nocturne amené par la vallée du Ciron. Pujols-sur-Ciron est certainement l’endroit le plus bourguignon
de Bordeaux, autant par ce climat aux nuits froides que par le sol calcaire dont la ressemblance avec celui de Chassagne ou Meursault m’a toujours frappé.
Gilles Berdin : les vignes sont-elles situées sur cette commune ?
D.D : oui, majoritairement pour le vignoble blanc de sémillon et de sauvignon.
G.B : il n’y avait donc aucune vigne blanche sur les parcelles que vous avez acquises.
D.D : aucune de sauvignon, en effet, je les ai toutes plantées. En revanche, au fil des années, j’ai acheté ou loué de très vieilles parcelles de sémillon, jadis dévolues à la production de vins liquoreux de pourriture noble d’appellation Graves Supérieures
, inspirés par la proximité de Barsac. Au moment de la création des appellations d’origine, Pujols-sur-Ciron n’a pu, alors que c’eût été justifié, intégrer l’appellation Barsac ou Sauternes. De ce fait, les prix de la terre et des fermages, y était beaucoup plus bas que dans le Sauternais et j’ai pu constituer en vingt-cinq ans, une propriété de presque quarante hectares : vingt-trois en blanc, quinze en rouge. Mais ma plus grande satisfaction est d’avoir fait de Floridène une marque ; c’est certainement le seul vin blanc de Bordeaux qui ait pu, ex nihilo, en deux décennies, se tailler une réputation suscitant, sur un tel volume, environ 100 000 bouteilles, une vraie demande sur la place de Bordeaux. Ceci dit, nous avons été extrêmement raisonnables dans les prix puisque nous le vendons aujourd’hui 9 euros en primeur au négoce, soit entre 18 et 22 euros pour le consommateur. Mais dégustons-le, avant qu’il ne se réchauffe.
G.B : une dégustation en compagnie de Denis Dubourdieu commentant son propre vin, dans un jardin situé face à la mer… c’est un grand moment.
D.D : lorsque l’on décrit son vin, comme lorsqu’on parle de ses enfants ou des gens que l’on aime, on manque toujours d’objectivité… (silence).
G.B : je vais vous aider. Avons-nous, avec cette bouteille, l’exemple de ce que vous vouliez vraiment faire ?
D.D : oui, à peu près. La couleur, jaune pâle à reflets verts, est celle d’un vin jeune capable de bien vieillir. Au premier nez, sans agitation, l’arôme est à la fois puissant et complexe, minéral et fumé avec des notes citronnées. Cela rappelle la confiture de cédrat sur du pain grillé.
G.B : rien ne domine.
D.D : voilà, tout est fondu dans cet assemblage à parts égales de sauvignon et de sémillon. L’arôme de ce dernier s’exprime, à l’agitation, par ces notes de noisette fraîche, avec des nuances un peu viandées évoquant l’odeur du poulet ou du veau froid qu’on retrouve également dans quelques meursaults. D’ailleurs, l’expression du sémillon sur calcaire à Bordeaux ressemble un peu à celle des grands chardonnays de Bourgogne. Il y a aussi des touches épicées, briochées, un végétal noble
évoquant la menthe et la fougère, des notes florales, un peu jasmin ; j’aime cette complexité qui dépasse le fruit. En bouche, on est frappé par la fraîcheur, la vivacité de ce vin conjuguées à une véritable sucrosité
. Certains vins blancs secs ont cette propriété de susciter des sensations suaves, presque moelleuses alors qu’ils sont dépourvus de sucre résiduel.
J’ai une anecdote à ce sujet. Il y a de nombreuses années, Bernard Cordier, alors président de la tonnellerie Seguin Moreau, m’avait proposé, lors d’un déjeuner à Cognac, une dégustation de bourgognes blancs. Je me souviens encore de ses propos : Savez-vous pourquoi j’adore les bourgognes blancs ? Parce que, quand ils sont réussis, c’est de la confiture sans sucre.
Nous avons exactement cette sensation paradoxale avec ce vin. Ce Floridène 2007 procure aussi une impression de légèreté, presque aérienne, typique des blancs de sols calcaires. Du jus de caillou !
, dirait mon ami Michel Bettane.
Evidemment Floridène plaît quand il est jeune mais son caractère ne se révèle pleinement qu’après quelques années de bouteille, deux à trois minimum. Celui-ci est encore un peu jeune. Certains amateurs dégustent aujourd’hui avec plaisir des 96 ou 98… donc des vins de plus de dix ans. On peut trouver leurs commentaires sur Internet. D’ailleurs, si un Floridène de quelques années est encore demandé, voire s’il est plus cher qu’un jeune, c’est que le marché considère qu’il vieillit bien.
G.B : est-ce le cas ?
D.D : oui, et il est même dommage que la plupart des bouteilles de ce vin soient bues trop jeunes.
G.B : je trouve qu’à l’apéritif il est parfait, qu’il n’agresse pas par l’acidité.
D.D : en effet, mais il serait plus agréable au cours d’un repas, sur des crustacés, homard ou langoustines grillées, ou même sur certains fromages.
G.B : Floridène n’est donc pas une propriété familiale qui vous aurait été transmise.
D.D : non, nous l’avons créée de toutes pièces et agrandie petit à petit en achetant des parcelles, en prenant des fermages.
G.B : y avait-il du bâti ?
D.D : pas beaucoup ; j’ai recousu
des petites propriétés aux bâtiments modestes : un petit chai et deux maisons de vigneron qui appartenaient à des familles différentes ; l’une d’elles est maintenant habitée par mon fils Jean-Jacques. C’est une bâtisse girondine à un étage, agréable avec ses grandes pièces en enfilade mais elle n’a rien d’un château viticole. Comme les vieux chais étaient trop petits pour notre usage, nous avons construit une cuverie et un chai à barriques ; c’est mon fils Fabrice, alors fraîchement émoulu de la faculté d’œnologie et de l’ENITA qui supervisa les travaux. Depuis 2005, nous y élaborons le Floridène rouge ; pour pouvoir y vinifier le blanc, encore fait au Château Reynon, nous devons réaliser la dernière tranche de travaux. Bordeaux est plein de projets inachevés et il y a des maisons, dans le Médoc par exemple, qui sont des moitiés de demeure jamais terminées. J’espère que pour Floridène, il n’en sera pas ainsi.
G.B : où habitez-vous ?
D.D : à Reynon, sur les coteaux de Béguey, dominant la Garonne, près de Cadillac. C’est la propriété de mon épouse Florence. Je suis moi-même né à Barsac. Mon grand-père paternel, Georges, y avait acheté un cru classé en 1924, Doisy-Daëne. Mon père, Pierre, lui a succédé en 1947 ; il a considérablement agrandi cette propriété par l’acquisition de parcelles du Château Doisy-Dubroca, réunifiant ainsi en partie le Doisy de 1855. Je lui ai succédé en 2000. Ainsi mon père a eu une très longue carrière professionnelle, plus de 50 ans. Evidemment, j’ai continué comme lui à défendre et illustrer ce cru que j’ai moi-même également un peu agrandi. Mais revenons à mes jeunes années et à mon arrivée à Reynon. En 1976, j’ai épousé Florence David, également issue d’une famille de vignerons de Cadillac, du mauvais côté de la Garonne !
d’après mon père, tant il lui semblait improbable de réussir dans cette région des Côtes de Bordeaux. Mon beau-père, Jacques David, est décédé très jeune, à 54 ans, quelques mois après notre mariage. Florence voulut poursuivre l’œuvre de son père à Reynon et, en dépit des difficultés, j’ai accepté de l’aider alors que j’étais moi-même déjà fort occupé par la préparation d’une thèse en œnologie. Je reparlerai plus tard de l’aventure que Reynon fut pour nous. Mais cela ne nous suffisait pas, nous voulions faire quelque chose qui soit entièrement notre œuvre, dans une appellation différente. Nous avons donc jeté notre dévolu sur ces terres de Pujols-sur-Ciron, dont j’étais convaincu, comme je vous le disais, qu’elles étaient potentiellement un grand terroir de blanc.
G.B : convoitiez-vous réellement cet endroit ou est-ce que ce fut une simple opportunité ?
D.D : j’avais envie de ce terroir et quand il y eut des parcelles à vendre, j’ai saisi l’occasion.
G.B : donc, si vous aviez un conseil à donner à quelqu’un qui veut s’établir, ce serait d’élire d’abord un terroir et de savoir attendre.
D.D : oui, et… avoir de la chance tant il devient difficile en France, et à Bordeaux en particulier, de créer une nouvelle marque. Si vous ne faites pas partie des crus classés
, si vous n’êtes pas dans une appellation réputée, c’est très compliqué de se faire une place. Les vins de garage furent à peu près tous créés dans des communales
.
G.B : ils restent extrêmement confidentiels.
D.D : en effet et leur mode fut éphémère, peu ont perduré. Il faut choisir le sol en sachant qu’il n’a de valeur que par le cépage qui sera cultivé dessus. C’est la bonne combinaison des deux qui compte. Un terroir, ce n’est pas seulement le sol, le climat et les cépages d’un lieu, c’est la capacité de tout cela à donner un vin qui a un goût délectable et particulier, reconnu par le marché qui ne lui trouve pas d’équivalent, de substitut. Sans goût distinct, il n’y a pas de terroir spécifique. Si Floridène était établi sur les communes des alentours, Illats, Landiras, ou Podensac par exemple, dépourvues de ce sous-sol calcaire et de ses nuits froides, il n’aurait pas le goût qui le caractérise. Les générations de mes parents ou grands-parents n’utilisaient pas le mot terroir dans ce sens-là. Bien au contraire, d’un vin commun, rustique, on disait alors qu’il avait goût de terroir
, c’est-à-dire la saveur grossière d’un lieu inopportun pour faire des vins fins.
G.B : c’était péjoratif.
D.D : complètement ; ce qui était laudatif en revanche c’était la notion de cru
et surtout de grand cru. Le cru désignait un endroit où le vin possède une finesse particulière qui ne se manifeste que discrètement dans sa jeunesse mais de manière irrépressible au cours de son vieillissement. Emile Peynaud disait : Un cru, c’est un goût que l’on reconnaît.
Aujourd’hui, nous appelons ça le terroir
, intraduisible dans les autres langues… autrement que par terroir
!
Certains considèrent le grand terroir comme un privilège, une sorte de cadeau des dieux. Cette opinion est souvent exprimée par des propriétaires qui n’ont pas connu les difficultés liées à la création et à l’émergence de leur cru. Où que ce soit, les pionniers qui ont révélé un terroir, ne l’ont guère fait facilement mais plutôt en surmontant un ensemble de difficultés. A Pujols, la roche affleure et les vignerons qui ont planté la vigne à une époque où il n’y avait ni pelle mécanique ni brise-roche, ont dû casser le rocher à la masse, le faire exploser à la dynamite ; ils se sont servis des pierres extraites pour bâtir les murs autour des propriétés et empierrer les chemins. Je ne connais pas un seul exemple de grand vin qui ne soit pas né d’un handicap que l’homme s’est acharné à surmonter tant sa conviction était forte qu’en outrepassant les difficultés, il ferait, là, quelque chose d’admirable et d’inimitable. Même chose pour les civilisations ou la destinée de chacun d’entre nous ; pour réussir, il faut avoir des problèmes. La viticulture offre de très nombreux exemples de défis relevés. Le champagne est inimitable parce que sa terre crayeuse est très pauvre et son climat peu propice à la maturité du raisin pour faire des vins blancs tranquilles. Il a fallu inventer la prise de mousse pour pouvoir exprimer ce qui ne l’était pas auparavant et y produire les meilleurs effervescents du monde. Le Médoc était une terre désolée, pauvre, humide et venteuse ; il a fallu des drainages, des marnages et beaucoup de passion, de temps et d’argent pour y obtenir les grands vins que l’on sait. Tout ceci s’est fait, assez récemment, au dix-huitième siècle.
G.B : et la Bourgogne ?
D.D : la Bourgogne a été créée par la passion des moines. Ils n’ont pas cherché les terroirs avec un pendule ou en faisant des prières ; ils ont défriché la Côte, en gagnant sur le rocher. Un peu partout vous avez des carrières de pierre et la vigne pousse ici sur la roche mère ; il a fallu que des hommes se battent pour créer un sol propice à la viticulture. A l’Hermitage, il y a 60 % de pente dans les parcelles du Méal ou de la Chapelle. Il a fallu construire des terrasses et surtout travailler sur ces pentes à la main ou au treuil. Les gravir sans rien faire est déjà exténuant. La révélation des grands terroirs a souvent duré plusieurs siècles et rencontré d’immenses problèmes. Il n’existe pas de vignobles prédestinés, il n’y a que des entêtements de civilisations
, écrivait, en 1992, le journaliste bordelais Pierre Veilletet, dans un article de L’amateur de Bordeaux, intitulé Le voyage en Bourgogne
. Voulez-vous un autre exemple ? Parlons du sauternes. Ce vin naît de la pourriture noble qui est la concentration d’un fruit sous l’action d’une moisissure. Dans l’Antiquité, pour faire un vin très riche en sucre, on faisait sécher le raisin au soleil sur pied ou, après sa cueillette, dans la cour de la ferme. C’est le passerillage. On fait, encore aujourd’hui, des vins ainsi en de nombreux lieux autour de la Méditerranée. Le résultat est bon mais pas inimitable car tous les vins élaborés ainsi ont un goût plus