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Les Loups de Marvejols: Un thriller au cœur de l'hiver
Les Loups de Marvejols: Un thriller au cœur de l'hiver
Les Loups de Marvejols: Un thriller au cœur de l'hiver
Livre électronique278 pages7 heures

Les Loups de Marvejols: Un thriller au cœur de l'hiver

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À propos de ce livre électronique

Un Noël blanc au cœur du mystérieux Gévaudan, ce n'est pas forcément une fête tranquille !

Une famille bourgeoise, un foyer de jeunes délinquants comme voisins et un parc de loups à proximité... Ingrédients inhabituels, voire incongrus, d'une histoire de Noël pas comme les autres !

Un enfant à l'imagination galopante fasciné par les loups, un adolescent venu des banlieues qui brûlent. Leur rencontre, explosive... Et voici le récit d'une cavale éperdue de deux enfants rêveurs !

Mais c'est aussi le choc de leurs espoirs contre le monde implacable des adultes, l'incommunicabilité des êtres que tout sépare, même les mots, et le regard incisif sur des personnages à l'apparence trompeuse qui se révèlent dans leur vérité face au drame.

La question se pose : qui sont véritablement les Loups de Marvejols ?

Avec son cinquième roman, Monique Le Dantec nous transporte dans un merveilleux voyage initiatique aux allures de course folle

EXTRAIT

— Promis, nous irons voir les loups de Marvejols !

Disant cela, Marion se tourna vers son fils, le gratifiant d’un beau sourire.

Quand elle souriait, ce qui lui arrivait rarement depuis quelque temps, ses yeux s’étiraient vers les tempes, se fendaient sous son front large et lisse et devenaient une fenêtre qui s’ouvrait sur la nuit.

Son regard sombre laissa passer une lueur d’étincelante et de coléreuse intensité, mais adoucie, tandis qu’elle s’adressait à Mattéo. S’orientant ensuite vers l’homme qui conduisait à ses côtés, il reprit son aspect habituel, âpre et obstiné.

A PROPOS DE L’AUTEUR

Monique Le Dantec, membre de l'Académie ARTS-SCIENCES-LETTRES (médaille Argent 2013), est née en 1945 à Paris, berceau de sa famille depuis plusieurs générations. C’est d’ailleurs dans la capitale que ses premiers romans prennent leur source. Mais c’est vers 1995 qu’elle s’installe réellement dans l’écriture.

Si elle privilégie les intrigues où le fantastique se mêle au quotidien, où l’imaginaire fait la part belle au futur et à l’anticipation, elle sait aussi, pour certaines œuvres, rester dans l’air du temps, et s’appuyer sur un simple fait divers pour le transformer en un thriller inquiétant.
LangueFrançais
Date de sortie1 juil. 2016
ISBN9782918338123
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    Aperçu du livre

    Les Loups de Marvejols - Monique Le Dantec

    Éditions

    1

    — Promis, nous irons voir les loups de Marvejols !

    Disant cela, Marion se tourna vers son fils, le gratifiant d’un beau sourire.

    Quand elle souriait, ce qui lui arrivait rarement depuis quelque temps, ses yeux s’étiraient vers les tempes, se fendaient sous son front large et lisse et devenaient une fenêtre qui s’ouvrait sur la nuit.

    Son regard sombre laissa passer une lueur d’étincelante et de coléreuse intensité, mais adoucie, tandis qu’elle s’adressait à Mattéo. S’orientant ensuite vers l’homme qui conduisait à ses côtés, il reprit son aspect habituel, âpre et obstiné.

    Absorbée dans ses pensées, elle crispa ses lèvres. Ses mains aux ongles carminés se posèrent bien à plat sur les accoudoirs comme si elle voulait éjecter hors d’elle l’énergie négative qui l’habitait. Elle secoua la tête avec agacement, chassant une mèche de cheveux auburn qui lui tombait sur les yeux.

    Puis, se forçant à une respiration plus calme, elle se cala bien au fond du fauteuil et sembla s’intéresser au paysage. Des congères d’une bonne hauteur bordaient les côtés de l’autoroute. L’opacité brumeuse de la nuit donnait l’impression que la voiture n’avançait pas. N’ayant rien à voir d’autre que les bandes blanches qui défilaient devant elle, elle ferma les yeux.

    Son esprit n’était occupé que par un unique désir, confier à sa mère les raisons de sa décision. Camille seule pouvait la protéger de la tempête qui faisait rage en elle. Elle avait l’intention de quitter Roland dès passées les fêtes de fin d’année et cherchait les mots justes pour le lui annoncer. Prisonnière de ce choix douloureux sous son vernis d’exaspération figé, elle ressentait le besoin d’une approbation maternelle. C’est pour cela qu’elle avait hâte d’arriver à la Marcade.

    Ils venaient de franchir le péage de Saint Arnoult en direction de la province. La nuit, en ce mois de décembre glacial, s’attardait.

    Roland avait aussi sa tête des mauvais jours. Son profil au nez cassé se détachait de l’ombre. Ses cheveux châtains, coupés très courts, conféraient à son visage une grande dureté, accentuée par l’énervement qui l’avait submergé dès le départ.

    Déjà, dès la première heure, il n’avait pas arrêté de maugréer en chargeant les bagages dans le coffre. La bicyclette de Mattéo, entre autres, lui avait posé un sérieux problème de rangement. Faire du vélo en Lozère, sous la neige depuis la Toussaint. Quelle stupidité !

    Mais aucun argument n’avait fait céder Marion, têtue et furieuse. Elle n’avait eu de cesse de l’aiguillonner tant qu’il n’avait pas trouvé l’emplacement adéquat, refusant par ailleurs de ne se délester d’aucune valise. Et c’était bien entendu sans compter les innombrables cadeaux de Noël qui encombraient l’habitacle occultant la vue du pare-brise arrière.

    Il avait encore neigé une bonne partie de la nuit sur la région parisienne. Inquiète des conditions climatiques, Marion s’était levée à plusieurs reprises, soulevant avec anxiété les rideaux de la chambre. Le jardin était tout blanc et une couche épaisse matelassait les toits des pavillons voisins. Mais les tourbillons marmoréens avaient cessé à l’approche de l’aube.

    Elle avait pensé différer le voyage. Après tout, Noël n’était que dans quelques jours ! Mais, faisant confiance aux services de la voirie, elle avait tout de même intimé l’ordre du départ auquel Roland, faute de pouvoir l’en dissuader, s’était résigné tant bien que mal.

    Devant eux, le serpent brillant de l’autoroute s’étirait entre les congères à portée des phares. Plus loin et de chaque côté, c’était le noir.

    Un engin de déneigement, en sens inverse qui arrivait à leur hauteur, éclaboussa le pare-brise. Roland pesta en même temps que le véhicule faisait une légère embardée sur la chaussée glissante. Ce qui eut pour effet de faire cascader une pile de paquets sur Mattéo.

    — Nom d’un chien, quelle idée de partir par un tel temps, jeta Roland d’un ton brusque !

    Il regarda l’enfant dans le rétroviseur. Celui-ci, du haut de son siège de voiture, faisait le ménage comme il pouvait.

    — Tu n’as pas mal ? demanda le père sans le quitter des yeux dans le rétroviseur et sans bouger le volant.

    Non, mais c’est quoi, tous ces paquets ?

    — Rien, mon coeur, c’est pour Mamy et Papy. Ils ont besoin de plein de choses là-bas, mentit-il avec assurance, se retenant d’ajouter « dans leur trou perdu ».

    En fait, il s’agissait des cadeaux pour toute la maisonnée dont la quantité avait été également pomme de discorde dans le couple.

    Heureusement, les jouets étaient cachés dans le coffre ! Mattéo pouvait croire au père Noël encore un certain temps. Point sur lequel l’opinion de Marion divergeait évidemment de la sienne. Elle aurait préféré avouer la vérité au petit dès ses premiers pas. Mais, exceptionnellement, elle avait cédé à la pression familiale, Camille se rangeant pour une fois aux côtés de son gendre qui voulait que son fils gardât ses illusions le plus longtemps possible.

    L’enfant entrait à la grande école en septembre prochain. Sa mère s’était promis de tout lui dire, redoutant qu’une révélation trop tardive pût le blesser.

    Donc Mattéo croyait encore dur comme fer au père Noël. Du moins, c’est ce que tout le monde s’imaginait. Car il avait remarqué l’an dernier que celui-ci, qui avait fait une apparition tapageuse dans le salon et qui parlait avec une grosse voix bizarre, lui demandant s’il avait été raisonnable toute l’année, portait exactement les mêmes chaussures que Papy !

    Mais, devant la tête réjouie et fort nigaude de toute la famille, ne voulant pas les décevoir, il avait fait ce qu’on attendait de lui et affiché une mine peureuse devant le bonhomme en rouge, lui jurant une sagesse éternelle. Il s’apprêtait à faire de même cette année, car il s’imaginait bien que la scène allait se réitérer sous le sapin de Noël.

    Il avait confié un peu plus tard ses doutes à Loupi, qui lui avait bien confirmé qu’il n’y avait pas pire que les grandes personnes pour raconter des histoires !

    Une fois les paquets stabilisés comme il le pouvait, il récupéra Loupi qui lui avait glissé des bras. Peluche de Loup-Blanc-des-Steppes (c’est Oncle Yvon qui le lui avait dit en lisant l’étiquette cousue sous le ventre), celle-ci ne ressemblait plus à grand-chose maintenant. Un oeil manquait, le poil était usé jusqu’à la corde, une oreille pendait, déchirée. Une vraie loque. Mais Loupi était le meilleur ami qu’il n’avait jamais eu, surtout quand Papa et Maman se disputaient. Au moins, lui ne criait pas et était toujours d’accord.

    Il lui murmura à l’oreille qu’ils iraient bientôt voir des loups pour de vrai, rassura Loupi, lui affirmant qu’avec lui il ne risquait rien. Enserrant les bras autour de la peluche, il se laissa bercer par le ronronnement du moteur et s’endormit doucement.

    À l’est, le jour arrivait, encore vaguement incertain.

    Roland mit la radio en marche. Le présentateur annonçait que le col de la Fageole était interdit aux poids lourds et conseillait la plus grande prudence aux véhicules légers, une seule voie pour l’instant permettait de le franchir. Mais l’autoroute pouvait être fermée à tout moment si la neige recommençait à tomber. Ils en avaient encore pour quelques heures avant d’y arriver !

    Roland voua mentalement sa femme et le reste de l’univers aux enfers, puis tenta de concentrer son attention sur la conduite. Dans le gris de l’aube, la monotonie du paysage beauceron avait sur lui un effet dangereusement hypnotique. À plusieurs reprises, il cligna des yeux et une grande lassitude lui lia les membres.

    Avec une fureur mal résignée, il attrapa d’une main la bouteille thermos qui se trouvait entre les deux sièges et après quelques contorsions périlleuses pour dévisser le bouchon, but une longue goulée de thé chaud. Quelques kilomètres plus loin, il s’arrêta raisonnablement sur une aire de repos, fit quelques pas dans la neige. Le froid lui traversa la peau et le réveilla tout à fait.

    Marion dormait toujours, ou faisait semblant, et Mattéo ronflait de tout son saoul quand il reprit la route. Mentalement, il calcula la distance qui lui restait à parcourir, se dit avec quelque ironie qu’ils n’étaient pas près d’y parvenir à la vitesse qu’il roulait et que rien ne serait plus cocasse que la fermeture de l’autoroute, le réseau secondaire étant actuellement impraticable en Languedoc d’après Météo France !

    De plus, l’arrivée à la Marcade, perdue à quelques kilomètres sur les hauteurs de Marvejols, nécessiterait sans doute la pose des chaînes, ce qui lui promettait encore quelques instants de plaisir !

    La grande solitude blanche fut rompue par la traversée de la Sologne. La forêt opaque semblait figée, comme en attente. Des festons de neige pendaient aux branches des arbres. Puis le bocage s’éclaircit et ce fut les immenses étendues du Berry, puis celles vallonnées de l’Allier dont les courbes douces s’écrasaient sous le ciel. Soudain, il aperçut au loin les premiers monts d’Auvergne, émergeant de la brume grise. Avec un certain soulagement, il constata que le mauvais temps ne s’aggravait pas, ce qui atténua enfin son humeur chagrine.

    À ses côtés, Marion émit un léger frémissement. Une faible rougeur colorait ses joues.

    — Mais j’ai dormi ! dit-elle avec une expression d’incrédulité éberluée sur le visage. Où sommes-nous ?

    — Plus très loin de Clermont-Ferrand, dit Roland d’une voix sans timbre.

    Mattéo, que les quelques paroles de ses parents tirèrent de son sommeil, claironna :

    — On est arrivé ?

    — Pas encore, répondit Marion d’un ton que l’assoupissement enrouait.

    Récupérant ses esprits, balayant du regard la chaîne des volcans aux sommets enneigés qui semblaient flotter au-dessus d’un voile mat, elle se félicita in petto d’avoir décidé le départ ce matin. Comme toujours, son intuition avait été la bonne !

    Un fantôme de disque jaune apparut, se prélassant dans un capitonnage cotonneux.

    — Avec un peu de chance, on arrivera sous le soleil, dit-elle d’un ton presque enjoué. Ses pensées délétères s’étaient atténuées. La perspective d’être bientôt à la Marcade au milieu des siens remplissait son coeur de joie, dédramatisant du même coup sa vision de ce qu’elle appelait, dans le brasier de sa colère, un mariage moribond.

    — Qui a faim ? demanda-t-elle en jetant un coup d’oeil à sa montre.

    — Moi, cria Mattéo ! Il avait surtout envie de gambader dans la neige.

    — Je me suis traîné tout le long du chemin, dit Roland d’un ton ferme, je préfère rouler encore un moment.

    Marion acquiesça en tendant un paquet de biscuits au gamin pour le faire patienter. La traversée de l’Auvergne risquait de prendre plus de temps que d’ordinaire. De chaque côté de la route, les buissons dispersés sur les talus portaient des griffes de cristal. Au-dessus d’eux, un fin rayon de soleil transperça l’océan de brouillard gris et le fit étinceler. Des reflets de nacre se mirent à jouer dans la neige. Émergeant d’une brume blanche, la chaîne volcanique se dévoilait maintenant, claire, au détour de chaque virage.

    Mattéo n’écoutait plus ce que ses parents disaient. Leur discussion manquait d’intérêt. Ils lui avaient expliqué qu’ils espéraient arriver à la Marcade avant la tombée de la nuit. Ils avaient téléphoné là-bas, et avaient promis la plus grande circonspection sur la dernière montée.

    Mattéo ne comprenait pas pourquoi il fallait être si prudent. La route était déserte de tout ce qui pouvait présenter un danger. Même en traversant la forêt de Sologne, il n’avait remarqué aucun lion, aucun crocodile, aucun dragon qui pût rendre ce trajet périlleux. Les parents disaient vraiment n’importe quoi !

    Enfin, ils firent halte à une aire de repos.

    La salle du restaurant résonnait d’un léger murmure continu. Par instant, des morceaux de phrases volaient, s’arrêtaient, repartaient. Il n’y avait pas grand monde aux tables, aucun enfant avec qui il aurait pu aller jouer. Au loin, assourdi, on entendait le déferlement régulier de l’autoroute.

    Son regard, à travers les vitres, se promena sur les monts enneigés. Ses yeux avaient la couleur de miel.

    — Tu ne finis pas ta glace ? s’inquiéta Roland.

    Si, si. Je peux aussi avoir un gâteau ? demanda le gamin en pointant son menton vers la tour réfrigérante où étaient disposées des pâtisseries. Dans l’atmosphère feutrée, sa voix tinta comme du cristal.

    — Si tu veux, répondit le père en faisant signe au serveur de s’approcher. Mais dépêche-toi, il va falloir repartir.

    — Est-ce qu’il y a des loups par ici ? demanda Mattéo la bouche pleine en engloutissant un dernier morceau de tarte aux mûres. Il récupéra les miettes dans l’assiette et les mangea une à une avec gourmandise.

    — Il y a des loups partout dans la montagne qui viendront te chercher si tu ne te presses pas ! s’impatienta Roland.

    Marion était partie fureter dans la boutique attenante à la salle du restaurant. Quand elle réapparut, un sac en papier au bout du bras, Roland l’attendait dehors près du véhicule en fumant une cigarette tandis que Mattéo testait les jeux de l’aire de repos et pataugeait dans la neige.

    — Il va être trempé, ronchonna Marion en remontant dans la voiture.

    Quelques instants plus tard, Mattéo reprenait place dans son siège, les joues rouges, l’oeil malicieux.

    — Il y avait un grand loup qui se cachait derrière l’arbre, là-bas, affirma-t-il en pointant le doigt vers un groupe de sapins. Ses yeux jetaient des flammes plus hautes que le ciel et il avait des griffes longues comme des mains !

    — Arrête de débiter des bêtises et regarde ces images, elles sont très belles, fit Marion en sortant du sac un livre dont la couverture représentait un superbe loup.

    Puis, s’adressant à Roland, elle dit d’un ton abrupt :

    — En tant que professeur des Sciences de la Vie et de la Terre, tu devrais mettre tes talents à contribution et lui expliquer ce qu’est réellement un loup, ne crois-tu pas, au lieu de le laisser s’enfoncer dans ses fausses idées ?

    Roland haussa les épaules.

    — C’est l’âge des fantasmes. Cela lui passera !

    Mais, pris d’un léger remords, il obtempéra :

    — Mattéo, le loup est un animal qui terrorisait les gens dans le temps, car on lui a attribué des pouvoirs totalement exagérés. Il a inspiré crainte et respect, et même le bien et le mal selon les pays et les époques. Mais tu ne dois pas en avoir peur. Il ressemble beaucoup à un chien.

    — J’ai pas peur des chiens, lança l’enfant avec force en jetant un coup d’oeil au livre ouvert sur ses genoux. Il se retint de dire qu’il avait encore moins peur des loups, mais fut interrompu par Roland qui continua :

    — Le loup est plus fort que le chien. On le distingue par ses yeux obliques, son profil légèrement concave, un museau plus arrondi, noir et brillant, une gueule plus fendue, une tête plus grande et une queue plus fournie.

    Au loin, la ville de St Flour apparut, perchée sur son rocher. Peu à peu, les nuages découvraient de larges morceaux de ciel. Tout à son explication, Roland ne remarqua pas la chaussée encore fortement encombrée de neige au col de la Fageole et qu’une seule voie était praticable. L’enfant feuilletait les pages, mais portait toute son attention à son père. Il devinait qu’il allait apprendre des choses intéressantes.

    Roland reprit, articulant lentement :

    — On distingue deux espèces, le loup gris qu’on trouve en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, et le loup roux, venant du Texas et du sud-est des États-Unis. Le loup d’Europe se reconnaît par sa coloration fauve mêlée de gris et de noir et plus claire sur le ventre, et le loup d’Amérique du Nord par sa couleur gris clair, presque blanche, ou noire pour ceux qui vivent dans les forêts. Le loup possède une « cape » sur le dos qui se hérisse lorsqu’il est menaçant. Il a aussi un pelage d’hiver qui le protège du froid. Il change de pelage entre avril et mai.

    — Dans le parc, est-ce que je pourrai les approcher, les caresser ?

    Marion sourit nerveusement. Elle ne pouvait s’empêcher d’avoir au fond d’elle-même une peur instinctive, atavique, de cet animal.

    — Tu nous donneras la main, surtout ! s’écria-t-elle.

    — Ils ont de grandes oreilles, dit Mattéo d’un ton docte repensant soudain à l’histoire du Petit Chaperon rouge que Grandmie lui avait racontée cet été.

    — Non, reprit Roland. C’est une idée fausse. Elles sont courtes et arrondies, et très mobiles comme chez le chien. Par contre, il a une ouïe très fine qui lui permet d’entendre jusqu’à plusieurs kilomètres à la ronde.

    Mattéo n’était pas convaincu, mais il n’interrompit pas son père, qui poursuivit :

    — Il a une belle tête, aussi, plus large que celle du chien, car ses muscles masticateurs sont très développés. Son cerveau est également plus volumineux que le plus gros des chiens.

    — Ses yeux lancent des éclairs, tout le temps !

    — Mais non Mattéo ! Ses prunelles sont obliques et phosphorescentes, et généralement jaunes. Il a une excellente vue !

    — Je sais ! Il sent loin, pareil.

    — Exactement. C’est l’odorat qui est le sens le plus développé chez lui. Il peut repérer un individu à plusieurs kilomètres de distance. Sa gueule aussi est très impressionnante.

    — Mais le loup, il est souvent tout seul, dit Mattéo en serrant contre lui Loupi.

    Il était ravi que son père lui parle de ces animaux fabuleux. Pourtant, il ne se fiait pas totalement à ce qu’il entendait.

    — Non, le loup n’est pas un solitaire, généralement. C’est un animal social, il vit en meute de trois à quinze individus. Chacun occupe une place bien précise dans la hiérarchie. La bande est menée par un loup, ou une louve, ou par un couple dominant. On les appelle alpha. À l’opposé, le loup oméga vit avec eux, mais fait parfois office de souffre-douleur. C’est lui qui crée diversion lorsqu’il y a des tensions, par ses jeux.

    — Il fait le clown, dit Mattéo qui ne perdait pas un mot de l’explication.

    — En quelque sorte, oui. Il tient souvent le rôle du réconciliateur, continua Roland. Il est très rare de voir un loup demeurer seul. C’est lorsqu’il est malade ou a été exclu de la meute.

    — Ils n’ont pas de maison ? s’inquiéta soudain l’enfant.

    — Rassure-toi, ils vivent sur des terres qu’ils marquent de leurs odeurs. Les loups étrangers n’ont pas le droit de passer sur leur territoire. En général, ils préfèrent éviter tout affrontement entre eux. Pour répondre précisément à ta question, ils ont des maisons, bien sûr. Chez eux, elles s’appellent des tanières.

    — Elles sont comment, avec des toits ?

    Roland sourit et reprit d’une voix tranquille :

    — Ce sont souvent des roches en surplomb ou des terriers réaménagés de trois ou quatre mètres de long, ou creusés par la louve quand elle attend ses petits. Les tanières sont toujours situées près d’un point d’eau.

    — Ils sont beaucoup de bébés ?

    — Entre quatre et sept par portée. C’est le couple alpha qui se reproduit chaque année. Mais peu de louveteaux atteignent l’âge d’un an. Ils sont fragiles à la naissance. La mère les allaite, puis la meute leur apprend à manger de la viande, enfin à faire comme eux pour qu’ils deviennent grands et forts. Ils jouent beaucoup. Tu as déjà vu des chiots. Il en est de même pour les bébés loups.

    — Ils aboient aussi.

    — Oui, parfois. On dit du loup qu’il est bavard. Il hurle, gronde, jappe, gémit ou aboie selon les circonstances, et hurle bien sûr, dès son plus jeune âge. Ils communiquent beaucoup entre eux. Le loup est un animal des plus intelligents. Il existe au sein du groupe une grande harmonie due à leur façon de s’exprimer.

    — Ah ! dit Mattéo en se penchant vers Loupi et en l’embrassant. Mais je ne veux pas que Loupi aille vivre dans une meute. Il doit rester avec moi.

    — Ne t’inquiète pas. Il n’a pas l’intention de te quitter, répondit Marion doucement.

    — Qu’est-ce qu’il mange, le loup ?

    — De la viande, pas comme toi qui rechignes tout le temps devant ton assiette, rétorqua Roland. C’est un prédateur carnivore. Mais quand il ne trouve pas de proie, il peut se contenter de baies sauvages, d’insectes, de poisson. Il ne tue jamais par plaisir, mais uniquement pour se nourrir. En meute, il chasse le gros gibier, des cerfs, des rennes, des sangliers, des moutons, des brebis... Par contre, s’il est seul, il s’intéresse aux petites proies, aux rongeurs, aux grenouilles, et même aux charognes, enfin, tout ce qu’il peut dénicher.

    — C’est quoi une charogne ? demanda l’enfant.

    — Une bête déjà morte. Il ne faut jamais t’en approcher, si tu en trouves une, c’est très malsain, lance Marion d’un air sévère.

    — Je pourrais avoir un loup à la maison ? J’aimerais bien, dit l’enfant qui s’imaginait déjà faisant l’admiration de ses copains d’école.

    — C’est impossible, le loup est un animal sauvage. Il peut devenir difficile à garder à l’âge adulte. Sa capture ou sa détention sont strictement interdites pour les particuliers. Mais nous irons en voir bientôt dans le parc Sainte-Lucie. Tu pourras les contempler en toute tranquillité.

    Pas plus content que cela, Mattéo se tut, regardant le paysage qui défilait. Il parut s’attacher à un vol de corbeaux qui passait au-dessus des champs. Jamais il ne renoncerait à avoir un jour un loup chez lui. Il se dit qu’il en toucherait deux mots à Grandmie, elle qui adorait lui raconter des histoires de loups plus effroyables les unes que les autres. Elle saurait sûrement comment s’en procurer un, un tout petit, tout noir, avec des yeux brillants traversés d’éclairs !

    — C’est très curieux cette peur que cet animal a inspirée aux hommes, dit Marion comme se parlant à elle-même. C’était une affirmation rêveuse qu’elle avançait avec étonnement.

    — C’est vrai. Depuis l’aube des temps, le loup est mythique. Pour les chrétiens, il était l’incarnation du diable. Mais on le retrouve dans de nombreuses légendes. Ta grand-mère en sait beaucoup. Nous en avons discuté ensemble. Mal connu et mystérieux, intelligent, on l’a supposé dangereux, car c’est un prédateur. En fait, maintenant, il est surtout un signe de bonne santé de la nature ! J’ai fait il y a quelques mois, pour les élèves, une étude sur la peur qu’a inspirée cet animal. Si tu veux, je t’en ferai un tirage

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