Le nouvel ordre
Par Claude Gallardo
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Médecin généraliste à Castéra-Verduzan où il exerce depuis plusieurs années, Claude Gallardo, ancien maire de Fleurance, est le fondateur du Festival d’astronomie de Fleurance. Dans Le nouvel ordre, il nous plonge au cœur d’une intrigue haletante, très documentée, où la tendresse féminine adoucit les tourments planétaires provoqués par la pandémie.
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Le nouvel ordre - Claude Gallardo
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À mes enfants, Laetitia et Romain.
À mes petites filles, Marie, Anna Luna, Morgan et Rebecca.
À Nathalie.
À mes muses.
Au professeur Gilles Fourtanier, mon ami de toujours et dont les conseils avisés m’ont été précieux dans ce travail.
À Pascal Praud, journaliste de talent, toujours en quête de la vérité.
Au professeur Christian Perronne.
À toutes les femmes et à tous les hommes de bonne volonté sur cette planète.
À tous ceux que j’aime…
À tous ceux qui se reconnaîtront dans ce roman.
Le langage politique est destiné à rendre vraisemblables les mensonges, respectables les meurtres et à donner l’apparence de la solidité à ce qui n’est que vent.
Georges Orwel
Un bon politicien est celui qui est capable de prédire l’avenir et qui, par la suite, est également capable d’expliquer pourquoi les choses ne se sont pas passées comme il l’avait prédit.
Winston Churchill
Le politique a sa source plus dans la perversité que dans la grandeur de l’esprit humain.
Voltaire
Le risque d’importation depuis Wuhan est quasi nul. Le risque de propagation dans la population est très faible.
Agnès Buzyn, ministre de la Santé, 24 janvier 2020
Quand j’ai quitté le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous.
Agnès Buzyn, le 27 mars 2020
D’ailleurs, nous avons des dizaines de millions de masques en stock.
Agnès Buzyn, le 26 janvier 2020
Les masques, ce n’est pas nécessaire si on n’est pas malade.
Sibeth Ndyale, porte-parole du gouvernement, 17 mars 2020
D’ailleurs, je n’ai pas besoin de vérifier que la France est prête ! Et elle est prête parce que nous avons un système de santé extrêmement solide.
Olivier Veran, ministre de la Santé, 18 février 2020
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J.-L. Mélenchon, Twitter, 25 mars 2020
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Christophe Castaner, 9 avril 2020
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Gilles Platret, vice-président des républicains,
12 juillet 2021
Chapitre I
Nyon, Suisse vaudoise, vendredi 19 octobre 2019
Andreas Geisendorf, directeur des ressources humaines de la CG Swiss Bank SA à Genève, engagea son Range Rover à la sortie de Nyon sur la chaussée sinueuse qui le menait à Saint-Cergue et attaqua la longue montée d’une quinzaine de kilomètres à travers le massif forestier.
Il avait terminé tard son travail, bouclant quelques dossiers urgents. Il devait être près de 23 h lorsqu’il avait fermé la porte sécurisée de son bureau et activé le système d’alarme.
La nuit était tombée depuis longtemps sur la vaste forêt vaudoise et les sapins découpaient dans le ciel sombre leur silhouette encore plus noire que les ténèbres.
Andreas éprouvait, à chaque fois qu’il empruntait cette route en fin de semaine pour rejoindre son chalet, une sensation bizarre où le plaisir de traverser la beauté sauvage de ce versant montagneux du Jura était altéré par une angoisse pernicieuse. Les ténèbres de l’automne peut-être ou cette peur de la solitude qui ne l’avait jamais quitté depuis son enfance, remontaient de son inconscient comme des bulles chargées de relents toxiques.
Il n’y avait pas âme qui vive.
Heureusement, la chaleur douillette de sa voiture, le ronronnement sécurisant des huit cylindres, la lumière crue des phares qui tranchaient l’obscurité menaçante à la manière d’un scalpel le rassuraient…
Ce soir-là, il écoutait, dans cette sombre majesté naturelle, le « Dies Irae » d’Hector Berlioz, la version électronique de Wendy Carlos qui accompagne le début du film « Shining » où la caméra survole cette petite voiture jaune rejoignant l’hôtel Overlook dans le décor somptueux des Rocky Mountains de l’Ouest américain. Cette litanie sur des notes conjointes, ces tierces descendantes, graves et angoissantes, s’accordaient parfaitement au décor. Andreas curieusement aimait ce morceau majestueux et solennel, onguent bienfaisant sur cette sylve qu’il craignait et qui, de façon étrange, le fascinait aussi.
Alors qu’il arrivait à la hauteur du point de vue sur le lac Léman, à l’endroit précis où cette route dite Blanche amorce un virage en épingle à cheveux, il vit, déposés en désordre sur le bitume, successivement des chaussures visiblement féminines, parkas, pulls, pantalons, sous-vêtements.
Qui avait pu abandonner ainsi ces habits ?
Intrigué, Andreas s’arrêta avec une certaine inquiétude sur le terre-plein de l’observatoire, s’attendant à voir surgir du bois, une hystérique ou une déséquilibrée dans le plus simple appareil.
Cherchant une présence humaine, il fit quelques pas jusqu’à la table d’orientation, ignorant la beauté féerique des lumières entourant à perte de vue les berges du lac, telle une sorte de guirlande multicolore. Mais il eut beau scruter les proches alentours : rien.
Il appela et l’écho de sa voix lui revint dans le silence sidéral de la forêt.
De gros flocons commencèrent à tomber, sur la route désespérément déserte, saupoudrant la chaussée et les vêtements sur le sol. Il s’approcha, ramassa la parka. Elle était d’une grande qualité, avec un col en fourrure, matelassée, de la maison Zapa. De plus en plus intrigué, il fit l’inventaire de sa découverte qui laissa présager sans aucun doute du niveau social confortable de leur propriétaire : escarpins Louboutin rouge et une lingerie de luxe déjà recouverts de cristaux de neige.
Andreas était interloqué. Il ne comprenait rien à cette mise en scène étrange et parlant tout haut il répétait : « Mais c’est dingue cette histoire » ! Puis, se ravisant sur la stupidité de sa réflexion, il se dit que tout cela avait un sens, une volonté bien établie : peut-être une maîtresse éconduite ou un mari jaloux soucieux de jeter aux regards des curieux cette richesse vestimentaire en signe de dépit amoureux ou de vengeance ?
Il remonta dans son Range, visiblement perturbé par ce qu’il venait de voir et manœuvra le 4X4 pour reprendre la route de Saint-Cergue. Alors qu’il reculait en braquant les roues de son véhicule, la lumière des phares balaya d’abord la petite esplanade qui servait de parking puis éclaira un chemin de randonnée qui s’ouvrait à l’orée de la forêt. C’est à ce moment-là qu’Andreas vit briller dans la pénombre de ce sentier un objet qu’il ne put identifier.
Il s’arrêta, laissa le moteur en marche les phares toujours allumés, descendit de la voiture et se dirigea vers l’entrée du chemin. Lui, qui n’aimait pas la forêt de nuit, n’était pas à son affaire. En marchant, son ombre gigantesque se projetait sur le sol. Elle avait quelque chose de fantomatique, voire d’irréel qui lui faisait peur.
Arrivé au bord du sentier, il eut un moment d’hésitation. Comme s’il pressentait quelque chose de grave. Il se retourna et faillit repartir en arrière. Le halo des phares du Range, traversant le suaire léger des flocons qui maintenant tombaient dru l’éblouit. Mais il fut rassuré : la voiture était là, toute proche, en cas de danger. Alors, mû par un irrésistible besoin de savoir, dépassant ses craintes, il reprit sa progression et s’enfonça dans la nuit.
Il avait allumé la fonction torche du smartphone, son propre corps faisant obstacle à l’éclairage de la voiture.
La lumière ténue capta très vite cet objet brillant qu’Andreas avait aperçu.
Il devina ensuite au milieu des arbres une sorte de silhouette humaine immobile, figée dans la pénombre qui bizarrement semblait avoir les deux bras en l’air.
La neige et le froid lui brûlaient les yeux.
Il s’approcha encore.
Une peur insidieuse s’était glissée dans son ventre et il sentait son cœur cogner fort dans sa poitrine. Une tension poignante étreignait ce vieux garçon timide et craintif.
Ce qu’il allait découvrir allait le frapper de plein fouet avec une violence inouïe.
Ce fut un choc terrifiant lorsque la faible lumière de son téléphone révéla la scène…
Une vision dantesque.
Le corps d’une jeune femme entièrement nue était pendu par les pieds, les jambes écartelées, entre deux jeunes sapins comme le serait une génisse ou un mouton dans un abattoir. À demi enfoncé dans son sexe, l’objet brillant qu’avait aperçu Andreas. La chevelure blonde du cadavre touchait le sol et ses yeux grands ouverts le fixaient et semblaient l’implorer. Sur sa poitrine, une plaie médiane béante…
Le directeur des ressources humaines était saisi par l’horreur de ce tableau surréaliste, n’osant approcher. Pétrifié, son regard, à la lueur falote de son téléphone, ne pouvait se détacher de ce corps de femme atrocement mutilé : elle paraissait avoir trente ans à peine. Son beau visage juvénile et sa poitrine étaient maculés par de longues coulées de sang déjà coagulé…
Andreas resta là, quelques secondes, étrangement troublé par cette nudité et dans le même instant horrifié, abasourdi.
Puis, le moment de sidération passé, pris de terreur, il opéra un demi-tour et se mit à courir, n’ayant qu’une idée : retrouver le havre sécurisant de sa voiture… Durant sa course folle, il glissa et s’affala de tout son long sur le chemin enneigé. Dans sa chute, le smartphone voltigea à quelques mètres. Il se releva, récupéra l’appareil dont il distinguait la lueur ténue sous la neige avec l’angoisse terrifiante que le cadavre de la jeune femme le poursuivait du regard.
Paniqué, il fonça dans le sentier, en proie à un affolement grandissant, aveuglé par les phares, vers le Range dont le moteur tournait paisiblement. Jamais telle frayeur ne l’avait saisi. Il avait la nausée. Un tremblement nerveux agitait tout son corps. Désemparé, de ses doigts engourdis et fébriles, il n’eut d’autre réflexe que de composer maladroitement le 144, le numéro des urgences en Suisse alors que les dernières phrases du « Dies Irae » s’égrenaient dans ces tierces descendantes et sinistres.
Chaque note frappait le silence d’un coup mortel.
Chapitre II
23 h 29, hôtel de la police cantonale de Nyon
L’adjudant-chef David Bossard ne décolérait pas en cette fin de journée. Le compteur d’électricité avait disjoncté au moment où il clôturait la garde à vue difficile d’un toxicomane multirécidiviste. La vétusté des locaux avait fait l’objet maintes fois de réclamations auprès de sa direction sans résultats : après les toilettes qui fuyaient, l’humidité des cellules de dégrisement, les locaux exigus où s’entassaient ses hommes, voilà maintenant que l’électricité faisait des siennes. Il se promit d’envoyer un nouveau courrier, cette fois-ci au plus haut niveau, en ne mâchant pas ses mots.
Bossard aimait son métier, appréciait son équipe qui depuis son affectation à Nyon fonctionnait en bonne harmonie. L’adjudant-chef était ainsi, homme d’écoute, excellent leader sachant faire émerger de ses collaborateurs, dans tout travail sur les enquêtes et dans leur organisation, la juste norme nécessaire à une autorité respectée, approuvée.
De la même façon, ce chef aimé des siens était soucieux de leur confort, de la bonne qualité de leur lieu de travail, de l’informatique, des véhicules car disait-il, sans ces conditions, un découragement et une désaffection pour leur métier les gagneraient bien vite.
Et l’objet de sa colère était bien là, dans le souci louable du bien-être de son staff.
Ce fut au moment précis où il quittait son bureau que le téléphone sonna.
Il décrocha, visiblement agacé :
— Gendarmerie de Nyon. Adjudant Bossard, je vous écoute.
— Les urgences mon adjudant, désolé de vous déranger si tard. Nous venons de recevoir un coup de fil d’un certain Andreas Geisendorf. Complètement affolé, le bonhomme. Il aurait découvert au niveau du Belvédère sur la route Blanche, une femme nue pendue par les pieds.
— Nue ? Pendue par les pieds ?
— Oui mon adjudant. À l’orée du bois. Et ses vêtements sont, paraît-il, éparpillés sur le macadam.
— Décédée ?
— Je crois que la Centrale Santé 144 n’a pas grand-chose à faire mon Adjudant. Cette femme présenterait une plaie béante sur le thorax et aux dires du témoin son corps est couvert de sang. La victime lui paraît bien morte.
— Les coordonnées de ce Geisendorf ?
— 76290210325. Il travaille à la CG Swiss Bank à Genève, dit-il. Nous l’avons encore en ligne.
— Dites-lui que nous arrivons. Qu’il ne bouge pas, surtout qu’il ne touche à rien et nous attende gentiment.
Cette sage précaution, Bossard la tenait de son expérience, mais aussi de son maître Paul L. Kirk de l’Université de Chicago qui sans cesse remâchait à tous ses étudiants en criminalistique en parlant de l’auteur d’un crime :
« Où qu’il aille, quoi qu’il touche, quoi qu’il laisse derrière lui, même inconsciemment, sera un indice silencieux contre lui. Non seulement ses empreintes digitales ou ses empreintes de pied, mais ses cheveux, les fibres de ses vêtements, le verre qu’il brise, la trace d’outil qu’il laisse, la peinture qu’il égratigne, le sang ou le sperme qu’il dépose ou recueille, tous ces éléments et bien d’autres portent un témoignage muet contre lui. »
Ces mots, Bossard les connaissait par cœur.
La Hyundai Kona de la gendarmerie attaqua le long serpentin de la route Blanche. Elle méritait bien son nom cette route : la neige, qui ne cessait de tomber saupoudrait la chaussée de son tapis immaculé.
Pendant que son collègue d’astreinte, le sergent Boutier tenait le volant, Bossard appela le juge fédéral, les pompiers et la police scientifique.
Lorsqu’ils arrivèrent sur les lieux, au niveau du Belvédère, ils virent sur la route, dans la lueur des phares, de petits monticules recouverts de neige qui sans doute n’étaient que les vêtements éparpillés signalés par le témoin Geisendorf qui se tenait debout, adossé sur la portière de son Range, visiblement hagard mais soulagé de voir arriver les policiers.
Le sergent Boutier gara la voiture de service sur l’esplanade enneigée.
L’adjudant Bossard descendit du véhicule et vint à la rencontre d’Andreas qui s’était avancé vers lui comme un noyé vers son sauveteur en tendant son bras.
— Monsieur