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Éducation relative à l'environnement: Trajectoires, perspectives et défis contemporains
Éducation relative à l'environnement: Trajectoires, perspectives et défis contemporains
Éducation relative à l'environnement: Trajectoires, perspectives et défis contemporains
Livre électronique521 pages5 heures

Éducation relative à l'environnement: Trajectoires, perspectives et défis contemporains

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À propos de ce livre électronique

L’éducation relative à l’environnement se déploie autant au sein des institutions, dont l’école, et des organisations qu’au sein de la mobilisation citoyenne, de l’action sociale et des activités dans la nature. Construit au fil d’un parcours dialogique et collaboratif témoignant de la vitalité de ce domaine, cet ouvrage est une contribution à son patrimoine théorique et pratique.

Il invite, entre autres, le monde de l’éducation, de l’animation, de l’interprétation et de la protection de l’environnement à réfléchir sur des propositions, des réflexions et des analyses à propos des enjeux et des défis que la crise socioécologique contemporaine soulève. Adoptant une perspective interdisciplinaire et intersectorielle, ce livre se penche sur l’apprentissage du rapport à l’environnement dans l’action citoyenne, les arts, les dynamiques créatives et culturelles et la formation, soulignant la complémentarité des initiatives éducatives dans une diversité de milieux.

Cet ouvrage invite le lectorat à poursuivre le croisement de savoirs, de trajectoires et de perspectives dans une pluralité de regards afin de cheminer vers les transformations socioécologiques et vers l’horizon d’espoir dont le monde a besoin.
LangueFrançais
Date de sortie5 juin 2024
ISBN9782760559936
Éducation relative à l'environnement: Trajectoires, perspectives et défis contemporains

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    Aperçu du livre

    Éducation relative à l'environnement - Isabel Orellana

    Introduction

    Isabel Orellana, Laurence Brière, Hugue Asselin et Adolfo Agundez Rodriguez

    Nous avons entrepris la production de cet ouvrage avec l’intention de réunir des travaux récents qui se penchent sur le rôle joué par l’éducation relative à l’environnement dans le contexte de crise socioécologique sans précédent que nous traversons, notamment en ce qui concerne le déploiement de sa dimension politique. Les préoccupations autour de cette dimension cruciale mobilisent de plus en plus de personnes engagées dans une diversité de milieux éducatifs. Il s’agissait non seulement de valoriser et de diffuser une synthèse de ces travaux, mais aussi de stimuler le croisement de savoirs mettant à profit la diversité de domaines et de cadres de référence, de champs de recherche et de pratiques, pour aborder la question du rapport individuel et collectif à l’environnement, sujet qui interpelle plus que jamais l’éducation contemporaine.

    L’ensemble de ces travaux, en provenance d’horizons disciplinaires divers, souvent articulés en complémentarité, attestent de l’importance accordée à l’éducation en tant que clé de changement en ces temps de bouleversements. Elle apparaît comme un chemin incontournable pour la transformation de la société et de la culture, qui permettrait d’ouvrir une voie d’espoir. Elle est à la fois elle-même sujet de changement, innovée et innovante, à travers une quête constante de pertinence et d’adéquation aux réalités complexes.

    Cette publication se penche particulièrement sur le domaine de l’éducation relative à l’environnement, cette sphère de l’éducation globale qui s’intéresse à la reconstruction du réseau de relations entre les personnes, les sociétés et l’environnement, devenue une condition déterminante vers la construction de modes de vie plus harmonieux et respectueux de la vie.

    Face aux multiples signes de l’accélération de la crise et de la croissance économique sans fin qui menace l’intégrité des systèmes de vie et, du fait même, de l’humanité, l’urgence de formuler des réponses appropriées constitue un impératif incontournable. Celui-ci fait appel à la transformation de nos manières d’appréhender et d’analyser les réalités, de cerner les enjeux de pouvoir et de savoir, de faire face au monde globalisé et aux logiques dominantes du marché, afin d’envisager autrement notre relation personnelle et collective au monde.

    Bien que nous traversions une époque très riche en découvertes et en inventions scientifiques et techniques et que plusieurs ont la conviction que ces avancées seront la solution aux problèmes de notre temps, force est d’admettre que les transformations nécessaires sont beaucoup plus profondes. La construction d’une nouvelle façon d’être et de vivre ensemble est un défi majeur qui repose sur la conscience, la volonté et la détermination d’agir des personnes et des communautés. À cet effet, divers secteurs de la société cherchent à approfondir les compréhensions des phénomènes de dégradation des milieux de vie et ce que représentent ces perturbations pour les communautés et les écosystèmes, afin de proposer des stratégies de régénération engageantes. Dans cette optique, l’éducation relative à l’environnement vise à envisager les réalités socioécologiques de manière systémique, à mettre en lumière les imbrications et les interdépendances, à créer des conditions pour l’élargissement des capacités de compréhension des interrelations entre êtres vivants – humains et autres qu’humains – et de leurs dimensions sociales, politiques, économiques, éthiques et écologiques. Cette éducation joue également un rôle essentiel dans le développement d’une écocitoyenneté consciente et critique, bienveillante et compétente, créative et engagée, capable et désireuse de participer aux débats et à l’identification de solutions novatrices aux problématiques socioécologiques de notre temps. Elle est aussi déterminante dans le déploiement de la capacité d’agir dans une perspective de transition socioécologique. L’écocitoyenneté, comme le souligne Lucie Sauvé, concerne notre engagement personnel et collectif au cœur des questions socioécologiques, et fait appel à l’apprentissage du « vivre ici, ensemble », en tant que personnes et groupes sociaux incarnés, localisés, contextualisés, reliés dans un même souffle de vie, partageant le souci du bien commun et de l’intérêt général.

    L’éducation relative à l’environnement suscite également les sentiments d’émerveillement face à la vie et à la nature, ce qui stimule le désir d’apprendre et crée les conditions pour mettre de l’avant des façons de faire et de vivre ensemble qui reconnaissent la valeur intrinsèque des différentes formes de vie. Elle invite à la construction de nouvelles solidarités, au développement d’interactions significatives avec le milieu et au soin de ces relations. Le sentiment d’appartenance à la communauté des vivants est ainsi éveillé, ce qui contribue à former l’identité écologique et une éthique de la vie. L’inspiration et l’apprentissage qui intègrent cette dimension fondamentale et sensible de la trajectoire de vie peuvent nourrir une sagesse essentielle, si nécessaire actuellement. Une sagesse qui, d’après Gustavo Wilches-Chaux, constitue un savoir environnemental contextuel, enraciné où l’abstraction s’intègre à la perception sensible du monde, où la connaissance intègre l’éthique et l’esthétique, associant ainsi science et politique. Cette perspective inspire une pédagogie qui favorise la réinvention et la transformation de nos modes de vies, dans le présent et pour un nouveau devenir. Elle est de nature à contribuer au défi d’humanisation vers la « pratique de la liberté » prônée par Paulo Freire, pour apporter au changement en se reconstruisant plus harmonieusement au sein de la trame de la vie.

    Contribuant au développement de personnes et de sociétés intègres, dignes, responsables, aimantes de la vie et conscientes de leur rôle dans les systèmes de vie, l’éducation relative à l’environnement porte effectivement une attention particulière à la qualité des processus d’apprentissage. Apprendre à vivre ensemble sur Terre, souligne Lucie Sauvé, est l’enjeu éthique et politique le plus exigeant et le plus fondamental de nos sociétés contemporaines complexes, multiples et plurielles. Éduquer à l’écocitoyenneté devient donc un chantier pédagogique prioritaire, qui fait appel à de multiples formes et approches d’intervention éducative dans divers milieux d’intervention et auprès de publics différents. La réalité appelle à oser des processus d’apprentissage novateurs, à revisiter et à actualiser des modes d’apprentissage traditionnels, à mettre à contribution différents types de savoirs, d’efforts, de talents et de compétences, arrimés aux besoins des personnes et des communautés et enracinés dans les contextes divers et changeants, dans les territoires de vie. Ces processus, nourris par la créativité, l’imaginaire et un souci de justice, sont appelés à jouer un rôle important, pour concevoir de nouveaux itinéraires d’apprentissage, pour apporter un nouveau souffle d’humanité et pour contribuer à tisser un rapport sensible, affectif et responsable à l’environnement, en tenant compte de l’histoire, de la mémoire et des aspirations des communautés.

    Le lien entre les réalités éducationnelles et socioécologiques est à récréer : la qualité d’être et de vivre ensemble est à considérer comme étroitement associée à la qualité du milieu de vie partagé. Dans cette perspective, l’éducation relative à l’environnement apparaît comme un levier majeur dans une diversité d’initiatives émergentes visant le déploiement de communautés apprenantes et engagées, qui mettent en question le modèle économique hégémonique, l’exploitation du vivant, l’extractivisme, la dépossession et la domination du milieu naturel, qui vont de pair avec les profondes iniquités et injustices sociales. Elle se joint, à cet effet, aux mouvements sociaux qui prônent d’autres voies face à la mondialisation en cours. Comme dirait Riccardo Petrella, cette mouvance désire un autre monde, une autre mondialisation, pacifique, solidaire, préoccupée d’équité socioécologique et fondée sur une ontologie de la diversité. Il s’agit de construire un monde dans lequel puissent cohabiter diverses façons d’être-au-monde, ouvertes à de nouveaux récits et à un dialogue de savoirs. L’éducation relative à l’environnement se trouve en ce sens en résonance avec le concept de plurivers (formalisé par Arturo Escobar), qui confronte l’anthropocentrisme et le dualisme, qui appréhende le monde au pluriel en tant que réseau d’interrelations en évolution continuelle, et qui prône un vivre ensemble dans le respect et la dignité.

    Dans les 12 chapitres de cet ouvrage, les 38 auteurs et autrices rendent compte des fondements théoriques et pratiques construits à travers une série d’expériences et de recherches développées à la convergence de divers domaines et savoirs, à travers les dynamiques collaboratives mises de l’avant au sein du Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centr’ERE) de l’Université du Québec à Montréal. Il s’agit de travaux développés essentiellement depuis 2020 en lien avec divers enjeux socioécologiques actuels et déployés notamment grâce au soutien du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC). Nous reprenons ainsi l’élan et le fil des contributions présentées dans l’ouvrage Éducation, environnement, écocitoyenneté : repères contemporains, également publié aux Presses de l’Université du Québec en 2017.

    Afin de valoriser et de diffuser le fruit des riches dynamiques de recherche déployées au sein du Centr’ERE dans sa programmation scientifique, à travers le dialogue, la complémentarité et la synergie observés dans les multiples séminaires, conférences, tables rondes et autres activités, nous avons structuré cet ouvrage en quatre parties. Il s’agit d’axes thématiques qui offrent un regard interdisciplinaire et intersectoriel permettant d’aborder un ensemble de préoccupations actuelles et de contribuer à développer une meilleure compréhension de la dynamique et de la signification du rôle de l’éducation relative à l’environnement, tant en milieu formel qu’en milieu non formel, et à mettre en évidence les perspectives de complémentarité de ces milieux. La partie 1, intitulée « Une éducation relative à l’environnement et à l’écocitoyenneté qui se déploie dans la mobilisation citoyenne et l’action sociale », se penche sur les liens entre la construction de l’identité écologique, le développement des relations d’altérité et l’engagement citoyen. Il y est question de la dynamique du réseau « être-savoir-vouloir-pouvoir » et du rôle de l’éducation à cet effet, en milieu tant formel que non formel. On s’intéresse à la mobilisation citoyenne et aux processus participatifs qui se penchent sur la prise en compte des enjeux liés aux inégalités sociales et aux droits de la personne en lien avec les ruptures écologiques et les fractures sociales qu’elles génèrent ou accentuent. Aussi, on s’attarde à l’apprentissage écosocial et à l’émergence d’une écocitoyenneté critique ainsi qu’aux dynamiques de communauté d’apprentissage favorisant les rapports de réciprocité, de solidarité mutuelle et de coconstruction de savoirs situés, ancrés dans les réalités territoriales, de type stratégique, éthique et politique.

    Au chapitre 1, « Les significations et la portée du prendre soin (care) », Laurence Brière, Guillaume Moreau et Marie-Michèle Voyer s’intéressent aux croisements entre les notions de care et d’écologie qui commencent à s’observer dans les contextes de militance et de formation relative à l’écocitoyenneté, en particulier au sein de mouvements de jeunes interpellés par les perspectives sociologiques intersectionnelles. La prise en compte et la mise en valeur des éthiques de la sollicitude face aux multiples dimensions de la crise socioécologique contemporaine sont discutées, et la perspective d’enrichissement pédagogique de l’éducation relative à l’environnement est plus particulièrement explorée. À partir de ces analyses, ce chapitre offre des pistes pour la formation initiale à l’enseignement et pour la formation continue dans le milieu écologiste.

    Au chapitre 2, « Le défi de l’écologisation de la formation en travail social », Gabrielle Laverdière, Sylvie Jochems, Anaïs Gerentes et Elizabeth Pinault rendent compte de l’engagement croissant du domaine du travail social dans les mouvances sociales en réponse aux enjeux et défis associés à l’accélération des changements climatiques et, plus globalement, de la crise socioécologique. Les autrices analysent la contribution de ce champ qui a beaucoup en commun avec certaines pratiques d’éducation relative à l’environnement et à l’écocitoyenneté. Elles traitent notamment de l’animation des processus de lutte environnementale pour la justice écosociale, de l’intervention au sein des actions écosociales, de processus de politisation des communautés territoriales et de processus d’écologisation institutionnelle. En se basant sur des recherches actuelles, les autrices mettent en évidence le potentiel d’enrichissement des programmes de formation de cycles supérieurs en travail social, autant sur le plan pédagogique que sur celui des contenus, pour que la prise en compte des réalités socioécologiques y soit favorisée.

    Dans le chapitre 3, « L’agroécologie : un regard pluriépistémologique et transdisciplinaire », Kylyan Marc Bisquert i Pérez, Sylvie Lapointe, Gabriel Rebêlo et Adolfo Agundez Rodriguez dressent les constats négatifs du système agroalimentaire industriel globalisé et remettent au premier plan les besoins urgents de transformation de ce modèle. Le domaine de l’agroécologie leur sert de source pour identifier des alternatives plus appropriées. Les fondements théoriques de ce domaine sont présentés ainsi que des éléments praxéologiques tirés du dialogue entre deux recherches réalisées en contexte québécois : la première aborde l’agroécologie depuis le champ de l’éducation relative à l’environnement et la seconde, depuis celui de l’anthropologie. Sur la base de ce croisement interdisciplinaire, le potentiel pédagogique des pratiques agroécologiques est mis en évidence de même que la contribution de ces pratiques au développement d’une écocitoyenneté critique et plurielle, culturellement pertinente et significative.

    Au chapitre 4, « Les perspectives critique et politique de l’éducation relative à l’environnement : conflits socioécologiques et extractivisme », Isabel Orellana, Andres Larrea Burneo, Gabriel Poisson, Lil Jurado Cerdas, Maude Prud’homme, Laurence Brière, Lucie Sauvé, Marie-Eve Marleau et Chantal Levert s’attardent aux processus de coapprentissage et d’écocitoyenneté qui se forgent dans le contexte des conflits socioécologiques générés par l’expansion du modèle extractiviste, ainsi qu’aux perspectives d’innovation qui émergent de ces mouvances. À partir d’une recherche réalisée au Québec et au Chili, deux réalités culturelles et géographiques contrastées ayant en commun une expansion accélérée du modèle extractiviste et une multiplication des conflits socioécologiques, sont présentées les particularités des nouveaux scénarios engendrés par ces situations et les formes émergentes de mobilisation sociale axées sur la défense de l’environnement, des territoires, de la biodiversité et des biens communs. Par la mise en évidence du tournant écoterritorial de ces luttes, les processus complexes de coapprentissage, de solidarités mutuelles et de maturation individuelle et collective sont caractérisés. Ce chapitre rend compte du développement d’une intelligence citoyenne territoriale et d’une éducation relative à l’environnement, souvent implicite, à caractère émancipateur, qui traverse ces trajectoires d’engagement citoyen dans l’action collective. Il s’agirait d’un contexte propice à l’émergence de nouveaux récits sociopolitiques, signalent les auteurs.

    La partie 2, « La contribution des arts et de la créativité au développement de l’éducation relative à l’environnement et à l’écocitoyenneté », se penche sur les apports essentiels de l’éducation artistique, de la médiation culturelle et du design à la reconstruction des relations aux milieux de vie et à la nature. Elle approfondit les fonctions esthétique, éthique, critique, heuristique et politique de l’art et du design dans le développement de compétences écocitoyennes et d’une culture de l’innovation écosociale.

    Au chapitre 5, « Les points de rencontre entre l’éducation artistique et l’éducation relative à l’environnement », Anne Deslauriers explore le Programme de formation de l’école québécoise pour discuter des espaces où des intentions et des approches pédagogiques des domaines de l’éducation relative à l’environnement et de l’éducation artistique peuvent se croiser pour répondre à différentes visées du Programme. L’autrice approfondit cette réflexion en se penchant plus spécifiquement sur la question de l’engagement – éducatif, citoyen, voire artistique – des personnes enseignantes comme des élèves. Elle parcourt en outre des courants artistiques tels que le land art et l’esthétique environnementale pour discuter de manières dont ils peuvent inspirer l’action éducative en formation initiale.

    Au chapitre 6, « Les musées, la participation citoyenne et l’écocitoyenneté », Anik Meunier et Camille Roelens s’intéressent aux manières dont les institutions muséales peuvent amener le public à mettre en question son rapport au monde et à développer l’intérêt de se positionner face à des questions socioécologiques « vives » ou historiques. Revenant sur certaines manifestations écologistes au cœur de musées d’art, les auteurs interrogent les représentations sociales du rôle des musées tout en examinant comment ils évoluent pour intégrer des formes d’éducation relative à l’environnement et à la citoyenneté dans leurs pratiques de médiation culturelle.

    Au chapitre 7, « La pensée design et ses perspectives auprès des adultes », Diane Pruneau, Michel T. Léger, Viktor Freiman, Anne-Marie Laroche, Abdellatif Khattabi, Liliane Dionne, Vincent Richard, Natacha Louis et Lydia Duranleau se penchent sur les apports de la « pensée design », une démarche itérative de résolution de problèmes qui fait appel à la créativité des personnes engagées tout en prenant appui sur la diversité des savoirs qu’elles détiennent. À partir d’une recension d’écrits et des constats issus de leurs propres recherches, recherches s’inscrivant dans la perspective d’une éducation relative à l’environnement visant à restaurer la qualité des milieux de vie, les autrices et auteurs évaluent les avantages pédagogiques et les limites opérationnelles de cette approche axée sur les solutions à des enjeux rencontrés ou observés par les personnes participantes, dans leur environnement de proximité.

    Au chapitre 8, « Des convergences et des complémentarités avec le design et l’éducation à la permaculture », Guillaume Moreau et Hugue Asselin explorent la contribution de « la pensée design » dans une perspective psychosociale et ontogénique de l’éducation relative à l’environnement où celle-ci s’intéresse moins à la résolution de problèmes socioécologiques qu’au développement intégral des personnes et des collectivités. À travers l’éducation à la permaculture, un champ en cours de construction, les auteurs présentent notamment la place fondamentale du design pour la permaculture et des liens renouvelés avec l’éducation relative à l’environnement. Ce chapitre identifie par la suite quelques éléments composant les approches de formation qui, à terme, aspirent à accompagner un dépassement du dualisme nature/culture dans le développement de projets harmonieux et constitutifs des milieux où ils s’inscrivent.

    La partie 3, « La formation dans le domaine de l’éducation relative à l’environnement », s’attarde au défi majeur et persistant de la formation initiale et continue en éducation relative à l’environnement, celle des enseignants, animateurs et autres éducateurs dans ce domaine. Elle met en évidence l’urgence de développer des compétences permettant d’accompagner les élèves, les jeunes, les adultes et les différents publics dans la difficile démarche de « décodage » de leur monde, pour mieux y prendre part et contribuer aux nécessaires transformations que requièrent les enjeux socioécologiques actuels.

    Dans le chapitre 9, « Une approche culturelle de l’enseignement pensée au prisme des rapports écologiques au monde », Mélanie Champoux et Adolfo Agundez Rodriguez proposent de revisiter de manière critique l’approche culturelle prescrite pour l’enseignement du Programme de formation de l’école québécoise. Face aux défis environnementaux contemporains, les repères théoriques posés dans ce chapitre, qui puisent à la sociologie et à l’anthropologie, permettent ainsi d’envisager un enseignement contribuant à l’éducation relative à l’environnement en s’éloignant d’une conception anthropocentrique de la culture.

    Au chapitre 10, « Les besoins de formation en contexte de changements climatiques à l’école au Québec », Émilie Morin, Geneviève Therriault, Julie-Maude Lebel et Catherine Simard présentent d’importants jalons pour une éducation en contexte de changements climatiques visant particulièrement le développement du « pouvoir-agir » des élèves du primaire et du secondaire. S’appuyant sur un ensemble de recommandations tirées de la recherche dans le domaine, les autrices mobilisent deux outils théoriques, à savoir l’approche des « capabilités » et l’approche éducative globale, afin d’offrir des réponses concrètes permettant de mieux répondre aux besoins de formation initiale et continue. Leurs conclusions pointent notamment la nécessité d’efforts concertés pour parvenir à une plus grande intégration du rapport à l’environnement dans la formation à l’enseignement, et ouvrent ainsi sur la dernière partie de cet ouvrage.

    La partie 4, « L’institutionnalisation de l’éducation relative à l’environnement », aborde la question essentielle des politiques publiques dans ce domaine, plus particulièrement au Québec, à la lumière d’un ensemble d’initiatives structurantes repérées dans différents contextes au Canada et à l’international. Les principaux défis qui y sont cernés ainsi que les pistes stratégiques identifiées favorisent l’intégration d’une éducation relative à l’environnement dans les divers milieux d’éducation formelle et non formelle, comme il y est aussi question de la prise en compte des apports de l’apprentissage informel, dans la perspective d’avènement d’une société éducative.

    Au chapitre 11, « Vers une politique nationale d’éducation relative à l’environnement au Québec », Lucie Sauvé et Hugue Asselin offrent la synthèse d’une démarche d’envergure ayant mené à l’élaboration d’une proposition de politique publique visant l’institutionnalisation de l’éducation relative à l’environnement au Québec. Rappelant dans un premier temps les éléments d’un diagnostic collectif de l’état actuel de l’éducation relative à l’environnement, ils présentent aussi les grandes lignes d’un inspirant projet éducatif « à construire ensemble » tout en misant sur une pluralité de leviers dont certains sont déjà en place et qu’il s’agirait d’activer. Ce chapitre se conclut en évoquant un certain nombre de pistes d’action concernant à la fois les milieux de l’éducation formelle, non formelle et informelle de même que les synergies à renforcer entre elles dans une perspective de société où l’éducation devient l’affaire de tout le monde.

    Dans le chapitre 12, « Les initiatives d’institutionnalisation d’une éducation en matière d’environnement dans différents contextes nationaux : constats et perspectives », Jérôme Lafitte et Lucie Sauvé analysent plusieurs initiatives et politiques nationales pour dégager des constats transversaux, saisir les enjeux normatifs propres à chacun de ces contextes et rendre compte de stratégies inspirantes. Ce tour d’horizon permet de cerner le chemin parcouru par les acteurs et actrices de l’éducation relative à l’environnement en matière d’institutionnalisation du domaine depuis les premières rencontres internationales consacrées à son émergence et à son déploiement, dans les années 1970. Ce chapitre révèle non seulement les impératifs et les verrous qui freinent encore l’élaboration de politiques en matière d’éducation relative à l’environnement dans une majorité de contextes, mais aussi l’ingéniosité et le travail qui ont permis, dans certains cas, de profiter de conditions sociopolitiques favorables pour mettre sur pied des initiatives structurantes et inspirantes.

    Les éléments présentés dans cet ouvrage ont été construits au fil des années, autour de préoccupations communes attestant d’un programme de recherche fondé sur l’engagement du Centr’ERE à dynamiser le champ de l’éducation relative à l’environnement à travers l’intégration de la recherche, de la formation et de l’action sociale. Le tour d’horizon proposé dans ce livre couvrira les champs d’intérêt de plusieurs secteurs de la société quant aux défis éducatifs qui découlent de la situation socioécologique critique que nous vivons. Autant les milieux de l’éducation formelle (primaire, secondaire, collégiale et universitaire) que ceux de l’éducation non formelle (au sein des regroupements citoyens, organismes et associations communautaires, réseaux de parcs et organismes et institutions culturels, entre autres) trouveront dans ces pages des analyses, des réflexions, et des repères pour développer de nouveaux regards sur les diverses dimensions de la réalité et de l’intervention éducative. Voici donc une nouvelle contribution au patrimoine théorique et pratique de l’éducation relative à l’environnement, construite à travers un parcours dialogique, interdisciplinaire et collaboratif. L’ouvrage témoigne de la vitalité et du dynamisme de la recherche dans ce domaine, où s’impliquent un nombre grandissant de personnes et d’organisations qui prennent la pleine mesure du rôle de l’éducation et de la formation pour faire face aux enjeux et défis que les réalités socioécologiques contemporaines soulèvent. Cet ouvrage constitue aussi une invitation et un engagement à poursuivre le dialogue et la construction de savoirs dans la pluralité des regards, pour continuer à cheminer vers les transformations socioécologiques et l’horizon d’espoir dont nous rêvons et dont le monde a besoin.

    Partie 1 /

    Une éducation relative à l’environnement et à l’écocitoyenneté qui se déploie dans la mobilisation citoyenne et l’action sociale

    Chapitre 1 /

    Les significations et la portée du « prendre soin » (care)

    Laurence Brière, Guillaume Moreau et Marie-Michèle Voyer

    L’éducation relative à l’environnement vise l’harmonisation des relations entre la personne, la société et l’environnement, et concerne donc implicitement le « prendre soin ». Alors que le care¹ comprend tout ce que nous faisons pour assurer la continuité de notre monde, pour « réparer » ce monde et y vivre aussi bien que possible (Tronto, 1993), il serait approprié de croiser care, éducation et écologie. En effet, les éthiques de la sollicitude (care ethics) proposent des regards et des perspectives d’apprentissage essentiels face aux multiples dimensions de la crise socioécologique contemporaine.

    Ces éthiques se sont développées à partir des années 1980 avec les travaux phares de Carol Gilligan (1982) en psychologie du développement et de Joan Tronto (1993) en philosophie politique. Durant la même période, des autrices écoféministes ont aussi introduit l’idée du soin dans la pensée écologiste (p. ex. Merchant, 1996 ; Plumwood, 1993). Récemment, de premières intégrations théoriques des éthiques de la sollicitude ont été observées en éducation relative à l’environnement (Barniaudy, 2020 ; Brière et Moreau, 2024 ; Schindel et Tolbert, 2017). Dans le même temps, des milieux d’engagement écopolitique ont commencé à développer, au Québec comme ailleurs (Westwell et Bunting, 2020), des réflexions et des pratiques ancrées dans la sollicitude. Cela se remarque en particulier au sein de mouvements de jeunes écologistes interpellés par les théories critiques intersectionnelles (telles celles développées par Patricia Hill Collins et Sirma Bilge, 2016) et l’apprentissage de nouvelles manières de s’engager ensemble.

    1 / Les complémentarités de l’éducation et du soin

    Hannah Arendt (1972, p. 251) parlait de l’éducation comme du « point où se décide si nous aimons assez le monde pour en assumer la responsabilité ». La philosophe pensait l’éducation comme un espace de préparation au renouvellement du monde commun, et cette perspective trouve assurément une résonance dans les défis socioécologiques contemporains. Elle dialogue également de manière féconde avec, d’une part, la vision du care selon Joan Tronto et, d’autre part, les principes d’une « culture régénérative » (Wahl, 2016/2022 ; Westwell et Bunting, 2020) qui s’invente et prend forme au sein de collectifs préoccupés par le besoin et la responsabilité de « prendre soin » ensemble de notre monde (Casas-Cortes, 2019).

    Si l’on s’intéresse à l’étymologie du terme éducation, on remarque que l’une des acceptions du latin educare est « prendre soin de ». Le terme educere, aussi partie de l’étymologie de éducation, signifie notamment « mettre au monde, faire éclore ». Éducation et soin (care) sont ainsi liés de longue date. Le vaste domaine de l’éducation à la santé et de la formation aux sciences de la santé a été et demeure un creuset de réflexions important quant aux manières de prodiguer des soins dans certains contextes, surtout médicaux et thérapeutiques. Cela dit, les éthiques de la sollicitude concernent d’autres formes et contextes de soin ; elles s’intéressent aux « besoins multiformes d’un soin au sens ordinaire et non médicalisé du terme » (Ibos et al., 2019, p. 11). Elles proposent de repenser le rapport à soi, aux autres et au monde dans la diversité des situations de vie, au prisme des réalités que sont la vulnérabilité et l’interdépendance. Ces éthiques suggèrent des manières de faire un monde qui sont imprégnées d’attention, de reconnaissance des apports mutuels, de soin. Elles font du care une question éminemment politique, autant en ce qui concerne : 1) la reconnaissance du travail de soin ; 2) les besoins d’un meilleur partage des responsabilités de soin que ; 3) la nécessité de faire de la sollicitude une valeur centrale de l’organisation sociale et du rapport à l’environnement. Les éthiques du care s’engagent ainsi vers le développement d’un rapport plus humble et reconnaissant à l’égard du vivant. Elles ouvrent sur le déploiement d’une écologie de l’attention, d’un savoir-habiter son milieu qui soit curieux du soin inhérent aux enchevêtrements qui composent la trame de vie (Barniaudy, 2020).

    2 / L’importance du soin

    L’éducation à la sollicitude invite à célébrer les liens de soutien qui se tissent dans le monde commun (Mozziconacci, 2016). Alors que l’éducation relative à l’environnement (ERE) nous amène à repenser notre rapport au vivant, les éthiques du care participent de cette réflexion aux côtés de critiques écoféministes et décoloniales. Ensemble, elles sortent le « prendre soin » de l’environnement d’une perspective anthropocentrique, selon laquelle le soin des humains envers l’environnement découle (à tort) d’une posture d’autorité qui serait conférée par une certaine supériorité des capacités réflexives et cognitives. Ces éthiques se détachent donc de perspectives paternalistes et même maternalistes du soin², pour proposer de nouvelles manières de faire communauté, en plaçant la sollicitude au cœur du rapport à l’autre être vivant (soit-il humain ou autre qu’humain), du rapport au territoire, du travail collectif et de l’élaboration de projets politiques. Dans cette vision, le care fait appel à l’intelligence autant qu’à la sensibilité, reconnaissant la valeur et les savoirs que cette sensibilité génère (Ibos et al., 2019, p. 11).

    Une éducation à la sollicitude entendue dans ces termes devrait être intégrée à la formation générale de chaque personne et à l’apprentissage tout au long de la vie, si ce n’est les orienter. Or la réflexion quant à ces besoins et perspectives d’apprentissage apparaît embryonnaire au sein de notre société.

    Dans la suite de ce chapitre, nous clarifierons les différentes dimensions du care, puis, sur la base d’un travail de transposition des éthiques de la sollicitude en un ensemble d’intentions pédagogiques, nous discuterons des principales contributions que ces éthiques peuvent apporter au champ de l’ERE. Nous terminerons en discutant des leviers de transformation personnelle et sociale inhérents aux éthiques et pratiques du care, en particulier en contexte d’engagement écopolitique. Nous verrons alors que la sollicitude amène à repenser la responsabilité, la justice et, plus fondamentalement, le sens des liens qui nous unissent.

    3 / Les différentes dimensions de la sollicitude

    Les éthiques de la sollicitude s’intéressent aux particularités des situations, aux rapports sociaux de pouvoir, aux pratiques du quotidien ainsi qu’à leurs circonstances. Ces éthiques critiquent le rapport instrumental aux autres qu’humains et l’invisibilisation du « prendre soin », historiquement relégué aux femmes et aux personnes

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