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Intoxiquée
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Livre électronique314 pages4 heures

Intoxiquée

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À propos de ce livre électronique

Clermont-Ferrand, vendredi matin. Un silence macabre envahit la scène du crime où gît le corps sans vie d’une femme, méconnaissable et cruellement massacrée. Les traces d’une violence extrême suggèrent un assassin peu scrupuleux. Comment cette tragédie s’est-elle déroulée ? Lors d’une soirée alcoolisée dégénérant en cauchemar ? Au cours d’un cambriolage opportuniste ? Ou bien serait-ce l’œuvre d’un mari jaloux, dévoré par la possessivité ? L’équipe Vidal, composée d’inspecteurs aguerris, se lance dans la traque. Leur détermination inébranlable les guidera-t-elle vers la tanière du meurtrier ? Le compte à rebours est enclenché.


À PROPOS DE L'AUTRICE 


Clémentine Chaumereuil, diplômée en psychologie, explore un aspect sombre dans ses romans pour mieux comprendre les motivations humaines à commettre des actes irréparables. Son roman Intoxiquée traite de la dépendance affective et met en scène deux couples toxiques.
LangueFrançais
Date de sortie16 août 2023
ISBN9791037798473
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    Aperçu du livre

    Intoxiquée - Clémentine Chaumereuil

    Clémentine Chaumereuil

    Intoxiquée

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Clémentine Chaumereuil

    ISBN : 979-10-377-9847-3

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    À toutes celles qui se battent et périssent au nom de la liberté.

    Prologue

    Le soleil filtrait par la fenêtre de la chambre d’Hippolyte. Cette matinée de septembre était bien calme et lorsque la jeune femme ouvrit les yeux, ce fut le silence qui l’accueillit à bras ouverts. Pour la première fois depuis plusieurs mois, elle venait de dormir seule. Dans son lit, entre ses draps froids. Il n’y avait pas les bras d’Anaëlle pour l’enlacer et la réchauffer. Il n’y avait pas non plus ses tendres baisers pour remplir son être qui paraissait si vide, pour faire frissonner sa peau et lui donner le sourire. Aujourd’hui, il n’y avait rien de tout ça. Et à l’avenir, il n’y aurait plus rien de tout ça. Il n’y aurait plus qu’un soleil glacial pour illuminer les tristes jours de sa vie.

    Hippolyte se tourna sur le côté, remontant son bras et posa sa main sur le côté de l’oreiller, ses yeux fixèrent la commode qui lui faisait face. Anaëlle avait pris ses dernières affaires hier. Elle avait vidé les derniers tiroirs que la jeune femme lui avait laissés. Ce fut le cœur de l’appartement qu’elle avait pris en quittant les lieux. Elle avait même claqué la porte, comme si quitter Hippolyte n’avait pas été suffisamment douloureux. Il fallait toujours qu’elle en rajoute de toute façon. La jeune policière soupira.

    Chaque matin, depuis le début du conflit jusqu’à aujourd’hui, Hippolyte devait puiser dans ses réserves pour se motiver à sortir du lit. Elle devait assurer ses heures de travail, comme tout le monde. Elle sortit son corps lourd du lit et prit la direction de la salle de bain, à cet endroit où a lieu le même rituel chaque jour : douche, savon, habillage. Toujours la même route à prendre pour aller jusqu’au commissariat, et toujours les mêmes têtes à voir.

    C’était parfaitement vrai : la nuit avait été très courte, et les nuits précédentes n’avaient rien à lui envier. Les cernes décoraient ses yeux, sa peau avait perdu en couleur et la lumière dans ses pupilles s’était éteinte. Le lieutenant Perret la prit sous son bras et l’amena dans la salle de pause.

    Hippolyte leva les yeux au ciel et en but une gorgée, tandis qu’Emma Perret se prépara à son tour un café. Elles n’étaient que toutes les deux dans la salle de pause, cela leur laissait un instant pour échanger encore un peu.

    Le lieutenant Perret écarquilla les yeux et faillit recracher son café. Mais elle comprit qu’il était inutile de la relancer sur le sujet, Hippolyte exécuterait une autre pirouette pour s’en sortir.

    Malheureusement pour elles deux, et heureusement pour les civils, aucune affaire n’était en cours, il n’y avait que de la paperasse à faire concernant un crime précédent. Rien de trépidant. La conversation s’arrêta là, Hippolyte sortit de la salle de pause pour rejoindre son bureau et s’occuper de sa propre paperasse. Laissant derrière elle un froid glacial. Elle avait beau lire les mots qui parsemaient les feuilles, la jeune femme avait du mal à se concentrer. Elle n’arrivait pas à penser à autre chose qu’Anaëlle. À son regard. À ses mots. À sa silhouette qui s’éloigne et son être entier lorsqu’elle avait claqué la porte de l’appartement. Et elle avait beau lutter, il lui était impossible de chasser les images de sa tête. Tout comme il lui était impossible d’ignorer son cœur qui se serrait dans sa poitrine.

    Soudainement, la faisant sursauter, le commandant passa sa tête dans l’open-space où se trouvait Hippolyte et l’appela.

    Si elle tenta de masquer son sursaut, ce fut en vain. Elle se leva et suivit le commandant jusque dans le couloir. Il n’avait pas un bureau entre quatre murs comme le commissaire, et l’intuition d’Hippolyte lui souffla que le commandant vînt tout juste d’en sortir.

    — N’en voulez pas à votre collègue, mais elle m’a confié que vous étiez souffrante. Pourquoi ne pas l’avoir signalé ?

    — Vous n’avez aucune enquête, vous pourriez en profiter pour vous reposer et revenir demain. Ça n’arrive pas tous les jours.

    — Vous comprenez vite, lieutenant Versini. Vous pourrez confier vos rapports à qui vous voulez. Pour cette fois uniquement, précisa-t-il avec un sourire.

    Elle soupira et la conversation se termina. En allant regrouper sa paperasse, Hippolyte la laissa tomber lourdement sur le bureau de sa collègue.

    — Il paraît qu’il ne faut pas que je t’en veuille. Et je crois que tu as gagné le gros lot, lieutenant Perret.

    Hippolyte lui lança un regard assassin avant de se détourner d’elle et de sortir. Sa coéquipière n’eut pas même le temps d’articuler ne serait-ce qu’un mot d’explication.

    La jeune femme fulminait dans les rues. Elle avait envie de hurler à la trahison et même d’envoyer un sms enflammé à sa « coéquipière ». Mais elle se retint, parce qu’au fond d’elle-même, elle savait pertinemment qu’elle n’était responsable en rien de tout ce qui se produisait dans sa vie. Hippolyte ne devait en vouloir qu’à elle-même. Elle n’avait pas été à la hauteur, elle n’avait pas été en mesure de garder Anaëlle auprès d’elle ; elle n’avait pas su la rendre heureuse ; pas su combler ses envies et ses désirs ; pas su donner suffisamment. Toute cette déception et toute cette frustration remontaient en elle, comme si depuis tout ce temps, elles s’étaient cachées et avaient guetté le meilleur moment pour sortir. Et l’engloutir tout entière.

    La jeune policière prit le tramway pour rentrer chez elle ; tentant de ne pas se laisser envahir par les larmes qui menaçaient de couler à flots. D’envahir ses yeux et de conquérir ses joues. Elle parvint à attendre d’être arrivée chez elle pour se lâcher entièrement. Elle tomba à genoux, de manière brutale. Épuisée, elle s’écroula dans son entrée. Ce fut comme si elle perdit connaissance ; son être n’étant plus en mesure de supporter la douleur psychologique.

    Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle fixa le plafond, tentant de se reconnecter au monde extérieur. Cela lui fit l’effet d’une bouffée d’air ; l’une de celles que l’on a quand on reprend son souffle après être resté trop longtemps sous la surface. Sans se soucier de l’heure, la jeune femme se leva et se dirigea dans sa chambre. Elle s’affala sur son lit, retira ses vêtements et se glissa maladroitement sous les draps. Toujours froids. Et toujours seule.

    1

    Dans le crépitement des flashs, les deux lieutenants de police se faisaient face, la mine grave. Elles avaient déjà fait un tour de l’appartement et avaient procédé aux premières constatations. À leurs pieds gisait le cadavre d’une femme. Ensanglanté, son corps ayant pris une posture rigide. Des ecchymoses étaient visibles sur plusieurs parties de son corps : chacune des parties découvertes virait au bleu, au jaune, au vert. Son visage était tuméfié ; elle était méconnaissable.

    Dans un coin de l’appartement, enroulée dans une couverture de survie, avec un café en main, tremblante, se trouvait Mathilde Dupuis. Ce fut elle qui fit la découverte du cadavre de son amie. Ce fut elle, également, qui appela la police. Après quoi, très rapidement, les lieutenants Versini et Perret prirent la route pour arriver à l’appartement du couple dans le quart d’heure qui suivit. Le légiste et l’équipe de la PTS¹ étaient déjà sur les lieux lorsqu’elles étaient arrivées.

    Jérémy Vallet, le légiste en charge sur l’enquête, leur annonça ses premières constatations.

    — À première vue, je dirais qu’elle a été battue à mort. On voit bien les ecchymoses sur son corps, sans parler de son visage qui a été massacré. Elle serait morte, selon la rigidité cadavérique et la couleur des bleus, il y a onze voire douze heures.

    — C’est ça, c’est ce que je suis en train de dire. Et je peux t’assurer qu’elle a passé un sale quart d’heure. J’en saurai davantage lors de l’autopsie, mais je peux t’assurer qu’elle n’a pas que le nez qui est fracturé. Reste à savoir lequel de ces coups a eu raison d’elle.

    — Je vous le dirai quand j’approfondirai l’examen. Mais ça ne m’étonnerait pas, ça t’aide ?

    Toutes deux se détournèrent du cadavre et du légiste pour discuter entre elles et évoquer des affaires similaires, des théories criminelles et des suspects hypothétiques. Ce fut un officier de police qui les interrompit, concerné par l’impatience du témoin. Alors elles se dirigèrent vers elle, cette dernière était encore sidérée par la découverte du corps de son amie. Le choc avait été violent. Ses yeux fixaient le vide la plupart du temps, et ils étaient plus écarquillés que la normale. Elle avait perdu des couleurs, et la fatigue se lisait sur son visage. Elle avait des cernes. Quelque chose la contrariait et ça ne datait pas d’aujourd’hui.

    — Depuis combien de temps vous connaissiez la victime ? demanda le lieutenant Perret.

    — Je l’ai connue à mon travail, on travaille dans la même banque… Enfin, elle travaillait. Et elle était douée dans son domaine. Donc je ne sais pas… Depuis une dizaine d’années, mine de rien. On était plus que des collègues de travail, c’était vraiment mon amie.

    Hippolyte prenait des notes dans un petit carnet pendant que sa coéquipière posait les questions.

    — Vous saviez si Isabelle Durand avait quelqu’un dans sa vie, des enfants ? Ses parents, ils sont toujours en vie ?

    — Elle est mariée, oui, à Jérôme. Jérôme Durand, articula-t-elle avec difficulté. Je pense que vous devriez lui parler… Ils ont deux enfants… Les pauvres…

    Mathilde Dupuis étouffa un sanglot.

    Un officier de police fit signe d’approcher au lieutenant Versini qui laissa sa coéquipière gérer l’interrogatoire. Mathilde Dupuis était suffisamment sous le choc comme ça, inutile de l’étouffer. Il lui tendit un sachet de preuve à conviction. Ce dernier contenait un téléphone portable qui était actuellement en train de clignoter et de vibrer.

    — Un certain Jérôme n’arrête pas de la harceler de SMS et d’appels. Qu’est-ce qu’on fait, lieutenant ?

    Hippolyte était rarement du genre à paniquer, mais s’il y avait bien une chose qu’elle détestait par-dessus tout dans son métier, c’était annoncer le décès à un proche. Le lieutenant Perret avait bien plus d’expérience dans ce domaine. Surtout parce qu’elle ne prenait pas les choses trop à cœur.

    Après quelques sonneries, on décrocha enfin.

    — Isa enfin ! Je me suis fait un sang d’encre, tu peux pas savoir comment. J’ai cru que tu m’en voulais d’avoir bu un coup avec les copains et de ne pas être rentré de la nuit…

    — Oui, oui, c’est moi ! Qui êtes-vous et où est ma femme ? demanda-t-il, durcissant le ton.

    — Je suis désolée de vous l’apprendre, monsieur, nous avons retrouvé le corps sans vie de votre femme. Je vous présente mes sincères condoléances, récita solennellement Hippolyte comme une élève modèle.

    Tout ce qu’elle entendit par la suite fut les bips lui faisant comprendre que son interlocuteur venait de raccrocher. Après tout, elle aurait peut-être dû décliner son identité avant d’en venir aux faits.

    Elle regarda dans la direction du lieutenant Perret ; elle était toujours avec le témoin. Il aurait mieux valu ne pas l’interrompre, mais c’était un cas d’urgence, probablement. Que pouvait faire le mari de la femme décédée en déduisant la mauvaise nouvelle ? Elle demanda alors à l’officier de police judiciaire de lui ramener sa partenaire pendant qu’elle remettait le téléphone dans le sachet, la texture métallique du téléphone glissa entre ses gants chirurgicaux. Ce dernier tomba au fond du sac lorsque le lieutenant Perret arriva à sa hauteur.

    — J’ai pas eu le temps d’en placer une. Et il m’a raccroché au nez quand je lui ai demandé de décliner son identité, expliqua-t-elle

    — Ouais, et il sait pas qui t’es j’imagine. Merde, Hippo, c’est quand même pas compliqué de s’identifier avant l’autre. Ça fait cent fois que je te le dis !

    Soudainement, quelqu’un dont la voix portait se fit entendre à la fois dans le couloir de l’immeuble ainsi que dans l’appartement.

    Visiblement, quelqu’un cherchait la morte et malheureusement il allait bientôt la trouver. Les deux officiers qui gardaient la porte ne devaient pas être là puisqu’il entra comme si de rien n’était et lorsque ses yeux fixèrent le cadavre de sa femme ; il s’évanouit.

    — Alors, celle-là, tu me l’avais encore jamais faite… commenta gratuitement le lieutenant Emma Perret.

    Elle haussa les épaules. Hippolyte souffla et alla s’occuper du mari de la victime, le relevant et l’amenant à s’asseoir sur une chaise tandis qu’il reprenait connaissance. Les deux femmes se mirent à son niveau, avec une bouteille d’eau en main et surtout en masquant son périmètre de vision.

    — C’est moi que vous avez eu, je vous ai appelé pour vous apprendre que votre femme est morte assassinée.

    — C’est pour ça qu’on est là, reprit Emma Perret, on a pris l’enquête. Qu’est-ce qui vous a pris de venir chez vous ? Pourquoi ça a été votre premier réflexe ?

    — Je buvais un coup avec des copains, je l’ai dit à votre collègue en pensant que c’était ma femme qui me rappelait. Elle aime pas quand je rentre pas de la nuit quand je passe une soirée arrosée.

    Il se leva, s’appuyant sur le mur, et tint bon sur ses jambes. Jérôme Durand était encore un peu chancelant, mais allait s’en remettre. Et c’était mieux ainsi pour les deux lieutenants qui allaient étouffer l’incident.

    — Bien, nous vous recontacterons pour que vous veniez faire une déposition au commissariat. Et appelez-nous si vous vous rappelez quelque chose. Même si c’est un détail ; ça peut nous aider, expliqua le lieutenant Perret en lui tendant sa carte.

    — Un officier de police va vous expliquer la procédure, je vous conseille de repasser plus tard pour prendre des affaires. Vous allez devoir dormir chez un ami le temps de l’enquête.

    — Monsieur, s’il vous plaît, par ici, lui indiqua un officier de police qui l’escorta hors de l’appartement.

    Les deux jeunes femmes soupirèrent. Elles regardèrent autour d’elles, et tout le monde était affairé à ses petites affaires : cela ne s’ébruiterait pas au-delà de ces 4 murs.

    Elles sortirent de l’appartement, n’y ayant plus rien à faire. Le témoin était parti. Le mari également, et le légiste était retourné s’enfermer dans le royaume de la morgue. Tout le monde remballait et s’apprêtait, à la suite, à poser les scellés. Les deux jeunes femmes montèrent en voiture, et Hippolyte prit le carnet de sa coéquipière.

    Le lieutenant Emma Perret secoua la tête en levant les yeux au ciel. Elle démarra la voiture et prit une direction qui semblait définie d’avance.

    — Bon, Mathilde Dupuis, 38 ans, divorcée, deux enfants. Son ex-mari n’entre même pas dans le tableau, il est à l’étranger pour un « voyage d’affaires » et je la cite. Elle est dans la même banque que la victime, et elle a demandé à pouvoir aménager ses horaires tant qu’elle les fait dans la semaine et qu’elle suit le mouvement, quoi. C’est pour ça que certains matins, avant d’aller bosser, elle va voir Isabelle Dupuis. Je veux bien une amie comme elle. Enfin bon. Faut qu’on se méfie du mari, parce qu’apparemment c’est à cause de lui qu’Isabelle ne voit plus personne. Elle suspecte qu’il la frappe ; mais notre victime ne lui a jamais dit explicitement. Mathilde Dupuis m’a conseillé de creuser cette piste, mais bon… Il a un alibi non ?

    — Ouais, si on peut appeler ça un alibi hein… Il a passé la soirée à boire avec ses potes et il semblerait qu’il ne soit pas rentré de la nuit.

    — Intéressant… Toujours est-il que notre « témoin », si je puis dire, mentionne des faits troublants. Des yeux au beurre noir, des fractures, et j’en passe. Elle est quand même sacrément maladroite notre victime.

    — Je veux pas dire hein, Emma. Ça peut coller, bien entendu. Mais on fait quoi des preuves évidentes de cambriolage ? Fracturation de la porte, vols des bijoux, agression et meurtre. C’est déjà arrivé, tu…

    — Je sais bien. Mais je ne veux pas qu’on écarte encore la moindre piste. Je veux des preuves et elles nous diront ce qui s’est réellement passé hier soir.

    — Et on va où là, exactement ?

    — Chez les parents de notre victime. Il va falloir qu’on leur annonce la nouvelle. Et laisse-moi le faire.

    Emma esquissa un large sourire. Il lui semblait avoir retrouvé sa coéquipière. Mais pour combien de temps ? Combien de temps avant que Hippolyte ne disparaisse à nouveau ?

    La concernée se le demandait bien aussi. Aujourd’hui, c’était une journée qui se déroulait plutôt bien contrairement à d’habitude. La tête d’Hippolyte était à la surface de sa mer d’angoisse et de mal-être. Travailler l’aidait et le lieutenant Perret savait pertinemment qu’il ne fallait pas qu’on lui tourne le dos maintenant. Hippolyte était loin d’avoir envie de passer par l’interrogatoire de sa collègue et amie ; mais elle avait encore moins envie de couler.

    Quelques minutes plus tard, elles garèrent la voiture à proximité de la maison des Mercier. Elles échangèrent un regard avant de frapper à la porte. Ce fut Arthur Mercier qui leur ouvrit la porte. Il avait l’air tout à fait normal, il souriait même et il était radieux. Comment pouvait-on réagir à la perte de sa propre fille ? Ce sourire allait être dévasté, Hippolyte en était certaine. Elle ne voulait pas être celle qui vole les sourires ; elle voulait les rendre en résolvant des enquêtes et en réparant des cœurs brisés.

    — Au sujet de votre fille, je suis désolée d’insister, monsieur Mercier, mais je crois que c’est mieux si on en parle à l’intérieur.

    À ces mots, il ouvrit en grand la porte et les laissa entrer. Hippolyte le salua d’un signe de tête. Elles furent guidées jusque dans le salon, où se trouvait déjà Annick ; la mère d’Isabelle. Elle lisait un livre qu’elle posa immédiatement dès qu’elle vit les inspectrices. Elle les salua et les invita à s’asseoir.

    — C’est au sujet de votre fille. Je ne vais pas passer par quatre chemins, nous l’avons retrouvée assassinée ce matin… Je vous présente mes plus sincères condoléances.

    Le choc ne fut pas des moindres, ce fut d’autant plus le cas lorsque le lieutenant Perret continua sur sa lancée : pour le moment, la police n’avait aucun suspect, ils pourraient voir le corps de leur fille, mais elle était défigurée… Arthur Mercier prit sa femme en larmes dans ses bras pour la consoler. Les questions furent multiples ; qui, pourquoi, comment, quand ? La dernière question concernait la souffrance de la mort de leur fille. Il ne fallait pas mentir, mais dire la vérité serait difficile à entendre et ils avaient déjà souffert des réponses à leurs précédentes questions. Le lieutenant Perret choisit d’ignorer cette curiosité et elle passa à la deuxième étape de l’entretien avec eux.

    — Est-ce que vous lui connaissez des gens qui lui auraient voulu du mal ? Ou avec qui elle avait des conflits ?

    — Quelqu’un susceptible de lui faire vivre l’horreur que vous avez décrite ? Bien sûr que non, Isabelle était une bonne personne, elle était appréciée de ses collègues, commença Annick Mercier, sa mère.

    — Et puis vous savez, elle était excellente dans son travail. Aucun client ne s’est jamais plaint d’elle. Vous pourrez vérifier, compléta son père.

    — Après vous savez, depuis qu’elle est avec son mari, nous ne la voyons plus beaucoup. Elle nous écrit quand elle n’a pas le temps de passer et… Chéri, tu pourrais…

    Il se leva de son fauteuil et sortit du salon ; disparaissant derrière un pan de mur. Désormais elles n’étaient plus qu’avec Annick Mercier qui, à première vue, semblait vouloir être silencieuse en l’absence de son mari. Finalement, elle fit une déclaration. Elle avait attendu le départ de son époux.

    — Vous devriez vous méfier de son mari, Jérôme. Il est bien trop gentil, si vous voulez mon avis. Mais ne dites rien à mon époux, il l’adore… Le voilà qui revient, prévint-elle.

    On entendit un bruit de grincement, puis quelques secondes plus tard, Arthur Mercier était de retour dans le salon avec des boîtes à chaussures remplies.

    Hippolyte saisit les boîtes tandis que le lieutenant Emma Perret donnait sa dernière instruction.

    — Voici ma carte, si vous avez le moindre élément qui vous revient en mémoire, n’hésitez pas à nous téléphoner ; ma collègue ou moi. Nous avons la même ligne.

    Elles se levèrent en même temps et se partagèrent les boîtes contenant les lettres d’Isabelle Durand. Elles saluèrent les Mercier, sortirent de leur maison et rejoignirent leur voiture. Elles disposèrent les boîtes dans le coffre. Hippolyte lâcha un long soupir, comme si elle avait été en apnée durant tout l’entretien.

    Une fois de retour sur la route et après quelques minutes de silence, Emma se décida à parler.

    — Ils ont affiché le plus beau de leur masque. Et là maintenant, ils doivent être tellement dévastés Em…

    Le trajet retour ne parut pas aussi long qu’à l’aller. Hippolyte admirait la force et le courage de sa collègue. C’était une des raisons pour lesquelles elles formaient un si bon duo : elles se complétaient, comblaient les lacunes de l’autre. Leur harmonie se faisait de façon de subtile.

    Le lieutenant Emma Perret déposa sa coéquipière au poste de police afin qu’elle rejoigne son bureau et anticipe la prochaine étape de l’enquête tandis qu’elle allait à un rendez-vous personnel. C’était toujours

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