Le temps d’une passion
Gilles lit doucement : – « Alors il prit le coffret et, oubliant la recommandation du dragon, il l’ouvrit. Un nuage blanc en jaillit qui l’enveloppa tout entier. Une fois la fumée dissipée, le jeune pêcheur se trouva transformé en un vieillard rabougri aux cheveux d’argent et à la longue barbe blanche… » Voilà !
– Elle est triste, ton histoire !
Gilles referme le recueil de contes japonais déniché dans une brocante et dont les illustrations l’avaient séduit.
Il se tourne vers sa fille avec un sourire contrit :
– Tu as raison. Demain soir, je te lirai l’histoire de la théière qui danse. Je suis sûr qu’elle te plaira.
Après un court silence, la petite voix d’Apolline s’élève de nouveau :
– Quand est-ce que maman vient me voir ?
Gilles soupire, prend la main d’Apolline posée sur le drap et la serre dans la sienne.
– Maman habite très loin, tu sais. Elle ne peut pas prendre l’avion toutes les semaines.
Il dépose un baiser sur le front de la fillette.
– Dors, ma chérie. Il est tard. Je laisse la lumière allumée dans le couloir.
Après avoir fumé sur le balcon la dernière cigarette de la journée, il s’allonge sur son lit et ferme les yeux. Les soirs de cafard, il pense aux occasions qu’il n’a pas su saisir, aux décisions qu’il n’a pas su prendre. C’était Giulia qu’il aimait. C’était avec Giulia qu’il voulait faire sa vie. Pourtant, au cours de cette maudite soirée organisée par son ami Vincent, son regard avait croisé celui de la troublante Solenne et il avait été littéralement envoûté. Ils ne s’étaient pratiquement pas parlé, ils avaient juste échangé quelques mots sans importance. Mais la chanteuse lyrique qui se produisait dans une petite salle de concert parisienne pour quelques récitals avant une tournée en province avait ébranlé ses certitudes. Avec son port de reine, son assurance
