Le tableau inachevé
Par Michel Lapierre
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À propos de ce livre électronique
Cette enquête est diligentée dans un milieu peu connu : le trafic des œuvres d’art au niveau international. L’Office Central Contre le Trafic des Biens Culturels vise une délinquance organisée dégageant des profits particulièrement importants.
Dans quelle galère l’artiste a-t-il été embarqué, par qui, et pour quoi ?
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Le tableau inachevé - Michel Lapierre
Le tableau inachevé
Michel Lapierre
Le tableau inachevé
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
Coup de gomme.
Roman policier. Editions du Net. 2016
La grenouille.
Roman policier. Éditions du Net. 2017
Le maudit du canal.
Roman policier. Éditions du Net. 2018
Le cinquième fils Aymon.
Roman policier. Éditions du Net. 2020
Une fin en soie.
Roman policier. Réédition. Éditions du Net. 2020
Des vers dans le fruit.
Roman policier. Éditions du Net. 2021
Coming out chez les flics.
Témoignage autobiographique. Editions du Net. 2022
En co-écriture avec Denis Bruyère :
L’Histoire des pompiers du Pays d’Alby-sur-Chéran.
Histoire. Éditions « Je fais mon livre ». 2017
Bonjour papa !
Pièce de théâtre. Comédie. 2017
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12977-8
« Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. »
Alphonse de Lamartine
Avant-propos
Cette histoire est une pure fiction. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées ne peut être que fortuite.
La fiction a le pouvoir d’arranger bien des choses. Afin que le lecteur se sente bien dans l’environnement où se déroule cette histoire policière, et qu’il oublie un peu les temps tourmentés que nous traversons, j’ai voulu ne pas faire porter de masques à mes personnages qui ne courent aucun danger sanitaire…
Un seul être vous manque…
Mardi 19 octobre 2021, 19 h 00. Voiron
Depuis ce matin, c’est la troisième fois qu’il entre dans la pièce. Il regarde chaque recoin, son regard se pose sur la toile posée sur le chevalet depuis… un mois et demi ! Il admire le coup de crayon avec lequel Alexandre a dessiné l’ébauche du projet qu’il n’a pas retouché depuis. En deux traits il a dessiné un couple enlacé, ce sera à coup sûr encore un beau tableau, encore faudrait-il qu’il s’y remette ! Ah ce garçon, un artiste dans toute sa splendeur.
Edouard est un peu inquiet ces jours-ci. Onze jours sans nouvelles de son fils. Bien évidemment il n’appelle pas son ex-femme pour lui faire part de son inquiétude, elle lui rirait encore au nez, le traitant comme toujours de « papa-poule ».
D’habitude Alex lui laisse un message ou lui envoie un SMS, mais rien, il est certain qu’il n’a même pas pris connaissance des cinq messages qu’il lui a laissés sur son répondeur. Il bout intérieurement. Il connaît son rejeton, mais cette fois-ci, il a un drôle de pressentiment.
Il s’est assis sur le fauteuil en osier qui lui permet d’avoir sous les yeux l’ensemble de la chambre atelier qu’il a fait réaliser il y a trois ans sur les plans dessinés par son fils. C’était une chambre assez grande avec une fenêtre des plus classiques dans l’angle de la maison, et attendu l’exposition au Sud, la lumière était idéale. Pour ses dix-huit ans, Alex avait souhaité avoir une verrière lui offrant la vue imprenable sur l’agglomération de Voiron. Sans hésitation son père avait fait faire les travaux, et c’est ainsi que la chambre atelier était née. L’artiste en devenir y avait créé maladroitement ses premières œuvres, et quand après le Bac il est entré aux beaux-arts de Grenoble, sa main est devenue plus sûre et son imagination a fait le reste. Des tableaux sont nés ici dans cette pièce.
Le père, fier de son fils, en a vendu quelques-uns à des admirateurs, des membres de son entourage, et précautionneusement il a versé l’argent sur un compte spécial, compte qu’il surveille régulièrement, car il connaît aussi le côté dépensier de l’artiste…
Certes, il pourrait, pour se rassurer, aller à Grenoble essayer d’entrer en contact avec Alex à l’appartement où il vit en colocation avec trois autres élèves des beaux-arts, mais il a peur de se ridiculiser tant auprès des potes de son fils qu’auprès d’Alex qui serait certainement plus qu’embarrassé de sa visite. Edouard, ton fils a 21 ans, tu ne veux pas lui lâcher les baskets, lui murmure sa conscience, va plutôt te préparer ton repas, ça t’occupera.
Il quitte la pièce à regret, et va se préparer un plat de spaghettis à la courgette, une de ses spécialités dont raffole… Alexandre ! Zut, encore lui, si seulement l’odeur le faisait venir !
Depuis six ans qu’il est séparé de Corinne, et qu’il a obtenu la garde de son fils, il n’a eu qu’un objectif, faire en sorte qu’Alex ne manque de rien et qu’il réussisse dans sa vie selon son choix. C’est un artiste qui va finir sa dernière année aux beaux-arts, c’était son vœu, il est content. Seulement vivre aux côtés d’un insouciant n’est pas de tout repos.
Avec tout ça, il a un peu oublié sa vie intime, bien sûr il y a eu quelques aventures mais elles n’ont pas duré longtemps. Depuis deux ans il est vraiment seul, et là, avec cette absence qui l’inquiète, sa solitude est pesante.
Sa vie professionnelle l’accapare. Son entreprise de conseil en informatique et développement de sites internet, fonctionne bien. Placée à proximité des grandes zones industrielles et commerciales de Grenoble, les huit salariés ne chôment pas, et le patron est aussi attentionné avec ses collaborateurs qu’avec son fils !
Il sent que le week-end qui se présente va être long s’il n’a pas de nouvelles d’Alex.
Où est Alexandre ?
Une semaine plus tard, mardi 26 octobre. 18 h 00
Cette fois-ci, c’en est trop, il quitte son bureau plus tôt que d’habitude et se rend à l’appartement qu’Alexandre partage avec ses copains. Ils avaient choisi de se loger pas très loin de l’école, rue Hoche.
Toute la semaine il a encore tenté de le joindre sans résultats, et là il commence vraiment à s’inquiéter. Bien sûr son ex-femme, ses amis, des amis de son fils, tentent de le rassurer, mais le silence est pesant et étonnant. Il veut bien que son artiste de fils vive sa vie, à 21 ans c’est logique, mais presque trois semaines sans nouvelles cela ne s’est jamais produit.
Quand il reçoit un SMS tous les deux ou trois jours et rarement un appel, ce sont des conversations très basiques basées le plus souvent sur les cours et les virées avec les potes. Et tous les dix jours à peu près, le sac de linge sale à laver permet un contact qui dure le temps de la lessive !
Il lui est arrivé pour venir voir son père, de se faire transporter par un des coloc qui possède une voiture, car Alex n’a pas le permis. Il a essayé mais l’artiste est toujours dans un autre monde, même au volant, et il a emplafonné deux fois la voiture de l’auto-école ! Il pensait à autre chose… du coup il a remis à plus tard le permis de conduire, il voyage dans les transports en commun ou avec ceux qui ont la gentillesse de le conduire.
Edouard tourne un moment dans le quartier, pas facile de trouver une place.
Au moment où il arrive devant l’immeuble, le hasard veut qu’il rencontre un des colocs.
« Bonjour Hugo !
– Oh, pardon… bonjour… Monsieur… Gauthardi, répond le jeune mec, d’un air embarrassé.
– Je suppose que tu sais pourquoi je viens ici ?
– Euh… ben… c’est pour Alex…
– Evidemment. Il est là ?
– Non… on l’a pas vu depuis quelques jours…
– Depuis combien de temps ?
– Trois semaines…
– Et cela ne vous a pas inquiétés ? Je vais monter avec toi je voudrais rencontrer les autres. »
Quand ils arrivent dans l’appartement, Edouard, constate que ce n’est pas l’entretien qui doit fatiguer les occupants, poussière, vêtements plus ou moins sales un peu partout. Un autre garçon est là affalé dans un fauteuil en train de pianoter sur son smartphone.
« Je ne vous dérange pas ? demande Edouard d’un air un peu sec. Bonjour d’abord !
– Euh… Bonjour monsieur…
– Vous devinez, je pense, les raisons de ma présence ? Vu la gêne que vous affichez je connais la réponse ! Vous n’avez plus de nouvelles d’Alex depuis trois semaines m’a dit Hugo en montant, et pas un seul d’entre vous n’a eu l’idée de me contacter ?
– … ben… on a pensé qu’il était chez vous…
– Vous avez, je suppose, essayé de le joindre sur son portable…
– Voui, on a essayé, sans résultats.
– Et c’était quand le dernier jour où vous l’avez vu ?
– Le vendredi 8 octobre en fin d’après-midi…
– Et nous sommes le 26 octobre et vous n’avez rien fait ! Vous avez signalé son absence au Beaux-Arts ?
– Ben… Ils s’en sont rendu compte, et nous, on pensait qu’ils allaient vous prévenir, mais quand on leur a demandé, ils ont répondu qu’un élève de 21 ans peut ne pas venir, ce n’est pas pour autant qu’ils vont prévenir les parents !
– Ah oui ! Je crois qu’il va y avoir des explications à me donner de ce côté également. Est-ce qu’il vous a dit où il allait quand il est parti ce vendredi soir ?
– Euh… non, vous savez on se flique pas entre nous, on a pensé qu’il avait trouvé une nouvelle copine…
– Il avait l’habitude de partir plusieurs jours comme ça ?
– Ça arrivait pour une teuf ou une fille, mais ça ne durait pas, un jour ou deux…
– Je voudrais voir sa chambre. »
Les garçons le conduisent dans le couloir qui dessert les pièces. Quand il entre, il croit défaillir, un bordel indescriptible s’offre à lui. Bien sûr les vêtements traînent, là encore, les draps sont dans un triste état. Il ouvre simplement les portes des deux placards et ne fouille rien.
« Bon, je vais être clair avec vous, je ne touche rien, je fais des photos avec mon smartphone, et nous allons quitter cette pièce que je vais fermer à clé, clé que j’emporte avec moi. Je vous informe que dès demain, je vais me rendre au commissariat de police pour faire un signalement de disparition inquiétante. Bien sûr il va y avoir une enquête et vous allez être interrogés, vous avez tout intérêt à bien collaborer avec la police, et j’espère que le temps que nous avons perdu ne sera pas préjudiciable à l’issue de cette disparition.
– Mais m’sieur, on n’y est pour rien nous, il a peut-être voulu s’évader un peu…
– A deux mois de son dernier examen j’en doute, il a beau être farfelu, il tient particulièrement à son diplôme. De toute façon si vous n’êtes pour rien dans sa disparition, les flics s’en rendront compte tout de suite.
– Euh… m’sieur Gauthardi, ça m’ennuie de vous dire ça, mais… Alex n’a pas payé sa part de loyer depuis trois mois…
– Quoi ? Mais je lui fais tous les mois le virement sur son compte ! Bon, je vais vous faire un virement de ces trois mois qu’il doit, que l’un d’entre vous me donne son RIB, je le fais tout de suite. Bien sûr s’il reste dans la nature encore quelques temps, vous aurez tout intérêt à lui trouver un remplaçant. En attendant nous échangeons nos numéros de portables, ceux qui ont des infos m’appellent. »
La machine se met en marche
Mercredi 27 octobre. Voiron
Ce matin, avant de se rendre au travail, Edouard appelle le maire de la ville qu’il connaît bien. Il lui explique ce qui arrive et lui demande de contacter le chef de la circonscription de Sécurité Publique, car il craint de ne pas être pris au sérieux à l’accueil du commissariat. Quelques minutes plus tard c’est le commandant divisionnaire Pierrick Le Floc qui le contacte. Lui ayant expliqué son problème succinctement, l’officier l’invite à venir le voir sans attendre.
Dès son arrivée au commissariat, il est conduit au premier étage où un homme d’une cinquantaine d’années, pas très grand, l’air jovial, l’accueille avec sympathie.
« Monsieur Gauthardi, je comprends votre réserve quant à l’accueil qui aurait pu vous être réservé, mais sachez que depuis plusieurs années, policiers et gendarmes sont formés à l’écoute des personnes qui sont un souci par rapport à la disparition soudaine d’un proche. Chaque année en France près de quarante mille personnes disparaissent, plus de trente mille sont retrouvées. Nous recommandons toujours un délai de quarante-huit heures avant de déclencher une procédure de disparition inquiétante, car bien souvent, des mineurs notamment, sont retrouvés dans les deux jours. En ce qui vous concerne vous avez attendu quand même trois semaines. Donnez-moi plus de détails sur les recherches que vous avez entreprises. »
Edouard lui explique ce qu’il a fait, les messages sur le répondeur, les recherches auprès de personnes qui connaissent Alexandre, et surtout la visite faite à la colocation hier.
« J’ai tenu à fermer sa chambre à clé, chaque chambre ayant une serrure différente dans cet appartement de façon à ce que les résidents des lieux puissent se sentir un peu plus chez eux. J’ai pris la clé avec moi si vous souhaitez effectuer une visite.
– Je dois vous préciser plusieurs choses Je vais prendre votre déposition pour signaler cette disparition inquiétante, en justifiant ce qui vous entraîne à la juger dangereuse pour votre fils. Je vais ensuite informer le procureur de la république et c’est lui qui va enclencher la machine judiciaire. Il va demander la saisine de la Police Judiciaire de Grenoble, qui a dans ses effectifs, une capitaine détachée par l’Office Central pour la Répression des Violences aux Personnes{1}. Ce service centralise les enquêtes sur les disparitions et l’information de recherche va être diffusée non seulement sur le territoire national, auprès des services de police et de gendarmerie, mais si besoin auprès d’Interpol.
– Cela va prendre encore du temps, vous ne pensez pas ?
– Pas du tout, je vais prendre votre audition, ensuite nous allons, avec un de mes collaborateurs, nous rendre avec vous à l’appartement où loge votre fils. Assurez-vous qu’au moins un des colocataires soit obligatoirement présent sur place, puis suivant les éléments que nous allons recueillir, la PJ risque d’être saisie très rapidement. »
Il est loin le temps où les policiers tapaient avec deux doigts sur d’antiques machines à écrire sur lesquelles étaient insérés quatre, voire cinq feuilles entre lesquelles étaient glissées des feuilles de papier carbone. Bien souvent le document du dessous était pratiquement illisible… Ce matin le commandant, avec une dextérité incroyable, rédige le procès-verbal sur son ordinateur, mentionnant avec minutie toutes les tentatives pour entrer en contact avec Alexandre, et dans les minutes suivantes l’imprimante sort les exemplaires.
Le policier contacte ensuite l’opérateur gérant le téléphone portable du disparu et demande en urgence l’envoi par mail des fadettes{2} sur les quatre dernières semaines avec la localisation des appels.
Edouard appelle Hugo pour savoir si lui ou un des autres coloc peut être présent à l’appartement pour assister à la visite domiciliaire qui va être faite. N’ayant pas cours ce matin Romain sera là.
Tandis qu’Edouard et Romain restent sur le pas de la porte, les deux policiers ayant mis des gants et des surchausses, commencent à vider les placards de la chambre d’Alexandre.
« Vous étiez là quand il est parti le vendredi soir ? demande le commandant à Romain.
– Oui, j’étais dans le salon avec Hugo en train de regarder la télé.
– Quelle heure était-il ?
– C’était, j’sais pas moi… vers dix-huit heures trente à peu près.
– Il avait des bagages à la main ?
– Non, comme d’hab’ son sac à dos…
– De quelle couleur ?
– Noire.
– Il avait pris des vêtements de rechange ?
– Quand je suis passé devant sa chambre un peu avant, je suis entré pour discuter, et j’ai vu qu’il prenait des t-shirts, des boxers et des chaussettes. Je lui ai demandé ce qu’il allait faire pendant le week-end, j’ai pensé un instant qu’il allait voir son dabe…
– Son ?
– Daron… son père. Il m’a dit qu’il allait chez des potes faire la teuf.
– Je vois qu’il n’a pas pris son ordinateur portable, nous allons le prendre Monsieur Gauthardi.
– Je ne connais pas son mot de passe, commandant…
– Ne vous inquiétez pas, nous avons de partout des spécialistes qui savent comment déverrouiller les appareils de toutes natures.
– Et ce petit pochon de shit glissé dans les pulls, c’est courant chez lui ? demande le major en montrant sa découverte à Edouard.
– Oh non, il a recommencé ! C’est pas vrai.
– Il a déjà eu affaire à nos services pour ça ?
– Non, je pense qu’il ne consommait pas de grosses quantités, je m’en étais rendu compte quand il habitait avec moi, il était en terminale. J’avais trouvé un pochon comme celui-ci. Il m’avait dit qu’il en consommait très peu, un joint ou deux par semaine. Je lui avais supprimé son argent de poche pendant deux mois, et je le faisais suivre par un médecin qui faisait des contrôles réguliers, il