Le cinquième fils Aymon
Par Michel Lapierre
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Le cinquième fils Aymon - Michel Lapierre
Le cinquième fils Aymon
Michel Lapierre
Le cinquième fils Aymon
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
Le droit à l’indifférence – Coming out chez les flics.
Témoignage. Editions Michalon 2015.
Coup de gomme.
Roman policier. Editions du net. 2016
La grenouille.
Roman policier. Editions du net. 2017
Le maudit du canal.
Roman policier. Editions du net. 2018
Une fin en soie.
Roman policier. Editions Maboza 2019.
En co-écriture avec Denis Bruyère :
L’Histoire des pompiers du Pays d’Alby-sur-Chéran.
Histoire. Editions « Je fais mon livre ». 2017
Bonjour papa !
Pièce de théâtre. Comédie. 2017
© Les Éditions du Net, 2020
ISBN : 978-2-312-07186-2
« Les évènements qui touchent aux légendes, promettent l’imprévisible, diffèrent le destin. »
André Malraux
Dédicace
J’ai fait connaissance avec le département des Ardennes en 2004. Mon travail de réalisateur de films documentaires m’avait conduit là pour présenter l’organisation et le travail des sapeurs-pompiers.
J’arrivais en terrain inconnu, mais toutefois nullement inquiet, ma nature confiante me guidait.
Je n’ai pas été déçu, loin de là.
Au cours de mes nombreux déplacements pendant près de 5 ans, j’y ai nourri des amitiés sincères, simples, authentiques, que j’ai entretenues après avoir cessé mon activité professionnelle. Ces amitiés fraternelles qui perdurent malgré l’éloignement.
J’ai aussi découvert un département incroyable dans sa diversité de paysages, des plaines du sud, qui se transforment un peu plus loin en bocages, et qui finissent dans ces belles et denses forêts du Nord, dans un paysage vallonné, au gré des méandres d’une Meuse qui coule sereinement la plupart du temps, mais qui peut se montrer capricieuse. Sans oublier ces villes et ces villages pleins de richesses historiques et ces légendes bien mystérieuses parfois…
Je dédie donc ces pages à mes amis ardennais, et comme le disent les paroles de la chanson « L’Amitié » de Françoise Hardy :
« Beaucoup de mes amis sont venus des nuages,
Avec soleil et pluie comme simples bagages,
Ils ont fait la saison des amitiés sincères,
La plus belle saison des quatre de la terre,
Ils ont cette douceur des plus beaux paysages,
Et la fidélité des oiseaux de passage,
Dans leur cœur est gravée une infinie tendresse… »
Bien sûr cette histoire est une fiction, et toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées ne serait qu’une coïncidence, et surtout, ne cherchez pas sur le Net, ou toute autre encyclopédie, le Bonando, ce pays est lui aussi sorti tout droit de mon imagination…
Michel Lapierre.
Préambule
La légende des quatre fils Aymon
Cette légende date du 12ème Siècle. Elle raconte l’histoire des 4 fils du duc Aymon, vassal de Charlemagne.
Pour être fait chevaliers, Allard, Guichard, Renaud et Richard, partent à la cour de l’empereur pour le servir honorablement. A la suite d’une discussion survenue à l’issue d’une partie d’échecs, Renaud blesse mortellement Bertolai le neveu de Charlemagne.
Pour fuir la colère de l’empereur, Renaud et ses trois frères s’enfuient sur leur seul et unique cheval, « Bayard », et se réfugient dans les forêts d’Ardenne{1}. Ils ont semé leurs poursuivants grâce aux pouvoirs magiques de leur cheval qui est capable de franchir les vallées d’un seul bond. Avec l’aide de leur cousin Maugis ils construisent la citadelle de Montessor surplombant la Meuse.
Charlemagne les débusque avec une forte armée, les obligeant à fuir à nouveau sur le dos de Bayard. Ils se réfugient alors dans le Sud, et se mettent à disposition du roi Yvon de Gascogne, l’aidant dans ses guerres. En remerciement, le roi donne sa fille en mariage à Renaud ainsi que des terres sur lesquelles il va construire un château qu’il nomme « Montauban » car construit sur une montagne de marbre.
Après moult péripéties, Charlemagne accorde son pardon aux quatre frères et à leurs familles. La colère de l’empereur ne s’éteindra qu’avec le sacrifice de Bayard, qui est précipité dans la Meuse, mais le cheval parvient à s’enfuir dans la forêt.
Depuis, on dit que par les nuits sans lune Bayard hante en hennissant, les forêts des Ardennes.
Chapitre 1
Lundi 14 octobre. Au-dessus de Château-Regnault
Il a stationné la voiture sur le grand parking totalement vide à cette heure-ci. D’avance il se régale. La journée promet d’être splendide. Dès son entrée dans le chemin forestier, il sent cette douce odeur de végétation humide de rosée.
Cette forêt, il la connaît par cœur, vingt ans bientôt qu’il est garde forestier à l’Office National des Forêts. Aujourd’hui il a la charge de cette partie située au-dessus de Château-Regnault. C’est certainement le coin qu’il préfère. Pour éviter la routine, leur secteur change chaque jour. Ici c’est vraiment le cadeau, dame nature va le conduire par ce sentier bien entretenu à travers la forêt où, déjà, les arbres commencent à revêtir leur parure d’automne. Encore quelques jours, et la diversité des couleurs va offrir de véritables tableaux.
Le jour se lève lentement. Il avance à pas feutrés comme s’il voulait éviter de réveiller les plantes et surtout les animaux. Mais il le sait bien, tout ce qui se cache dans les bosquets est parti, dès que la voiture est arrivée. L’autre jour il a quand même vu s’enfuir une petite biche.
Dès qu’il quitte le parking, il laisse le chemin goudronné et monte jusqu’à l’espace réservé aux enfants. Un petit cheval en bois monté sur ressort attend ses cavaliers. Des bancs entourent l’aire de jeu. Il vérifie que rien n’est cassé et reprend la montée.
Un peu plus loin, sur la droite, un autre espace, baptisé « Théâtre », aménagé dans une petite clairière, attend les spectateurs, pour lesquels une petite tribune en bois a été dressée. Même si l’on n’y joue pas les grands classiques de Molière, on peut y donner des pièces préparées avec passion par des comédiens amateurs. Là encore, rien ne semble abîmé. Il faudra toutefois qu’il signale aux gens chargés de l’entretien, de venir désherber l’espace réservé aux acteurs.
Il emprunte alors un long chemin composé d’un escalier de planches en bois qui serpente dans la forêt. La rampe apporte une aide précieuse.
Il arrive enfin sur l’esplanade. Sur la gauche le chemin continue en direction du sommet, sur la droite s’étend la « platelle », une étendue d’herbe pratiquement aux dimensions d’un terrain de sport. Le chemin de bois continue jusqu’au fond de l’espace entouré de hauts rochers.
Tous les cinq ou six mètres dans des surfaces plus larges sont installés des cadres sur lesquels on peut lire des épisodes de la légende des quatre fils Aymon.
Ben dis donc ! Ils sont de plus en plus disciplinés les visiteurs, pas un papier au sol, pas une canette, tout est respectueusement déposé dans les poubelles. A marquer d’une croix sur le calendrier.
Plus il avance vers le fond de l’esplanade, plus il trouve quelque chose de bizarre à la statue. Il accélère le mouvement. Il grimpe en vitesse les escaliers.
« Mais ! Qu’est-ce que c’est que ça !… Oh nom de Dieu ! Eh ! L’homme ! Ça va pas ! Descends tout de suite… Oh putain ! »
Il s’est approché de l’immense statue représentant les personnages de la légende entourant leur cheval Bayard. Il est tétanisé. Un homme, la gorge tranchée, est affalé sur le cheval. Sa chute a été arrêtée sur le côté droit par l’énorme bouclier. Le sang a giclé de partout. Sans attendre il appelle le central de l’ONF.
« Sa… salut André c’est Christian Alincourt, appelle les gendarmes tout de suite ! Il y a un cadavre sur la statue des 4 fils Aymon au-dessus de Château-Regnault… Mais non c’est pas une blague, appelle-les vite ! »
Chapitre 2
Même lieu une heure plus tard
Le premier équipage de gendarmes n’a pas mis longtemps pour arriver, un quart d’heure plus tard ils étaient là. L’adjudant-chef est monté seul près de la statue rejoindre le garde forestier, pâle et anéanti. Il a pris des photos avec son portable, et est venu rejoindre ses collègues sur l’esplanade en contrebas, en compagnie du premier témoin. Interdiction avant l’arrivée des techniciens de scènes de crime d’approcher des lieux. Par radio, il a fait remonter les détails de la macabre découverte, demandant de relayer l’information au procureur de Charleville, ainsi qu’à la brigade des recherches.
Une demi-heure plus tard, le colonel Bernard Lissèque, commandant le groupement des Ardennes, est arrivé sur les lieux avec les premiers enquêteurs de la BR, et les membres de la cellule d’identification criminelle. Ceux-ci ont revêtu leurs tenues blanches de protection et montent aussitôt effectuer prélèvements de sang, photos, relevés de traces éventuelles, mesures diverses en vue de la réalisation d’un plan.
La procureure se présente quelques instants après sur l’esplanade.
Justine de Corrémont est une femme assez grande, la quarantaine, élégante, son allure sportive et son abord sympathique, dénotent avec sa réputation de magistrate intransigeante et stricte.
« Colonel, donnez-moi plus de détails.
– C’est cet agent de l’Office National des Forêts qui effectuait sa tournée journalière qui a découvert le corps…
– A quelle heure ?
– Sept heures et quart, Madame, se permet timidement le garde forestier. J’ai cru que c’était un gars qui avait trop bu qui était monté sur le cheval de la statue, et qui s’était endormi.
– C’est déjà arrivé ce genre de chose ?
– Oui une fois, il y a très longtemps. Un de mes collègues a réveillé l’homme et l’a aidé à descendre tellement il était saoul. Le type ne se souvenait même pas comment il avait pu grimper sur le cheval !
– Colonel, vous êtes monté voir la scène ?
– Non Madame, seul l’adjudant-chef de la brigade de Bogny-sur-Meuse qui est intervenue en premier y est allé. Personne d’autre que lui et le garde n’est monté pour éviter toute pollution du lieu. Adjudant-chef Darroze venez expliquer à Madame la procureure.
– L’homme était certainement, au départ, assis normalement sur le cheval, assez au milieu de la statue, en raison du bouclier à droite qui empêche de s’approcher de l’encolure. De ce que j’ai pu voir il a été égorgé et il est tombé en avant. C’est ce fameux bouclier qui l’a empêché de tomber au sol. Il y a du sang de partout, tenez regardez j’ai pris des photos tout de suite avec mon smartphone.
– Ah oui, quand même ! Vous avez une identité à mettre sur le cadavre ?
– Difficile, Madame, il est taché de sang sur le visage, de plus sa tête est penchée vers le bas.
– Une idée de qui cela peut être ?
– Pour le moment non. Nous avons vérifié s’il y avait une voiture sur le parking, mais rien. Il va nous falloir attendre que les spécialistes aient fini leurs relevés.
– Je vais attendre avec vous, je pense ouvrir une information pour homicide volontaire. C’est Monsieur Jean-Pierre Lalande le juge d’instruction qui va être en charge de suivre l’affaire. Je l’ai déjà prévenu, il est ravi, une affaire de plus à traiter ! Ah ! J’oubliais, colonel, suivant l’importance que risque de prendre cette affaire, je vais demander une saisine conjointe de votre brigade des recherches avec le détachement de la police judiciaire des Ardennes nouvellement créé.
– Ah bon et pourquoi ? Nous ne sommes pas suffisamment compétents Madame ? Interroge le militaire assez contrarié par la nouvelle.
– Pas du tout colonel, et vous savez très bien la confiance que je vous accorde, mais en raison des problèmes de trafics internationaux de toutes natures que nous avons dans le département, et la menace terroriste sur le territoire, particulièrement dans une région proche de la Belgique, le SRPJ de Reims a eu pour objectif d’être présent au plus près de notre secteur d’où la création de ce détachement composé de cinq fonctionnaires de différents grades, sous les ordres d’un commandant divisionnaire, qui vient du sud de la France.
– Le commandant Hoëtier{2} ? Il est venu se présenter la semaine passée. C’est un très bon flic apparemment, il a une bonne réputation. Il est resté longtemps à Paris, il a participé à l’intervention au Bataclan lors de l’attentat. Il a eu des gros problèmes de santé après ça. Il est resté deux ans à la PJ de Montpellier. Mes collègues de l’Hérault l’ont vu partir avec regret, ils ont beaucoup travaillé ensemble sur de grosses affaires.
– Eh bien voyez que ce ne sera pas la guerre des services.
– Disons que j’attends de voir ce que cela va donner Madame. Vous savez bien sûr qui est sa compagne ?
– Evidemment, ils ne s’en sont pas cachés. Madame la commissaire divisionnaire Florence Pontier{3} la nouvelle directrice départementale de la sécurité publique des Ardennes. Femme charmante et efficace apparemment, ils forment un beau couple.
– Moi ce que j’attends c’est surtout une collaboration étroite et sans coups fourrés.
– Colonel, ne commencez pas comme ça, je suis sûr qu’avec le commandant Chalon de la BR cela va faire une sacrée paire d’enquêteurs.
– On parle de moi, dit soudain, un jeune commandant qui vient d’arriver. Pas de problème j’ai fait connaissance avec Martial et vu le bonhomme ça va bien se passer. »
Chapitre 3
8 h 15. Charleville-Mézières, bureau du détachement
PJ des Ardennes
Dès qu’il a été informé de la nouvelle, Martial a tout de suite demandé à ses collègues de venir en urgence au service. A peine installés depuis huit jours dans leurs locaux, une affaire bizarre leur tombe sur les bras. Le flic est prêt à monter au créneau. Il n’est pas encore habitué à ses collaborateurs, il espère qu’ils vont réagir comme lui.
Un quart d’heure plus tard, ils se mettent en route. Le régional de l’étape, le brigadier Stéphane Heider, prend le volant de la Ford Mondéo, un des deux véhicules affectés à leur nouveau service. Stéphane est un enfant de Charleville, aussi dès que le détachement a été créé, il a postulé. C’est un excellent procédurier qui, jusqu’à ces derniers temps, était affecté au Groupe de Répression du Banditisme du SRPJ de Reims. Douze ans de service, la trentaine, boxeur à temps perdu, un physique impressionnant, il adore effectuer des recherches minutieuses. Il a un faible pour fouiller les mémoires des ordinateurs et autres portables !
Est aussi venue avec eux, le major Bérangère Decoin, précédemment pilier incontournable de la brigade des stups du même SRPJ. Elle en a eu un peu assez, après vingt ans de service, de faire tomber des dealers insuffisamment punis, c’est pourquoi elle a demandé sa mutation à Charleville. Son divorce récent a aussi été un facteur d’évasion. C’est une femme à la quarantaine épanouie, d’allure sportive. Les années passées à dribbler sur de nombreux terrains de baskets, et sa participation à de nombreuses courses de fond, en font une adversaire redoutable pour ceux qui tentent de s’échapper.
« Vous connaissez le coin chef ? demande Stéphane à Martial.
– Pas particulièrement. J’ai fait connaissance de Charleville qui est une ville avec un riche passé architectural, et une culture qui semble perdurer. J’ai vu un peu du sud du département en venant. Mais pour le reste du secteur je ne demande qu’une chose, c’est que vous me le fassiez connaître, vous tous les enfants du pays.
– Moi chef en ce qui me concerne, je suis bourguignonne, rectifie Bérangère. C’est le hasard des affectations qui m’a amené dans le coin.
– Tu as toujours été à la PJ de Reims ?
– Non j’ai débuté à Paris…
– Où ça ?
– A la brigade des mineurs d’abord…
– Avec mon ami Serge Le Floc ?
– Ben oui, vous étiez où ?
– Au départ en commissariat, à Belleville, puis au 36, à la BRB d’abord et puis à la BRI. Ensuite Montpellier.
– On s’est peut-être croisé. J’ai suivi mon mari à la PJ de Reims il y a dix ans. Et là on vient de se séparer. C’est pour ça que Charleville va me faire du bien.
– Bon, les p’tits nous partons sur une découverte de cadavre. Un gars égorgé, découvert ce matin chevauchant le cheval d’une statue, à…
– Château-Regnault, la statue des 4 fils Aymon ! Ah les cons ! C’est un sacrilège !
– C’est quoi cette statue des 4 fils « Machinchose » là ?
– C’est une légende ardennaise, je vous expliquerai. Alors dès que nous allons quitter Charleville, chef, ouvrez bien les yeux. Nous allons longer la Meuse dans un décor de toute beauté. Par contre vous allez voir hélas beaucoup d’usines fermées, et pour certaines, limite en ruine. Les fonderies qui faisaient la richesse de notre département ont toutes fait faillite ou presque depuis une vingtaine d’années. »
Dès qu’ils ont quitté l’agglomération, la route sinueuse traverse une dense forêt, avant de longer sur quelques kilomètres la Meuse sur sa rive gauche. Les méandres offrent un parcours qui change le paysage à chaque virage. La vallée est plus étroite. Après Nouzonville, à nouveau la forêt jusqu’à l’arrivée à Bogny-sur-Meuse.
A l’entrée de la petite ville, Stéphane ralenti et montre sur la droite l’autre rive du fleuve :
« Regardez chef, vous voyez les quatre pics que forment les montagnes, ce sont les quatre fils Aymon, le cinquième pic à gauche c’est celui de leur cheval « Bayard ». Au bout à gauche cette forme blanche, c’est la statue des quatre fils Aymon et de leur cheval sur laquelle se trouve notre cadavre.
– Ah quand même ! Mais elle est énorme cette statue on dirait, s’exclame Martial.
– Attendez d’être devant vous allez voir, c’est gigantesque.
– J’appelle la procureure pour lui signaler notre arrivée imminente. »
La magistrate est surprise de la rapidité d’intervention de la PJ. Elle informe le commandant que le légiste, arrivé depuis peu, procède à un premier examen du corps. Dès qu’il a fini les pompiers, demandés en renfort, descendront le corps sur l’esplanade.
Chapitre 4
9 h 00. Même lieu
En arrivant sur le terrain, au pied de la statue dont on aperçoit le dos, Martial est surpris par la grandeur de l’espace.
Les policiers se dirigent vers le groupe de gendarmes et techniciens de scène de crime. Les présentations faites, la procureure fait le point de la situation.
« Les techniciens ont terminé leurs relevés divers, et le légiste a effectué un premier examen. D’ailleurs voici la victime qui est amenée grâce à la collaboration des pompiers, venus aider à descendre le cadavre de l’emplacement qu’il tenait sur la statue. Ils ont été obligés d’utiliser des cordages et divers matériels pour ce travail délicat, essayant surtout de ne pas dégrader l’état du corps avant l’autopsie. »
Descendant les escaliers lentement, un groupe de pompiers et gendarmes portent avec beaucoup de difficultés la housse mortuaire.
Délicatement ils déposent la victime sur la pelouse. Le médecin légiste dans sa tenue blanche tachée de sang vient vers la magistrate qui fait les présentations.
« Commandant Hoëtier, je vous présente le docteur Marc Hichelme, médecin légiste à Charleville. Le commandant divisionnaire est le responsable du nouveau détachement de la PJ pour les Ardennes. Il va travailler sur l’affaire avec les gendarmes de la BR.
– Bien, mesdames et Messieurs la mort de cet homme a eu lieu vers 5 heures. La rigidité cadavérique n’a pas encore figé les chairs, vu la température du corps, c’est une approximation quant à cette heure. Bien sûr il est évident que l’égorgement est la cause du décès, les artères sectionnées ont provoqué l’arrêt cardiaque. Il s’est vidé de son sang très rapidement, sang qui a giclé en quantité sur la statue et ses abords. À première vue, son assassin devait être assis derrière lui sur le dos du cheval. Nous allons, avant de le transporter à l’institut médico-légal, ouvrir le linceul afin que les gendarmes de la brigade locale puissent peut-être l’identifier.
– Adjudant-chef Servin quelles sont les constatations techniques, en gros bien sûr, que vous avez pu faire, demande le colonel de gendarmerie au chef de détachement de la Cellule d’Identification Criminelle.
– Pour ce qui est de son identité, nous n’avons pas trouvé sur lui, dans les poches de ses vêtements, de pièces d’identité. Aucune montre, aucune alliance, aucune gourmette. Vu que nous ne souhaitions pas trop le manipuler avant l’arrivée du légiste, nous n’avons pas pu voir s’il avait des tatouages. Pas de téléphone portable. Pas de traces de pas dans le sang au sol, difficile sur l’herbe autour, de voir s’il y avait des traces. Vraisemblablement son assassin est parti par l’arrière de la statue en prenant soin de ne pas marcher dans le sang. De toute façon le meurtrier a été taché par l’hémoglobine c’est obligé. Nous reviendrons à la nuit tombée pour voir avec le luminol s’il y a des traces qui partent de la statue pour rejoindre le parking ou l’esplanade où nous sommes. Il faut faire interdire l’accès à ce lieu tant que nous n’aurons pas fait ces recherches. »
La procureure, et les enquêteurs, viennent voir le corps. Le légiste, après avoir fait prendre encore quelques photos, nettoie sommairement le visage couvert de sang. L’homme dont les yeux n’ont pas été encore fermés, a le visage déformé par un rictus, la bouche est un peu de travers, une plaie béante est visible sur toute la largeur de la gorge.
« Messieurs les gendarmes de Bogny est-ce que ce visage vous dit quelque chose ? demande la