Des vers dans le fruit
Par Michel Lapierre
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À propos de ce livre électronique
Ce roman est librement inspiré d’une affaire qui a défrayé la chronique au début des années quatre-vingt-dix. L’action se situe de nos jours avec toute la technologie et la science qui facilitent bien les recherches.
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Aperçu du livre
Des vers dans le fruit - Michel Lapierre
Des vers dans le fruit
Michel Lapierre
Des vers dans le fruit
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur :
Le droit à l’indifférence – Coming out chez les flics.
Témoignage. Editions Michalon 2015.
Coup de gomme.
Roman policier. Editions du Net. 2016
La grenouille.
Roman policier. Éditions du Net. 2017
Le maudit du canal.
Roman policier. Éditions du Net. 2018
Le cinquième fils Aymon.
Roman policier. Éditions du Net. 2020
Une fin en soie.
Roman policier. Réédition. Éditions du Net. 2020
En co-écriture avec Denis Bruyère :
L’Histoire des pompiers du Pays d’Alby-sur-Chéran.
Histoire. Éditions « Je fais mon livre ». 2017
Bonjour papa !
Pièce de théâtre. Comédie. 2017
Une seule injustice, un seul crime, une seule illégalité… suffit à perdre l’honneur, à déshonorer tout un peuple. C’est un point de gangrène, qui corrompt tout le corps.
Charles Péguy
Œuvres en prose.
Ce n’est pas la profession qui honore l’homme mais c’est l’homme qui honore la profession.
Louis Pasteur
Préambule
Entre 1985 et 1990, dans la région lyonnaise, une équipe de malfaiteurs a commis en cinq ans près d’une centaine de vols à main armée. Ecumant dans un premier temps les PMU, ils sont vite passés aux grandes surfaces et aux banques. Violents dans leur manière d’opérer, plusieurs personnes ont été tuées au cours de leurs méfaits.
La PJ de Lyon particulièrement la BRI et le groupe de Répression du Banditisme, travaillant en étroite collaboration avec la Sûreté Urbaine, ont mis longtemps à les identifier tant ils étaient rusés. Ils changeaient de partenaires à chaque braquage, ne permettant pas d’avoir des signalements récurrents.
La BRI de Lyon a beaucoup travaillé sur cette affaire, et avec minutie, cherchée les indices permettant l’identification puis l’arrestation des voyous. Tout cela à une époque pourtant pas si lointaine, où l’informatique, les traces ADN, les moyens techniques de suivre les téléphones portables, étaient encore de la fiction.
Je me suis donc librement inspiré de ces faits pour écrire ce roman, dont je situe l’action de nos jours, avec toute la technologie et la science qui facilitent bien les recherches.
Chapitre 1
Samedi 2 mai. 20 h 30. Ouistreham
Marie-Solange, aime bien que tout soit en ordre avant de s’installer confortablement dans le salon devant la télévision, histoire de se détendre un peu avant d’aller se coucher.
Anaïs sa fille aînée, est depuis longtemps dans sa chambre en train de réviser ses cours. Le Bac approche à grand pas et elle veut mettre toutes les chances de son côté pour réussir.
Gaétan, le « petit dernier » de 13 ans, est devant sa console de jeux comme tous les soirs, surtout le samedi, il a la permission de longue durée jusqu’à dix heures, mais pas plus tard !
Marie-Solange, feuillette le programme télé et comme d’habitude elle ne sait pas trop quoi regarder. Plus il y a de chaînes, plus les programmes sont difficiles à choisir. Elle recherche surtout les documentaires historiques, forcément, en tant que professeur d’histoire c’est ce qui l’intéresse le plus, ou une bonne pièce de théâtre. Tiens, elle opte pour le divertissement ce soir.
Elle est tellement absorbée par la comédie de boulevard, qu’elle entend à peine le carillon de la porte d’entrée.
Elle regarde sa montre, 21 h 15. Qui peut bien venir sonner à cette heure-ci ? Pensant que c’est peut-être une de ses voisines, elle va ouvrir. Elle a à peine entrebâillé, que la porte est violemment poussée.
Trois hommes, tout habillés de noir et portant une cagoule ne laissant apparaître que les yeux et les lèvres, se précipitent dans la maison et referment derrière eux. Le plus grand lui met la main devant la bouche, lui fait faire volte-face et la pousse dans le salon.
« Dis à tes mômes de venir tout de suite, sans gueuler, si tu veux que tout se passe pour le mieux.
– Mais qu’est-ce que vous nous voulez ?
– Tu le sauras assez tôt, appelle tes chiards !
– Anaïs, Gaétan venez tout de suite !
– Plus fort ils n’ont pas entendu !
– Ils doivent avoir leur casque sur les oreilles. » L’homme se retourne vers ses deux comparses.
« Deux et trois montez les chercher, pas de violences inutiles et amenez-les au salon ! »
Les deux types grimpent à l’étage, leurs chaussures souples ne font pas de bruit.
Anaïs, dos tourné à la porte de sa chambre, casque sur les oreilles, est plongée dans « Hernani » de Victor Hugo. L’homme masqué lui place la main gauche sur la bouche et lui attrape le bras droit.
« Chut ma belle petite poulette, personne ne t’entend, il est inutile de crier, laisse-toi faire et il ne t’arrivera rien ! »
Il la pousse à plat ventre sur son lit, lui place un bâillon devant la bouche et lui lie les mains dans le dos avec des liens en plastique.
« Aller debout on descend rejoindre maman ! »
Gaétan lui aussi, casque sur les oreilles, assis en tailleur sur son lit, ne lève pas les yeux de sa tablette quand la porte de sa chambre s’ouvre brusquement. Il pensait que sa sœur venait le taquiner, et ne réagit pas quand le type lui arrache la tablette des mains. Il reste bouche bée, incapable de prononcer un mot. L’homme lui plaque sa main sur la bouche et, comme sa sœur, il se retrouve bâillonné et entravé les mains dans le dos. Il essaie de crier mais rien ne sort de sa gorge, il se laisse guider comme un pantin jusqu’au salon.
Marie Solange, est assise dans le canapé, seules ses mains sont entravées.
« Mais que nous voulez-vous, ne nous faites pas de mal ! Laissez mes enfants tranquilles. Faites-les asseoir à mes côtés s’il vous plaît. »
Anaïs est poussée à la droite de sa mère et Gaétan à gauche.
Le premier homme qui semble être le chef, se place devant les trois prisonniers.
« Vous voilà réunis ! Nous allons passer plusieurs heures ensemble, alors surtout restez calmes et il ne vous arrivera rien. Tout d’abord où sont vos téléphones ?
– Le mien est là sur la table du salon, ceux des enfants doivent être dans leur chambre.
– Numéro deux va les chercher. »
Quand son comparse revient quelques instants après avec les portables, le troisième larron, éteint les appareils.
« Nous savons que vous n’avez pas de téléphone fixe, et votre maison étant reliée à une centrale de télésurveillance, nous avons pris soin de neutraliser le système.
– Mais que nous voulez-vous enfin, s’énerve la mère de famille, nous n’avons pas d’argent prenez ma voiture si vous voulez, ma carte bleue, mais laissez-nous tranquille !
– Calmez-vous. Ce n’est pas votre argent ni vos biens qui nous intéressent. C’est vous et vos enfants. Vous êtes nos otages…
– Oh non ! S’écrie-t-elle, ce n’est quand même pas pour…
– Précisez votre pensée belle dame !
– Le travail de mon mari !
– Bravo ! Vous êtes championne ! Dans quelques heures, vers 3 heures du matin, une autre équipe va investir le Casino dont votre mari est le directeur des jeux. Juste après la fermeture au public, il y a la comptée de la nuit, et c’est à ce moment que nos amis vont se servir dans la caisse. Vous allez nous servir de monnaie d’échange si je peux dire ainsi. Si tout se passe bien, vous serez sains et saufs, s’il y a un ennui je vous laisse imaginer ce qu’il va vous arriver. J’espère que nous n’en arriverons pas là. En attendant, nous allons essayer de passer le temps de manière civilisée et tout ira bien ! »
Chapitre 2
Au cours de la même nuit. 3 h 30. Casino de Ouistreham
La nuit est claire. Les vagues de l’Océan viennent s’échouer sur la plage à quelques encablures du bâtiment du Casino. Les derniers clients sont partis à trois heures. Seules les voitures du personnel stationnent sur le parking situé à l’arrière.
Deux Peugeot 508 breaks noirs entrent dans l’aire de stationnement.
Trois hommes, revêtus de tenues noires d’intervention, siglées POLICE dans le dos, cagoules relevées sur la tête, porteurs pour certains de fusils de gros calibre, descendent de chaque véhicule. A l’approche de la porte située au sur la façade arrière, ils se dissimulent le visage, sauf un.
Il s’approche de la porte et sonne.
« Oui, c’est pour quoi ?
– Désolé de vous déranger, c’est la Police Judiciaire de Caen. Nous avons eu une information laissant entendre que vous alliez être victime d’un vol à main armée en fin de nuit, et nous souhaiterions entrer pour tendre un piège aux malfaiteurs quand ils arriveront.
– Attendez… qu’est-ce que vous racontez… personne ne nous a rien dit…
– Ecoutez, il est évident qu’on n’allait pas vous prévenir. Leur informateur fait partie de votre personnel, qui actuellement, est en train de compter l’argent avec les responsables de chez vous. Nous allons entrer pour le neutraliser, et attendrons ses comparses.
– … Je veux bien vous croire mais montrez-moi à la caméra une carte de police, déjà, et je préviens le directeur des jeux. »
L’homme s’exécute. Le vigile lui demande de patienter. Une minute plus tard dans l’interphone il reprend contact.
« Je vais accompagner le directeur des jeux, il vient vous voir.
– Dites-lui de se dépêcher ! »
Un instant plus tard, la porte s’ouvre. Accompagné par l’agent de sécurité, un homme d’une quarantaine d’années, allure sportive, se présente.
« Frédéric Garnier, directeur des jeux, a qui ai-je l’honneur.
– Capitaine Soubeyran de la PJ de Caen brigade d’intervention, dit l’homme en présentant à nouveau la carte de police. Comme je le disais à votre agent de sécurité nous avons la certitude que vous allez, avant la fin de la nuit, être victime d’un vol à main armée par une équipe de truands parisiens, renseignés par une personne travaillant chez vous, et présente actuellement en salle de comptage. Nous allons entrer pour le neutraliser et interpellerons les malfaiteurs à leur arrivée.
– Attendez… je souhaiterais avoir plus de précisions… »
Il n’a pas le temps d’en dire plus l’homme a rabattu sa cagoule sur son visage et avec l’aide de deux de ses comparses pousse violemment la porte. Les six individus se précipitent à l’intérieur. Ils neutralisent les deux hommes.
« Numéro Quatre, chope le vigile qui est en train de faire sa ronde et tu montes avec lui en salle de surveillance, personne ne doit téléphoner. Vous deux, dit-il en s’adressant au directeur des jeux et au premier agent de sécurité, venez avec nous en salle de comptage. »
Ils poussent devant eux les deux hommes dont les mains ont été entravées dans le dos par des liens en plastique.
Les quatre autres membres du personnel qui étaient occupés à compter l’argent liquide, suspendent leurs gestes et les regardent entrer avec effarement.
« Debout tout le monde les mains en l’air, et face au mur. Lance le chef du commando. Nous allons récupérer vos téléphones portables et les neutraliser. On ne s’approche pas de la place du directeur, nous savons que sous la table il y a un bouton permettant de lancer l’alarme à la Gendarmerie. Cela ne vous servirait de toute façon à rien, nous avons neutralisé le relais téléphonique, vous êtes totalement isolés du monde extérieur. »
Tandis que deux des malfaiteurs récupèrent les téléphones et fouillent tout le monde pour ne rien laisser au hasard, les autres commencent à remplir d’argent de grands sacs en toile.
« Ah ! J’allais oublier une chose. »
Le chef sort un téléphone d’une poche de son treillis, il compose un numéro.
« On est dans la place, on commence la cueillette. Passe-moi qui tu sais… bonjour, ne quittez pas. Monsieur Garnier, il y a quelqu’un qui veut vous parler !
– Quoi ? répond le directeur des jeux, qui est-ce ?
– Surprise, je tiens le téléphone près de votre oreille, allez-y parlez !
– Allô ?
– Frédéric ! Oh chéri ils ne t’ont pas fait de mal au moins…
– Marie Solange, hurle-t-il, mais… les salauds, où sont les enfants…
– A côté de moi ils nous tiennent en otage depuis des heures…
– Ils ne vous ont pas brutalisé au moins ?
– Non rassure toi, mais c’est épouvantable… j’espère que ça va vite se terminer…
– Ça suffit, la discussion est terminée. Numéro un, tu fais comme on a dit. J’envoie un SMS quand c’est bon.
– Qu’est-ce que vous allez faire à ma famille ? hurle Frédéric Garnier.
– Rien de plus si vous êtes tous corrects. Voilà ce qui va se passer, nous allons terminer notre récolte, qui est excellente apparemment. Nous savions qu’un samedi soir c’était Jackpot
, mais ça dépasse nos espérances, merci ! Donc, vous allez rester dans cette pièce que nous prendrons le soin de fermer à clé derrière nous. Même si vous arrivez à vous libérer avec vos mains entravées ne tentez rien avant quarante-cinq minutes, car pendant ce temps-là, Monsieur Garnier, votre famille sera toujours entre nos mains. Lorsque nous serons suffisamment loin, je donnerai le signal à mes amis pour qu’ils quittent votre maison, en laissant vos proches dans l’impossibilité de bouger. Quand nous serons tous en sécurité, c’est nous qui préviendrons les gendarmes, soyez encore un peu patient et tout se passera bien. »
Un quart d’heure plus tard, les six malfaiteurs, ayant regroupé tout le monde dans la salle de comptage quittent les lieux.
Chapitre 3
Même nuit. Caen. 5 h 30
Il se demande si c’est dans son rêve ou dans la réalité. Son téléphone sonne. Il ouvre les yeux. Non c’est la réalité.
« Commandant Noiret, c’est la SIC{1} désolé de vous déranger. Nous venons d’avoir un appel du Centre Opérationnel de la Gendarmerie, un très important vol à main armée avec prise d’otages vient d’être commis au Casino de Ouistreham. Le procureur de la république vous co-saisi de l’enquête. Il demande que vous vous rendiez sur place dans les meilleurs délais.
– Oula ! La journée commence mal ! Pas de soucis, je me rends sur les lieux. Contactez mes collègues du groupe criminel de l’Antenne PJ, qu’ils me rejoignent dans les meilleurs délais. »
Ça y est l’adrénaline le propulse hors du lit. Il se précipite sous la douche, et dix minutes plus tard le voilà parti.
Le « p’tit Juju » aime ça ! Décidément ça bouge dans le secteur. Il avait peur en étant nommé dans le Calvados, après des années en PJ à Paris, de s’ennuyer un peu. Que dalle oui. Ils enchaînent les grosses affaires. Surtout le banditisme, c’est sa came. Il a passé de nombreuses années à la BRI, et puis, le 13 novembre 2015, il y a eu la fracture. Il faisait partie des premiers à entrer dans la salle de spectacle, au milieu du chaos. L’enfer. Ils étaient préparés à tout sauf à ça. Il a été un des rares à tenir le choc, au début. Dans les deux années qui ont suivi, il a morflé comme beaucoup de ses potes, surtout son meilleur ami Martial. Il a voulu fuir le continent. Comme son compagnon de l’époque était réunionnais, il s’est fait muter sur l’île. Mais il ne trouvait plus ses marques. Ils se sont séparés et il est revenu. On lui a proposé cette place au SRPJ de Rouen qui recrutait pour son Antenne de Caen. Nommé commandant, il est l’adjoint de la jeune commissaire qui se repose beaucoup sur lui et écoute ses conseils « d’ancien ».
Une vingtaine de minutes plus tard il se gare sur le parking du Casino, au milieu des véhicules de Gendarmerie.
« Commandant Noiret, vous avez été rapide ! Lui lance Olivier Demontreux le procureur.
– Une affaire comme celle-ci me fait monter dans les tours Monsieur le procureur ! Expliquez-moi, en quelques mots.
– Dans un premier temps une première équipe de trois individus cagoulés et vêtus de noir, prend en otage la famille du directeur des jeux vers 21 h 30. A 3 h 30 une seconde équipe de six autres cagoulés et revêtus de combinaisons noires siglées POLICE
dans le dos, se présente au Casino prétextant venir attendre des truands qui doivent perpétrer un braquage. Ils préviennent le directeur des jeux qu’il doit collaborer sans vagues car ils tiennent sa famille. Ils raflent la mise et partent vers 4 heures. La famille est relâchée une demi-heure plus tard. D’après ce que nous avons pu reconstituer, ils ont brûlé leurs voitures pas très loin de la maison du directeur des jeux et ils sont partis dans une direction inconnue. Ce sont eux qui ont appelé la gendarmerie vers 4 h 30. Les militaires sont venus délivrer la famille à son domicile et le personnel coincé dans une pièce au Casino. Pas de victimes, juste des traumas psychologiques.
– Montant du préjudice ?
– 900 000 euros environ.
– Ah oui quand même ! Je pense que nous allons bosser avec les gendarmes de la SR de Caen ?
– Oui, je sais que vous avez de bonnes relations avec eux. En ce qui me concerne, je vais transmettre le dossier à la JIRS{2} de Rennes, vu le type d’établissement visé, le nombre et l’organisation des agresseurs. »
Les deux hommes entrent dans le Casino. Le commandant Evenoux de la SR vient vers Juju.
« Salut Julien, le vigile et le directeur des jeux ont été les premiers à voir les gars arriver. Celui qui devait être le chef leur a montré une carte de police pour les mettre en confiance, tu peux leur montrer ta carte ?
– Oui bien sûr. Ils ont pu voir au moins un visage de ces mecs ?
– Oui mais pas très longtemps. Le gars qui devait être le chef avait une barbe fournie, peut être un postiche, et il a très rapidement descendu sa cagoule dès qu’il est entré dans les lieux. »
Ils se rendent dans la salle de comptage où plusieurs témoins commencent à être entendus.
« Monsieur Garnier est le directeur des jeux dont la famille a été prise en otage. Voici le commandant de police Noiret de la PJ de Caen. Est-ce que la carte que vous a présentée l’individu ressemble à celle du commandant ? »
Julien sort sa carte.
« Non, je suis certain, elle n’était pas comme celle-ci, je ne l’ai pas vu très longtemps, mais il y avait une sorte de dessin comme une médaille au centre, et je me souviens qu’il était écrit, sous le mot police
, capitaine de police.
– Je pense que le gars a utilisé un ancien modèle de carte, on en trouve sur le Net. Je vais regarder tout de suite. »
Julien recherche sur son téléphone et rapidement montre l’écran au témoin.
« Comme celle-ci ?
– Oui, c’est ça, demandez au vigile je suis sûr. »
L’agent de sécurité confirme l’information dans les instants qui suivent.
« Déjà, je suis un peu rassuré de savoir que c’est un faux policier, jusqu’à preuve du contraire. De la même façon les tenues qu’ils portaient devaient être des imitations grossières. »
Les équipes, policiers et gendarmes, sont constituées. Les témoins sont entendus. Les photos et recherches techniques, empreintes, traces ADN, sont également effectuées par des policiers et gendarmes techniciens de scènes de crime. Vu que les individus, au casino ou chez le directeur des jeux, portaient des gants, peu de traces sont relevées.
Julien et le commandant de gendarmerie emmènent Frédéric Garnier chez lui, il va pouvoir enfin serrer les siens dans ses bras. La famille a vécu une nuit d’angoisse. Comme il faut absolument recueillir en urgence des informations sur les malfaiteurs ils répondent avec lassitude aux questions des enquêteurs.
« Madame Garnier, lui demande Julien, y a-t-il un ou plusieurs détails aussi simples soient-ils qui vous reviennent sur ces hommes.
– Celui qui était le chef, était le seul à parler. Il était très grand.
– Quelle taille à peu près ? Plus grand que votre mari par exemple ?
– Oui, mon mari mesure un mètre soixante-quinze, il devait faire au moins vingt centimètres de plus.
– Ah oui quand même ! Et un détail physique, une cicatrice, un bout de tatouage…
– Vers l’œil gauche, au-dessus de la pommette, une cicatrice en forme de patte d’oie, trois petits traits. La cagoule était artisanale et les trous pour les yeux étaient mal découpés, on voyait surtout à gauche une partie du haut de la joue, c’est pour ça que j’ai vu ça.
– Les yeux quelle couleur ?
– Bleus très clairs.
– Rien d’autre ?
– Non… enfin si… son accent.
– Etranger ?
– Non pas du tout, très français, mais pas de notre région…
– A quelle région pensez-vous ?
– Je ne sais pas, je n’ai jamais entendu cet accent, plutôt du sud…
– Marseillais ?
– Oh non pas du tout… je ne sais pas, mais sûr et certain ce n’était pas un accent du nord de la France. »
Voilà des indices qui n’allaient pas faire avancer l’enquête !
Julien et Sylvain Evenoux se rendent ensuite sur le lieu où ont été brûlées les voitures, sur la route de Saint-Aubin d’Arquenay, à un kilomètre à peine de la maison de Frédéric Garnier. Entre deux bâtiments désaffectés, les carcasses noircies fument encore. Les pompiers ont ouvert les hayons arrière des deux breaks.
« Regardez ce que nous avons sorti des voitures, montre le capitaine des pompiers. »
Des restes de combinaisons calcinées. On distingue sur l’une d’entre elles un morceau de tissu blanc sur lequel on peut encore lire « POL ».
« Ils ont vraiment pris toutes les précautions, et y a-t-il des traces d’autres voitures qui ont servi à leur fuite ? demande Julien au responsable des techniciens de scène de crime.
– Hélas, peut-être y en avait-il, mais les pompiers sont entrés avec leurs véhicules sur le terrain et ont certainement, sans le vouloir, écrasé leurs traces. Nous avons trouvé dans une poubelle juste à côté de l’un des bâtiments, un sac en plastique, dans lequel il y avait les téléphones de toutes les personnes prises en otages, dans la maison du directeur et au Casino. Ils avaient pris la précaution de les éteindre. Nous les restituerons à leurs propriétaires après les avoir examinés.
– Apparemment ce sont eux qui ont appelé le Centre Opérationnel de la Gendarmerie, demande Julien.
– Oui, à 4 heures 32 très exactement, téléphone à carte prépayée sans doute, impossible à localiser.
– Vous avez l’enregistrement ?
– Oui, un homme sans aucun accent, signale simplement que des voitures sont en feu route de Saint Aubin et qu’il faut aller sur cette même route à l’angle du chemin des pèlerins, chez monsieur Garnier, des personnes sont en danger. Il a raccroché.
– Pas de témoins éventuels qui auraient remarqué quelque chose ?
– Vous savez ici c’est assez désert, et une nuit de samedi à cette heure-là il n’y a pas grand monde. »
Voici une enquête qui commence mal, peu d’indices, des individus organisés, impossible d’orienter vers une « belle équipe » pour le moment.
Julien va faire remonter toutes les informations à l’Office Central de Lutte Contre le Crime Organisé, afin de chercher des connexions avec d’autres affaires du même genre.
Il n’est pas au bout de ses peines…
Chapitre 4
Vendredi 5 juin. 14 h 30. D 986 dans l’Hérault
Peu de circulation sur cette route aujourd’hui.
Les trois convoyeurs de fonds parlent du week-end qu’ils vont passer en famille. L’un va aller pêcher dans les environs de Frontignan, l’autre va s’occuper de son jardin, qui déjà, en ce début d’été, commence à souffrir de sécheresse. Le troisième, quant à lui, le plus jeune des trois, va faire la fête avec ses potes.
Ils viennent de récolter les liquidités des grandes surfaces du secteur, encore deux supermarchés et ce sera le retour à la maison mère au nord de Montpellier.
A l’approche de Saint Martin de Londres, des panneaux clignotants signalent une zone de travaux. Une camionnette blanche et jaune avec gyrophares bloque la route, et des employés vêtus de chasubles jaunes avec des drapeaux invitent le fourgon blindé à bifurquer à droite dans une petite route.
« Curieux, on ne nous avait pas prévenus de cette déviation, s’étonne le chauffeur.
– Ils ont oublié de nous prévenir ! lui répond le chef de bord qui s’apprête à signaler l’incident par radio. »
Ils ont à peine parcouru cinquante mètres dans le petit chemin, qu’ils n’en croient pas leurs yeux. Devant eux, six individus cagoulés de noir, en treillis marron, les braquent, certains avec des kalachnikovs, d’autres avec des pistolets, et un, au centre, genou à terre, est porteur d’un lance-roquettes.
Les trois convoyeurs sont tétanisés. Le chef de bord en a laissé tomber le micro de la radio.
Un des individus vient de placer sur le pare-brise, avec une ventouse, un paquet carré de vingt centimètres de côté. Une petite lampe rouge clignote sur le dessus. L’homme montre ostensiblement une télécommande. Le message est clair !
Pour confirmer leur détermination une rafale de pistolet-mitrailleur est tirée sur le côté droit du lourd véhicule.
« Faites pas les cons, ne vous faites pas buter pour un salaire de misère. Balancez vos flingues par les fentes sur le côté, et sortez les mains sur la tête. »
Les trois hommes comprennent la détermination de leurs attaquants. La rage au ventre, ils se séparent de leurs armes, et sortent en baissant la tête.
A peine en dehors du véhicule, ils sont jetés au sol face contre terre.
« Bougez surtout pas ! On vous attache les mains dans le dos et on va vous mettre des sacs en toile sur la tête, n’essayez pas de jouer aux héros. »
Une fois attachés, ils sont conduits à une vingtaine de mètres par deux des attaquants.
« On va rester avec vous pendant que nos potes se servent dans la tirelire, après on va effacer nos traces, et on vous abandonne. Il y aura bien des bons pèlerins pour vous secourir après notre départ. Je vous rassure, on va pas vous buter, on n’est pas des sauvages. Petite précaution toutefois, je récupère vos portables, je les éteins, vous les retrouverez dans quelques heures ! »
Deux truands emportent des sacs remplis d’argent dans le coffre de leurs voitures. Quand il ne reste