B.A.M. L'enfer du décor
Par Georges Cayoun
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À propos de ce livre électronique
Les prisons marocaines n’ont rien de balnéaires...
Ce témoignage poignant, basé sur une histoire vécue vous donnera la chair de poule.
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Aperçu du livre
B.A.M. L'enfer du décor - Georges Cayoun
B.A.M.
L’enfer du décor
Georges Cayoun
B.A.M.
L’enfer du décor
Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard de Grenelle 75015 Paris
Du même auteur
Chantier de vie, Chapitre.com, 2016
Le code de la propriété n’autorisant aux termes de l’article L. 122-5 (2e et 3e a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dan un but d’exemple ou d’illustration, « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerai donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
© Les Éditions Chapitre.com, 2016
ISBN : 979-10-290-0487-2
Avant-Propos
Le contenu de cet ouvrage présente des considérations pouvant paraître excessives dans leurs termes, à situation extrême mots extrêmes.
Je m’excuse auprès des âmes sensibles et des êtres bien pensants si je porte atteinte à leur for intérieur. Il y a des choses de la vie qui ne peuvent rester sous silence.
Pour préserver l’anonymat de certaines personnes citées, les noms et prénoms ont été modifiés.
Que cette expérience authentique, aussi désastreuse soit-elle, apporte au lecteur une réflexion sur lui-même.
Georges CAYOUN
À mes fils
« Le secret d’une autorité quelle qu’elle soit, tient à la rigueur inflexible avec laquelle elle persuade les gens qu’ils sont coupables. »
VANEIGEM R., Le livre des plaisirs, ENCRE, 1979.
PREMIÈRE PARTIE
Prison civile de Tétouan
Cahier 1
Bab Sebta
Mercredi 20 avril 1994
9 heures 30 G.M.T.
Arrêté à la frontière marocaine puis emmené au commissariat de Tétouan, le moral est au plus bas. Tout défile à vitesse grand V. Les enfants, ma femme, les problèmes pécuniaires qu’elle va rencontrer pour conserver ce que nous avons mis tant d’années à construire.
Tout s’écroule. J’ai une boule à l’estomac !
Au commissariat, interrogatoires puis descente aux enfers dans une sombre cellule d’attente.
Seule une ampoule à la lueur blafarde éclaire un groupe de personnes déjà là depuis plusieurs heures voire plusieurs jours.
Certains d’entre eux sont sanguinolents.
Passages à tabac cris et pleurs me parviennent en bruit de fond.
Allongé sur une couverture des plus sales, je me remémore ce qui m’est arrivé depuis le matin.
J’ai l’impression d’être l’acteur principal d’un film. La pièce dans laquelle je me trouve a un haut plafond.
Les murs, le sol, le coin des toilettes, sont répugnants. Des crachats jonchent le sol. Le manque d’hygiène est surprenant.
Sans oublier les bestioles qui se promènent autour de moi.
Qu’est-ce que je fais dans cet endroit sordide ?
J’ai beau me dire que j’ai joué avec le feu mais c’est plus fort que moi, je n’arrive pas à me faire à ce décor.
Moi qui aimais tant ce pays, tout à coup j’ai comme un sentiment de rejet et je sens la haine monter en moi.
Comment ai-je pu me laisser prendre à ce jeu ?
Le bruit de la clef que le gardien glisse dans la serrure arrête mes pensées.
Un Marocain est poussé violemment à l’intérieur de la cellule et la porte se referme sur lui.
Il est en sang !
Est-ce lui que l’on entendait hurler il y a un instant ?
Oui ! C’était lui !
Son visage est balafré, sa chemise déchirée est rouge de sang, sa tête saigne encore.
C’est le lot quotidien des Marocains qui arrivent en ces lieux de misère.
Pour faire parler les plus récalcitrants, les inspecteurs les frappent à l’aide d’un nerf de bœuf ou d’un manche de pioche.
Il parle un peu le français et je l’interroge timidement.
Les inspecteurs l’ont tabassé toute la matinée pour avoir vendu du haschich à des touristes. Son bras gauche est fracturé à trois endroits et il n’est pas question de le soigner. Toute la nuit il souffre de ses maux.
Dans quel pays suis-je ?
Est-ce là le Maroc qui m’a apporté tant de joies par le passé ?
Le temps est comme figé. Pas de lumière extérieure qui pourrait nous indiquer si c’est le jour ou la nuit. La fouille faite à notre arrivée nous a tout enlevé. Pas de montre. Rien qui pourrait nous rappeler que nous sommes des hommes malgré nos méfaits.
Je suis fatigué par cette journée riche en événements pourtant, j’ai du mal à m’endormir.
Quelle heure peut-il être ?
J’ai le sentiment d’être là depuis plusieurs jours tellement l’attente est longue.
Les quelques cigarettes qu’il me reste dans le paquet ne vont pas faire long feu. D’autant que je suis le seul à en posséder dans cette pièce.
J’en offre quelques unes à mes camarades d’infortune qu’ils fumeront à deux. Je ne sais pas où je vais, ce décor est tellement incroyable.
Un vrai cauchemar !
Je me souviens de quelques scènes de « Midnight Express » et je me rends compte que ce film est bien la réalité.
Je n’ai qu’une hâte pour l’instant, c’est d’être emmené à la prison. Au moins je l’espère, j’aurai un lit, un coin bien à moi où me « réfugier » où penser aux miens qui doivent être morts d’inquiétude.
Il faut que je dorme si mes pensées veulent bien me laisser un peu de répit.
Tôt le matin un inspecteur vient me chercher. Menottes aux poignets il me dirige vers le second étage. Là, il me pose à nouveau les mêmes questions qu’hier. Des fois que j’aurais raconté des histoires la veille.
La machine à écrire crépite.
Lorsqu’il a fini, il me demande de lire ma déposition rédigée en caractères arabe et de signer.
Quelle n’est pas ma surprise !…
Comment savoir ce qui m’est effectivement reproché ?
Je lui demande de me traduire le texte avant d’y apposer ma signature.
J’ai appris depuis hier à me méfier de ces gens qui me veulent du « bien ».
Je resterais toute la matinée dans ce bureau.
Entre temps, photos de face, de profil, empreintes digitales, mesures de la boîte crânienne, de la taille.
Puis vient le départ pour la prison avec un véhicule dont le moteur refuse de démarrer. La situation présente me provoque un léger rictus.
Une prison austère et vieillotte construite par les Espagnols. Prévue pour six cents détenus, elle en contient plus du double.
Après une longue attente dans l’endroit réservé aux parloirs famille, je subis une fouille corporelle avant de passer au greffe qui m’affecte à la chambre « 3 spéciale ».
Pas de cantine arrivant. Je me suis fait arrêter deux jours trop tard. Il me faudra attendre un mois avant de pouvoir cantiner.
Je n’ai rien pour écrire à ma femme et lui dire combien je suis désolé de la laisser dans une telle situation.
Même si je la sais très forte elle ne pourra, seule, paré aux problèmes qui l’attendent.
Un couloir me fait passer devant d’autres chambres, j’ai un aperçu de ce que va être ma détention. Cent cinquante détenus s’entassent tant bien que mal dans une pièce toute en longueur, une vingtaine de mètres sur cinq ! Pas de lits. Des couvertures étendues au sol sur quarante centimètres de large en font office. Ça promet !
J’arrive à la « 3 spéciale »
Une chambre de six mètres sur quatre. Dans le fond à gauche, un cabinet de toilettes, avec ô surprise ! Une demi-porte pour les wc. Un évier avec un robinet d’où l’eau coule normalement. Un semblant d’hygiène est observé. Je comprends à présent pourquoi c’est une « spéciale ».
Le chef de chambre me désigne une place vacante. Il me donne trois couvertures pour faire le matelas réglementaire. Un détenu m’en offre une autre afin de me couvrir la nuit. Un autre, un oreiller.
Nous sommes vingt six dans cet espace aussi exigu pour autant de personnes. Des Marocains, des Algériens, des Espagnols, un Italien, un Tunisien, et Bruno, un Français des Pyrénées. Dans cet univers où la communication cause quelques problèmes dus à la langue, c’est tout naturellement que nous nous sommes rapprochés l’un de l’autre.
Et puis, comment oublier ce personnage ? Il y a Salem. Un Algérien vivant en France, en Alsace, qui se montre sympa mais qui sonne faux. Quand le masque tombe on s’aperçoit vite que c’est un prétentieux et très pénible. Le genre de type qui sème la zizanie et qui se faufile laissant les autres exprimer à sa place ce qu’il n’ose dire lui-même.
Tant et si bien qu’un soir au moment du repas, que nous prenons à même le sol, Bruno craque. Attrapant celui-ci par le col, j’ai bien cru que cela allait se terminer en bagarre.
Heureusement qu’il s’est arrêté à temps, sinon c’était le cachot assuré pour chacun d’eux. C’est déjà assez difficile dans des conditions de détention dites, normales, alors je n’ose penser à ce que doit être le cachot.
Dans chaque chambre un détenu à la fonction de chef. Le notre a de fortes tendances homosexuelles et c’est particulièrement ardu de le supporter. Des envies d’homicide nous traversent l’esprit tellement il nous prend la tête !
Il est chargé de veiller à la propreté de la chambre, de préparer l’appel, de parer au manque de produits d’entretien et bien entendu, de donner l’alerte si toutefois il prenait l’envie à l’un d’entre nous de tenter la belle.
Son délit ? Passeur de « pastillas ». Drogue dure.
Le premier Tribunal le condamne à dix ans d’emprisonnement.
On peut comprendre qu’avec un tel « score » il soit énervé mais de là à passer ses crises sur ses codétenus, il y a des limites !
Il a créé un règlement de chambre, son règlement !
Rester à sa place toute la journée, ne pas stationner dans les cabinets à discuter, extinction des feux à vingt et une heures trente et ne plus fumer, sauf dans les toilettes.
Au bon plaisir de monsieur de laisser la télévision allumée ou non sous prétexte qu’elle lui appartient.
Heureusement que dans cette chambrée il y a une personne avec qui je peux parler d’autre chose et laisser mon esprit s’évader le temps d’une conversation. Une personne qui sait ce qu’est la fraternité dans des moments difficiles et à qui je dois de m’être fait à cet univers particulier.
Je ne peux que lui souhaiter une fin de calvaire heureuse.
Comme chacun d’entre nous à certains moments de la journée, Bruno laisse son esprit vagabonder, il est ailleurs. Lui aussi doit penser à ses enfants, à sa femme, à sa famille, à ses amis. Le prisonnier n’est pas le seul à être « puni », les personnes chères payent aussi le tribut de cette absence. Qu’importent les privations physiques quand le mental peut fuir cet endroit et qu’il n’est pas emprisonné !
Il va bien falloir s’y faire, d’autant que je ne sais pas combien de temps je vais rester dans cette galère.
La nourriture est notre préoccupation principale.
Inutile de compter sur les « plats » servis par la prison. Tout est cuit à l’eau, les légumes baignent dans un jus indéfinissable, la viande est quasiment inexistante, le pain est à peine cuit. Alors comment faire pour subsister et ne pas décrépir à vue d’œil ?
Se forcer à manger ces aliments qui ne mettent pas vraiment en appétit ?
Il n’est pas question ici de suivre une hygiène alimentaire pointilleuse.
Il faut faire avec les moyens du bord et ces moyens sont faibles du fait que nos familles sont à quelques milliers de kilomètres et qu’elles ne peuvent comme le font les locales, nous déposer de quoi nous nourrir convenablement et quotidiennement. Je ne peux qu’exprimer le dégoût qui m’envahit à la vue de cette bouffe tout juste acceptable pour des chiens.
Je me laisse aller… J’avais oublié pendant un instant que nous sommes dans une prison marocaine et qu’ici, il faut laisser sa condition d’homme au vestiaire…
Et toujours les images de mes enfants et de Puce, ma femme, qui défilent devant les yeux de mon esprit et qui me rappellent qu’il faut tenir, tenir jusqu’au bout, pour eux. Ne pas courber l’échine sous le poids de la pénitence. Je n’ai ni volé ni tué. J’ai seulement acheté un peu de résine de cannabis dans ce pays qui en produit et en exporte des milliers de kilos sous couvert de certaines autorités corrompues.
Pourquoi les petits trafiquants et les passeurs font-ils les frais de cette politique illogique ?
Faut-il chercher à comprendre ce qui paraît inexplicable ?
Le fric est seul responsable de ce système. Tout marche avec l’argent. Les gardiens eux-mêmes sont soudoyés par les détenus. Puisque leurs salaires ne semblent pas suffire, il faut en plus qu’ils fassent la manche à la porte de la chambre pour « taper », qui un café, qui de la nourriture, qui des cigarettes. Comment peuvent-ils procéder de la sorte sans avoir des remords de fierté ? Cela fait-il partie intégrante de ce pays ?
Première nuit dans cette prison.
J’essaie de trouver le sommeil. Quand celui-ci me prend, je me réveille en sursaut peu de temps après. Cette nuit va être longue.
Nous sommes couchés à terre sur deux carreaux de carrelage comme repère, 40 cm, à ne pas dépasser sous peine de se voir remettre à sa place par les détenus allongés de part et d’autre de ma personne.
Couché en sardines, j’ai mal aux reins et aux jambes.
Je me suis enrhumé dans cette chambre où les courants d’air sont rois. Pas de vitres aux fenêtres, que des barreaux. J’imagine ce que sera l’hiver dans de telles conditions.
Cette promiscuité me rend nerveux. Moi qui aime tant avoir mes aises, je me retrouve confiné au plus bas de l’échelle.
Des cris me parviennent du couloir.
De plus en plus forts. Des cris de quelqu’un passé à tabac par les gardiens.
Les coups pleuvent couramment ici.
Pour un oui, pour un non, tout est prétexte au défoulement des matons qui semblent éprouver un malin plaisir sadique à les asséner.
Vendredi : 5 h 30
Le réveil est pénible. Le bruit que font les auxiliaires dans le couloir en sortant les poubelles, le bruit que fait le détenu désigné pour le nettoyage des toilettes de la chambre, le non-respect d’autrui est surprenant.
Est-ce-que je vais tenir sans craquer ? C’est à devenir fou !…
7 heures 30 : L’appel.
Aslam le chef de chambre tape des mains et s’époumone en criant :
« – Toé ! Toé ! »
Signal qu’il est temps de replier les couvertures avant l’appel.
Ceci fait, nous voici alignés deux par deux pour le comptage.
Le maton passe, note sur un bout de papier, qu’il n’a pas toujours, le nombre de ses « moutons », puis l’attente, le temps qu’il fasse le tour de toutes les chambres. Debout, les jambes commencent à faiblir et les muscles à se tétaniser.
L’appel terminé, chacun regagne sa place et la longue attente reprend ses droits.
Rien à faire…
Certains prennent leur petit déjeuner.
Que faire pour échapper à nos pensées qui sans cesse reviennent ?
Il faut trouver une occupation quelconque pour essayer de tuer le temps. Lire, écrire, accaparer l’esprit à tout prix pour ne pas tomber dans un cafard inextricable.
Les croyants musulmans s’adonnent à leurs incantations religieuses plusieurs fois dans la journée. À plusieurs reprises ils tenteront de m’endoctriner. Peine perdue, moi qui suis athée.
Néanmoins, je fais contre mauvaise fortune bon cœur en respectant leur théologie. Même si par moments j’ai envie d’éclater, je me contiens.
Dans le couloir passe un curieux cortège.
Enveloppé dans un drap blanc, un détenu est porté par deux auxiliaires.
Son corps a l’air bien raide.
Est-il mort ?
Il semble que la réponse soit positive.
Suicide ?
Mort lors d’une bagarre ?
Défaillance physique ?
Ces questions hantent mon esprit et resteront sans réponses. Comme disent certains, il vaut mieux être ici que mort.
Mais n’est-ce pas une sorte de mort lente que nous vivons dans ces lieux sinistres ?
J’apprendrai plus tard qu’une chambre est réservée aux détenus atteints par la gale. Une gale tenace due au manque d’hygiène et de soins. Certains font peine à voir et sont traités comme des pestiférés par les codétenus. Pourvu que je n’attrape pas ce genre de saloperie ou une autre maladie parce que la médecine ici fait défaut apparemment.
Est-ce le manque de moyens, l’ignorance du corps médical ou tout bonnement une certaine dose de je-m’en-foutisme qui fait que cela soit ainsi ? Il y a bien une « infirmerie » mais les infirmiers ne sont pas ici à leur place, pour un mal de tête ils donnent des cachets pour la constipation et vice et versa. Qui plus est, des médicaments qui ont depuis un bon moment passé leur date de péremption. C’est vraiment n’importe quoi !…
Les mots me manquent pour dénoncer ces pratiques inhumaines.
Comment les organismes humanitaires de réputation mondiale pourraient-ils fermer les yeux sur de tels agissements ?
J’aimerai tant prendre une douche pour me décrasser de la poisse de ces derniers jours. Mais après renseignements, il n’est pas rare que nous restions quinze jours sans douche. Dans la chambrée, il y a bien un évier mais Aslam interdit toute forme de lavage corporel. Le brossage des dents est toléré. Alors, au risque de se faire engueuler, on tente quand même de se laver rapidement et sommairement.
Seuls les croyants ont droit aux ablutions avant le culte.
On nous fait bien sentir que nous sommes de trop dans cette chambre. On dit les Européens xénophobes mais ici nous prenons cette xénophobie latente dans les dents plusieurs fois dans la journée.
On nous fait bien sentir également que nous ne sommes pas chez nous et qu’il faut se plier à leurs coutumes et à leurs envies. Mais là aussi, je me sens suffisamment armé psychologiquement pour ne pas tomber dans ce piège.
L’auxiliaire chargé de prévenir les détenus vient me chercher. Il paraît que j’ai reçu du courrier. Je lui demande s’il est bien sûr que cela me concerne car depuis peu entre ces murs, je n’attends pas de courrier si tôt, d’autant que mon épouse ne doit pas être au courant de ma situation.
Je lui emboîte le pas jusqu’à une pièce qui fait office de bureau. Les fenêtres donnent sur la rue où il y a une forte agitation à cette heure de la matinée.
Le responsable me tend une lettre qui provient du Consulat de France de Tanger.
Celle-ci m’indique que le nécessaire a été fait auprès de ma femme pour l’avertir de mon incarcération et qu’un fonctionnaire passera me rendre visite d’ici une dizaine de jours. Un mois après, il n’est toujours pas apparu.
Je serai informé plus tard par ma femme que personne ne l’a avertie de mes déboires. C’est elle qui, voyant mon absence se prolonger, a appelé l’Ambassade de France.
J’ai alors le sentiment profond d’être lâché par mon pays.
Il y a entre ces murs d’autres ressortissants français comme moi, qui n’ont rien. Pas d’assistance extérieure, rien à fumer ou améliorer un peu les repas quotidiens. Tout le monde se fout éperdument de ce qui peut leur arriver !
Où est la fraternité française tant rabâchée sur les bancs de nos écoles ?
Ce genre de situation peut se produire pour n’importe lequel des Français.
J’aurai bien aimé connaître la réaction de l’opinion publique en France en apprenant comment sont traités leurs enfants dans ce pays. Il faut savoir que pour la moindre chose, on peut avoir les menottes aux poignets et sans autre forme de procès, se retrouver derrière les barreaux.
Pour la plupart des Étrangers détenus au Maroc, le motif est le cannabis. Si l’on veut arrêter cette hécatombe, l’Europe se doit de dépénaliser cette drogue douce au même titre que le tabac. Pour ne citer que celle-là. Il y a d’autres drogues, dites légales, qui sont couvertes par les scientifiques, les gouvernements et qui tuent ! Alcool, médicaments, et j’en passe.
De retour à la chambrée, c’est la sortie pour le patio. Une cour intérieure aux hauts murs blanchis à la chaux. Faire quelques pas pour se dégourdir les jambes qu’une position assise permanente engourdie, est digne de l’exploit. La cour est petite et le nombre de détenus qui y évoluent ferait plus penser à un souk qu’à un lieu de promenade.
Vraiment, tout ici est fait de façon à casser le moral des hommes !
Dans cette cour, je rencontre d’autres Français. Manu, Willy, Patrick, tous de la région parisienne et incarcérés pour le même motif : Cannabis.
Les peines prononcées à leur encontre sont très lourdes. Ils attendent à présent leur second passage au Tribunal. Avec un peu de chance, la peine peut être réduite mais elle est souvent confirmée ou pire, elle est accentuée.
Le cas s’est présenté pour Kess, un hollandais, qui a été pris avec cinquante kilos de résine. Condamnation : Six ans. Confirmés par le deuxième Tribunal.
La Justice me surprend, si le détenu a suffisamment d’argent, il peut « acheter » ses juges. Ce procédé est valable pour tous.
Quant à Bruno, c’est avec trente quatre kilos qu’il a essayé de passer la douane. Son plan aurait pu réussir s’il n’avait eu la malchance de « travailler » avec un Marocain qui l’a dénoncé et qui a fui en France sans demander son reste.
Pour lui, c’est cinq ans d’emprisonnement au premier tribunal et descendu à quatre au second. Il lui reste encore un espoir avec le pourvoi en cassation puis avec l’intervention de relations importantes sur le territoire marocain.
Je me remets à trembler quand j’apprends que José, un Espagnol de notre chambre, a écopé de trois ans au premier tribunal pour deux kilos… ! Qu’est-ce que ça va être pour moi qui en avais quatre kilos et demi ? J’ai hâte de savoir, je voudrais déjà être condamné pour pouvoir me dire qu’à telle date je retrouverai la liberté et les miens. Cela m’aiderait à tenir le coup et à ne pas penser à l’évasion qui commence sérieusement à me trotter dans la tête.
En attendant, retour à la chambre. Durée de la promenade : Quinze minutes !
Ce week-end, comme tous ceux qui viendront, sera long. Pas de sortie au patio. Pas de mouvements dans la prison.
Je me renseigne pour savoir comment se passent les journées, comment faire pour se défendre devant les tribunaux, si l’on doit prendre un avocat local ou non.
Salem me conseille un avocat qui l’a défendu : Maître M… Je lui demande de parler pour moi à son défenseur lors d’un prochain parloir et de me mettre en contact avec lui. Ce qui fût fait dès le début de la semaine.
Ma première rencontre avec lui fût rapide. Le temps de lui exposer les grandes lignes de mon affaire, de me renseigner sur la justice et sur les risques encourus pour la quantité de résine que j’avais en ma possession lors de mon arrestation. Selon lui, pas de problème, c’est une petite quantité qui ne devrait pas me valoir une trop lourde peine. Mais pour moi, passer une journée, une heure dans cette prison, c’est déjà énorme.
Il a l’air confiant pour la suite des événements mais comment faire confiance lorsque l’on a perdu ce sentiment ?
Dans un premier temps, il doit obtenir l’autorisation du Procureur du Roi pour me défendre. En outre, il me suggère de reporter mon passage au premier tribunal afin qu’il puisse étudier mon dossier. Avant de se quitter, il me réclame une provision pour assurer ma défense. Son prix est de quatre mille Dirhams.
Je lui propose d’attendre que je contacte ma femme pour prendre les dispositions nécessaires.
Les avocats ne se contentent pas de faire du droit, ils font aussi du commerce carcéral. Contre une somme d’argent en liquide, ils peuvent rendre des services tels que : procurer des cigarettes, poster du courrier, téléphoner aux familles qui sont à l’étranger… Tout ici est bon à profit ! Je réintègre ma chambre chargé d’espoir pour la suite. Peut-être que j’aurai un peu de chance dans mon malheur…
La journée passe lentement.
Après l’appel du soir, je suis informé que je serai présenté le lendemain devant le tribunal qui va me juger. Je suis curieux et anxieux à la fois à l’idée de passer cette épreuve. Et c’est bien d’une épreuve dont il s’agit.
Il faut dormir maintenant car demain va être une journée harassante.
Mardi 26 avril
J’ai passé une nuit agitée. Je commence seulement à décompresser depuis mon arrestation. Mon voisin de couchage me dit que j’ai beaucoup remué cette nuit et que je transpirais dans mon sommeil. Je pense que c’est normal, vu le traumatisme. Mon corps et mon esprit se mettent en cours d’adaptation. Encore quelques jours à ce régime et je serai « intégré » dans ce système.
Il est temps de me préparer à être extrait pour le tribunal. Bruno a l’amabilité de me
