Coming out chez les flics: Le destin contre la volonté
Par Michel Lapierre
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À propos de ce livre électronique
Cette histoire est la mienne. Ce que j’ai pu vivre à ce moment-là est encore difficile à décrire, et mettre des mots sur des maux n’a pas été aisé. Ce fut comme une petite mort. Tout mon avenir était à recomposer, mon devenir était anéanti. Heureusement j’ai eu la grande chance de rencontrer à ce moment-là, alors que j’étais loin de l’imaginer, un ange qui quarante-cinq ans après, est toujours à mes côtés.
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Aperçu du livre
Coming out chez les flics - Michel Lapierre
Coming out chez les flics
Michel Lapierre
Coming out chez les flics
Le destin contre la volonté
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
Coup de gomme, roman policier, Les Éditions du Net (2016)
La grenouille, roman policier, Les Éditions du Net (2017)
Le maudit du canal, roman policier, Les Éditions du Net (2018)
Le cinquième fils Aymon, roman policier, Les Éditions du Net (2020)
Une fin en soie, roman policier, réédition, Les Éditions du Net (2020)
Des vers dans le fruit, roman policier, Les Éditions du Net (2021)
En co-écriture avec Denis Bruyère
L’Histoire des pompiers du Pays d’Alby-sur-Chéran, histoire, Les Éditions « Je fais mon livre » (2017)
Bonjour papa ! pièce de théâtre, comédie (2017)
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12217-5
« Ceux qui, sans nous connaître assez, pensent mal de nous, ne nous font pas de tort. Ce n’est pas nous qu’ils attaquent, c’est le fantôme de leur imagination. »
Jean de La Bruyère
À Bernard,
Louis Aragon a sans doute pensé qu’un jour ces vers te seraient destinés :
« Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu’un cœur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement. »
Préface de Danielle Thiéry
{1}
L’histoire, édifiante, que Michel Lapierre nous raconte dans ce livre s’est déroulée en 1977. On n’était pourtant encore pas si loin de ces années où le mot liberté avait étourdi les plus réservés d’entre nous. Mai 1968, pour ceux qui l’ont connu, avait ouvert des portes. Et quelles portes ! Ainsi, les femmes venaient de faire leur entrée dans la police française alors que les murs des commissariats résonnaient encore du fameux slogan « la police un métier d’homme » placardé dans tous les halls d’accueil.
Jeune officier de police débarquée dans la grande maison en 1970, je pensais que ce monde était aussi le mien, qu’il m’attendait et m’accueillerait comme j’imaginais y avoir droit et le mériter. Et pourtant que de rebuffades, de remarques désobligeantes, de pressions, de tirs de barrage a-t-il fallu subir ! Jusqu’à parfois songer à renoncer quand l’incompréhension était trop grande.
J’avais été élevée dans l’une de ces familles décimées par deux guerres successives au cours desquelles les femmes avaient montré de quoi elles étaient capables. Il suffisait de leur en laisser la possibilité. Elles avaient été chefs de famille, chefs d’entreprise, avaient tenu les usines, les fermes, sillonné les champs de bataille pour ramasser les blessés et les morts. Pour autant, la France fut l’un des derniers pays du monde occidental à leur octroyer le droit de vote, à leur reconnaître, du bout des lèvres, une place sociale qu’aujourd’hui encore elles rament à faire perdurer. La police n’échappe pas à ce constat. Bien que certaines – dont je fais partie – aient réussi à grimper les marches hiérarchiques et, aujourd’hui, parfois très haut, elles sont longtemps restées des exceptions que l’on montrait comme des phénomènes destinés surtout à valoriser l’institution quand elle en avait besoin. Des réussites, certes, mais à quel prix ! Il aura fallu des recours en droit jusqu’à la Cour européenne de justice pour supprimer les quotas ou faire rendre gorge au maire d’une grande ville qui refusait qu’une femme prenne la tête de « son » commissariat !
Comme si tout était à reconquérir toujours, comme si les combats menés depuis des décennies pour faire reconnaître l’égalité et, au minimum, la parité, n’avaient servi à rien.
Les policiers homosexuels, à bien des égards, comprennent mieux que quiconque les désagréments liés à la condition féminine. Et pour cause, ils en subissent les mêmes conséquences.
Michel aurait pu traîner en justice ces deux commissaires de police indignes. S et C auraient été mis en examen, révoqués, condamnés conformément aux dispositions des articles 9 du Code civil, 225-1 du Code Pénal et L 1132-1 de la nouvelle version du Code du Travail pour atteinte à la vie privée, discrimination en raison de l’orientation sexuelle. Trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.
Les lois de la République protègent contre toute forme de discrimination. Des associations comme FLAG ont pour vocation de défendre et aider les policiers et gendarmes homosexuels victimes d’atteinte à leur vie privée, d’ostracisme professionnel ou de harcèlement. Mais tous ne connaissent pas leur existence ou n’osent pas recourir à leurs services de crainte d’aggraver leur cas. Et parfois parce qu’il est trop tard. Parce que les pressions, le harcèlement ont eu raison de leur résistance. Les victimes de ces manœuvres odieuses ont préféré démissionner, renoncer à leur métier, s’en aller, outragés, parfois désespérés.
J’ai en mémoire l’un de mes collaborateurs, lieutenant de police, un de ces flics sans histoires, professionnel, courageux, qui aimait son métier autant qu’il est possible et qui le faisait bien. Las d’entendre des réflexions et allusions parce qu’il était célibataire et qu’il ne draguait pas les jeunes femmes, il est venu me trouver un jour pour m’annoncer qu’il avait l’intention de faire son coming out et de révéler le nom de son compagnon, un gardien de la paix d’un commissariat parisien. Leur union était solide, ils vivaient en couple, il ne voyait pas de raison de se cacher plus longtemps. Nous en avons longuement parlé, il avait confiance en moi et je lui ai conseillé la prudence. Au lieu d’une annonce directe, il a opté pour une attitude plus soft. Il n’a pas fait d’annonce mais ne s’est plus caché. La hiérarchie intermédiaire a joué son rôle d’accompagnement, j’ai, chaque fois que possible, montré publiquement l’estime et la confiance que je lui portais. J’en ai entendu de toutes les couleurs, entre ceux qui ne comprenaient pas, ceux qui ne voulaient rien entendre, les hostiles déclarés. Ouvertement personne n’a moufté. Quand nos chemins professionnels se sont séparés, ce ne fut plus pour lui la même chanson. Il a fini par quitter la boîte, comme on dit, pour aller voir ailleurs. Je l’ai recroisé, une fois, il ne s’en est jamais remis.
Alors, des lois, des textes, oui bien sûr. Puisqu’il faut en arriver là. Puisque nos mémoires archaïques, renforcées des préceptes moraux d’un autre âge nous ramènent sans cesse au même point. Des lois pour qu’un homme puisse aimer un autre homme, faire sa vie avec lui, une femme avec une femme, pour qu’une femme puisse diriger un grand service de police… Je suis persuadée, et l’actualité nous le démontre, que le temps ne fait rien à l’affaire. Les vieux démons ne meurent jamais, ils restent tapis et ne demandent qu’à ressurgir à tout propos. Alors, des lois, oui. Mais ce qu’il faut avant tout, c’est garder la tête froide et rester en éveil, faire du bruit, ne pas se taire, ne pas baisser la tête ni les bras, ne pas subir l’opprobre et la relégation.
Le silence tue plus que les mots, même s’ils sont difficiles à prononcer et encore plus difficiles à entendre.
Avant-propos de Christophe Gavat
{2}
Comme deux évidences. L’amour et la police.
C’est l’histoire de Michel. Passionné depuis toujours par la Police, et amoureux de Bernard. Depuis presque toujours.
À l’époque ce n’était visiblement pas compatible. Quelle connerie.
Pourtant depuis Audiard tout le monde le sait : les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît.
Mais quand même… On eut pu espérer une autre attitude d’un haut gradé de la maison Poulaga, que celle de tout faire pour radier de ces rangs celui qui avait eu le courage d’affirmer son amour d’un homme.
Pourtant l’amour des hommes, des autres, quel que soit leur sexe, leur couleur, leur origine, leur religion, c’était, c’est et ça restera le propre du policier. Sinon, à quoi ça sert que le ministère de l’intérieur se décarcasse ?
Pourquoi risquer sa vie sur un différend familial ? Pourquoi interpeller un braqueur ? Pourquoi arrêter un homicideur ? Pourquoi intervenir sur une manif, un accident de la route, une rixe, un attentat ? Pourquoi s’emmerder la vie à protéger celle des autres ? Pourquoi s’évertuer à garder la paix, quand tant d’autres sèment le trouble, tentent la déstabilisation sociale et emmerdent le reste du monde ? Si ce n’est pour l’amour des autres.
Michel a toujours cru à sa mission. Devenir policier, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, et les autres, celles plus intimes, avoir un métier qui bouge, un métier de fraternité, un métier de partage, un métier de conviction. Être flic, c’est ça et tellement plus encore.
Flic, comme le dit si bien Olivier Marchal, c’est être quelqu’un d’ordinaire qui vit des aventures extraordinaires. Et à travers ces aventures, faire des rencontres extraordinaires. Et on est riche que de ses rencontres.
Michel en a fait des très belles. Bernard, son amoureux, son compagnon, son mari.
D’autres plus douloureuses, un commissaire de police qui décide unilatéralement qu’on n’a pas besoin d’homosexuel dans la boite (et encore je ne suis pas certain qu’il ait employé le mot homosexuel) et met tout en œuvre pour pousser Michel à quitter la police.
L’amour de la police contre la police de l’amour.
Mais depuis quand quelqu’un peut dire qui aimer ? Comment aimer ?
Certains se sont octroyés, avec assurance et conviction, ce droit.
La certitude des cons. Quel que soit le grade. Le grade n’est pas un gage de grandeur, ni une mesure étalon de la connerie. Ça se saurait.
Une autre époque ? Il faut espérer…
Mais les rencontres ont continué. Et même si Michel a quitté, obligé, la police, il a été et reste un flic. Il a juste trouvé un autre moyen pour s’occuper des autres. Une autre façon d’être tourné vers les autres. Les raconter. Devenir réalisateur de films, notamment de documentaires sur les sapeurs-pompiers, autre métier-passion.
Aidé, porté, secondé, aimé par Bernard. Quand vous les voyez ces deux-là, vous ne doutez pas de l’évidence de leur amour. Ils ont cette façon si amoureuse de faire attention à l’autre, sur une mèche de cheveux qui dépasse, un pull mal assorti au pantalon, un médicament oublié à prendre. Ils ont l’un pour l’autre le geste attentionné, le regard attendri, la lueur dans les yeux. Ils ont cette force d’avoir tout traversé depuis quarante-cinq ans, le mauvais comme l’inacceptable mais aussi l’envie et le désir, d’être ensemble, de vivre ensemble, d’aimer ensemble.
La certitude des amoureux, contre-point et pied de nez parfaits à tous les orchidoclastes suffisants de la bien-pensance fatigante.
Il fallait que cette histoire soit racontée. Que ce « coming-out chez les flics » soit écrit, pour que tous sachent ce que Michel (et Bernard), comme tant d’autres, ont vécu dans la « grande Maison » avant de pouvoir crier à la face du monde qu’ils s’aiment et que ça ne regarde qu’eux.
Aujourd’hui ce livre existe et Michel a été reconnu dans sa qualité de policier. Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, au courant de son histoire lui a fait délivrer une carte de retraité de la police nationale.
Entre une carte retirée et découpée par un commissaire et une autre reconnue et délivrée par un ministre, il n’y a pas bataille. La vérité a été rétablie. Michel a été, est, et restera un poulet. Un vrai. Un de ceux, avec qui vous pouvez partir à « l’interpelle » sans inquiétude. Il ne reculera pas.
J’ai eu l’honneur et le bonheur de lui remettre sa carte de retraitée au cours d’une petite cérémonie.
La joie brillait dans ses yeux. L’émotion était de sortie. L’ivresse du moment nous a emporté, comme celle souvent présente pour célébrer une belle affaire judiciaire.
Et Bernard a rappelé à Michel, que l’euphorie de l’instant ne devait pas l’empêcher de prendre son cachet pour lutter contre sa petite arythmie cardiaque. Quand on aime…
Je me suis réjoui de faire ce métier de policier, j’avais encore fait deux belles rencontres. Une évidence.
Christophe Gavat
30 mars 2022
Préambule
La première version de cet ouvrage n’a pas eu plus de chance avec l’édition, que j’en ai eue avec la Police. Il est sorti le lendemain de l’attentat de « Charlie Hebdo » en 2015. Inutile de préciser que toute action de communication autour de sa sortie en librairie était inutile, priorité à la triste actualité, cela peut se comprendre. Seulement voilà, le premier éditeur n’a jamais cru que ce livre intéresserait les lecteurs, prétextant que mon « histoire » elle était trop ancienne ! Comme si la bêtise humaine et l’homophobie étaient intemporelles !
Jamais, je précise bien, jamais, en dehors d’un article éphémère paru dans « l’OBS » dans les premiers jours, il n’a fait une quelconque communication sur l’ouvrage.
Bernard, mon conjoint, et moi, avons beaucoup œuvré pour le faire connaître, plusieurs articles de presse dans différents médias, presse écrite : quotidiens, hebdomadaires, presses LGBT, radio, et surtout cinq passages en télévision : la 2, France 24, RMC découverte, FR3, TV8 Mt Blanc. Sans oublier des salons en région Rhône-Alpes, et des conférences qui intéressent énormément.
Nous pensions que ce livre, sans être un best-seller, avait dû bien se vendre. En dehors de deux états des ventes en 2018 et 2019 aux chiffres invérifiables, aucuns signes positifs, j’étais même censé devoir de l’argent à l’éditeur !!!
Voici pourquoi cette nouvelle édition n’aura pas de peine à être plus à même de faire connaître ma triste histoire.
C’est l’histoire d’un petit garçon qui dès son plus jeune âge n’avait qu’un rêve : devenir policier. Il va le réaliser, il va être considéré comme un bon élément promu à un bel avenir, seulement ceux qui ne tarissaient pas d’éloges sur lui vont apprendre qu’il est gay. À la fin des années soixante-dix, il n’était pas facile dans la police de porter cette étiquette. J’ai été poussé à la démission sans autre forme de procès.
Ce que j’ai pu vivre à ce moment-là est encore difficile à décrire, et mettre des mots sur des maux n’a pas été aisé. Ce fut comme une petite mort. Tout mon avenir était à recomposer, mon devenir était anéanti. Heureusement j’ai eu la grande chance de rencontrer à ce moment-là, alors que j’étais loin de l’imaginer, un ange qui quarante-cinq ans après, est toujours à mes côtés.
De grands et beaux moments impensables sont venus après la sortie du premier ouvrage. Des amitiés se sont