Néonazis, pesticides et OGM: Ernest Rudel et compagnie
Par Jean Luc Buetas
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Aperçu du livre
Néonazis, pesticides et OGM - Jean Luc Buetas
Néonazis, pesticides et OGM
Jean Luc Buetas
Néonazis, pesticides et OGM
Ernest Rudel et compagnie
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
Les Voéyaghes d’Albertine. P’rmière Rabalée, Les Editions du Net, 2017
Les Voéyaghes d’Albertine. Deusième Rabalée, Les Editions du Net, 2018
Mourcias Chouésits de l’Ajhasse Désencruchée, Les Editions du Net, 2017
Probabilités et statistique (ce que j’en ai compris si ça peut aider), Les Editions du Net, 2020
Initiez-vous à la langue saintongeaise avec Albertine, Les Editions du Net, 2020
La Thieusine d’Albertine, Editions du Net, 2021
A la Santé de César, Ernest Rudel et Cie, Les Editions du Net 2021
Sous la direction de l’auteur, ouvrage collectif :
L’Art Au Château 2022, Les Editions du Net, 2022
Avertissement gratos : Ceci est une fiction, donc toute ressemblance avec des gens ou des situations sont tout à fait indépendantes de la volonté de l’auteur, naninanananère, ou pas. Dans l’ouvrage précédent, tout était faux sauf ce qui était vrai, alors que dans celui-ci, tout est vrai, sauf ce qui est faux.
© Les Éditions du Net, 2022
ISBN : 978-2-312-12969-3
A la mémoire de Takatoshi TOMINAGA
{1}
« Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remord pour le présent, et une confiance inébranlable pour l’avenir »
Jean Jaurès
« Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler sont les deux principes majeurs et rigoureux de tous ceux qui feraient mieux de la fermer avant de l’ouvrir. »
Pierre Dac
Avant-propos
Plus j’écris, plus je trouve l’exercice difficile, et plus j’admire les vrais auteurs, les vrais écrivains. Et j’envie leur talent de création. Ainsi il m’arrive de penser à la chance que j’ai eue d’en rencontrer certains, d’avoir pu partager avec eux des moments d’explication de textes, de discussions sur leur savoir-faire, ou simplement apprécier leur enthousiasme, leur motivation communicative, sans oublier la convivialité.
Malgré la reconnaissance du public, les prix obtenus récompensant leur travail et les nombreux articles de presse qui leur étaient consacrés, les interviews radio ou télé, j’ai été surpris, agréablement surpris, à la fois par leur gentillesse et leur modestie. Absence de grosse tête, de melon hypertrophié.
Je pense, bien évidemment à Mireille Calmel et ses millions de livres vendus, après des débuts très difficiles, reconnaissance de son immense talent. Sacré parcours depuis « Les Tréteaux de l’Enfance » et des cours de guitare que l’on prenait ensemble à Saint-Martin, avec Anaël Train, son fils, devenu lui aussi écrivain.
Il y a eu Yohan Bourret et ses conseils en écriture, conseils que j’applique toujours aujourd’hui. Et pourtant, bien qu’il ait insisté pour me pousser à cette activité, j’ai attendu plus de dix ans avant de noircir ma première page.
A la même époque, j’ai rencontré un jeune homme qui lui n’était pas écrivain, mais qui deux années de suite avait gagné un concours de nouvelles organisé dans nos campagnes. Le talent, il l’avait, alors il s’est installé sérieusement à son écritoire. Quelques neuf ouvrages plus tard, Martial Maury a toujours une idée de roman en tête. Et il m’a fait l’honneur de rédiger la préface d’un de mes livres.
Mes livres sont pour la plupart en langue saintongeaise, la langue régionale de notre aire géographique. Mais j’étais titillé par l’idée d’un roman, et c’est particulièrement trois auteurs, lors d’un salon du livre où nous étions invités durant un week-end, qui m’ont contaminé avec cette fièvre. C’est tout d’abord Olivier Norek, le flic du 93, semblant être timide, mais qui devient intarissable dès qu’on parle de ses personnages. Sympa et j’adore son style. Puis Jacques Saussey, le spécialiste des sujets lourds, très lourds, et un style noir, très noir. Et Niko Takian, roi du polar…
Je n’oublie pas Amélie Antoine, qui a su parler simplement de sa façon d’écrire, lors d’une soirée organisée au Château Peyreyre, en son honneur. J’aime son style qui donne à son écriture une impression de facilité, alors qu’elle est très travaillée.
Ainsi, je n’ai aucune difficulté à rester modeste, quand on côtoie des gens de ce niveau, on se rend compte très vite qu’on est tout petit. Pas besoin d’évoquer les auteurs classiques, ou plus contemporains, immenses écrivains, d’Hugo à Céline en passant par Tolstoï, Voltaire et tant d’autres, pour situer ses qualités.
Néanmoins, je ne suis absolument pas complexé. Tout au contraire, j’observe ces artisans en écriture (expression que j’ai piquée à Martial), je lis leurs ouvrages, j’essaie d’en tirer la substantifique moelle. Alors ce qui suit n’est vraisemblablement pas ce qu’on aura écrit de mieux au monde. Tant pis, j’aurai essayé, et j’essaierai encore et encore.
Bref ! Cent fois sur le métier remets ton ouvrage.
Et bonne lecture !
Va t-au ?
{2}
P’tit Rudel est né. Il s’appelle Nicolas. Plus exactement Nicolas Nikos Pierre Gregorios Clodomir. Bon, Nicolas pour moi, Nikos pour Parthena, Pierre pour mon père, Grégorios pour le père de Parthena, et Clodomir qui nous a réunis. M’estounerait qu’il y ait un doublon dans l’état civil.
Notre petite famille s’est installée dans un petit bonheur sans tâche. Ma mère qui était la sévérité même, y compris dans la rigueur de ses traits, s’est complètement métamorphosée. Dès que P’tit Rudel entre dans son champ de perception, ce n’est que sourires, babilles bébêtes à la limite du ridicule, et voyez vous, elle s’en fout comme de l’an quarante, heureuse comme son entourage l’a rarement vu. Depuis cette naissance, la travailleuse infatigable a fait valoir ses droits à la retraite, tournant le dos à l’Education Nationale pour se consacrer à ses petits enfants, ceux de ma sœur, mais surtout à Nicolas et à Julia, qui a décidé unilatéralement qu’elle était la marraine de P’tit Rudel.
Le baptême catholique a eu lieu à l’église de Saint-Martin Lacaussade, sacrement sous la houlette du Père Christian, nommé à la place du curé cambrioleur. Mickey n’étant pas baptisé, c’est à Claude qu’incombe la lourde charge d’être son parrain.
Pour ne froisser personne, nous avons fait le voyage en Grèce, cette fois pour un baptême orthodoxe, toujours avec Julia en marraine, puisque, du fait de ses deux origines, elle est orthodoxe aussi. Et pour couronner le tout, cette musaraigne a réussi le tour de force de nous faire accepter son père, Démétrios, comme parrain. Ni vu ni connu, je t’embrouille et ficelle les deux familles. Bon, l’idée n’est pas sotte en soi et nous facilitera sans doute les choses dans l’avenir. Avec Démétrios, on a appris à se connaître. Il est, c’est vrai, un peu imbu de sa personne, un chieur pour être clair. Mais dans l’ensemble, il est plutôt sympa. Il parle le français comme moi le grec, c’est vous dire qu’on n’est pas encore prêts à tenir une conversation ensemble. Entre nous, je l’appelle Dékonos (emprunté à un des personnages de San Antonio, Dékonos de Pleintubos), il ne s’en offusque pas, et pour cause ! Dire que j’apprécie de le voir traîner ses guêtres autour de Parthena serait mensonger. Heureusement que ma petite hellène est entière : avec elle, quand c’est fini, c’est fini, et il ne faut pas essayer d’y revenir. Elle doit avoir un reste de sang sparte dans les veines. Et puis, nos voyages en Grèce sont, pour la plupart, professionnels, donc les enfants restent à Saint-Martin, il n’est pas nécessaire de voir Démétrios.
Tous les deux mois environ, nous partons Parthena et moi pour quelques jours dans le Péloponnèse pour visiter nos clients, l’ancien employeur de Parthena nous a fait une grosse publicité, appréciant notre complémentarité permettant d’aborder la production vitivinicole dans son ensemble, les sols et les cépages, les vinifications, les expertises… Nos collègues locaux ne sont pas vraiment ravis, mais ils font contre mauvaise fortune bon cœur, puisqu’on leur a laissé les analyses de routine.
On profite de nos escapades grecques pour voir la famille de Parthena, et disons-le clairement, pour prendre du temps rien que pour nous deux. C’est l’avantage d’un agenda bien tenu. Et depuis le coup de feu qui a failli nous séparer à jamais, ni elle ni moi ne supportons d’être l’un sans l’autre. Nos liens étaient déjà très forts avant, mais la poudre et cette balle presque mortelle ont créé une alchimie supplémentaire, nous rendant malades de l’absence de l’autre. Et pourtant il faut bien de temps en temps se séparer, ce que nous faisons quand le travail ou les évènements l’exigent. Le téléphone portable nous relie alors, on a toujours un prétexte pour s’appeler.
Nos affaires évoluant, le laboratoire avait besoin d’un nouveau collaborateur. Dans le même temps, Mickey s’est retrouvé chez Pôle Emploi, suite au changement de propriétaire de la grande surface dans laquelle il travaillait, et une compression de personnel. C’est Gaëlle, notre directrice du laboratoire, qui a eu l’idée :
« C’est parce qu’on est accrédité COFRAC et sous la norme ISO 17025 qu’on a le droit de faire de la formation interne. Michel connaît tout le monde ici, je peux assurer l’enseignement pratique, il suffit de faire un contrat d’apprentissage avec le Lycée Professionnel de Reignac. »
Le plus difficile a été de le convaincre, le bonhomme ne l’entendait pas comme ça. Repartir user ses fonds de culottes sur les bancs scolaires en compagnie d’adolescents ne faisait pas partie de ses ambitions :
« Sans déconner, tu me vois au milieu des boutonneux, à me faire houspiller par un prof’ comme le dernier des idiots, avec ma petite trousse et mes crayons de couleurs. Tu ne veux pas non plus que je fasse un collier de nouilles pour la fête des mères ?
– Arrête ton char, il y a autant de jeunots que d’adultes dans cette formation, et puis les enseignants ne t’embêteront pas si t’es sage, t’auras peut-être même une image…
– C’est malin, té ! Et puis je n’ai pas le cerveau qu’il faut.
– Ecoute gros naze, en plus au niveau monnaie, t’auras autant qu’avec le chômage, et tu cotiseras plein badin. Qu’est-ce que tu risques ? »
Comme d’habitude, c’est Parthena qui l’a convaincu :
« Michel, moi je t’aiderai pour les matières scolaires, il faudra juste que tu viennes plus souvent à la maison pour étudier.
– Dans ce cas… »
Eh, oui, on ne refuse rien à Parthena. C’est ainsi que notre ami a repris son cartable d’école pour préparer un bac pro viticulture-œnologie en alternance, une semaine au Lycée de Reignac, une semaine au laboratoire à Blaye, torturé par les deux chameaux du lieu, Gaëlle et Nadège.
La formation accélérée s’est faite sur deux années scolaires, et comme notre animal est têtu et fier, il a bossé comme une bête, délaissant même la Taverne et la Casa{3} au profit du savoir à emmagasiner. Si la chimie et la biologie ont parfois posé des problèmes, le reste a coulé comme du petit lait. La progression a été spectaculaire, et on se demande bien pourquoi, en dégustation. Au début, il a un peu renâclé, car les solutions hydro-alcooliques salées, sucrées, acides, amères, etc., ce n’est pas bien agréable, mais c’est fondamental pour l’apprentissage de l’art. Le passage aux solutions aromatiques s’est fait plus facilement, puis de mieux en mieux quand ont été abordés les vins : reconnaissance de cépages, typicités et équilibres, retour plus désagréable sur les défauts, et enfin un peu d’hédonisme pour finir. Ce qui est sympathique, c’est que l’apprentissage ne s’arrête jamais, en voyage, au cours d’un repas. La formation continue en quelque sorte, et il n’existe aucun métier autre que l’œnologie où travail et plaisir peuvent se confondre concrètement.
Côté viticulture, il avait les vignes du Château Gradecap à disposition, pour absorber les notions fondamentales lors des façons culturales. Il a bouffé de la taille, du tirage de bois, du pliage, puis du levage, de l’épamprage. Bref, il en a bavé. Et comme ça ne suffisait pas, il a aussi mangé du tracteur, avec gyrobroyeur, cultivateur, décavaillonneuse. Enfin, ses premières vendanges en tant qu’acteur, table de tri, remontages, et surtout décuvages !
Régulièrement, il passait ses soirées à la maison, d’abord pour ses cours avec Parthena, et notamment l’informatique, et quand il en avait plein le dos, il en profitait pour jouer un peu avec P’tit Rudel, le faire sauter sur ses genoux. Inutile de dire que le petit monstre était ravi.
Voilà comment notre titi parisien préféré est devenu bachelier en Viticulture et Œnologie, et au mois de juillet on a pu fêter son diplôme et son contrat d’embauche dans la société PER-Blaye-Œnologie comme laborantin. PER, on s’en doute pour Parthena et Ernest Rudel.
En septembre, Nicolas du haut de ses trois ans, a fait sa rentrée à l’école maternelle de Saint-Martin. Vous croyez qu’il a pleuré devant le portail et réclamé sa mère ? Que nenni ! Il a investi les lieux, a été baratiner les autres élèves, et roule ma poule, tout va bien. Une nouvelle page s’ouvre, les aventures de P’tit Rudel à l’école, et à mon avis, on va en entendre parler. Au grand dam de sa grand-mère qui voulait aller le chercher le midi pour le déjeuner, P’tit Rudel a émis le désir de manger à la cantine.
Julia n’est plus une gamine, elle fonce à tombeau ouvert vers ses dix-huit ans. Depuis son arrivée en France, elle fréquente le Lycée Jaufré Rudel de Blaye. Et cette année, c’est le baccalauréat. Je ne suis pas inquiet pour le résultat, ses notes sont toujours excellentes. Le problème viendrait plutôt de son idée de remettre au goût du jour la journée des Bachôteux. Elle a mis la main sur des notes que j’avais écrites sur cet évènement vécu en tant qu’élève de ce même lycée.
« Putain, c’est génial ! Faut qu’on refasse ça. »
D’où mon inquiétude. Parce que, à notre époque, c’était un sacré évènement ! Puis le temps a transformé ce monôme plutôt sympathique en grand n’importe quoi. Et un soir de barbecue à la maison, en présence de Claude, notre copain gendarme, de Marie, sa femme, et de Mickey, montrant mes feuillets :
« Il faut que je vous lise ça, la prose d’Ernest, ça va vous plaire.
– Ecoute, Julia, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
– Si, si. Je suis sûre que ça va vous faire marrer. Les écrits d’Ernest… Bon je lis.
Parle-moi correc’, mon pot’ ! J’ai la nervouze à rude épreuve. J’ai : les boules, les abeilles, les glandes… Je viens de croiser un monôme estudiantin, comme on dit en bon français : des boutonneux en blouse blanche qui balancent des œufs et de la farine sur la gueule des passants…
{4} »
La lecture prend un peu de temps et amuse pas mal l’auditoire. Claude et Mickey ont connu ce monôme, et l’année de mes Bachôteux, ils étaient là. On avait fini la nuit pas très beaux à voir, pleins de sangria.
On comprend mieux mon inquiétude pour Julia et son projet de rétablissement de cette tradition. Je comprends mieux aussi l’inquiétude de mes parents à l’époque. Et après avoir lu ma prose, la chipie en a profité pour critiquer mon style littéraire :
« Pas terrible ta façon d’écrire, un peu vulgaire, non ? »
Bref, tout va bien. Enfin, tout devrait aller bien. Depuis notre fameuse aventure, on pensait bien rester peinards, n’ayant aucun désir d’imprévu, ne cherchant surtout pas les excès d’adrénaline n’étant pas accros au danger. Et j’adore mon rôle de motte de beurre qui fond au soleil quand Parthena me regarde droit dans les yeux. Les remous dans notre microcosme grâce à P’tit Rudel et Julia nous suffisent amplement. On pensait rester sagement dans notre train-train habituel sauf que nous voilà encore embarqués dans une drôle d’histoire…
La mission
La grande salle du Tribunal des Prud’hommes de Libourne était pleine en ce jour d’audiences. J’attendais depuis un bon moment d’intervenir en tant qu’expert de la partie plaignante dans une affaire de licenciement, le licencié m’ayant demandé de démontrer sa bonne foi. Il s’agissait d’un maître de chai que l’employeur avait accusé d’avoir coupé une cuve de vin avec de l’eau, donc d’avoir mouillé ledit vin le rendant inapte à la commercialisation. Et ce fut mon tour de témoigner.
« Monsieur Rudel, puisque vous êtes l’expert mandaté par la partie plaignante, pouvez vous nous exposer vos conclusions ?
– Oui, Madame la Présidente. Toutes les déclarations qui vont suivre ainsi que les détails de l’expertise sont consignés dans le document de synthèse fourni contradictoirement aux deux parties ainsi qu’au tribunal. Je remercie la partie défenderesse de m’avoir permis de réaliser les prélèvements d’échantillons dans la cuve concernée par le litige.
Il s’agit dans notre affaire d’un cas de Syndrome Edward, phénomène dont j’ai décrit le mécanisme il y a quelques années et qui est en fait un phénomène de désalcoolisation spontanée sous l’effet de levures au cours d’une fermentation languissante et en atmosphère de micro-oxygénation{5}. Sans entrer dans les détails, ces levures vont utiliser l’alcool présent dans le milieu comme source d’énergie, et transformer de ce fait la molécule d’éthanol en gaz carbonique et en eau.
J’ai d’abord procédé aux analyses courantes afin de pouvoir appliquer les règles d’Alphen et de Blarez qui sont les deux modes de reconnaissance du mouillage, règles adoptées par la plupart des spécialistes, et notamment par les laboratoires de la DIRECCTE{6}. Vous pouvez constater, dans tableaux I et II, qu’avec les résultats obtenus, on ne peut pas suspecter de mouillage.
D’autre part, le tableau III regroupant les paramètres analytique du vin en question montre une acidité volatile moyenne, et un taux d’acide D-lactique bas, il n’y a donc pas de piqûre. On constate bien le très faible titre alcoométrique volumique, mais le fait que tous les autres paramètres restent à des niveaux normaux montre qu’il n’y a pas eu dilution.
Toujours dans ce tableau, on note une très forte concentration en gaz carbonique, et aussi un grand nombre de levures viables. Il est donc incontestable qu’il s’agit d’un phénomène de désalcoolisation spontanée, et qu’en aucun cas il n’y a eu ajout d’eau dans la cuve.
– Donc, vous en concluez que le motif de licenciement n’est pas valable ?
– C’est tout à fait exact, et c’est la conclusion de mon expertise.
– Je vous remercie Monsieur Rudel de votre intervention. »
Suite à mon intervention, quelques semaines après, le délibéré donnait raison à mon client qui obtenait les dommages et intérêts demandés.
A la sortie du tribunal, je suis interpellé par un homme qui semblait me connaître s’exprimant avec un accent germanique.
– Bonjour. Très belle expertise. On ne m’avait donc pas exagéré vos qualités professionnelles. Permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Hans Hirth, et je suis producteur de vin en Allemagne, dans le Bade-Wurtemberg. C’est une amie commune qui m’a parlé de vous, Martine Wagener-Fohl.
– Martine Wagener-Fohl, vous dites ? Je ne suis pas sûr de connaître cette personne.
– Ach So ! Entchuldigung ! Excusez-moi, il s’agit de son nom d’épouse. Vous l’avez connue avec son nom de jeune fille du temps de vos études d’œnologie, Martine Schmitter, du Luxembourg.
– Martine Schmitter, absolument. Je ne la savais pas mariée. Produit-elle toujours du riesling ?
– Toujours, vins blancs secs et crémants. J’ai besoin d’une expertise, sur mon domaine viticole. Peut-on se rencontrer pour en parler ?
– Je serai à mon bureau cet après-midi. Quinze heures vous conviendrait ? Voici ma carte professionnelle.
– Parfait. A cet après-midi donc.
« Entrez Monsieur Hirth, asseyez vous, je vous en prie. Je vous présente ma femme Parthena qui travaille en binôme avec moi, elle est œnologue elle aussi.
– Bonjour Madame. Et merci de m’écouter. Mon domaine est situé dans le Bade-Wûrttemberg, à Lauffen am Neckar au nord de Stuttgart, et nous produisons du blanc issu de riesling, mais aussi du rouge de pinot noir et surtout à base de lemberger noir. Depuis quelques années nous avons planté du merlot noir pour élaborer un assemblage lemberger-merlot qui nous semble intéressant. Jusqu’à il y a peu, tout se passait correctement, mais depuis deux millésimes, nos vins rouges perdent leurs couleurs très rapidement après les vinifications sans raisons apparentes, ce qui est catastrophique commercialement. Nous serions vraiment intéressés par votre expertise, puisque si j’ai bien compris vous avez déjà travaillé sur un sujet du même type dans le Fronsadais.
– C’est exact, mais il nous a fallu plusieurs mois et une campagne de vinification pour arriver à comprendre le phénomène.
– Dans notre situation, nous n’avons pas beaucoup le choix.
– Très bien, nous ferons cette étude, mais il faudra accepter de