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La légende de Chim
La légende de Chim
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Livre électronique338 pages4 heures

La légende de Chim

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À propos de ce livre électronique

Dans ce roman, deux histoires se conjuguent : l’une navigue sur l’actualité, l’autre nous plonge au cœur de l’Antiquité grecque.
Maurice et Marie-Reine, deux prénoms d’un autre temps, mais deux esprits vifs, deux personnalités bien trempées. Maurice, vingt-six ans, journaliste, est mis sur la touche à cause de ses articles subversifs. Désœuvré, il se passionne pour une affaire ayant défrayé la chronique dans les années quatre-vingt. Marie-Reine, beauté quinquagénaire, au tempérament de feu, l’aide dans son entreprise car elle y trouve son intérêt.
Au troisième siècle avant Jésus-Christ, Mostie, Baldie, Doro et Chim, quatre éphèbes grecs effectuent un voyage fascinant et instructif qui les mène de Syracuse à Alexandrie, après un détour enchanteur par Cythère, l’île de l’amour.
Dans cette rupture apparente de deux récits, se tisse la trame de l’écriture où naît la véritable essence du livre. Quel est le pont qui relie ces deux mondes ?
LangueFrançais
Date de sortie20 oct. 2021
ISBN9782312086545
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    Aperçu du livre

    La légende de Chim - Hélène Boudon Martinez

    Avertissement

    Dans ce roman, deux histoires s’entrecroisent. L’une encapsule l’autre.

    La première, balançant entre le passé récent des années quatre-vingt, l’époque actuelle de 2018 à 2021 et un futur proche de l’automne 2021 au printemps 2024, n’est qu’un récit de pure fiction. Toute ressemblance avec des évènements et des personnages réels serait fortuite, à l’exception du contexte de crise lié au corona virus et à la covid19, simple toile de fond dont la présence, parfois intense, incontournable par rapport à la période perturbée dans laquelle le récit s’inscrit en partie, est en résonnance avec des faits plus anciens décrits dans les deux récits.

    La seconde histoire nous plonge dans la Grèce antique. Elle est un mélange de faits réels et fictifs, de personnages historiques et de fiction. La distorsion d’avec la réalité fait partie du jeu de la créativité. Cependant, j’ai fait de mon mieux pour intégrer les éléments fictionnels dans un cadre historique et culturel aussi conforme que possible à la réalité, confrontant mes diverses recherches à travers l’univers du web{1}. Je me suis appuyée également sur quelques livres de ma bibliothèque{2}, principalement en Histoire et Mythologie. Et, j’endosse et assume, sans rougir, toute erreur ou imprécision relative à l’histoire et la culture gréco-romaine, qui relève de mon interprétation, ainsi que toute inexactitude forgée pour servir mon propos, face aux informations parfois contradictoires que j’ai glanées, ou en absence d’éléments résultant de mes investigations.

    Les noms des émissions télévisées, de l’animateur et des intervenants, les articles de journaux et le nom de leurs auteurs, le titre de l’ouvrage numérologique sur la vie et l’œuvre d’un savant de l’Antiquité ainsi que le nom de son autrice, relèvent tous de l’imagination. De même, les titres des ouvrages du protagoniste, les noms des journaux cités, celui de la revue CultureMéditerranée sont inventés. Idem pour les noms des protagonistes, ceux de la bâtisse La Caverne grecque et de la librairie Pour l’amour de l’Art. Aussi, toute similitude avec des noms de personnalités, des titres d’ouvrages, des noms de lieux et de media existant serait également fortuite. Les références de bas de page libellées Note du traducteur et Note de l’éditeur appartiennent au contexte fictionnel du récit qui rapporte la découverte imaginaire d’un manuscrit antique dans ladite revue, sortie de mon chapeau.

    Sans être un polar, ce roman invite ceux qui le souhaitent à jouer les Sherlock Holmes. En effet, les lecteurs connaisseurs de l’Antiquité identifieront immédiatement le personnage historique qui se cache sous le nom de Chim. Les autres décèleront, pas à pas, des indices qui les mettront sur la voie avant que son identité ne soit révélée.

    Hélène Boudon-Martinez

    PREMIÈRE PARTIE :

    La légende de Chim Préambules

    Été 2021

    « J’ai connu des vaisseaux faits avec des arbres morts qui survivaient à des vies d’hommes taillés dans

    la meilleure étoffe de vie. »

    Herman Melville (Moby Dick, 1851)

    Paris, le 22 juin 2021

    Mon cher fils,

    Ce fut un vrai bonheur de te lire. Les habitués du Club des lecteurs de la librairie, réunis – comme chaque mois –, ont été enthousiasmés par tes projets et tu sais qu’ils ont suivi avec émotion tes débuts journalistiques, tes succès, tes déboires, tes échecs et sont acquis aux idées que tu défends (à l’exception des Bonnard). Depuis tant d’années que nous nous retrouvons dans mon arrière-boutique, les liens qui se sont créés entre les membres du Club, et toi-et-moi sont aussi forts que des liens familiaux. Les évènements qui marquent notre époque, annonciateurs de ce tournant historique dont tu parles, n’ont fait que les resserrer davantage (sauf avec les Bonnard).

    Oui, ces derniers ont quitté notre groupe, jugeant nos positions trop subversives et dérangeantes, voire dangereuses… Une amitié de vingt années rayée pour une histoire de masques et de faux vaccins… Quelle tristesse ! Ils ne sont pas revenus et viennent de me signifier qu’ils ne reviendront pas, ne voulant pas être tenus pour complotistes.

    À ce propos, sais-tu que penser différemment de la norme admise est inscrit comme pathologie psychique puisque les psychiatres sont formés pour détecter les personnes à tendance complotiste et ont pour consigne de les traiter en les enfermant dans les asiles ? C’est ce que m’a affirmé, en observant certains ouvrages de ma librairie, le jour de sa réouverture, un de mes clients psychiatre, avec lequel j’évite de partager mes réflexions. Doit-on maintenant se méfier de tout un chacun ? Cela me renvoie aux tristes récits de mes grands-parents sur les années quarante.

    Certes, nous ne pouvons pas faire l’unanimité mais le caractère définitif et le motif même de la défection de nos ex-amis Bonnard, qui nous considèrent comme des parias et affichent ouvertement leur mépris, lorsqu’ils croisent l’un de nous dans la rue, nous ont terriblement affectés alors que nous l’étions déjà par le décès de Pascal Loutre, fauché par une voiture, et celui de Corinne Morse, emportée par un cancer en moins de deux mois. Notre groupe de treize qui défiait les superstitieux se réduit désormais à neuf avec moi. Nous ne goûterons plus aux pancakes de Corinne, aux financiers aux amandes de Bernadette Bonnard, au ti-punch corsé de Philippe, son époux, et nous n’entendrons plus le rire franc de Pascal résonner dans nos locaux tandis qu’il débouchait une bonne bouteille. Mais il résonne encore dans nos cœurs et même parfois dans nos oreilles.

    Pascal n’était pas de la prime jeunesse, mais il débordait de vitalité. Te souviens-tu de ces imitations de Charlie Chaplin, de Laurel et Hardy, ou bien de Louis Jouvet dans le rôle du docteur Knock ? Petit, tu en riais à gorge déployée. Ces artistes d’un autre temps avaient tellement marqué sa jeunesse qu’il avait choisi le métier de comédien. Lors de la célébration des vingt ans d’existence du Club, il y a à peine un an, ce cher Pascal nous avait dit des poèmes de Baudelaire et de Prévert : un régal ! Puis, se présentant à nous sous le nom de Zorba le Grec, il avait déployé toute son énergie pour nous enseigner le sirtaki. Une belle partie de rire et un souvenir délicieux !

    Quant à notre benjamine et chère Corinne, étudiante aux Beaux-Arts, elle avait affirmé que nos références culturelles dataient d’une époque révolue, où le bon sens n’était pas aboli et l’avoir n’avait pas encore dominé l’être. Beau compliment ! De sa voix mélodieuse, elle avait interprété quelques chants du répertoire d’Anne Sylvestre qui avaient bercé son enfance et celle de sa mère, fervente admiratrice de cette belle artiste, aujourd’hui décédée. Accompagnée à la guitare par Pascal, Corinne nous avait subjugués. Un moment enchanteur qui prend, aujourd’hui, le sens d’un adieu !

    Tous deux, maintenant, le doyen et la plus jeune du groupe, nos Deux-Bouts comme nous les appelions, se donnent, peut-être, la réplique dans l’Au-delà, parcourant le monde des étoiles.

    Pascal partageait avec les Bonnard le goût des danses endiablées. Ces derniers nous avaient concocté un numéro de claquettes digne de Ginger Rogers et Fred Astaire, sur l’air de Singin’ in the rain rendu célèbre par Gene Kelly. Quelle beauté, quel plaisir ! Et quelle surprise de leur découvrir de tels talents. Cette fête anniversaire quinquennale, qui s’était déroulée dans une ambiance joyeuse, sans heurt ni anicroche, a pourtant sonné le glas de l’unité de notre groupe… Les souvenirs heureux me rendent quelque peu nostalgique.

    Il est vrai que ces deux dernières années de crise ont été si difficiles pour Bernadette et Philippe Bonnard que leur humeur s’est peu à peu gâtée. Ils n’ont pas pu vendre leur fonds de commerce, comme ils l’avaient envisagé, pour prendre une retraite méritée et entreprendre le tour du monde dont ils rêvaient. Contraints de fermer leur magasin de meubles et de cesser leur activité, ils n’ont pas même trouvé acquéreur pour leur local commercial.

    Au moins, depuis leur départ, nous avons pu nous exprimer plus librement au sein du Club des lecteurs et même nous lâcher franchement sans craindre de blesser l’un ou l’autre des membres présents ou d’être dénoncés à quelque instance maléfique. Pourtant ce petit exercice de remuer sept fois la langue dans sa bouche avant de parler et de trouver les mots les plus neutres, dans un effort de convivialité, n’était pas sans intérêt, du temps des Bonnard. Quoique nul n’ait fait preuve de malveillance, je veille toujours à ce que la parole qui circule soit exempte de négativité ou d’agressivité et, peu à peu, nous trouvons un juste milieu. Un nouvel équilibre aussi depuis que nos vies ont été totalement chamboulées par les divers confinements et autres contraintes.

    Agnès Guillardi qui a perdu tous ses clients nous reçoit à huis clos dans son atelier de poterie tous les lundi après-midi, jour de fermeture de la librairie. Cette pratique s’est révélée être à la fois une activité manuelle passionnante et une aide psychique qui vide la tête. José Bielsa, un ami d’Agnès, féru de poésie et lui-même poète à ses heures, qui participe à l’atelier et que j’espère bien voir intégrer notre club de lecteurs, nous a fait découvrir les poèmes empreints de sagesse du Père André-Marie, moine et potier. Je suis enthousiasmée par les vers de ce moine sur l’Art du potier qu’il décrit comme une initiation spirituelle infiniment précieuse et régénérante. Je lui ai écrit pour lui commander ses ouvrages et le rencontrer. Le Club des lecteurs, à l’unanimité, souhaite l’accueillir.

    Pour évacuer notre stress, nous avons mis en place une séquence soupape de sécurité au début de notre réunion mensuelle : un tour de table où chacun peut s’épancher pendant cinq minutes sur le sujet qui l’émeut ou le préoccupe. Il s’agit souvent de témoignages qui apportent un éclairage enrichissant sur les conditions contraignantes et absurdes dans lesquelles s’exercent certaines professions en cette période si trouble, confrontante et ubuesque. Là aussi, je veille à la gestion du temps et à la distribution de la parole.

    Gianni Català, l’homme des providences, menuisier-écolo à ses heures, serait intarissable sur la déforestation ou sur son métier de pompier, Isabelle Alba sur celui d’infirmière en hôpital dans une unité de soins palliatifs, éprouvante profession, ou sur ses rêves abandonnés de chanteuse d’opéra. Laurène Boukobza, qui m’a été d’une grande aide dans la résolution de mes problèmes informatiques et qui est d’une nature discrète, a toujours maintes histoires à raconter sur son expérience de pilote d’hélicoptère, métier qu’elle exerce avec passion. De même, seul le rappel du gong joyeux de mon bol thibétain est capable de mettre un terme aux discours de Céline Mayolle, étudiante en droit et dernière arrivée dans notre groupe (tu as dû la croiser une fois ou deux). Quant à nos vétérans, enseignants à la retraite, Héloïse et Maxime Bontemps, ils s’inquiètent avant tout de l’avenir de leurs enfants et du sort de leurs petits-enfants, scolarisés en primaire et au collège. Ils trouvent en notre médecin dissident, Sébastien Metge, qui verse dans la philosophie avec humour et bonhommie, une oreille attentive, une parole apaisante et, sans perdre de vue que nous ne sommes pas un groupe de thérapie, un soutien auprès de nous tous.

    C’est surtout la présence de nos chers disparus qui nous manque et nous avions besoin du réconfort de recevoir de bonnes nouvelles de toi. Merci pour tes délicates paroles d’attention envers chacun des membres du Club des lecteurs. Ils t’adressent leurs plus sincères amitiés et sont impatients de lire les premières fleurs de ton livre. Et moi, donc ! Je t’embrasse de tout mon cœur. J’ai si hâte de te revoir. Prends bien soin de toi.

    Ta maman qui t’aime

    P.S. Ton ami Pierre-Jean vient quelquefois aux réunions du Club des lecteurs mais il n’y reste que pendant la séquence initiale de partage, pour « prendre, çà et là, la température du monde », dit-il. Sans qu’il y tienne, mais c’est une question d’équilibre, je lui cède alors mon temps de parole. Gardant à l’esprit que l’objectif du club est, avant tout, littéraire, j’évite que la séquence « soupape de sécurité » ne prenne trop de place.

    Je dois avouer que les textes proposés ensuite nous convient de plus en plus à une réflexion philosophique.

    J’ai invité Pierre-Jean à passer une soirée avec moi autour d’un bon repas pour échanger plus longuement avec lui. Étant donné qu’il te retrouve dans quelques jours à Nice, je lui ai confié tes confitures préférées que j’ai préparées pour toi et que tu partageras avec Marie-Reine puisqu’elle semble les apprécier. J’en ai donné également trois pots à Pierre-Jean, une confiture de mandarines, une de myrtilles, une d’abricots aux amandes, lui arrachant le sourire qui avait déserté son visage depuis deux ans. Les plaisirs qui passent par le palais et le temple du ventre sont précieux à leur seule évocation. Je lui ai recommandé de les déguster avec tous ses sens et surtout en conscience pour percevoir l’essence subtile qui habite les fruits, même ainsi préparés, car ils ont été cuits à la flamme douce, avec beaucoup d’amour, et de gratitude. Là, il s’est esclaffé d’un merci mi-étonné, mi-amusé et presque radieux. J’aime créer l’enchantement (Lol… : tu vois, je modernise mon langage, même moi !).

    Faute de vivre dans un monde enchanté, il est bon d’imaginer avoir le pouvoir de le transformer et de s’employer à le réinformer en l’enchantant. Parfois, un petit rien suffit.

    Nice, 8 juillet 2021

    Sur la place, la chaleur bat son plein. Il est midi. La vie semble avoir repris son cours. Mais ce n’est qu’illusion. Je vois, traversant l’asphalte, les visages inhalant des substances toxiques derrière leurs sourires de masques, les teints crispés sous le hâle qui cerne des yeux ternes. Aux terrasses des cafés-restaurants récemment réouverts, l’on fume, l’on boit, l’on se restaure pour la pause déjeuner, comme si l’on voulait en un temps record jouir de tous les plaisirs à la fois, rattraper le temps perdu. Illusion et décadence. La mascarade a depuis longtemps envahi nos vies, bien avant de s’afficher sur nos faces, bien avant que la moitié d’entre nous devienne l’étranger ou l’étrangère pour ses amis, ses frères, ses parents, ses enfants, sa famille. Les reconnaîtrais-je si je croisais certains de mes proches ?

    La mascarade s’est enrobée dans un voile d’obligations et de limitations tissé de peurs qui traversent les regards et parfois m’incendient. Je suis l’intrus, l’intruse, qui ne porte pas de masque. Je vais librement. Mais qui a donc décrété qu’un virus se laisserait stopper par une barrière de tissu ou de papier ? Quelle drôle d’idée ! Efficace pour obstruer la respiration, favoriser les déficiences pulmonaires, amenuiser les défenses immunitaires, renforcer les peurs, encourager l’esprit à maintenir une distance ostentatoire et à briser les liens sociaux. Les gestes-barrières !… Un slogan qui susurre : Attention virus ! Attention danger ! En toutes circonstances, sans discernement. Un objectif à court terme de vaccination générale… Gling ! Gling ! Ça roule pour Big Pharma… et à long terme de création de l’HomOGM Roboticus, Servus, Inconscientus, Sine Scientia.

    C’est ainsi que commencera mon roman… après le cas non résolu que je traite en ce moment. Pour le choix des termes les plus appropriés et percutants de l’homme du futur, je verrai plus tard. Pourra-t-on encore parler d’humanité ? Marie-Reine serait le modèle parfait pour construire le ou la protagoniste de ce prochain roman… ma source d’inspiration, ma muse… De nombreux projets occupent mon esprit et mon temps. La mélancolie ambiante n’a pas entamé ma vigueur et n’éteindra pas ma joie ni ma confiance en La Vie. Le soleil provençal en ce début de juillet 21 est assez capricieux, mais aujourd’hui il rayonne.

    Et, j’ai rendez-vous avec un ami. Ah ! Je l’aperçois qui retire son célèbre chapeau à la Indiana Jones, dévoilant des cheveux en broussaille et une barbe de plusieurs jours. Pierre-Jean est installé à une table, à l’abri de la toile brûlée par des années de rayonnement solaire, qui tend sa raideur au-dessus de la terrasse d’un troquet, sur cette Place Rossetti qui m’a inspiré les premières lignes du roman à venir. Et pourtant, élucubration pour les uns, vague menace pour les autres, le Pass sanitaire n’étant pas entré en vigueur, nous n’avons pas encore perdu toutes nos libertés. Je rejoins Pierre-Jean, les bras et le sourire ouverts, affichant sans culpabiliser la blancheur de mes dents car mon sourire est large et mon plaisir certain. Nous nous donnons l’accolade avec tendresse et virilité, échangeons quelques civilités presque avec maladresse et, comme s’il lisait dans mes pensées, il enchaîne le raisonnement qui pourrait être celui du héros ou de l’héroïne qui vient de laisser son discours en suspens dans mes projections littéraires.

    – Le piège refermé, les moutons moutonnent et continueront de moutonner. Qu’importe, qu’aujourd’hui, les Lauci Leaks aient dévoilé comment et pourquoi s’est opéré ce traquenard à l’échelle mondiale. Qu’importe que tous ces mails aient confirmé les déclarations considérées jusque-ici comme délirantes ou complotistes par la version officielle et les médias non libres. Qu’importe que des lanceurs d’alerte et des experts honnêtes aient été injustement salis et accusés. Qu’importe la trahison des États et des scientifiques qui ont contribué à terroriser la planète. Qu’importe les conflits d’intérêts de ceux qui envahissent les ondes pour semer « la bonne parole » empoisonnée ! Quelles que soient les preuves, on peut les étaler au grand jour, le poisson est ferré et ne démordra pas de l’hameçon. Les moutons moutonnant continuent de s’en référer aux médias mensongères qui les ont confortés et bercés dans leurs peurs, depuis plus de deux ans, à grand renfort de publicités propagandistes. Les bons médias, les bons experts médiatiques qui les protègent et leur déversent les mêmes désinformations…

    – Le réveil ne tardera pas, Pierre-Jean. Le Grand Réveil.

    – Toujours aussi confiant !… Tiens ! Avant que je n’oublie… Je t’ai apporté les confitures de ta chère maman qui se fait du souci pour moi… comme si j’étais un second fils pour elle. Elle m’a gâté et reçu à l’égal d’un roi. Irène est très accueillante et elle règne sur le petit monde du Club des lecteurs, telle une impératrice de droit divin ou une divinité clémente. Douceur et fermeté. Elle a du charisme, une autorité naturelle et cette bienveillance, si ancrée en elle, qui nous fait nous sentir meilleurs et nous stimule. Tu lui ressembles, en fait, mais juste un peu… ne prends pas la grosse tête ! Tu as quelque chose de sa magnanimité qui te pousse à agir selon tes valeurs, au mépris de ton intérêt personnel mais sa grandeur d’âme et ses qualités morales sont telles qu’elle ne saurait exercer le métier qui est le nôtre. Pire pour moi qui suis au cœur des arnaques… quoique je voudrais m’en défendre.

    Nous plongeons tous deux dans une profonde méditation et je repenserais souvent à ce moment si intense et perturbant, aux implications que ces affirmations suggèrent. Qui et que sommes-nous pour qu’un métier ait le pouvoir de nous détourner de nous-mêmes et de nos valeurs morales les plus fondamentales ? De nous couper de notre souveraineté ? De nous amener au sacrifice du corps, de l’âme et de l’esprit ? Un sujet d’une telle actualité et intemporel, à la fois. Apparemment complexe. Parce que nous l’avons voulu et décidé ainsi. Et si nous en décidions autrement ? Si chacun de nous décidait de ne transférer son pouvoir de choix à personne d’autre qu’à lui-même ? La conscience avant la loyauté envers des entreprises nocives, envers des institutions violatrices des droits humains les plus basiques, essentiels, fondamentaux, vitaux. La conscience avant l’obéissance à des lois scélérates, anticonstitutionnelles, injustes ou inhumaines. La conscience, le meilleur de ce qui peut nous arriver. Jusqu’où la tyrannie, l’absurdité, l’abjection et l’inhumanité devront-elles aller pour que les cœurs s’ouvrent, les esprits s’éveillent, les consciences s’illuminent et que chacun d’entre nous devienne un être souverain, entier, serein, en lien avec les autres, attentif et sans peur ?

    Le serveur arrive à point nommé pour nous tirer de nos espérances et vicissitudes intérieures, avec son accent chantant et une voix perchée qui m’évoque les cigales mâles qui jouent de leurs ventres comme de cymbales, tout au long de l’été. Le temps de l’appel de l’amour. Cette idée me rend heureux. Nous commandons des rougets accompagnés de salade verte, de tomates persillées, de riz de Camargue et un Côtes-de-Provence bien frais que je choisis sur la carte.

    Pierre-Jean est de passage à Nice pour quelques heures seulement. Depuis un an, nous communiquons régulièrement, soit oralement par téléphone, soit par SMS, mail ou Messenger, sans nous rencontrer à l’exception d’une longue vidéo-conférence via Skype (cette « rencontre », nouvelle formule, remontant à l’été précédent) et d’une visite éclair de Pierre-Jean à La Caverne grecque, il y a quelques mois. Je le trouve bien changé, désabusé, les traits tirés. Il est vrai que durant toute l’année, il a refoulé ses convictions pour maintenir son journal à flot. Alors, face à moi, il peut laisser aller le flux de son amertume.

    – Qu’importe qu’aujourd’hui la vérité éclate en tous lieux ! Les poissons bien ferrés et les blancs moutons, dociles, ne l’entendent pas, ne la voient pas, ne la comprennent pas. Ne veulent pas l’entendre. Ils n’écoutent plus que les peurs qui les animent, magistralement entretenues par les allégations officielles maintes fois ressassées, et si des fragments du pot-aux-roses parviennent jusqu’à eux, effleurent leurs narines, ils s’en méfient comme de la peste… ou plutôt comme du corona, de ses variants et de leur transmission par ceux qui en sont porteurs ou ne le sont pas, sait-on jamais. Ne voilà-t-il pas des réalités bien concrètes ! Le reste n’est que chiure de complotiste et le restera. Complotiste ! Un seul mot pour te réduire à néant… comme, il n’y a pas si longtemps, le mot fasciste suffisait à tuer la moindre contestation dans l’œuf ! Mais les fascistes et les complotistes ne sont pas ceux à qui l’on a coutume d’attribuer l’une ou l’autre étiquette pour les discréditer. Ils sont aux commandes du pays depuis des décennies, aux commandes de l’Europe et du monde occidental. Il n’y a qu’à lire les textes promulgués par le Sénat et les diverses institutions nationales et internationales, pour le savoir. Ou quelques analyses économiques et géopolitiques qui font froid dans le dos… Après notre souveraineté nationale, ce sont tous nos droits que nous perdons un à un, nos droits les plus fondamentaux de citoyens et d’êtres humains. Nous nous dirigeons vers un monde déshumanisé où quelques privilégiés auront le pouvoir de vie ou de mort sur le reste de la population servile, esclave numérisée, qui dira merci mon bon Maître et Seigneur à la main qui l’épargnera pour la dominer !

    – Tu sais que tu prêches un converti… Pourtant…

    – Ah ! Je suis devenu un vieux boucan. Bon, alors, où en es-tu de tes projets ?

    Serait-ce pure courtoisie de sa part – il sait parfaitement où j’en suis, nous en avons parlé récemment au téléphone – ou plutôt une façon de changer de conversation ? Craint-il de se montrer aigri ? Nous avons suffisamment bossé ensemble sur des sujets d’actualité pour que je sache que les jérémiades, mal masquées par son ton semi-ironique, ne sont pas caractéristiques de son style, du style du Pierre-Jean d’avant la crise du Corona, du Pierre-Jean qui était encore pragmatique et combatif durant le mouvement des Gilets jaunes. Je feins de ne pas le remarquer.

    – Ça avance. La prochaine fois, il faudra que tu nous rejoignes à La Caverne grecque. C’est une invitation officielle de la part de mon hôtesse, pas seulement pour une soirée mais pour un plus long séjour. Je suis chargé de te la transmettre. Vraiment, cela me ferait très plaisir que tu acceptes et tu sembles avoir besoin de quelques jours de repos.

    Il me regarde d’un regard malicieux et sa bouche… renonce à me poser la question qui lui brûle les lèvres. Je suis rassuré de lui avoir arraché un demi-sourire. Ce n’est pas aujourd’hui que Pierre-Jean, un homme taillé dans le marbre, un bourreau de travail, va se laisser abattre, malgré sa morosité qu’il trimballe comme un habit trop grand, ses propos acerbes et cet air maussade avec lesquels il m’a accueilli. Il se relèvera. Je commence à le connaître. Il est mon patron et, depuis qu’il m’a mis sur la touche, l’adversité nous a rapprochés… La vie est pleine de paradoxes, de surprises, de richesses aussi.

    ***

    Je me remémore souvent cette discussion avec Pierre-Jean sur la Place Rossetti à Nice. Une discussion qui allait durer plus de trois heures sur l’actualité politico-mediatico-sanitaire, qui mettait et allait mettre encore davantage à rude épreuve ma positivité, sans pour autant la terrasser. Nous avions abordé l’ensemble des aspects de la crise que traversaient tous les pays du monde, les dérives et les séquelles qui en résulteraient. Nous avions longuement considéré l’idée que, au-delà du Pass sanitaire et de la vaccination dont nous pressentions qu’ils seraient bientôt obligatoires, des projets de plus grande envergure pour l’humanité se manigançaient, qui génèreraient leurs lots de drames et d’atrocités. Pierre-Jean craignait une destruction massive des êtres humains par les puissances politico-financières, armées de technologies avancées redoutables et de techniques meurtrières, sous couvert d’une fausse science, munies d’une force de frappe médiatique dévastatrice, une guerre sournoise où les plus vieux, les plus fragiles ou vulnérables, les plus naïfs seraient les premières victimes.

    Jacques Attali l’avait-il annoncé lorsqu’il nous prédisait l’avenir ? Qualifiées de fausses par l’AFP, des citations présentées comme des extraits d’entretiens parus en 1981 dans L’avenir de la vie{3}, un livre devenu introuvable que Pierre-Jean m’avait promis de dénicher et de me

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