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Sang vie
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Livre électronique195 pages2 heures

Sang vie

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À propos de ce livre électronique

Cinq ans auparavant, Jean Carello, vingt-deux ans, perd son unique frère. Certain d’être désormais le seul enfant Carello vivant, il apprend, grâce à un faire-part, le décès d’une célébrité : Paul Carello Patard, son autre frère jusque-là inconnu. Dès lors, il va s’employer à se construire un personnage pour infiltrer sa famille afin de se venger de son père. Cependant, à ses dépens, il découvre très vite que la vie de son frère n’était pas toute rose. En effet, son entourage est totalement vicieux et regorge de nombreux cadavres dans les placards. Dorénavant, tout le monde est suspect…


À PROPOS DE L'AUTEURE


Auteure-metteuse en scène et actrice-réalisatrice, Safia Bouadan fonde son association L’Onde Bleue en 2005 dans le but de défendre des projets artistiques et socio-culturels engagés. En 2021, avec sa co-réalisatrice, Sophie Parel, elles tournent un court documentaire, Entre mes mains, remarqué par le jury d’Arte lors du Concours Et pourtant elles tournent, et présélectionné au Grec Rush 2021. Par ailleurs sociologue diplômée de troisième cycle à l’UER René Descartes-Sorbonne, elle devient Observateur au CIB puis Expert au Geobs, issu du CIB de l’UNESCO. Passionnée par le genre thriller psychologique, elle signe ici son primo roman, Sang vie, un suspense haletant.
LangueFrançais
Date de sortie31 août 2022
ISBN9791037766052
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    Aperçu du livre

    Sang vie - Safia Bouadan

    Chapitre I

    L’absent

    L’ombre de la lumière dessinait un arc sombre au-dessus du lit qui était vide. L’enfant n’y était plus depuis des années mais la pièce vibrait encore de sa présence. La couverture bleue en dentelle qui le recouvrait, amoureusement brodée par des mains frêles et délicates, était inondée de larmes que même le temps n’avait pas réussi à sécher. La chambre interdite, comme je la nommais, était ouverte ce jour car on allait la transformer en chambre d’amis. J’en profitai pour m’y glisser. Quelle ironie ! Le culte de la mort suintait sur l’un des murs où se tenait bien droite une croix religieuse. Une poupée de porcelaine jetait un regard bleu vide sur le tapis fleuri posé à même la moquette. C’était un cadeau des grands-parents durant l’hospitalisation de l’enfant né prématuré. Samuel aurait eu dix-sept ans cette année. Je me demandais quel homme il serait devenu s’il avait vécu. Moi, son grand frère, je me sentais tel un grand dadais, mal dans ma peau, noyé au cœur d’une famille sans âme mais aimante et pieuse. Je me perdais dans la vie depuis mon adolescence, enserré par des souvenirs morbides de guerre, de récits tristes et sans éclat, sempiternellement répétés comme des chants d’arrière- garde par les miens. J’avais atteint mes vingt-deux ans, l’âge mûr pour s’envoler et faire fortune ou beau mariage. Dans mon petit village, c’était l’un ou l’autre, jamais les deux. Moi, j’aspirais à autre chose, je me sentais depuis toujours différent, je voulais exister ! La sonnerie de la porte d’entrée me tira de mes pensées et m’obligea à quitter ce lieu de sépulture où je passais en cachette des heures sombres au pied du lit de celui qui aurait dû être mon petit frère chéri. Je l’avais tant espérée cette naissance ! Égoïstement, je pensais qu’elle me tirerait de la solitude dans laquelle je m’enfermais depuis tout enfant déjà et ce fut pire quand Samuel mourut. Je fis une grave dépression dont je crois, je ne m’étais jamais vraiment remis. Je courus ouvrir à l’homme encore jeune, sympathique que je connaissais depuis petit. Le facteur était l’ami de tous dans le village. Musicien à ses heures, décelant ma solitude, il avait tenté de m’intéresser à la guitare, instrument qu’il ne quittait que pour partir faire ses tournées avec son vélo et sa sacoche. Il lui arrivait aussi de s’occuper des animations musicales avec quelques amateurs bénévoles comme lui à l’occasion de fêtes populaires. Il était veuf et élevait ses deux jumelles avec conscience et amour. L’une d’entre elles qui était en âge de séduction recherchait toujours ma présence quand il m’arrivait de la croiser au détour d’une ruelle avec ou sans son père. Je remerciai ce dernier comme à mon habitude lui offrant le café puis refermai la porte derrière lui afin de me livrer au tri du courrier quotidien. Une petite enveloppe portant le symbole de la croix, adressée à mon père David, s’en échappa. Je ne pus m’empêcher d’avoir envie de l’ouvrir. Après quelques hésitations, je finis par en déchirer le coin cédant à cette tentation morbide. À l’intérieur, un petit carton annonçait l’enterrement de mon frère ! Je relus les mots : « Mr et Mme Jacques Patard et leur fille Diane Patard ont le regret de vous informer du décès de leur fils Paul Carello Patard né Carello, fils de David Carello et de Marie Patard. Les obsèques auront lieu en l’église de Saint-Jean de la Croix où une cérémonie sera donnée en son honneur. »

    Patard… Cela sonnait comme bâtard ! Je n’arrivai pas à détourner mes yeux de ce que je venais de lire. Je lus et relus encore. Les lettres noircies et moribondes dansaient sous mon nez, m’étourdissant au point que j’en chavirai me retenant sur le bord d’une chaise pris de soudains vertiges. Mon père aurait-il eu un fils dont il aurait abandonné la mère enceinte avant ma propre naissance ? Ou alors nous avait-il soigneusement caché son existence ? Il était écrit « Né Carello » mais s’il l’avait reconnu, nous l’aurions connu ou alors voyait-il son autre fils en cachette comme faisaient beaucoup de ces parents adultérins afin de voir grandir leurs enfants ? Et puis une question se posait avant tout pour moi : qui avait pu envoyer à mon père cette lettre cataclysme ? L’auteur le connaissait-il personnellement ou était-ce une lettre type ? De fait, il n’y avait rien d’autre dans l’enveloppe que ce carton Bristol. Je refusais de croire que mon père ne connaissait pas la naissance de ce fils à ce jour à moins que la mère lui ait intentionnellement caché son existence auquel cas tout s’expliquait. Samuel, mon frère né prématurément était mort à l’âge de douze ans alors que j’en avais dix-sept. La semaine passée, j’avais atteint mes vingt-deux ans. Et on m’annonçait que j’avais un demi-frère aîné âgé de vingt-six ans qui venait de décéder sans que j’aie eu connaissance de sa venue au monde ! Quel mauvais coup du sort ! Je ne pouvais croire que mon père, David Carello, cet homme moralisateur, eût pu nous cacher une chose semblable. Pourtant cela semblait être le cas à première vue. Il fallait que j’en aie le cœur net ! La sensation de malaise disparut bien vite, laissant place soudainement à un étrange désir mêlé d’excitation. Je passai une nuit agitée à me tourner et à me retourner. Je sus le lendemain ce que je voulais faire. Ne dit-on pas que la nuit porte conseil ? Je décidai donc de mener ma propre enquête puis, subtilisant le faire-part du décès de Paul afin que ma famille ne le voie pas, de me rendre incognito à la cérémonie funéraire qui se déroulait dans trois jours. Après tout, mon père ne s’était pas préoccupé de son fils vivant, pourquoi s’en préoccuperait-il plus maintenant qu’il était mort ? Alors que pour ma part, cela m’intéressait, voire m’excitait au plus haut point.

    Pour la première fois depuis des années, je sentis une toute nouvelle jouissance inonder mon corps. Je décidai qu’il ne fallait pas perdre une minute et je recherchai frénétiquement l’itinéraire pour me rendre le jour venu à l’adresse indiquée sur le carton. Quelle tenue pourrais-je donc mettre ? J’avais déjà l’impression confuse que cette cérémonie serait pour moi une célébration personnelle… Je fouillai dans mon armoire y extirpant un costume bleu marine, j’avais horreur du noir qui m’allait si mal. Celui-ci était tout neuf, la veste élégante et bien cintrée, le pantalon me tombait impeccablement sur les pieds. Je complétai alors ma tenue avec une chemise gris perle, une cravate de soie de la même couleur que le costume, une ceinture de cuir gris foncé à boucle d’argent, une paire de mocassins aussi en cuir de veau, celle reçue en cadeau d’anniversaire par mes parents. Tous me disaient que je ne faisais pas mes vingt-deux ans ! Tout en me mirant auparavant dans le miroir, je dénichai un cintre avec une housse assez grande pour y mettre l’ensemble puis je le suspendis dans la grande armoire.

    Enfin le jour J arriva. J’avais tout réglé avec ma famille, leur parlant d’un enterrement de vie de garçon d’un vieux copain de classe perdu de vue et retrouvé grâce aux réseaux sociaux. Je leur racontai que nous lui faisions une surprise avant son mariage en l’invitant dans un de ces cabarets chics et branchés parisiens. Or, je partais de mon village pour me rendre dans une autre ville de province pas si éloignée de notre domicile. À ma grande surprise, il m’était devenu facile de mentir, de troquer une réalité contre une autre et puis je savais enfin où je voulais aller. Et c’était cette carte funéraire qui m’en donnait l’occasion. Mais il ne fallait pas brûler les étapes. La première était franchie dès lors que je quittai la maison, embrassant père et mère, habillé en prince italien, mon costume venait en effet de chez Armani, cadeau de famille à la Noël passée. J’étais heureux…

    Chapitre II

    Le dessein

    L’air glacial à cette heure du matin me réchauffait. Je bouillais intérieurement tandis que je disais au revoir aux parents restés sur le pas de la porte après m’avoir mis entre les mains des provisions pour le voyage prévu de deux jours comme quand je partais en camp d’ados. C’en était drôle de les voir me regarder avec leur air fier. Sans doute, se disaient-ils, je trouverais en la compagnie de ces ex-nouveaux copains de classe, un nouveau groupe auquel me greffer pour me sortir de la torpeur indolente dans laquelle je m’enfermais depuis des années. Sans doute, pensaient-ils encore, j’intégrerais un réseau pour me procurer un boulot ou pire une fiancée ? De fait, mon approche des filles jusque-là s’était soldée par un échec pour elles. J’étais tout simplement indifférent à leur séduction maniérée ou naturelle. Je ris sous cape en mettant le moteur en marche de ma nouvelle voiture, un crédit fait par mes parents pour m’assurer une indépendance afin que je puisse quitter le village quand bon me semblerait. C’est ce que je faisais depuis que j’avais reçu cette missive, me rendant en repérage à l’adresse des parents du défunt Paul où endossant le rôle d’un planqué, je menais ainsi discrètement ma propre enquête depuis deux bons jours… C’est ainsi que j’appris que mon frère était le chef du groupe pop rock « Illico » qu’il avait fondé sous un pseudo avec des potes du lycée reprenant les tubes des Beatles pour finir par mieux s’en éloigner créant ses propres morceaux. Il avait participé à plusieurs concours qui lui avaient valu de trouver une production qui leur permettait ainsi de réaliser leur tout premier album. Tous avaient saisi leur chance quittant les études dans lesquelles ils ne brillaient guère aspirant à d’autres horizons. Ce fut Paul qui entraîna le groupe à se professionnaliser, leur faisant signer peu de temps après leur rencontre avec le producteur, un juteux contrat, chance inespérée dans la situation de crise musicale actuelle. Tout alla très vite ensuite, de concert en concert, un gros tourneur s’intéressa à eux mais ils se firent reconnaître plus par l’originalité de leurs clips que de leurs titres. Il me fut donc facile de me procurer leurs CD, DVD de concerts, liens internet et de rassembler ainsi tous les articles de presse relatant la prodigieuse ascension de ce groupe sorti de nulle part, moi qui ne m’intéressais à aucune musique branchée. De fait, ce n’était ni original ni populaire mais ça avait marché. Le travail marketing avait été mené de main de maître par un producteur venu tout droit des multinationales étrangères à l’effet de frappe commerciale aussi important que l’impact de leur marque. Je n’avais à ce jour aucun goût pour la musique pop et je me surprenais à imiter mon frère. Ce chanteur-compositeur guitariste avait non seulement un talent fou mais un charisme qui aurait fait pâlir nos stars d’aujourd’hui. Et c’est ce qu’il était presque devenu, une vraie star… Son regard bleu velours parsemé de vert s’était ancré en moi puissamment tandis que je visionnais ses clips. Prenant soin que personne ne puisse me voir dans la maison, je me réfugiais dans ma chambre et je gesticulais devant la glace de mon armoire mettant en boucle aussi les CD dont je reprenais à tue-tête les ridicules tubes d’ados ! Ainsi, mon premier réflexe fut naturellement de chanter lorsque je pris mon véhicule pour m’éloigner de ce pâté de maisons où était perdue la mienne, une vieille mais belle demeure que les parents avaient pris soin de remettre à neuf et qu’ils avaient décorée avec goût à part cette chambre d’enfant devenue celle d’un jeune garçon puis celle du « disparu ». Elle n’avait pas bougé jusqu’à cette prise soudaine de décision le jour de son dix-septième anniversaire post mortem. Je n’avais d’ailleurs toujours pas compris comment ce fait miraculeux de transformer ce cercueil en pièce de vie avait pu se déclencher dans leur tête car pour moi rien ne changeait. Les journées restaient tristes et sans saveur familiale. Un coup de klaxon venu de la voiture d’en face

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