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LES MAUDITES ST-VALENTIN: Brisées
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LES MAUDITES ST-VALENTIN: Brisées
Livre électronique301 pages4 heures

LES MAUDITES ST-VALENTIN: Brisées

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À propos de ce livre électronique

Christine Gauvin a toujours eu en horreur la fête du 14 février. Lorsque son patron souligne ses 42 ans de services dans son entreprise le weekend de la Saint-Valentin, elle n’a pas le choix d’y assister. Malgré ses appréhensions, la soirée se déroule à merveille jusqu’à ce qu’elle croise un homme qui la trouble et qui la relie à son passé. Un passé qu’elle a enfoui depuis des décennies et qu’elle ne veut pas revisiter.
Cette soirée venait d’ouvrir une boîte de Pandore. Une succession de souvenirs dont elle-même était loin de se douter.
Tout ce qu’elle dissimulait refait surface. Alors commencera une dualité entre se taire ou tout avouer. Avant même qu’elle confie ses non-dits, elle découvrira d’autres secrets cachés qui bouleverseront sa vie. Comme si ce n’était pas suffisant, sa mémoire fera remonter un événement qui viendra tout changer.
Christine connaîtra-t-elle enfin l’amour pour la première fois ?
LangueFrançais
Date de sortie18 juil. 2022
ISBN9782897553265
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    Aperçu du livre

    LES MAUDITES ST-VALENTIN - Lise Blais

    Les maudites

    Saint-Valentin

    Brisées

    Lise Blais

    Conception de la page couverture : © Les Éditions Première Chance

    Images originales de la couverture : Shutterstock 2101155985 et AdobeStock 294816198

    Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur.

    Distributeur : Distribulivre 

    www.distribulivre.com 

    Tél. : 1-450-887-2182

    Télécopieur : 1-450-915-2224

    © Les Éditions Première Chance

    Lanoraie (Québec)  J0K 1E0

    Canada

    lepchance@bell.net

    www.leseditionspremierechance.com

    Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022

    Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2022

    ISBN : 978-2-89755-321-0

    ISBN EPUB : 978-2-89755-326-5

    Imprimé au Canada

    Les endroits mentionnés dans cet ouvrage sont parfois véritables et parfois imaginés afin de construire mon roman.

    Pour camper mes personnages fictifs dans le réel, j’ai axé mes recherches sur plusieurs plateformes : BAnQ numérique, la pensée de Bagote, société d’histoire de la région d’Acton et de la Haute-Yamaska.

    Par conséquent, toute ressemblance avec des personnes n’est que pure coïncidence.

    Prologue

    Samedi 28 janvier 2017

    Profitant de la température exceptionnellement basse pour un mois de janvier, les deux amies partent d’Acton Vale pour se rendre au Salon Harmonie à l’hôtel Le Castel de Granby.

    Christine et Sylviane se promènent entre les kiosques. L’une assiste et découvre ce salon avec joie et fébrilité. Ce n’est pas le cas de l’autre qui a accepté d’y aller simplement pour faire plaisir à sa meilleure amie. Sylviane avait beaucoup insisté et comme elle ne prévoyait rien de particulier cette journée-là, Christine avait acquiescé à contrecœur à sa demande.

    Donc l’une se sent comme un poisson dans l’eau tandis que l’autre s’efforce de rendre sa visite moins désagréable que possible. Christine se concentre sur la joie de son amie afin de trouver ces quelques heures moins pénibles. L’excitation de Sylviane aurait pu devenir contagieuse si elle ne détestait pas autant toutes ces doctrines ésotériques.

    — Regarde, on peut assister à des séances de tarot. Ça me tente d’y aller. Tu devrais essayer ça ? dit Sylviane.

    — Eille, j’ai accepté de venir avec toi, mais ne me demande pas de me faire prédire l’avenir. Tu le sais que je ne crois pas à ces affaires-là. Mais vas-y-toi, si tu veux, je vais t’attendre.

    — Tu es certaine ?

    — Vas-y, je te dis. Je vois bien que tu en meurs d’envie. Ne t’en fais pas pour moi, je vais me promener dans les allées en t’attendant.

    Son amie entre derrière un paravent. Elle en a pour une vingtaine de minutes, alors Christine retourne se balader à travers les corridors improvisés. Elle repasse sans trop s’attarder devant les kiosques lorsqu’une femme d’une trentaine d’années, aux longs cheveux châtains, contourne sa table pour venir se planter devant elle.

    — Bonjour, chère dame. Est-ce que vous aimez votre visite jusqu’à maintenant ?

    Christine a un léger recul, elle est contrariée de se faire aborder par une personne à qui elle n’a rien demandé, mais elle la trouve tout de même très sympathique. Alors elle demeure sur ses gardes.

    — J’accompagne une amie qui est très enthousiasmée par tout ce qu’elle découvre.

    La voyante regarde derrière elle pour la saluer, mais ne la voit pas.

    — Ne la cherchez pas, elle est allée se faire tirer au tarot, l’informe-t-elle.

    — Alors vous l’attendez ?

    — Oui.

    — Venez vous asseoir, j’aimerais vous parler.

    Étrangement, elle accepte son invitation et la suit derrière un rideau. Intriguée et soupçonneuse, elle lui dit :

    — Je ne veux pas une séance de clairvoyance, je ne comprends pas pourquoi vous m’emmenez derrière ce rideau, je n’ai rien demandé.

    — Oh ! Je le sais fort bien que vous ne voulez pas ça et loin de moi l’idée de vous mettre mal à l’aise. Non, c’est plutôt moi qui dois vous dire quelque chose. Voyez-vous, vous êtes passée devant mon kiosque tantôt et j’ai senti des choses. Quand je vous ai revue, ç’a été plus fort que moi, je devais vous parler. Est-ce que vous permettez que je vous livre ce que je perçois ? Vous ferez ce que vous voulez avec ce que je vais vous transmettre et ça ne durera pas longtemps, vous pourrez retrouver votre amie avant même qu’elle n’ait terminé.

    Parce qu’elle la trouve bien sympathique et parce que ça lui donne l’occasion de se reposer en attendant son amie sans se retaper les mêmes kiosques, elle accepte. Après tout, qu’avait-elle à perdre ?

    — D’accord. Assoyez-vous. Je vais être directe, car vous aimez les gens qui le sont avec vous. Alors, permettez-moi de vous dire que vous aurez à prendre une décision concernant l’arrêt de votre travail. N’hésitez pas, faites-le. Ce changement va vous ouvrir des portes dont vous ne saisiriez pas sans cette décision. Vous avez toujours mené votre vie seule, sans conjoint, et vous savez pourquoi. En fait, vous pensez en connaître la raison, mais vous allez découvrir que les événements du passé ne sont pas comme vous le croyiez.

    Christine a une bouffée de chaleur qui n’a rien à voir avec sa ménopause. Elle a envie de partir tellement ces paroles ne corroborent pas avec elle, sauf qu’elle vit seule. Mais pour une raison qu’elle ignore, elle la laisse continuer.

    — Vous avez envie de partir, mais laisse-moi vous dire une dernière chose. N’ayez plus peur de la Saint-Valentin, car c’est à un de ces événements que vous y retrouverez un ancien amoureux. D’ailleurs, vous aurez besoin de lui pour hisser le voile sur le passé.

    — Bon, j’en ai assez entendu, rétorque-t-elle en se levant.

    Comme si la voyante venait de toucher une corde sensible, Christine se lève d’un bond.

    — Bien sûr, je ne retiens personne.

    Elle lui ouvre le rideau en ajoutant :

    — Vous méritez de connaître le bonheur. Sachez que plus rien ne va vous empêcher de l’obtenir d’ici deux ans.

    « Comme si j’étais malheureuse, c’est du n’importe quoi », pense-t-elle, en se dépêchant de contourner la table. Cette femme, bien que sympathique, lui donne froid dans le dos. En marchant, pour retrouver le kiosque de la cartomancienne où est entrée son amie, elle se dit que c’est impossible qu’elle prenne sa retraite d’ici un ou deux ans. Elle n’avait pas l’âge de la prendre. Et quand bien même elle l’aurait, elle ne partirait pas. Elle aimait trop son travail et elle possédait la santé pour continuer.

    Devant le kiosque, elle n’attend pas longtemps avant que son amie n’apparaisse avec un beau sourire sur les lèvres.

    — As-tu trouvé quelque chose d’intéressant pendant que j’étais en consultation ? demande Sylviane.

    — Non, mais c’est une voyante qui m’a trouvée et qui m’a raconté des conneries.

    — Quoi ? C’est elle qui est venue vers toi ?

    — Ben oui ! Même si je ne les veux pas, il faut croire que je les attire, dit-elle sur un ton contrarié.

    — Alors, raconte-moi ce qu’elle t’a dit.

    Elle lui relate ce que la vaticinatrice lui a prédit tout en y ajoutant des commentaires sceptiques. Les deux femmes sortent du salon. Sylviane est satisfaite d’avoir pu obtenir un rendez-vous avec une cartomancienne sans attendre toute la journée. Et Christine a la sensation d’avoir perdu son temps à écouter quelqu’un lui raconter des sornettes.

    2018

    Assise devant son bureau de comptable chez « l’Électricien », Christine sait déjà que son patron va lui demander de préparer les documents en prévision des impôts aux particuliers comme il le lui sollicite à chaque fin du mois de janvier. Elle entend vibrer son cellulaire dans son sac à main qui est déposé sous sa table de travail. Elle ne répond pas parce qu’elle doit se concentrer sur les dossiers à rassembler et elle ne veut pas être interrompue.

    Mais lorsque celui-ci résonne pour une quatrième fois, elle n’a pas d’autre choix que d’y répondre parce que les vibrations la distraient et l’empêche de réfléchir. Elle reçoit rarement des appels privés sur ses heures de travail, mais celui-ci s’entête à retentir alors, elle décroche avec une certaine irritabilité. Elle ne reconnaît pas tout de suite la voix de son beau-frère. Comment pouvait-elle se rappeler du timbre de voix d’Austin puisque leur dernière conversation remonte en 1989 ? C’était le jour où Diane, sa sœur s’était mariée avec lui à Calgary en Alberta. Une fois la surprise passée et les présentations, Austin lui explique que sa femme a un cancer de la thyroïde avec des métastases qui envahissent la plèvre de ses poumons. Avant de raccrocher, il lui confirme que sa vie se limite à quelques mois.

    C’est à peine si elle lui dit au revoir tellement elle est bouleversée. Affaissée devant l’écran de son ordinateur, elle demeure les yeux dans le vide. Sa grande sœur allait mourir et elle la connaissait si peu. Cette nouvelle la bouleverse. Elle est sous le choc d’être confrontée au décès de sa sœur. Ses gestes lui semblent au ralenti. Tout d’un coup, les colonnes de chiffres, les dossiers de facturation qui s’affichent sur l’écran de son ordinateur deviennent secondaires. Diane allait mourir à l’âge de 68 ans. Encore trop jeune. C’est à cela qu’elle pense lorsque ses yeux se remplissent de larmes.

    Elle a pris congé le reste de la journée pour assimiler cette nouvelle et téléphoné à Suzanne, sa sœur aînée, qui vit à Drummondville.

    Le lendemain, elle reprend son travail fidèlement, mais sans enthousiasme. Cette nouvelle venait d’ébranler quelque chose sur quoi elle ne pouvait pas encore mettre de mots.

    **

    Sa sœur décède le 20 août 2018. Et ces derniers mois, Christine n’arrivait plus à retrouver l’enthousiasme d’avant. Se lever le matin pour se présenter au travail devenait pénible. Elle devait constamment se motiver pour demeurer alerte au bureau. Encore une fois, cette annonce lui parvient durant ses heures de travail et cela remet tout en perspective. Que fabrique-t-elle dans ce bureau ? Qu’a-t-elle accompli dans sa vie ? Jour après jour, elle répète les mêmes gestes devant son ordinateur. Elle côtoie les mêmes personnes, elle s’assoit sur la même chaise depuis des décennies. Tout à coup, elle prend conscience qu’elle a gaspillé trop de temps pour sa carrière et pas assez pour vivre. Trop de temps à gagner sa vie au lieu de simplement la vivre. Parce qu’au travail, elle n’est qu’une employée et que si elle part, elle sera remplacée, mais une vie ne se remplace pas. Cette prise de conscience fut foudroyante.

    Elle a pris quelques semaines de congé. Suzanne et son conjoint Claude se sont envolés avec elle pour Calgary afin d’assister aux funérailles de Diane.

    C’est à son retour que l’idée de quitter son emploi avait germé dans sa tête.

    **

    Comme tous les mois, Christine et Sylviane soupaient ensemble au resto-bar La Galoche. Ensuite, elles se retrouvaient chez l’une ou chez l’autre. En ce mois de novembre, c’était dans la cuisine de Sylviane que la conversation s’était continuée.

    Sylviane Gendron a les cheveux blonds coupés au carré et des yeux bleus qui font oublier ses rondeurs. Elle mesure un mètre soixante-deux et Christine la dépasse d’au moins dix centimètres. Sylviane possède une agence de voyages. Deux enfants sont nés de son mariage qui avait duré une vingtaine d’années. Depuis 2001, elle vit avec Jean-Pierre que Christine croise peu souvent.

    C’est lorsqu’elles sont bien assises avec leur coupe de vin rouge que Christine annonce à son amie qu’elle a donné sa démission et qu’elle prendra sa retraite à la fin de janvier 2019.

    — Tu souhaites prendre ta retraite maintenant ? Tu n’as pourtant pas 65 ans à ce que je sache ? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose ?

    — Oui et non ! Mais comme mon patron diminue son personnel, je lui ai proposé de me retirer de sa liste d’employés. Il ne voulait pas me laisser partir au début, mais je lui ai dit qu’avec ou sans sa permission, je partais. J’ai travaillé toute ma vie pour survivre et là, j’ai envie de vivre. Je veux profiter de la vie. J’y pense depuis que j’ai su que ma sœur allait mourir. Je possède un fonds de retraite qui me permettra de vivre aisément. Je renfloue constamment mon bas de laine alors, je peux m’accorder du bon temps.

    — En tout cas, tu es bien chanceuse, car j’aurais aimé aussi prendre ma retraite en même temps que toi. On aurait eu bien du plaisir tous les deux ensemble, je te le dis, ricane-t-elle.

    Avec Sylviane, on ne restait pas longtemps dans les sujets tristes ou dramatiques, elle avait le don de mettre la bonne humeur quand ça devenait trop sérieux, même si elle aimait entrer parfois dans les émotions. La vie était facile avec elle.

    Les deux amies se connaissaient depuis le début de leur secondaire et même si elles s’étaient perdues de vue durant une vingtaine d’années, elles avaient gardé leur complicité d’ado.

    C’était lors d’une soirée de poésie en mars 1997 qu’elles avaient repris contact. Geneviève, une collègue de travail et amie de dix ans plus jeune que Christine, l’avait suppliée de l’accompagner parce qu’elle ne voulait pas y aller seule. Mais ce n’était pas l’unique raison, elle savait que Jacques l’avait quittée le mois dernier et elle espérait lui changer les idées. Christine avait fini par accepter. Ça se passait à la gare d’Acton Vale. Elle ne se sentait pas trop à l’aise dans ce genre de soirée et se contentait de sourire. Geneviève connaissait et discutait avec quelques artistes et sa collègue se tenait en retrait. Quand tout le monde fut assis, les prestations débutèrent. Chaque auteur récitait leurs propres poèmes et parfois un interprète les lisait pour eux. Christine ne comprenait pas grand-chose à la poésie, sauf que l’un des derniers était venu spécialement la toucher droit au cœur. Christine se souvenait encore du titre « Solitaire », signé du pseudonyme : Sylvie Cloutier. Cette composition parlait d’une guerrière solitaire. Comme si l’autrice avait dédié ces quelques paragraphes justes pour elle. Cette guerrière lui avait collé à la peau tellement longtemps. Émue, elle avait applaudi. Lorsque la soirée fut terminée, tout le monde se leva pour féliciter les artistes des mots et c’est à ce moment-là que les deux amies s’étaient reconnues. Sylviane était une des organisatrices de cette soirée. Incertaine, elle s’était avancée vers Christine, et lorsqu’elle lui avait souri, les deux femmes s’étaient jetées dans les bras l’une de l’autre. C’était comme si elles s’étaient quittées hier. Depuis ce jour, elles se voyaient régulièrement.

    Après avoir élaboré toutes les choses qu’elles auraient pu expérimenter ensemble, si Sylviane ne travaillait plus, cette dernière se lève pour aller chercher son paquet de cartes.

    — Une petite séance, suggère-t-elle en montrant l’emballage rouge du jeu à Christine. Allez juste pour le fun.

    Christine lève les yeux au ciel en refusant, mais elle sait que son amie va s’exécuter quand même.

    — Coupe le paquet en trois, allez, allez, insiste Sylviane.

    Christine se plie à sa demande en lui disant qu’elle la trouve fatigante et le tranche en trois parties inégales. Sylviane prend une des piles et tourne les premières cartes en lui prévoyant.

    — Je vois un homme qui va entrer dans ta vie…

    Christine la laisse faire même si elle ne croit pas à toutes ces balivernes et elle ne se gêne pas pour se moquer de ces présages. Et ça, malgré le fait qu’elle lui avait prédit la mort de sa sœur. C’est la seule fois, selon Christine, que les prédictions de Sylviane s’étaient avérées exactes.

    — Tu me dis tout le temps ça, Vivi. Pis, arrête. Je ne me cherche pas de chum.

    — En tous les cas, tu verras bien. Cette fois-ci, je ne me tromperai pas. Je peux même te dire à quel moment ça va arriver.

    — Ah oui ! tu peux me dire ça, réplique Christine sur un ton moqueur. Et quand est-ce que tu vois ça ?

    — Je suis certaine que ça va arriver lors du prochain weekend de la Saint-Valentin. Et… je te prédis aussi…

    Christine éparpille toutes les cartes qui sont disposées sur la table devant Sylviane. Celle-ci la regarde avec stupéfaction quand Christine lui dit qu’elle a assez racontée de niaiseries pour ce soir.

    Elle vient de lui annoncer à peu près la même chose que la voyante de Granby lui avait dite l’an passé. Christine a peur qu’elle découvre ce qu’elle n’a jamais osé dire si elle continue à lire dans ces maudites cartes.

    C’est ainsi que c’est terminé leur soirée. Deux amies de longue date, qui possèdent des caractères complètement opposés, sont toujours restées fidèles à l’autre.

    PREMIÈRE PARTIE

    Acton Vale

    1

    Vendredi 15 février 2019

    Après quarante ans de travail pour la firme d’électricien, donc la compagnie porte le même nom « L’Électricien », Christine apprivoise sa retraite depuis deux semaines. Et ce soir, on fête son départ au restaurant le Carnet Noir. Normalement, elle évite de sortir les fins de semaine de la Saint-Valentin parce qu’elle déteste cette fête, mais aujourd’hui ce n’est pas son choix. Elle avait essayé de négocier un autre jour avec son patron, mais son agenda bien rempli aurait remis ce souper à plusieurs mois. Elle ne détenait donc pas de choix sur la date. Son supérieur avait décidé de ce vendredi afin de lui dire au revoir et de la remercier pour toutes ces années de service dans son entreprise.

    À soixante-trois ans, Christine garde la forme et elle veut accomplir autre chose pendant qu’elle en possède les moyens. Elle avait longuement hésité après le décès de Diane. Puis quand son patron avait commencé à effectuer des changements en septembre dernier, elle l’avait informé de son départ.

    Elle étend sur son lit la robe, qu’elle a achetée cette semaine pour l’occasion, puis elle va se doucher. Devant le miroir, sa chevelure d’un roux blond est enroulée dans une serviette. Elle la retire pour éponger ses cheveux mouillés. Habituellement, elle se coiffe d’un chignon, mais ce soir elle les laissera tomber sur ses épaules. Ça lui donnera un autre look que ses camarades ont rarement vu.

    Elle aime ce qu’elle voit dans le miroir, elle se trouve belle avec ses cheveux qui tombent. Elle n’a plus vingt ans. Et malgré ses soixante-trois ans, elle est encore une belle femme. Son léger surplus de poids n’a pas arrondi son visage qui est toujours allongé. La fine ligne de sourcil qu’exigeait la mode dans les années 80 s’est un peu épaissie, mais nécessite l’aide d’un crayon pour un maquillage au goût du jour. Un peu de mascara met en valeur ses yeux très verts aujourd’hui et elle ignore les nombreuses pattes-d’oie qui contournent son regard. Elle étend un baume couleur terre sur ses lèvres, puis remarque un petit pli au-dessus de sa lèvre supérieure, signe qu’elle n’a pas souvent ri dans sa vie. Mais elle compte bien y remédier à partir de maintenant.

    Elle enfile sa robe et ses bas de nylon. La nouvelle retraitée se sent prête à dire adieu à son ancienne vie.

    À dix-sept heures, elle sort de chez elle. Il fait froid et une petite neige tombe doucement. Bien qu’elle ne se soit pas ennuyée de ses collègues qu’elle n’a pas vus depuis deux semaines, elle s’empresse de les retrouver, curieuse de savoir lesquels d’entre eux seront présents.

    Même si elle vit dans cette ville depuis longtemps, elle n’a jamais eu l’occasion de mettre les pieds au restaurant le Carnet Noir. C’est un duplex en brique rouge transformé en restaurant de fine cuisine. Elle est reçue par un grand homme bedonnant aux yeux bruns rieurs dont l’âge reste indéterminé qui l’accueille avec un magnifique sourire et lui indique où se trouve la réservation. En s’avançant, elle aperçoit ses collègues de travail qui viennent à sa rencontre en lui souhaitant une bonne retraite. Après avoir serré la main à la dizaine de collègues, on lui assigne une chaise à côté de Geneviève et près d’un autre siège non occupé. Son patron qui lui fait face se lève et aussitôt tout le monde cesse de parler. Il lui dit les mots de bienvenue et lui annonce qu’une personne qu’elle connaît bien avait insisté pour s’asseoir à leur table aujourd’hui. La nouvelle retraitée cherche des yeux. Elle voit apparaître Sylviane à l’autre bout de la pièce avec des ballons gonflés à l’hélium. Elle seulement pouvait s’imposer ainsi à ce souper et Christine se montre agréablement heureuse de partager ce moment avec sa meilleure amie. 

    Assise à ce restaurant raffiné qu’elle découvre, Christine commence par un ceviche de pétoncles pendant que Geneviève raconte quelques anecdotes qu’elles avaient vécues durant toutes ses années au bureau. Après l’entrée, une cuisse de lapin se dépose devant la fêtée et elle se surprend de la savourer avec délice tellement c’est succulent. La compagnie de ses camarades donne à ce souper une note festive. C’est lorsqu’elle déguste le gâteau aux sarrasin et amande que son patron louange ses compétences et qu’il la remercie pour ses loyaux services. Puis il laisse la parole à Geneviève qui en lui tendant une enveloppe l’échappe dans une assiette souillée de miettes de gâteau. Quand les rires se sont dissipés, Christine ouvre le papier plié qu’elle a pris soin d’essuyer avec une serviette de table, et découvre avec surprise son cadeau. Avec l’aide de son patron, de ses camarades et de son amie, on lui offre un voyage d’une semaine au Mexique pour deux personnes. Avec beaucoup d’émotions, Christine se réjouit en regardant Sylviane, car elle sait bien qu’elle va vouloir y aller avec elle et la retraitée lui lance un clin d’œil de complicité.

    À vingt heures trente, plusieurs convives partent. Sylviane et Christine restent pour finir leur coupe de vin. Elles parlent du voyage qu’elles feront et des divers endroits où les deux amies pourraient séjourner, mais pour plus de précision elles en discuteront dans le bureau de son agence. Elles regardent les couples autour d’elles qui fêtent la Saint-Valentin, quand tout à coup, Sylviane rappelle à la fêtée qu’elle lui avait prédit la rencontre d’un homme à la Saint-Valentin. En riant, Christine s’exclame :

    — Je te l’ai toujours dit, Vivi, que tu me racontais n’importe quoi, s’esclaffe-t-elle.

    — Christine, la fin de semaine n’est pas encore terminée. Attends, tu verras, affirme-t-elle avec assurance.

    Sylviane est tellement convaincue de sa prédiction que les poils se redressent sur les bras de Christine. La sexagénaire ne la laisse pas entrer dans son baratin habituel, mais admet qu’elle avait vu juste pour sa sœur autant que la voyante de Granby lui avait confirmé qu’elle prendrait sa retraite. Et cette constatation l’inquiète durant quelques secondes avant de tout envoyer aux oubliettes.

    À vingt et une heures quarante-cinq, Sylviane se lève et enfile son manteau pour partir. Jean-Pierre, son conjoint, vient d’arriver pour la ramener. Elle s’assure que Christine est en état de conduire, puis les deux amies s’embrassent et Sylviane quitte le restaurant.

    Après son départ, Christine met son manteau, empoigne ses ballons à l’hélium et traverse la salle à manger qui est décorée avec beaucoup de cœur rouge. Un frisson parcourt sa colonne, elle déteste toujours autant cette fête depuis la fin de son secondaire.

    Juste avant de passer la porte pour sortir, elle resserre son foulard autour de son cou. Au moment où elle vient pour prendre la poignée, la porte s’ouvre sur un homme très élégant. Ses cheveux et sa barbe d’un blond/blanc sont bien taillés, il porte un manteau qui descend à la mi-cuisse en lainage noir. Leurs regards restent accrochés jusqu’à ce que les ballons, emportés par le courant d’air froid, s’interposent entre eux

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