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Le pacte: Un roman jeune adulte renversant et criant de vérité
Le pacte: Un roman jeune adulte renversant et criant de vérité
Le pacte: Un roman jeune adulte renversant et criant de vérité
Livre électronique385 pages4 heures

Le pacte: Un roman jeune adulte renversant et criant de vérité

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À propos de ce livre électronique

Lorsque tout bascule en un instant...

La fête de Sophie tire à sa fin. Assise du côté passager, je prends quelques clichés de mes copines pour immortaliser cette soirée.

—Hé ! Qu’est-ce que tu fais ? me demande Annabelle, quittant momentanément la route des yeux.

—Encore en train de ronchonner, dis-je en prenant un autre selfie.

—Supprime ça immédiatement ! lance-t-elle en essayant de me retirer l’appareil des mains.

—Les filles, arrêtez ! crie Andréanne tandis que la voiture se met à zigzaguer dangereusement.

Devant nous, des phares apparaissent.

—Annabelle ! Attention !

Auteure aux multiples talents, Mélanie Cousineau nous offre ici un roman riche en émotions dans lequel les personnages incarnent avec une justesse désarmante la détresse et la douleur vécues lors d’un deuil éprouvant.
LangueFrançais
Date de sortie16 sept. 2020
ISBN9782898040344
Le pacte: Un roman jeune adulte renversant et criant de vérité
Auteur

Mélanie Cousineau

Auteure aux multiples talents, Mélanie Cousineau nous offre un roman riche en émotions dans lequel les personnages sont dépeints avec grande habileté. L'auteure a su y mettre en scène avec une justesse désarmante la souffrance et la détresse des jeunes adultes qui vivent un deuil éprouvant.

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    Aperçu du livre

    Le pacte - Mélanie Cousineau

    fauxtitre.jpg

    À Vaness, un ange qui s’est envolé beaucoup trop tôt

    Sans t’oublier, je m’accroche à la vie

    Mais je sais, rien ne sera plus comme avant

    Sans t’oublier, toi, ma meilleure amie

    Le cœur serré, prochain rendez-vous dans cent ans

    Julie Masse, Sans t’oublier

    Prologue

    Il fait un noir d’encre. Autour, tout est silencieux. Seuls les battements de cœur d’Annabelle et d’Angélique sont perceptibles. Assises à l’avant dans l’automobile d’Annabelle, elles ont le regard rivé devant elles, guettant le moment tant attendu. Cet instant où justice sera rendue. Où l’ordre sera rétabli.

    Au-dessus de la petite voiture d’un rouge rutilant brillent quelques étoiles parsemées dans l’immensité du ciel. Au fond d’elles-mêmes, les deux jeunes femmes sont convaincues que leur douce Sophie est l’une d’elles. Que de sa place aux premières loges, elle assistera à ce moment tant attendu. Ce plan qu’elles ont fignolé, qu’elles ont méticuleusement élaboré, et qui sera finalement mis à exécution dans quelques instants.

    Une minute. Deux, tout au plus.

    0 h 45. L’heure fatidique.

    Cette fois, les battements de cœur se sont mués en roulements de tambour. Une fanfare. Ils résonnent dans la nuit. Ils hurlent, telle une meute de loups affamés.

    Les yeux toujours fixés sur la route droit devant, Annabelle et Angélique comptent les secondes. Comme prévu, des phares apparaissent. Bien vite, la silhouette d’un véhicule se découpe. Un vieux tacot. On ne peut s’y tromper. Avec ses deux cent mille kilomètres au compteur, ce très fatigué Chevrolet C20 a donné tout ce qu’il avait dans le ventre. Tout ce qu’il lui était possible d’offrir. C’est à bord de ce bolide bruyant que le chauffeur poussera son ultime soupir. Qu’il rendra son dernier souffle. Qu’il connaîtra l’enfer comme il le mérite.

    De plus en plus aveuglants, les phares s’avancent dangereusement vite. Puis, tout à coup, ils s’immobilisent. De là où elles sont, Annabelle et Angélique assistent à la scène. Nichées dans les profondeurs de la nuit, elles ne sont pas visibles, toutes lumières éteintes sur leur voiture.

    Haletantes, le cœur tordu par une douleur déchirante, elles aperçoivent un objet voler par la fenêtre latérale du tacot. Une bouteille de bière se fracasse contre ses semblables, venant ébranler la petite croix blanche qui se dresse en bordure de la route. Puis, le chauffeur redémarre. Il fonce droit dans leur direction.

    Ça y est. C’est l’heure.

    Les oreilles engourdies par l’adrénaline qui s’est emparée de son corps et qui coule maintenant dans ses veines, Annabelle lance un regard assuré à sa voisine de siège, qui hoche la tête en signe d’assentiment.

    Il n’en faut pas plus pour que la conductrice passe à l’action. D’un coup, elle allume ses feux de route, annonçant sa présence. Sans hésitation, elle enfonce l’accélérateur jusqu’à ce que le plancher l’empêche d’aller plus vite. Le moteur de la petite voiture rugit. Il tremble. Il est enragé, lui aussi. L’allure du bolide rouge croît à la vitesse grand V. En sens inverse, le vieux tacot approche. Il est tout près. Dans quelques instants, une collision inévitable surviendra.

    Dans la nuit noire, sous la voûte céleste, le destin de trois êtres est sur le point de se sceller. Annabelle et Angélique ferment les yeux, attendant que le gouffre ne fasse d’elles qu’une seule bouchée.

    1

    Annabelle

    Un an plus tôt

    — Je n’en reviens pas ! se plaint Angélique avec toute la fureur qui l’anime. Peux-tu croire que Xav ne peut pas se passer de moi pendant trois jours ? Franchement ! Qu’il aille s’acheter une vie, bon sang !

    Inutile de répondre, un simple sourire suffit. Cette ritournelle, j’ai l’habitude de l’entendre. Entre Xavier et Angélique, c’est continuellement la guerre. Le feu et l’eau. Le yin et le yang. Ils sont incapables de s’accorder, pas plus que de vivre l’un sans l’autre. Bref, c’est le chaos. Mais ils s’y plaisent puisque ça fait deux ans qu’ils sortent ensemble. Tout le contraire de Félix et moi. Entre nous, c’est tout nouveau, tout doux. On s’aime un peu, beaucoup, passionnément.

    Allongées sur les transats situés à proximité du spa, Angélique et moi fouinons sur notre cellulaire pendant que nos copines barbotent. De retour d’un tournoi de volleyball de plage, Sophie avait les muscles en compote. Pour sa part, Andréanne s’est portée volontaire pour lui tenir compagnie. Angélique et moi n’en pouvions plus de la chaleur de l’eau. Il faut dire qu’on en a légèrement augmenté la température. Mes parents ont l’habitude de la laisser aux alentours de quatre-vingt-dix-huit degrés Fahrenheit.

    Soudain, comme si un moustique l’avait piquée, Angélique bondit de sa chaise longue et marche d’un pas assuré vers le bain extérieur. Je la suis, mais demeure en dehors de l’eau.

    — Dis, Annabelle, est-ce qu’il y a un spa au chalet familial ? s’informe Sophie en avalant la dernière gorgée de son thé glacé.

    J’avance vers elle pour attraper la cannette vide avant qu’elle tombe sur le sol.

    — Malheureusement, non. Cependant, tu n’auras même pas le temps de t’en rendre compte. Les filles et moi avons prévu un tas d’activités pour occuper notre week-end.

    Il se trouve que Sophie est la cadette de notre groupe. La petite jeunesse. Elle seule n’a pas encore atteint sa majorité. Dans quelques jours, ce sera chose faite. Enfin, nous serons toutes des adultes. Nous aurons la vie devant nous et une infinité de possibilités.

    Pour célébrer ce grand événement, mes copines et moi avons décidé d’organiser quelque chose de spécial. Nous partirons vendredi soir au chalet de mes parents. Ils ont accepté de nous le prêter, c’est trop génial ! Nous profiterons de la maisonnette dans les bois pour partager des moments qui resteront à jamais gravés dans notre mémoire. J’ai si hâte ! Surtout à la soirée de samedi, moment où nous avons planifié une activité inusitée…

    — N’en faites pas trop pour moi, les filles, s’oppose Sophie, la tête inclinée et une légère crainte au fond des prunelles. Vous savez que je n’aime pas particulièrement être le centre d’attention. L’âge, ce n’est qu’un chiffre, après tout…

    Mes copines et moi échangeons un regard de connivence, puis éclatons de rire. Cette réaction ne plaît pas du tout à Sophie. Afin de la réconforter, je mets le pied dans l’eau et m’installe près d’elle. Une douce chaleur caresse ma peau. J’appuie ma tête sur son épaule.

    — Laisse-nous te démontrer l’importance que tu as à nos yeux, So. Je te promets que nous ne ferons rien qui pourrait te déranger.

    — Annabelle a raison, renchérit Angélique. Tu verras, on va bien s’amuser. Ce sera le plus beau week-end de notre vie.

    À mes côtés, je sens mon amie se détendre. Elle pose son crâne contre le mien, et bientôt, nous sommes rejointes par les deux autres membres du groupe. Nous formons une clique tissée serrée. Quatre âmes sœurs. Quatre inséparables.

    — Vous ai-je déjà dit à quel point je vous aime ? nous demande Sophie d’une voix de petite fille.

    — Au moins un million de fois, répond Andréanne avec douceur. Mais tu peux nous le répéter aussi souvent que tu le voudras. On est chanceuses de s’avoir, les Sistas. J’espère que vous le réalisez. Sans vous, ma vie ne serait pas la même.

    Nous demeurons silencieuses quelques instants, pendant que les sages paroles d’Andréanne font leur chemin en nous. De notre groupe, elle est en quelque sorte la plus calme, la plus posée. Un ange descendu du ciel, pour vrai ! Avec ses traits délicats et ses longs cheveux blonds, elle ressemble à s’y méprendre à l’image qu’on se fait de ces êtres célestes. Aussi, son optimisme inébranlable et l’attention qu’elle porte à chacune de nous laissent croire que nous sommes les personnes les plus importantes qui soient. Je n’échangerais pas mes amies pour rien au monde. Elles me sont si précieuses !

    — Hé ! Quelle heure est-il ? interroge soudainement Angélique en se redressant vivement, venant interrompre le moment de félicité.

    Je patauge à l’extrémité du spa et jette un œil à l’écran numérique.

    — Vingt-deux heures vingt-sept.

    D’un coup, mon amie bondit sur ses pieds et se précipite vers l’escalier à mes côtés.

    — Il faut que j’y aille.

    — Déjà ? demandé-je, la déception perçant dans ma voix.

    — Pas le choix, je travaille à six heures demain matin. C’est moi qui fais l’ouverture.

    Mes sourcils se soulèvent d’étonnement. Angélique et moi ne sommes pas des couche-tôt. Au contraire, on aime bien profiter de ces moments tranquilles en soirée, lorsque le monde entier est endormi.

    — Tu n’as qu’à passer la nuit debout, répliqué-je en rigolant. Ça sera peut-être moins dur sur ton système !

    Déjà, ma copine est sortie de l’eau, affairée à s’essuyer. Nous l’imitons.

    — Peut-être une autre fois, mais pas ce soir, refuse-t-elle. Mon objectif est de conserver cet emploi le plus longtemps possible afin de pouvoir partir en appart dès l’automne. J’ai si hâte d’avoir mon endroit à moi !

    Angélique bosse à temps plein dans un centre sportif depuis la fin des classes. Elle est responsable des abonnements et effectue quelques tâches administratives. Ce n’est pas ce qu’elle préfère, mais ça lui permet de mettre de l’argent de côté et de voir « du beau monde », comme elle se plaît à le dire. De grandes silhouettes sveltes et musclées, des abdominaux bien dessinés. Tout ce dont elle a besoin pour être heureuse.

    — Vous savez ce qui serait génial ? lancé-je tout à coup en zieutant mes amies tour à tour.

    Tous les regards convergent dans ma direction.

    — Qu’on déménage ensemble, toutes les quatre. Vous imaginez le plaisir qu’on aurait ? Ce serait le paradis.

    — Le paradis ? répète Angélique. Je ne crois pas, non. Connaissant ton côté bordélique, je dirais plus que ça serait l’enfer.

    Sophie et Andréanne m’observent avec amusement.

    — Angie marque un point, là, rigole Sophie en même temps que j’envoie un coup de coude bien mérité dans les côtes de celle qui me crucifie.

    Son sourire s’efface ensuite pour laisser place à un air de désolation.

    — J’avoue que ton projet est fort intéressant, poursuit-elle, mais oublie-moi pour l’instant. J’ai mis toutes mes économies dans mon voyage dans l’Ouest…

    Effectivement, voilà des mois que notre chère Sophie prépare ce périple en nous énumérant toutes les activités auxquelles elle s’adonnera. À ces mots, Angélique fige.

    — S’il te plaît, ne tourne pas le fer dans la plaie en nous rappelant ton départ, l’interrompt-elle en pivotant pour lui faire face. Je ne sais pas comment on fera pour se passer de toi durant quatre longues semaines.

    — Tu n’es pas encore partie que je m’ennuie déjà ! ajouté-je, sentant les larmes me picoter le coin des yeux.

    Sophie nous observe silencieusement avant d’éclater de rire.

    — Voyons, les filles, ne faites pas cette tête-là ! Ça passera vite, vous verrez. Avec le travail et vos chums, vous ne remarquerez même pas mon absence.

    — Non, un mois, c’est interminable, nié-je en m’avançant, la mine boudeuse.

    — C’est vrai que tu vas nous manquer, dit Andréanne, son visage habituellement serein dépeignant une ombre de tristesse. Je n’ai pas d’amoureux pour compenser ta présence, moi.

    Mine de rien, Angélique est maintenant prête à partir. Elle a enfilé sa salopette en jeans sur son maillot de bain encore humide. De gros cercles foncés sont bien visibles à la hauteur de sa poitrine. Elle s’avance rapidement pour me faire un câlin.

    — Tu n’oublies pas ce que tu m’as promis pour ce week-end, hein ? demandé-je en ancrant mon regard dans la noirceur de ses iris.

    À tous les coups, je n’en reviens pas. Je suis obnubilée par la ressemblance d’Angélique avec l’idée que je me fais d’une diablesse. Il ne lui manque plus que des cornes et une fourche et elles seraient identiques.

    — Bien sûr que non, répond-elle, me tirant de mes pensées. Tu peux compter sur moi.

    Pour sceller notre entente, elle m’envoie un clin d’œil. Andréanne sourit, sachant de quoi il est question. Pas Sophie. Elle n’aime pas ignorer l’objet d’une discussion.

    — Encore un mystère ? J’ai vraiment hâte que cette fin de semaine soit derrière nous. Enfin, je ne me sentirai plus exclue de vos secrets.

    — Patience, ma belle, réplique Andréanne en posant un baiser sur le front de notre copine. Bientôt, tu sauras tout. Et je te jure que tu ne seras pas déçue. Bon, je vous laisse aussi, poursuit-elle.

    Je lève les bras, exaspérée.

    — Toi aussi ? Qu’est-ce que vous êtes lâcheuses !

    Mon amie me fait la bise, puis elle s’apprête à partir à la suite d’Angélique.

    — Je suis vraiment désolée. J’ai un tas de trucs à faire demain et j’ai promis à ma mère de lui donner un coup de main avec sa comptabilité. Bonne fin de soirée, les filles !

    — Bye, les salue Sophie en agitant le bras.

    2

    Sophie

    La semaine est looonnnggguuueee ! J’essaie de me changer les idées, mais tout ce qui occupe mes pensées, c’est ce fameux week-end que mes amies m’ont organisé. Je n’ai pas osé le leur dire, mais je n’ai pas trop envie d’y aller. En fait, j’ai le goût de les voir, mais pas de faire un tas de conneries pour célébrer ma majorité. J’ai entendu tellement d’histoires d’horreur au sujet de fêtes du genre qui ont connu une fin tragique, je refuse de faire partie du lot et de nourrir les statistiques. Aussi, ce genre de comportements ne me ressemble guère. Je préfère la simplicité, la douceur. Vivre de petits bonheurs en compagnie des gens que j’aime. Voilà ce qui me plaît dans la vie.

    — Tu as vu cette étoile, là-bas ? me demande Édouard, le doigt pointé vers le ciel. Elle brille tellement qu’elle fait de l’ombre à la lune.

    Je suis la direction qu’il m’indique et remarque effectivement un point plus lumineux que les autres. Nous sommes allongés sur une couverture que nous avons posée sur la pelouse dans ma cour et nous nous adonnons à notre passe-temps favori. Admirer la voûte céleste.

    — Penseras-tu un peu à moi lorsque tu seras dans l’Ouest, avec ton cousin ?

    La question d’Édouard me prend par surprise.

    — Bien sûr, Rominet ! Tu ne me quitteras pas un seul instant. Je te porterai dans mon cœur chaque minute de mon voyage.

    Édouard et moi sommes ensemble depuis quelques mois déjà et j’ai l’impression d’avoir trouvé celui qui m’était destiné. Avant lui, j’ai fréquenté Cédrick, mais j’ai découvert qui il était vraiment. Un menteur compulsif ayant une forte tendance à l’alcoolisme doublé d’un comportement violent. Manipulateur, de surcroît ! Bref, j’ai vite fait de rompre avec lui. Nul besoin de laisser durer une relation vouée à l’échec. Nous n’étions tout simplement pas faits l’un pour l’autre, bien que Cédrick soit persuadé du contraire. Même si notre séparation remonte à plus d’un an, il lui arrive à l’occasion de m’appeler ou de m’écrire. Il souhaite qu’on revienne ensemble. Mais ça n’arrivera jamais. Jamais dans cent ans.

    La voix joyeuse de mon amoureux me tire de mes pensées.

    — Un jour, je t’achèterai une étoile. Je la choisirai unique en son genre et brillante, exactement comme la fille extraordinaire que tu es.

    Je n’ai pas le temps de répondre qu’Édouard a roulé sur moi. Ses lèvres rencontrent les miennes dans une union parfaite. Douce et enivrante. Nous nous embrassons avec avidité. Je l’aime tellement ! Jamais je ne trouverai les mots pour lui exprimer à quel point je suis éprise de lui.

    Après notre délicieux baiser, Édouard reprend sa position initiale, allongé sur le dos, les bras repliés, mains sous la tête. Nous demeurons silencieux un moment, admirant l’ombre de quelques nuages duveteux effectuer un court passage devant la lune. C’est si beau !

    — Tu sais quoi ? dis-je tout à coup, me remémorant une information importante dont j’ai oublié de faire part à mon copain. J’ai demandé à la blonde de mon père et elle est d’accord. Tu pourras emménager avec nous cet automne ! Si tu le veux bien, évidemment.

    Voilà plusieurs années que mes parents ont divorcé, et depuis, ma mère habite à l’autre extrémité du pays. C’est d’ailleurs chez elle que je m’en vais pour un mois. Puisque ma tante y vit également, je ferai le voyage avec mon cousin, qui est demeuré au Québec pour terminer ses études en droit.

    Comme je m’y attendais, la tête d’Édouard pivote dans ma direction. Ses yeux brillent encore plus que l’astre dont il me faisait l’éloge quelques instants plus tôt.

    — Tu es sérieuse ? Est-ce vraiment ce que tu souhaites ?

    Je ne peux m’empêcher de sourire.

    — Bien sûr ! Quelle question idiote !

    Édouard conserve son air grave. Il semble préoccupé. Il se retient de laisser éclater sa joie au grand jour.

    — Tu n’as pas peur de gâcher cette belle relation que nous avons ? Tu sais, en m’ayant toujours dans les pattes, tu découvriras ma vraie nature. Peut-être que je ne suis pas aussi parfait que tu le croies…

    — Franchement ! Arrête de t’inventer des scénarios ridicules ! Je suis zéro inquiète que toi et moi, ça ne fonctionne pas. Alors, c’est d’accord ? Tu acceptes ?

    Un lourd silence plane entre nous. La bouche d’Édouard est tordue en cette étrange grimace que je connais trop bien. Il la fait chaque fois qu’il réfléchit. Il est si mignon !

    — C’est oui ! dit-il au bout d’un moment, son magnifique sourire illuminant à nouveau son visage parfait. On vivra ensemble, ma belle étoile ! Tu le réalises ?

    Son visage revient à quelques centimètres du mien. Nous rions et pleurons tout à la fois. La vie est si bonne avec moi !

    3

    Andréanne

    Il fait encore un soleil de plomb quand je sors du centre d’hébergement où vit ma grand-mère. Seize heures trente et c’est déjà l’heure du souper. Il faut dire que dès dix-neuf heures, c’est la nuit qui commence pour les résidents. C’est si triste !

    Depuis cinq ans, mamie Florence habite ici. Celle que je considérais comme ma deuxième mère n’est maintenant plus que l’ombre d’elle-même. L’Alzheimer est arrivé sans crier gare, emportant avec lui chacune des parcelles de sa vie. À regret, maman a dû la retirer de sa maison qu’elle aimait tant. L’arracher à l’univers dans lequel elle s’est épanouie telle une fleur en parfaite symbiose avec son environnement. Avec le temps, la jolie fleur s’est fanée. Aujourd’hui, la femme de tête et combattante qu’était ma grand-mère passe ses journées confinée dans un fauteuil roulant, avec pour seule amie sa poupée, Juliette. Au cours de récents accès de colère causés par la maladie, elle lui a retiré les yeux, si bien qu’il y a maintenant deux trous là où les billes colorées venaient illuminer le visage en tissu.

    Bien que les ravages de cette maladie m’attristent profondément, je tiens à profiter de chaque moment que la vie m’accorde en compagnie de mamie. C’est dans cet esprit que j’ai proposé à la directrice du centre d’y donner de petits concerts. Rapidement, on m’a offert d’y jouer quelques pièces une heure par semaine. J’ai accepté sans hésiter.

    Alors que mes doigts voyagent sur les touches avec aisance, je sens les regards rivés sur moi. Bien sûr, les signaux témoignant de l’intérêt du public sont très subtils, voire imperceptibles, mais je me plais à croire qu’au plus profond d’eux-mêmes, ces êtres qui ont tant besoin d’amour et d’attention apprécient ces instants de détente que je leur offre. En tout cas, ils me font du bien, à moi. Ils me donnent l’impression d’être utile. De donner à ceux qui ont déjà tant donné. De leur apporter un peu de bonheur dans leur quotidien triste et ennuyant.

    Bientôt, j’arrive à la maison. Celle où j’habite seule avec ma mère depuis la mort de mon père. Cancer du poumon, phase terminale. Il n’a eu aucune chance de s’en sortir. Il s’est envolé en quelques semaines à peine. Mais tout ça, c’est du passé. Aujourd’hui, je me suis réconciliée avec son départ précipité. Aujourd’hui, je pose sur la vie un tout nouveau regard. Je savoure l’instant présent et ne conserve que le positif de chaque chose. La vie est trop courte pour s’apitoyer sur notre sort. Et surtout, nous ne sommes qu’une infime poussière dans l’immensité de la Terre. Inutile de lutter contre le destin.

    Par les fenêtres grandes ouvertes, j’entends résonner les notes du piano à queue. Maman est en train d’y donner un cours. Avec douceur, je m’immisce dans ma demeure. Pour rien au monde je ne voudrais m’introduire dans cette bulle qui se crée entre l’élève et le maître. Le piano n’est pas qu’une histoire de facilité à déplacer ses doigts sur les touches. C’est d’abord et avant tout une question d’ambiance. D’atmosphère. Il faut sentir la musique. La laisser monter au plus profond de soi. Se laisser porter sur ses ailes. Je me faufile dans ma chambre comme une petite souris.

    Moins d’une dizaine de minutes plus tard, quelques coups discrets sont frappés à ma porte.

    — Oui ? dis-je en levant les yeux de mon livre, alors que je suis allongée sur mon lit, la tête soutenue par ma paume.

    Ma mère entre doucement dans la pièce. Elle vient s’asseoir sur la couverture. Après avoir pris soin de placer mon signet afin de marquer la page où je suis rendue, je me redresse.

    — Alors, comment ça s’est passé ? s’informe-t-elle d’un ton qu’elle souhaite détaché.

    Je ne suis pas dupe. Je sais qu’en réalité, ce n’est pas vraiment ce point qui l’intéresse. Elle veut savoir comment se porte sa mère.

    — Mamie Florence va bien. Je crois qu’elle a bien apprécié les chansons. Quand j’ai eu terminé, j’ai passé un moment avec elle. Je lui ai appliqué de la crème sur les mains.

    Grand-mère adore ça. À tout coup, elle ferme les yeux. Je la sens ramollir sous mes doigts, comme un chat à qui on gratte le crâne.

    — Quelques résidentes faisaient la queue pour avoir droit au même privilège !

    Ma mère rigole doucement.

    — Et alors, tu l’as fait ?

    — Bien sûr que si ! Tu aurais dû voir le sourire illuminer leur visage par la suite ! J’avais l’impression de leur avoir offert le plus beau cadeau qui soit. Ils ont tellement besoin d’attention !

    Le visage de maman s’assombrit. Elle le sait parfaitement. Seulement, elle trouve très difficile de voir sa mère dans cet état. Chaque fois, son cœur se serre. Elle en a pour des jours à se remettre de ses émotions, revoyant parfois l’image de mon père alors qu’il franchissait les dernières étapes de sa vie. Il lui arrive aussi d’en vouloir à la vie, au monde entier. Pourquoi mamie Florence, alors qu’elle était pleine de vie et débordante de santé ? À cette question, il n’y a malheureusement pas de réponse. Les choses sont ainsi, point à la ligne. Pour cette raison, ma mère a préféré interrompre ses visites.

    Suivant les conseils de ses proches, ma complice s’est mise à consulter une psychologue. Elle peut ainsi exprimer les sombres pensées qui l’habitent. Ça l’aide beaucoup, je crois. Bientôt, elle sera de nouveau prête à aller voir sa mère.

    — Cassandre vient toujours ce soir ? s’enquiert maman alors qu’elle se relève.

    À l’instar de celle qui m’a donné la vie, j’ai aussi quelques élèves à qui je donne des leçons de piano. Trois, en fait. Et je les adore. Ils sont passionnés, attentifs à mes enseignements et ils débordent de talent. J’aimerais bien faire carrière dans ce domaine. Pour l’instant, je me consacre à mes études et je poursuis mes leçons privées, tout en participant à quelques concours et récitals. La musique est essentielle à ma vie. Elle coule dans mes veines, elle me nourrit.

    — Oui. Elle sera là à dix-neuf heures.

    — D’accord. Je m’assurerai que tu

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