Le reclassement professionnel des travailleurs licenciés: Droits des travailleurs et obligations des employeurs publics et privés
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À propos de ce livre électronique
La loi du 26 décembre 2013 sur le statut unique a réservé une part importante aux mesures de reclassement professionnel.
Le reclassement professionnel devient un droit pour tous les travailleurs, quel que soit leur âge, à partir du moment où ils sont licenciés moyennant un préavis de 30 semaines ou plus. La loi crée donc un régime général de reclassement qui s’applique non plus seulement au secteur privé, comme c’était le cas auparavant, mais également au secteur public. Le reclassement professionnel devient donc une obligation pour tout employeur, tant privé que public, qui nécessite un examen approfondi.
La particularité du nouveau régime est qu’il laisse néanmoins subsister l’ancien régime (connu sous le nom d’outplacement), qui continue à s’appliquer dans le secteur privé pour les travailleurs âgés de plus de 45 ans…
Ce dossier propose d’examiner le reclassement professionnel en abordant tout d’abord l’articulation du régime nouveau (qui devient le régime général) et du régime ancien (qui devient le régime particulier) avant d’analyser de manière détaillée et successive les deux régimes sans omettre une vue pratique de déroulement concret du reclassement.
Question très importante en pratique : quelles sont les sanctions en cas de défaut de reclassement professionnel ?
Un examen de la situation sera effectué au regard de la jurisprudence.
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Aperçu du livre
Le reclassement professionnel des travailleurs licenciés - Collectif
La collection « Les Dossiers du BJS »
Le Bulletin Juridique & Social, revue bimensuelle d’actualité juridique, vous propose également sa collection « Les Dossiers du BJS ». Celle-ci rassemble une série d’ouvrages accessibles et pratiques dans tous les domaines du droit afin de faire le point de manière didactique sur un sujet particulier.
Ouvrages parus :
S. Gilson et F. Lambinet, La liberté d’expression du travailleur salarié, 2012.
Ph. Horemans, La nouvelle réglementation des marchés publics de travaux,
de fournitures et de services en 60 questions pratiques, 2013.
M. Strongylos, R. Capart, G. Massart, Le statut unique ouvriers-employés – Commentaire pratique de la loi du 26 décembre 2013, 2014.
Th. Driesse, Les documents sociaux dans l’entreprise – Obligations et sanctions, 2015.
N. Dasnoy-Sumell, Le droit disciplinaire dans l’enseignement, 2015.
Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Communications s.p.r.l. (Limal) pour le © Anthemis s.a.
JurisquareLa version en ligne de cet ouvrage est disponible sur la bibliothèque digitale Jurisquare à l’adresse www.jurisquare.be.
Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles© 2015, Anthemis s.a.
Place Albert I, 9 B-1300 Limal
Tél. 32 (0)10 42 02 90 – info@anthemis.be – www.anthemis.be
ISBN : 978-2-87455-887-0
Toutes reproductions ou adaptations totales ou partielles de ce livre, par quelque procédé que ce soit et notamment par photocopie, réservées pour tous pays.
Mise en page : Communications s.p.r.l.
[ Sommaire
Introduction
À quand une véritable obligation de reclassement des travailleurs en droit social belge ?
Steve Gilson
Y’en a deux, deux outplacement, l’ancien et le nouveau !
Présentation générale et articulation des régimes de reclassement professionnel
Géraldine Massart et Rodrigue Capart
L’outplacement des travailleurs âgés et la C.C.T. no 82 : quand régime subsidiaire rime avec prioritaire
Nathalie Robert
L’outplacement prévu par la loi du 26 décembre 2013 ou l’activation des travailleurs licenciés
Muriel Duriaux
Les sanctions en matière d’outplacement
Patrice Debras et Marianne Cranshoff
Le coût de l’outplacement et les différentes formules : une vision pratique
Marie-Amélie Jaillot
Introduction
À quand une véritable obligation de reclassement des travailleurs en droit social belge¹ ?
Steve Gilson
Avocat au barreau de, .titreContibution2, .titreContibution2 Namur
Maître de conférences invité à la Faculté de droit de l’UCL²
Chargé de cours à l’ICHEC
Juge suppléant au Tribunal du travail de Liège, division Namur
À l’occasion des dispositions relatives au statut dit « unique »³, le législateur a, d’une part, revu le système de reclassement professionnel connu jusque-là dans le secteur privé sous le nom d’outplacement et, d’autre part, annoncé des efforts à faire en termes d’employabilité des travailleurs. L’objectif du présent ouvrage est essentiellement d’analyser, sur un plan pratique, les dispositions mises en place concernant le reclassement professionnel. Il nécessite dans un premier temps une mise en contexte au sein du système belge. C’est l’objet de cette brève introduction.
1. Absence générale d’obligation de reclassement. – Le droit social belge ne comporte pas d’obligation générale de reclassement du travailleur qui soit préalable à son licenciement⁴. En d’autres termes, l’employeur, lorsqu’il estime devoir licencier le travailleur, ne doit pas apporter la preuve qu’il ne pourrait pas occuper ce travailleur à un autre poste⁵. Comme le souligne Mireille Jourdan⁶, il n’y a pas dans notre système un droit pour le travailleur, dans le cadre d’un licenciement économique, de revendiquer un reclassement dans un autre poste de l’entreprise.
Il suffit de comparer cette situation avec la situation française, où l’article L.1233-4 du Code du travail dispose que : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. » Nous y reviendrons infra.
2. L’exception : le reclassement médical. – Ce principe connaît un infléchissement dans le cadre de l’inaptitude médicale définitive puisque l’arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs a créé pour l’employeur une obligation de reclassement en lui imposant de vérifier s’il n’est pas possible d’occuper le travailleur à un poste de travail adapté⁷. Ce n’est pas notre propos.
3. Notion de reclassement. – La notion de reclassement professionnel telle qu’elle est utilisée en droit belge vise en fait un système distinct qui consiste à faire participer l’employeur à la recherche d’un autre emploi pour le travailleur qui a déjà été licencié, emploi qui devra se trouver à l’extérieur de l’entreprise. Les différences essentielles sont, d’une part, que cette obligation n’est pas du tout préalable au licenciement mais qu’elle lui est postérieure et, d’autre part, que ce reclassement ne vise en aucun cas un reclassement interne⁸ mais la recherche d’un nouvel emploi. L’employeur devient ainsi un auxiliaire des systèmes de placement des chômeurs. Les dispositions qui ont été mises en place à l’occasion du statut unique ne bouleversent pas ces principes.
4. L’ancien régime d’outplacement devenu régime spécifique. – Le régime antérieur connu sous le nom d’outplacement est maintenu et devient un régime spécifique qui est applicable au travailleur âgé de plus de 45 ans⁹. Par outplacement, l’on vise l’ensemble des services de conseils de guidance fournis individuellement ou en groupe par un bureau d’outplacement contre paiement à la demande d’un employeur afin de permettre à un travailleur de trouver lui-même le plus rapidement possible un emploi auprès d’un nouvel employeur ou de développer une activité professionnelle en tant qu’indépendant. Il ne s’agit pas non plus d’un véritable système de placement puisque l’entreprise d’outplacement n’est pas en contact avec le nouvel employeur. On vise en fait un service, qui est fourni au travailleur, d’encadrement psychologique, d’établissement d’un bilan psychologique, d’aide à l’élaboration d’une recherche d’emploi, d’assistance logistique et administrative à retrouver un nouvel emploi. On sait que l’outplacement va être réalisé par des consultants indépendants, soit par un service public de placement.
Il s’agit du régime mis en place par la C.C.T. no 82 conclue le 10 juillet 2002. Il vise un groupe cible, les plus de 45 ans, considérés comme ayant des difficultés à retrouver un emploi. Le coût de la procédure de reclassement est entièrement porté à charge de l’employeur, lequel peut être sanctionné s’il ne formule pas l’offre. Le travailleur, quant à lui, est obligé d’y recourir sous peine d’une sanction en termes d’allocation de chômage.
5. Le nouveau régime de reclassement devenu régime général. – Le nouveau régime, qui devient un régime général, est quant à lui inscrit dans les articles 11/1 à 11/12 nouveaux de la loi du 5 septembre 2001 visant à améliorer le taux d’emploi des travailleurs. Le passage du terme « outplacement » prévu dans la convention collective no 51 à la notion de « reclassement professionnel » dans la loi du 5 septembre 2001 n’a pas modifié le contenu du mécanisme.
Il s’agit d’un régime légal qui n’est plus édicté par une convention collective de travail et qui s’applique dès lors désormais au-delà du champ d’application de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, de sorte qu’il vise également les employeurs du secteur public. Cette fois, peu importe l’âge. Il faut avoir droit à un préavis d’au moins 30 semaines. On vise donc une nouvelle catégorie cible : des travailleurs qui ont une certaine ancienneté – ce qui explique qu’ils aient droit à un préavis de 30 semaines – et qui auraient alors perdu l’expérience de la recherche d’un emploi. Comme tout seuil, il présente évidemment le risque d’une forme d’arbitraire. Le Conseil d’État lui-même s’était interrogé sur l’utilisation de ce critère de différenciation des 30 semaines, estimant que les auteurs du projet devaient indiquer les raisons pour lesquelles ce critère était jugé pertinent¹⁰. En effet, comme on le voit, le critère n’est plus ici l’âge, comme c’était le cas dans le régime antérieur de l’outplacement, mais la durée du préavis, qui ne dépend plus, aujourd’hui, que de l’ancienneté. Le système mis en place partirait donc de l’idée qu’il serait plus difficile pour un travailleur de retrouver un travail, quel que soit son âge, s’il est resté plus longtemps dans une entreprise, ce qui n’apparaît pas évident. C’est ce que le législateur a précisé, estimant qu’il s’agissait d’un soutien bénéficiant aux travailleurs qui, après un certain nombre d’années dans la même fonction, n’ont plus activement effectué de recherches sur le marché de l’emploi et dont l’expérience est devenue plus confinée. Il est remarquable de voir que le législateur souligne à cet égard que c’est l’expérience de la sollicitation qui aurait été reléguée à l’arrière-plan et qui devrait dès lors être renforcée¹¹.
Initialement, le coût de cette procédure de reclassement professionnel reste supporté par l’employeur mais doit venir en déduction de ses obligations en termes de préavis ou d’indemnité compensatoire de préavis. En effet, s’il s’agit d’un licenciement moyennant un préavis, le temps consacré par le travailleur au reclassement professionnel est déduit des absences autorisées pour rechercher un nouvel emploi, et, s’il s’agit d’un licenciement moyennant le paiement d’une indemnité, la durée du préavis prise en considération pour fixer l’indemnité est réduite de quatre semaines, évaluation forfaitaire qui suscite déjà des difficultés Comme l’a souligné Jacques Clesse¹², le dispositif prévu suscite deux questions : « La première est de savoir si l’étendue des services fluctue selon la rémunération actuelle du travailleur. La seconde a trait à l’impact des modalités du licenciement sur l’étendue du service que l’employeur doit offrir, à savoir moyennant le respect d’un préavis ou le paiement d’une indemnité. » Comme l’a souligné la doctrine : « À travers ces mesures, le législateur entend activer le préavis presté ou l’indemnité compensatoire de préavis payée en augmentant l’employabilité du travailleur licencié sur le marché du travail. »¹³ Le terme activation fait référence ici à la volonté d’utiliser, de reconvertir, une partie du préavis pour financer autre chose en partant de l’idée que « le reclassement professionnel permet de retrouver plus vite un nouvel emploi »¹⁴.
Jusqu’au 31 décembre 2015, le travailleur licencié moyennant le paiement d’une indemnité auquel une offre est adressée n’est pas tenu d’accepter cette offre. À partir du 1er janvier 2016, la loi lui imposera de l’accepter.
6. Le régime « pionnier » d’outplacement de la C.C.T. no 51 : le système « volontaire ». – Le législateur n’a manifestement pas eu le souci de rationaliser le nombre de dispositifs mis en place. Ainsi, la convention collective de travail no 51 relative à l’outplacement, conclue au sein du Conseil national du travail, reste applicable. Ce dispositif viserait donc les hypothèses dans lesquelles il n’y a en fait aucun droit au reclassement professionnel issu de la loi ou de la C.C.T. no 82 mais dans lesquelles un reclassement est octroyé sur la base d’une décision individuelle de l’employeur, ou éventuellement sur la base d’un droit qui avait été conféré au travailleur, par exemple dans le cadre d’une clause du contrat de travail, sachant que le coût de l’outplacement est alors à charge de l’employeur.
7. Le reclassement dans le cadre de la gestion active des restructurations. – L’ouvrage n’abordera pas spécifiquement les hypothèses spécifiques d’aides au reclassement qui sont mises en place notamment dans le cadre d’un licenciement collectif. C’est notamment ce qui est appelé « gestion active des restructurations » sur la base de la loi du 23 décembre 2005 relative au pacte de solidarité entre les générations et de l’arrêté royal du 9 mars 2006 relatif à la gestion active des restructurations. Il s’agissait déjà d’un premier pas visant à faire peser sur l’employeur une obligation de prendre en compte le reclassement des travailleurs par la mise en place d’une cellule pour l’emploi qui doit offrir un outplacement à chaque travailleur licencié dans le cadre de la restructuration. La cellule pour l’emploi a pour but de permettre au travailleur concerné par le licenciement de retrouver un emploi en mettant en œuvre des mesures d’accompagnement convenues dans le cadre de la restructuration et dans le plan de restructuration. La cellule doit faire au moins une offre d’outplacement à charge de l’employeur en faveur de chaque travailleur licencié dans le cadre de la restructuration inscrit auprès de la cellule. Les travailleurs qui sont concernés doivent être inscrits auprès de la cellule et comme demandeurs d’emploi auprès des services régionaux, sauf dans le cadre de certaines exceptions. Dans certaines hypothèses, l’employeur en restructuration est tenu, pour chaque travailleur licencié qui s’est inscrit dans la cellule pour l’emploi, de lui verser une indemnité de reclassement. Cette indemnité remplacera en tout ou en partie l’indemnité de congé. Dans certaines hypothèses, l’employeur peut obtenir le remboursement d’une partie de cette indemnité (lorsque le coût total de l’indemnité de reclassement payée au travailleur est plus élevé que le coût total de l’indemnité de congé) auprès de l’ONEm¹⁵.
8. La promotion de l’employabilité. – Dans le cadre des nouvelles dispositions relatives au statut unique, le législateur a voulu insister sur la notion de promotion de l’employabilité. La notion est à la mode et d’un usage aisé en termes de déclarations politiques, avec une certaine connotation idéologique toutefois, qui renvoie au spectre de l’État social actif. Apparue en Belgique à la toute fin des années nonante, la notion d’État social actif, après avoir été revendiquée expressément, poursuit son chemin de manière plus discrète mais tout aussi présente. Du reste, comme l’a souligné la doctrine, l’obligation prévue par la loi du 26 décembre 2013 visant à imposer aux secteurs d’activité la prise de mesure d’employabilité « s’inscrit en droite ligne dans le cadre de la stratégie européenne pour l’emploi dont l’objectif central déclaré consiste à maximiser le niveau de l’emploi »¹⁶.
L’employabilité¹⁷ est définie comme « la capacité d’accéder à un emploi »¹⁸. La notion en appelle à l’idée d’un développement de compétences, de faculté d’adaptation, d’une redynamisation des ressources individuelles dans une volonté de responsabilisation de l’individu, ou, à tout le moins, de plus de dynamisme dans la recherche d’un travail. La notion est intéressante parce qu’elle envisage toute une conception de l’homme, qui, conscient de ses capacités et prêt à les développer, se déplace dans une vie professionnelle avec une capacité prévisionnelle afin d’assurer les transitions nécessaires dans le cadre de son adaptation personnelle aux nécessités du marché : « La flexibilité, la mobilité et la pensée entrepreneuriale sont des concepts souvent utilisés dans ce cadre. »¹⁹ L’intéressé fait ainsi preuve d’une forme de prévoyance en veillant à développer son degré d’aptitude à l’emploi. Le travailleur est alors un entrepreneur de sa propre vie avec toutes les caractéristiques qui peuvent y être attachées, notamment en termes d’initiative, d’ambition, de dynamisme, etc. : « Cette définition du contenu va de pair avec une centration sur l’individu. »²⁰ C’est dès lors sans surprise que cette notion a pu être mobilisée par les tenants de l’État social actif dans une volonté notamment de mettre en avant l’individu acteur de son propre destin par rapport à ce qui était considéré comme le paternalisme bureaucratique de l’État providence.
L’employabilité, on le voit, est une notion qui fait appel à la fois à la qualification du travailleur mais aussi à son comportement et en quelque sorte à sa volonté de s’adapter au changement. Il faut non seulement posséder des compétences mais aussi être en mesure de vouloir les mettre en œuvre²¹. C’est donc une capacité à gérer le changement : « Dans les débats actuels sur l’employabilité, on met moins l’accent sur les qualifications professionnelles que sur les dispositions personnelles permettant de s’adapter en permanence à des exigences changeantes. »²² L’employabilité serait ainsi l’effort particulier qui serait demandé au travailleur compte tenu des conséquences de la conjoncture économique sur l’évolution globale du travail. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas ici d’évoquer uniquement la nécessaire adaptation du travailleur par rapport à son poste de travail qui avait pu être abordée jadis par la notion de ius variandi²³ : il ne s’agit pas en effet de ce qui serait une prérogative de l’employeur mais d’un état dynamique dans lequel devrait se trouver le travailleur par rapport non seulement à son employeur mais à tout autre employeur potentiel. L’employabilité se développe donc tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’entreprise²⁴.
Dans le monde postindustriel, il n’est plus ainsi question de « faire carrière » mais de savoir « transiter » de « projet à projet », donc en dehors des schémas stables du passé. Comme le signale Ève Saint-Germes : « Alors que dans le modèle salarial, la sécurité d’une relation d’emploi repose sur le statut accordé à l’employé par le contrat de travail, désormais, elle doit être appréhendée relativement à la position du travailleur sur le marché du travail et à sa capacité d’adaptation, élément au cœur de l’employabilité. »²⁵ Et cette auteure de poursuivre : « Dans ce contexte, l’employabilité constitue souvent le substitut direct à la perte de la sécurité et de la stabilité de la relation… »²⁶
Il est à remarquer qu’il est considéré que l’employabilité relève d’une responsabilité partagée entre l’employeur et le travailleur mais est en premier lieu à charge de l’individu, même s’il demeure de la responsabilité de l’organisation de fournir des conditions favorables. Il est intéressant de voir symboliquement que l’employabilité est envisagée comme une capacité individuelle d’entrer sur le marché de l’emploi, de s’y maintenir, de retrouver un nouvel emploi, d’assurer le changement, etc. On comprend que ce type d’analyse aboutisse assez logiquement à chercher des responsabilités individuelles dans les situations de chômage plutôt que des responsabilités collectives. La responsabilité collective est alors d’assurer le développement de l’employabilité. L’objectif n’est plus, pour les organismes de placement, de trouver un travail à l’individu mais de l’aider à développer son employabilité pour en trouver un lui-même. On remarquera qu’en France, l’article L.930-1 du Code du travail crée déjà une obligation pour l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail en veillant au maintien de leur capacité à occuper un emploi en tenant compte notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, notamment par le biais de formations. Il est ainsi question d’un droit à la qualification professionnelle imposant à l’employeur l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi (art. L.932-2). La question est sans doute à lier plus globalement à la formation des travailleurs – dont il ne faudrait sans doute pas se soucier uniquement de l’employabilité au moment où ils sont licenciés. Or, le système belge en matière de formation est relativement peu développé par rapport, par exemple, au système français²⁷.
Au-delà de l’idéologie managériale ou des politiques sociales programmatiques, le juriste de base en phase avec le quotidien du monde du travail reste dubitatif. Il est en effet plus malaisé de concrétiser ce concept d’employabilité et c’est dans ce cadre que le législateur botte en touche (encore une fois) en