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Soutien à l'apprentissage autorégulé en contexte scolaire: Perspectives francophones
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Livre électronique449 pages4 heures

Soutien à l'apprentissage autorégulé en contexte scolaire: Perspectives francophones

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À propos de ce livre électronique

Les travaux sur l’apprentissage autorégulé en contexte scolaire, réalisés principale­ment par des chercheurs anglo-saxons, commencent à gagner en popularité auprès des chercheurs francophones de divers pays. Manifestement, un nouveau réseau de chercheurs dans le domaine est en train de se construire grâce aux activités du Réseau éducation et formation (REF) (Belgique, Canada, France et Suisse).

La première rencontre du REF, qui s’est tenue en 2015 à l’Université de Montréal, a permis aux chercheurs de traiter du thème du soutien à l’apprentissage autorégulé en contexte scolaire. Il y fut question d’enjeux touchant les travaux scientifiques francophones sur le sujet et plusieurs aspects de la pratique enseignante des niveaux préscolaire, primaire, secondaire ou postsecondaire y ont été abordés – comme l’évaluation formative, le soutien aux stratégies d’autorégulation de l’apprentissage et l’étayage. La réflexion touchait divers domaines d’apprentissage (mathématiques, français, sciences, univers social) et était alimentée par des activités d’investigation et d’apprentissage par la lecture, et par des tâches créatives et collaboratives.

Le présent ouvrage, qui fait état des travaux issus de la rencontre sur l’apprentissage autorégulé en contexte scolaire du REF, convie tout profes­sionnel de l’éducation à une découverte des différents enjeux de l’apprentissage autorégulé.
LangueFrançais
Date de sortie13 sept. 2017
ISBN9782760546769
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    Aperçu du livre

    Soutien à l'apprentissage autorégulé en contexte scolaire - Sylvie C. Cartier

    INTRODUCTION /

    Moyens et dispositifs de l’apprentissage autorégulé et de la régulation des apprentissages

    Une perspective contemporaine

    Sylvie C. Cartier et Lucie Mottier Lopez

    Le contexte

    Les travaux sur l’apprentissage autorégulé, réalisés principalement par des chercheurs anglo-saxons, commencent à prendre un certain essor chez les chercheurs francophones de divers pays. En effet, cet ouvrage est le quatrième à être publié sur le sujet en français dans les dernières années. Les autres ouvrages sont L’apprentissage autorégulé, entre cognition et motivation de Cosnefoy (2010), un chercheur de la France et deux par des collectifs de chercheurs: un de la Suisse et de la France L’autorégulation de l’apprentissage, dirigé par Berger et Büchel (2013) et un de la Belgique, du Canada, de la France et de la Suisse: De la métacognition à l’apprentissage autorégulé dirigé par Noël et Cartier (2016).

    De plus, un nouveau réseau de chercheurs dans le domaine est en train de se construire à travers les activités du Réseau éducation et formation (REF) (Belgique, Canada, France et Suisse). L’idée du présent ouvrage est justement née lors de la rencontre du REF de 2015 à l’Université de Montréal¹ dont le thème, Soutien à l’apprentissage autorégulé en contexte scolaire, a été traité pour la première fois. Cette rencontre avait pour but de débattre de questions touchant les travaux scientifiques francophones sur le soutien à l’apprentissage autorégulé de l’élève à travers un questionnement qui pouvait se décliner sur des aspects divers de la pratique enseignante (évaluation formative, soutien aux stratégies d’autorégulation de l’apprentissage, étayage, ou tout autre dispositif). Le questionnement a ciblé la relation entre les différents plans intervenant dans l’apprentissage autorégulé en contexte scolaire, que ce soit au niveau préscolaire, primaire, secondaire ou postsecondaire, et dans des activités d’investigation, de tâche créative, de tâche collaborative, d’apprentissage par la lecture, et ce, dans divers domaines d’apprentissage (mathématiques, français, sciences, univers social). Des chercheurs des quatre pays du REF ont travaillé pendant deux jours à commenter les huit textes qui constituent cet ouvrage. Cette activité a été suivie de deux autres étapes de discussion des textes, la première par deux collègues du groupe et la deuxième par les deux codirectrices de l’ouvrage. C’est à la prise de connaissance des travaux de ce groupe que vous convie le présent ouvrage.

    Cette introduction présente le thème principal de cet ouvrage en deux parties. D’une part, une perspective contemporaine de l’apprentissage autorégulé est exposée dans laquelle la prise en compte de la relation individu–contexte est fondamentale. En ce sens, un modèle pragmatique de l’apprentissage autorégulé dans des activités complexes est proposé. Cette perspective demande que soit conceptualisées l’autorégulation de l’apprentissage et la régulation de l’apprentissage, dont la régulation interne et externe, thèmes qui sont abordés dans l’ouvrage à travers cette relation individu–contexte. D’autre part, le soutien à l’apprentissage autorégulé en contexte scolaire est traité en présentant une variété de moyens et de dispositifs proposés dans le domaine. Pour terminer, les chapitres de l’ouvrage et leurs principaux éléments de la relation individu-contexte sont présentés.

    La perspective contemporaine de l’apprentissage autorégulé

    Dans les travaux anglo-saxons, l’apprentissage autorégulé prend la forme du self-regulated learning. Dans la francophonie, trois vocables sont utilisés de manière plus ou moins synonymes pour traiter de ce champ: «apprentissage autorégulé», «autorégulation de l’apprentissage» et «stratégies d’autorégulation», ce qui contribue à créer une certaine confusion quant à la précision de l’objet d’étude et d’intervention. Berger et Büchel (2013, p. 387, nous soulignons) ont trouvé les usages distincts suivants: l’«apprentissage autorégulé pour désigner une famille de modèles théoriques, et les termes stratégies d’autorégulation ou autorégulation de l’apprentissage pour désigner la mobilisation ou la régulation des stratégies cognitives-métacognitives».

    Cartier et Butler (publiés dans Noël et Cartier, 2016), tout comme Cosnefroy (2010), optent pour cette distinction. Leurs perspectives théoriques de l’apprentissage autorégulé intègrent d’autres composantes aux stratégies d’autorégulation de l’apprentissage ou à l’autorégulation de l’apprentissage, par exemple, les objectifs ou les buts poursuivis et la relation avec la situation ou l’activité de référence. Mais qu’est-ce que l’apprentissage autorégulé?

    Il existe un consensus chez les chercheurs contemporains anglosaxons pour définir l’apprentissage autorégulé en contexte scolaire comme étant un processus complexe et dynamique de pensées, de sentiments et d’actions mobilisé par un individu en vue d’atteindre un but d’apprentissage donné dans une activité² d’apprentissage proposée (Cartier et Butler, 2016). Les travaux francophones récents explorent à leur façon cette relation.

    Cosnefroy (2010), à travers une analyse compréhensive de cinq modèles d’apprentissage autorégulé, principalement anglo-saxons³, propose un cadre théorique qui intègre trois caractéristiques de ces modèles et en ajoute une quatrième qu’il considère comme négligée. Il retient: 1) la prise en compte de l’activité de l’apprenant se réalisant en trois temps; 2) la présence de buts multiples (apprendre et conforter l’estime de soi); 3) la possible régulation à la fois volontaire et non consciente; et, il ajoute 4) la régulation d’une diversité d’émotions. Dans une analyse de relation individu–contexte, cette perspective de l’apprentissage autorégulé semble mettre l’accent principalement sur l’individu: la gestion de l’action et des émotions d’un apprenant orientée vers des buts multiples à atteindre et vers une séquence linéaire d’actions à poser. Plusieurs travaux clés dans le domaine parlent plutôt de processus cyclique d’actions (par exemple, Zimmerman, 2000), dans lequel les phases réalisées peuvent être reprises. Par ailleurs, Winne et Perry (2000) ont proposé d’étudier l’apprentissage autorégulé comme un événement (event). C’est donc l’activité d’apprentissage à réaliser qui a une certaine linéarité, c’est-à-dire une séquence avec un début, une réalisation et une fin. Cette activité à réaliser peut être plus ou moins complexe, ce qui demande à l’apprenant d’autoréguler ses pensées, ses sentiments et ses actions pour différents niveaux d’exigences (par exemple, la situation en soi et chacune des tâches à réaliser). Ses pensées, sentiments et actions peuvent se succéder, se superposer, s’arrêter pour être repris, etc. Dans une perspective de relation individu–contexte, nous concevons, d’une part, que le processus est dynamique et, d’autre part, que les actions et les pensées d’autorégulation de l’individu sont situées dans cet event.

    Plus récemment, Berger et Büchel (2013, p. 13) suggèrent de «regrouper un ensemble d’études à la fois théoriques et pratiques sur l’apprenance en mettant en perspective plusieurs domaines». Dans leur ouvrage, ils ont regroupé des textes qui remettent en question le domaine selon des perspectives théoriques variées, misant sur divers aspects du concept, et les applications différentes proposées. Par ailleurs, ils ont souhaité traiter de thèmes moins étudiés dans le domaine, soit la formation professionnelle et l’enseignement aux élèves à besoins éducatifs particuliers. Leur discussion sur la variété des perspectives d’études proposées selon les fondements théoriques porte principalement sur le choix des composantes cognitives, métacognitives et affectives à inclure dans une théorie de l’apprentissage autorégulé, et leurs relations entre elles, de même que le rôle du contexte dans un tel modèle. À la lumière de ce travail, ils en arrivent à souhaiter que soit proposée «une approche intégrée de l’apprendre» (Berger et Büchel, 2013, p. 15).

    Le modèle «Apprentissage autorégulé dans des activités complexes»

    Cartier et Butler (2016) proposent un modèle pragmatique intégrateur qu’elles nomment «Apprentissage autorégulé dans des activités complexes». Ce modèle compréhensif, en développement depuis 2002, tente de regrouper les connaissances actuelles sur l’apprentissage autorégulé de divers travaux de recherche dans le domaine, incluant leurs propres recherches conjointes depuis près de 15 ans, en ne s’obligeant pas à se situer dans un courant théorique prédéfini. L’originalité du «modèle […] est de concevoir que ce processus mobilisé par un individu dans une situation d’apprentissage en classe est intégré à un contexte social, historique et culturel donné et à ce que les personnes elles-mêmes apportent dans cette situation. [Ces] divers éléments du contexte et de l’individu sont mutuellement interdépendants et toujours présents» (Cartier et Butler, 2016, p. 42).

    En bref, dans ce modèle, l’apprentissage autorégulé est un processus complexe et dynamique d’actions et de pensées de l’élève qui prend sa source dans son histoire d’apprentissage, dans le bagage qu’il apporte avec lui dans le contexte d’apprentissage. Dans le bagage de l’élève se trouvent des aspects cognitifs, métacognitifs et affectifs (motivation et émotion) à mobiliser pour réaliser une activité d’apprentissage donnée. Par exemple, ses connaissances métacognitives sur soi comme apprenant et sur les exigences de l’activité proposée pourront lui servir à planifier les stratégies à mettre en œuvre. Son bagage comprend aussi ses forces, ses défis, ses champs d’intérêt, ses expériences antérieures, etc.

    Dans cette perspective de relation individu-contexte, le processus d’apprentissage est complexe et dynamique comme mentionné précédemment. Ainsi, lorsqu’il prend connaissance des consignes de l’activité d’apprentissage à réaliser, l’élève actif, confiant et engagé, seul ou avec d’autres, en interprète les exigences et identifie les critères de performance. Il se fixe un objectif d’apprentissage centré sur l’activité et planifie de manière précise la réalisation de l’apprentissage et du travail. Il met en œuvre ses choix stratégiques et contrôle l’avancement de sa planification, de son travail et de son apprentissage. Il ajuste ce qu’il fait et ce qu’il pense, au besoin. À la fin de l’activité d’apprentissage à réaliser, il autoévalue sa performance et son travail en lien avec son objectif d’apprentissage et les critères de performance. Tout au long des différentes étapes de l’activité, il gère sa motivation et ses émotions.

    Ces actions et pensées d’apprentissage autorégulé de l’individu sont mobilisées dans un contexte scolaire enchâssé dans des contextes historique, culturel, social et communautaire donnés.

    Dans le contexte scolaire, l’action, ce processus d’apprentissage autorégulé, est contextualisé aux situations d’apprentissage plus ou moins complexes planifiées par l’enseignant. Ces situations présentent différents niveaux d’exigences (par exemple, l’activité en soi comprenant chacune des tâches, les textes de référence à consulter). Pour offrir une réelle occasion d’apprentissage autorégulé, les activités doivent avoir un certain niveau de complexité. Perry (1998, 2013) a identifié cinq critères de complexité d’une activité qui offrent une telle occasion aux élèves, et ce, même à l’entrée scolaire, par exemple, poursuivre plusieurs buts et permettre de réfléchir sur le processus (résolution de problème, réalisation d’une recherche, apprentissage par la lecture, etc.). Ces activités sont situées dans un contexte scolaire qui offre aux élèves certaines possibilités d’apprentissage (par exemple, le programme de formation proposé, les pratiques d’enseignement privilégiées).

    De plus, pour apprendre de manière autorégulée avec succès, les élèves ont besoin de reconnaître et d’apprendre à traiter les attentes qui sont situées dans les multiples autres aspects du contexte. De manière générale, il s’agit des contextes historique, culturel, social et communautaire dans lesquels l’élève se trouve (Rueda, 2011). Il est important de garder à l’esprit la présence constante de ces diverses influences du contexte pour comprendre l’apprentissage autorégulé des élèves. Par exemple, tout système scolaire représente une société donnée, porteuse d’une histoire, de valeurs, etc., qui se manifestent à travers le contexte social et communautaire. De plus, ce modèle reconnaît l’apport social dans le processus d’apprentissage autorégulé (Hadwin et Oshige, 2011; Mottier Lopez, 2012). Il partage l’idée «qu’il existe toujours des degrés variables de corégulation mettant en relation des processus d’autorégulation avec des formes de guidages par des facteurs contextuels» (Allal, 2007, p. 11). Divers systèmes peuvent offrir la même richesse de possibilités à apprendre de manière autorégulée. Ces possibilités peuvent aussi varier d’un milieu à un autre. Un élève qui entre dans une école ou dans une autre peut avoir à négocier différentes valeurs, exigences et attentes. Par conséquent, la capacité à apprendre de manière autorégulée n’est pas un trait de personnalité de l’apprenant, mais plutôt un processus modifiable selon le contexte dans lequel il est mobilisé (Zimmerman, 2008).

    Cette perspective contemporaine de l’apprentissage autorégulé contextualisé ouvre les débats sur la conceptualisation de l’autorégulation de l’apprentissage et de la régulation de l’apprentissage dans la relation individu–contexte et, par conséquent, sur la distinction entre régulation interne et régulation externe.

    La conceptualisation de l’autorégulation de l’apprentissage et de la régulation de l’apprentissage dans la relation individu–contexte

    Traiter de la question de l’apprentissage autorégulé ne peut se faire sans aborder la question de la conceptualisation de l’autorégulation de l’apprentissage et de celle de la régulation de l’apprentissage. Dans cet ouvrage, comme l’importance de la relation individu-contexte est mise de l’avant, dans cette partie du texte, les processus d’autorégulation de l’apprentissage et de régulation de l’apprentissage sont théorisés au regard de cette relation.

    En fonction de leur épistémologie, les théories d’apprentissage soulignent des plans différents pour penser les notions de «régulation» et d’«autorégulation». Pour Allal (2007), les théories d’apprentissage conceptualisent toutes, sous des termes différents, les processus de régulation qui interviennent dans l’apprentissage en tant que processus d’ajustement, de contrôle, de médiation, de réorientation de l’action et de structures de participation, par exemple. Dans cette perspective, il est permis de penser que le terme régulation est employé pour désigner les processus de médiation dans la relation individu–contexte. Les processus de régulation concernent l’ensemble des domaines de fonctionnement de l’être humain: cognitif, affectif, langagier, physiologique (Allal, 1993) et aussi comportemental. Mais s’ils font partie des processus d’apprentissage, ils ne sont cependant pas à confondre avec l’apprentissage: apprendre n’est pas réguler; apprendre implique, entre autres, des processus de régulation. Ceux-ci servent à ajuster les activités cognitives, métacognitives, affectives et sociales, à assurer leur articulation de même qu’à favoriser la transformation des compétences de l’apprenant (Allal, 2007). Cette idée va dans le même sens que la distinction que nous faisons entre apprentissage autorégulé et autorégulation de l’apprentissage ou stratégies d’autorégulation de l’apprentissage. Ces derniers concepts servent dans l’action à gérer la réalisation de l’apprentissage, alors que le premier désigne l’ensemble du processus dynamique et contextualisé d’un certain type d’apprentissage. Nous retenons l’expression d’«autorégulation de l’apprentissage» pour désigner l’action et le processus de gestion de la réalisation de l’apprentissage.

    Dans l’approche constructiviste de Piaget (1975), la régulation est associée aux processus mentaux de l’individu en tant que système, en interaction avec son environnement, qui doit s’adapter en cas de «perturbations» pour se «ré-équilibrer». On notera ici que la fonction d’autorégulation, bien que localisée à l’échelle de l’individu, est foncièrement pensée et modélisée dans l’interaction individu–contexte par les concepts d’adaptation, d’assimilation, d’accommodation, d’équilibration et de rééquilibration, notamment.

    Quant aux approches de la psychologie cognitive, elles insistent notamment sur l’apport de la métacognition pour l’apprentissage et situent la régulation comme étant «l’aboutissement de tous les mécanismes qui ont préparé et contrôlé l’action de l’apprenant» (Noël, 2016, p. 36). Ann L. Brown et ses collègues (1978, cités dans Allal et Saada-Robert, 1992) distinguent trois fonctions métacognitives à la régulation: 1) la planification des activités de l’élève à réaliser; 2) le contrôle des activités de l’élève en cours de réalisation; 3) la vérification des résultats obtenus au regard des objectifs. Depuis, cette distinction a été largement reprise par les chercheurs et a fait l’objet de plusieurs variations (Mottier Lopez, 2012). Ces stratégies ont comme point commun d’exiger de la part de l’apprenant une capacité à contrôler ses processus d’apprentissage et à les réguler de façon consciente et délibérée (Noël, 1991)⁴. Cette perspective repose principalement sur le point de vue de l’individu. Dans ce cas, Allal (1993, p. 87) parle «d’autorégulation métacognitive» qui, par rapport à des autorégulations implicites ou automatisées, se situe dans «une zone de prise de conscience allant d’une sensibilité à peine ressentie (régulation tacite, mais explicitable [sic]) à une extériorisation produisant des traces tangibles (régulation instrumentée s’appuyant sur un support externe)».

    Influencés par les propositions de Vygotsky (1985 [1934]), les métacognitivistes élargissent la régulation aux mécanismes hétérorégulateurs, c’est-à-dire aux facteurs externes qui soutiennent l’activation de l’autorégulation de l’apprenant, telles des personnes qui ont un rôle d’enseignant ou de tuteur. La perspective vygotskienne amène à penser les processus d’autorégulation cognitive et affective dans «un processus d’intériorisation de régulations élaborées d’abord sur un plan inter-psychologique, à travers l’interaction avec autrui et l’appropriation des outils socioculturels et de leurs usages» (Vygotsky, 1985 [1934], cité dans Allal, 2007, p. 10). On insistera, dans cette perspective vyogtskienne, sur les systèmes de médiation à l’autorégulation (Barth, 2007), en matière, par exemple, d’interactions conjointes entre un expert et un novice, ou encore en matière d’outils culturels et symboliques tels le rôle du langage.

    Dans la perspective sociocognitive de l’apprentissage développée par Bandura (1986), qui met l’accent sur le déterminisme réciproque entre les caractéristiques de l’apprenant, ses comportements et le contexte, Zimmerman propose un modèle d’apprentissage autorégulé. Le modèle propose que le processus soit cyclique en trois phases: anticipation (avant), mise en œuvre (pendant) et réaction (après) et qu’il peut se développer par observation, par renforcement, par autodirection et par autorégulation (Zimmerman, 2000). Ce chercheur mentionne, parlant des apprenants autorégulés:

    What defines them as self-regulated is not their reliance on socially isolated methods of learning, but rather their personal initiative, perseverance, and adoptive skill. Self-regulated students focus on how they activate, alter, and sustain specific learning practices in social as well as solitary contexts (Zimmerman, 2002, p. 70).

    Pour terminer cette brève revue de la conceptualisation de l’autorégulation de l’apprentissage et de celle de la régulation de l’apprentissage selon diverses théories de l’apprentissage, citons la perspective située qui regroupe les courants de la cognition située (par exemple Brown, Collins et Duguid, 1989) et de l’apprentissage situé (par exemple Lave et Wenger, 1991). Cette perspective soutient la thèse d’une relation d’indissociabilité entre l’individu et son contexte immédiat et plus large. À la suite de Vygotsky (1985 [1934]), cette perspective met de l’avant que la culture et l’environnement social sont constitutifs du développement de l’enfant. Mais à la différence de Vygotsky, elle ne postule pas une relation de primauté de l’interpsychique sur l’intrapsychique: les deux sont considérés comme mutuellement constitutifs l’un de l’autre (Cobb, 2001). D’une part, le contexte (immédiat et plus large) est vu comme faisant partie intégrante de ce qui est appris par l’élève – au même titre que les contenus disciplinaires –, il marque de sens les apprentissages (Brown et al., 1989). Autrement dit, tout «contenu» appris est toujours, en partie, marqué par les conditions de son apprentissage – le contexte n’est jamais totalement «hors» de ce qui est appris. D’autre part, l’apprentissage situé argumente une construction réciproque entre l’activité et son contexte. Si le contexte participe pleinement à la réalisation de l’apprentissage, réciproquement, l’activité humaine contribue à construire ce contexte, certains éléments étant préexistants et d’autres émergents à l’activité d’apprentissage en train de se réaliser (Lave, 1988). Que ce soit dans un laboratoire, dans une classe, ou à la maison, le postulat de l’apprentissage situé⁵ est que l’activité de la personne se réalise dans une relation de coconstitution entre cette activité et les contraintes et les ressources sociales et matérielles des situations. Ces dernières sont conceptualisées comme étant contingentes et immédiates, et à la fois comme étant plus larges, c’est-à-dire liées aux pratiques, aux normes, aux significations sociales et culturelles des communautés d’appartenance des personnes agissantes dont la communauté classe avec sa microculture (Mottier Lopez, 2007). Un des enjeux est de mieux comprendre cette relation de coconstitution, appelée «relation dialectique» par Lave (1988). Allal (2007 et 2016) propose la notion de «corégulation» pour désigner cette relation en ce qui concerne l’apprentissage autorégulé et les facteurs contextuels de soutien et de réalisation de cette autorégulation de l’apprentissage.

    La mise en question de la distinction entre régulation interne et régulation externe

    Afin de différencier les focales privilégiées par les différentes théories d’apprentissage, la littérature scientifique a eu tendance à distinguer la régulation dite «interne» et la régulation dite «externe». Comme le rappelle Allal (2007), la régulation interne désigne les processus psychologiques de guidage, de contrôle et d’ajustement mobilisés par l’apprenant. La régulation interne est synonyme d’autorégulation. Quant à la régulation externe, elle désigne les facteurs situés dans l’environnement matériel, social et culturel qui activent ou soutiennent des processus de contrôle et d’ajustement de l’apprenant. La régulation externe est associée à l’hétérorégulation quand celle-ci implique un guidage et des interactions avec d’autres personnes (par exemple other-regulation) (Brown, 1987).

    Une limite majeure à cette notion de «régulation externe» serait de laisser croire que les facteurs sociaux et environnementaux peuvent, à eux seuls, «réguler» l’apprentissage de l’élève. Mais un enseignant ne pourra jamais réguler ou autoréguler à la place d’un apprenant, y compris tout matériel, aussi sophistiqué et interactif soit-il. Bien qu’ils jouent évidemment un rôle important, ils ne peuvent que soutenir, aider, guider, étayer, modéliser, encourager, etc., l’autorégulation de l’apprenant qui doit interagir et participer activement au soutien qui lui est proposé. C’est dans cette conception, notamment, qu’Allal (1988) définit la notion de «régulation interactive» entre l’élève et l’enseignant, entre élèves-pairs et avec du matériel. Cette notion met de l’avant l’importance de l’interaction avec l’apprenant à des fins de médiation de son autorégulation (Allal, 2007).

    La distinction entre régulation interne et régulation externe a permis de conceptualiser le plan individuel et les facteurs contextuels, c’est-à-dire les ressources sociales, matérielles et culturelles présentes et organisées par l’enseignant dans les situations d’apprentissage. Mais, selon les conceptions de l’apprentissage défendues, cette distinction est remise en question. Prenons un exemple dans le cadre, plus particulièrement, du rôle des interactions entre élèves-pairs en tant que source de régulation sociocognitive des processus d’apprentissage. Ce contexte est intéressant pour illustrer le débat entre régulations interne et externe, vu qu’il s’intéresse aux processus à la fois sociaux et cognitifs dans l’apprentissage.

    Bachmann et Grossen (2007) mettent en évidence trois grandes orientations des travaux qui illustrent les différentes façons de penser ces unités. Dans les travaux des années 1980 cités par les auteures, l’interaction entre pairs est vue comme un facteur qui influence le développement et l’apprentissage de l’individu. «Or, parler de facteur présuppose que l’environnement social soit considéré comme une variable, donc un élément qui en quelque sorte s’ajouterait à l’individu» (Bachmann et Grossen, 2007, p. 130). Individu et environnement sont ici théorisés comme des variables isolées l’une de l’autre. Dans ce cas-ci, distinguer régulation interne et régulation externe semble pertinent puisque chaque notion est considérée comme une unité distincte de l’autre, dont on étudie les relations d’influence l’une sur l’autre.

    Toujours selon Bachmann et Grossen, la deuxième orientation des travaux réalisés dans les années 2000 s’intéresse, quant à elle, à la «mécanique» des interactions sociales. Cela peut être, par exemple, le rôle du guidage exercé par un expert ou encore la place du langage dans l’interaction en tant qu’outil sémiotique susceptible de soutenir les régulations sociocognitives. «Si ces recherches permettent de mieux comprendre les processus qui suscitent l’apprentissage, elles tendent à se centrer sur l’analyse (ou la mécanique) des interactions et du même coup à négliger la situation dans laquelle se déroulent les interactions» (Bachmann et Grossen, 2007, p. 132) et, peut-être aussi, les contributions individuelles à l’interaction. Les auteures parlent ici de risque de réductionnisme social.

    La dernière orientation dégagée par les auteures a pour particularité de prendre en compte «les pratiques sociales et l’écologie des interactions» (Bachmann et Grossen, 2007, p. 132), c’est-à-dire les caractéristiques des tâches à réaliser, le rôle et l’identité de chaque personne, la façon dont l’adulte orchestre les situations, la manière dont les enfants interprètent le dispositif mis en place et la construction du sens à travers l’activité conjointe, notamment. Dans cette orientation, «les régulations sociocognitives que les enfants manifestent en cours d’interaction sont le produit combiné de leur travail interactif et des conditions sociales dans lesquelles ce dernier est exercé» (Bachmann et Grossen, 2007, p. 133). Dans ce dernier courant, postvygotksien et proche de l’apprentissage situé cité précédemment, la distinction entre régulation externe et régulation interne devient caduque, car elles apparaissent indissociables l’une de l’autre.

    Le débat est ouvert dans la communauté scientifique. D’une part, il est reconnu aujourd’hui qu’aucun facteur externe

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