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Enseigner les premiers concepts de probabilités: Un monde de possibilités!
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Livre électronique583 pages6 heures

Enseigner les premiers concepts de probabilités: Un monde de possibilités!

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À propos de ce livre électronique

Les probabilités font partie de la vie du citoyen du XXIe siècle, et ce, dans divers contextes et domaines – en santé pour la sélection d’un traitement, en gestion pour le choix d’un investissement, etc. Dans le milieu scolaire, il est donc impératif de développer une pensée probabiliste permettant la prise de décisions éclairées en moment d’incertitude, la modélisation des situations aléatoires et la compréhension de la notion de risque. Au Québec, bien que l’enseignement des premiers concepts de cette branche des mathématiques commence dès le début du primaire, il représente tout de même un défi de taille, car en plus d’être complexes et contre-intuitives, les probabilités n’occupent qu’une (trop) petite place au sein de la formation des enseignants. Le présent ouvrage s’adresse aux enseignants en exercice du primaire et du début du secondaire, aux futurs enseignants et aux formateurs universitaires en didactique des mathématiques. Ses auteurs invitent à la découverte des éléments contextuels et historiques liés à cette discipline, puis proposent des réflexions et des idées originales de situations pour l’enseignement (et la formation à l’enseignement) des premiers concepts de probabilités. Il est plus que probable que les propos de cet ouvrage ébranlent la façon de penser et les convictions du lecteur quant à la manière d’enseigner les probabilités.

Vincent Martin est professeur au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières. Ses recherches concernent les pratiques d’enseignement des probabilités et les caractéristiques didactiques des tâches probabilistes utilisées pour leur apprentissage. Mathieu Thibault est doctorant en éducation à l’Université du Québec à Montréal et chargé de cours en didactique des mathématiques à l’Université du Québec en Outaouais et à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Ses travaux touchent principalement la formation à l’enseignement des probabilités avec des outils technologiques. Laurent Theis est professeur titulaire au Département de l’enseignement au préscolaire et au primaire de la Faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke. Il s’intéresse à la résolution de situations-problèmes mathématiques au primaire et au début du secondaire ainsi qu’au soutien de l’élève à risque dans ce contexte.

LangueFrançais
Date de sortie11 sept. 2019
ISBN9782760551695
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    Aperçu du livre

    Enseigner les premiers concepts de probabilités - Vincent Martin

    INTRODUCTION /

    L’enseignement des premiers concepts de probabilités

    ¹

    Vincent Martin, Université du Québec à Trois-Rivières Mathieu Thibault, Université du Québec à Montréal Laurent Theis, Université de Sherbrooke

    Depuis les travaux de Piaget et Inhelder (1951) sur la genèse de l’idée de hasard chez l’enfant, de nombreuses recherches ont porté sur le développement de la pensée probabiliste ainsi que sur l’apprentissage et l’enseignement des probabilités. À partir des années 1970, des initiatives curriculaires à l’échelle mondiale ont accordé une importance grandissante à l’enseignement des probabilités (Batanero, 2014 ; Jones, Langrall et Mooney, 2007 ; Shaughnessy, 1992). Au Québec, certaines publications proposaient déjà, à cette époque, des situations visant l’apprentissage des probabilités au primaire (Caron, 2002).

    De nos jours, l’enseignement des premiers concepts de probabilités au sein des écoles québécoises commence dès le début du primaire (6-7 ans) et se poursuit tout au long du secondaire (jusqu’à 16-17 ans) (Gouvernement du Québec, 2006a, 2006b, 2016a). Dans le même sens, l’enseignement des probabilités est prescrit dans les programmes de formation au primaire et au secondaire dans plusieurs régions du monde, notamment en Espagne (Batanero, Ortiz, Roa et Serrano, 2013), en Italie (Gattuso et Vermette, 2013), au Royaume-Uni, en Australie et aux États-Unis (Jones et al., 2007). Dans d’autres pays, cet enseignement débute plus tardivement dans le parcours scolaire, comme en France, où il commence dans les classes de troisième des collèges (14-15 ans) (Parzysz, 2017). Cependant, au-delà des prescriptions ministérielles, du travail reste à faire, puisque l’intégration de l’enseignement des probabilités dans les classes est apparue lente et difficile.

    I.1 / L’enseignement des probabilités dans les documents ministériels québécois

    Comme en font foi le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) (Gouvernement du Québec, 2006a) et la Progression des apprentissages (PDA) en mathématiques du primaire (Gouvernement du Québec, 2009), les concepts liés aux probabilités se déploient progressivement sur l’ensemble des trois cycles (indiqués par le 1, le 2 et le 3 dans les colonnes à droite), comme le montre la figure I.1.

    FIGURE I.1 / Les savoirs essentiels liés aux probabilités dans les trois cycles du PFEQ du primaire

    Source : Gouvernement du Québec, 2006a, p. 138.

    Tout d’abord, il convient de souligner que les savoirs essentiels relatifs aux probabilités sont peu nombreux par rapport à l’ensemble des savoirs essentiels liés aux mathématiques, qui sont énumérés dans le PFEQ du primaire. Il nous semble que ces savoirs essentiels liés aux probabilités suivent une certaine progression allant du qualitatif vers le quantitatif. Ainsi, l’enfant est d’abord amené à aborder qualitativement les probabilités en prédisant le résultat d’une expérience aléatoire et en comparant si un évènement est plus probable qu’un autre, que ce soit par une estimation basée sur l’ordre de grandeur ou encore sur les résultats observés d’une expérience aléatoire. Bien qu’il doive également dénombrer les résultats possibles d’une expérience aléatoire simple, il recourt à des stratégies intuitives qui ne nécessitent pas nécessairement une représentation comme un tableau ou un diagramme en arbre. Ce n’est qu’à partir du 2e cycle que ces représentations apparaissent pour structurer et systématiser la pensée probabiliste en développement chez l’élève. Progressivement, la quantification des probabilités se fera aussi à l’aide des nombres décimaux, des fractions et de pourcentages, qui sont des savoirs essentiels rattachés au domaine de l’arithmétique qui apparaissent au fil des 2e et 3e cycles du primaire. Une pensée mieux structurée, notamment pour la réalisation d’une expérience aléatoire et le dénombrement de ses différents résultats possibles, ainsi que le développement d’outils mathématiques comme les nombres rationnels (fractions, décimaux, etc.), rend alors possible une articulation des approches fréquentielle et théorique², par exemple en comparant les résultats observés d’une expérience aléatoire répétée plusieurs fois avec le calcul des probabilités. Les documents ministériels prescrivent aussi l’enseignement de vocabulaire spécifique à ce domaine des mathématiques.

    L’enseignement des probabilités est également prescrit au secondaire au sein du système scolaire québécois (Gouvernement du Québec, 2006b, 2016b). Cet enseignement se déroule progressivement durant les deux cycles, comme le montre la figure I.2. Nous sommes conscients du fait que l’enseignement des premiers concepts de probabilités, dont ce livre traite spécifiquement, ne va pas au-delà de la 2e année du secondaire (13-14 ans) dans le système scolaire québécois. Cependant, nous croyons qu’un bref regard porté sur les trois autres années du secondaire peut permettre au lecteur d’établir des liens avec des concepts probabilistes plus avancés.

    FIGURE I.2 / L’évolution du contenu de formation en probabilités au secondaire

    Source : Gouvernement du Québec, 2016a, p. 143.

    Une analyse de cette figure nous permet de constater que les probabilités sont enseignées à tous les élèves du 1er cycle du secondaire (1re et 2e secondaire) et de la 1re année du 2e cycle du secondaire (3e secondaire). Puis, lors de la 4e et 5e année du secondaire, les élèves doivent choisir entre trois séquences en mathématiques, à savoir la séquence « Culture, société et technique (CST) », la séquence « Technico-sciences (TS) » et la séquence « Sciences naturelles (SN) ». Ce choix doit correspondre dans la mesure du possible à leurs aspirations professionnelles, leurs champs d’intérêt et leurs aptitudes. Or les probabilités ne sont pas représentées également au sein de ces séquences. En effet, elles ne sont enseignées qu’aux élèves de la 4e secondaire dans la séquence TS et qu’aux élèves de la 5e secondaire dans la séquence CST, tandis qu’elles ne sont tout simplement pas enseignées aux élèves de la séquence SN. Ainsi, puisque l’admission au programme de formation universitaire en enseignement au préscolaire et au primaire ne requiert pas le passage d’une séquence particulière, le niveau d’exposition aux probabilités au 2e cycle du secondaire variera d’un futur enseignant à l’autre.

    Cela étant dit, la figure I.2 nous permet d’établir la progression graduelle des concepts, allant de concepts simples (comme le dénombrement des possibilités d’une expérience aléatoire) jusqu’à des concepts complexes (comme la probabilité conditionnelle et le calcul combinatoire). Au 2e cycle du secondaire, on voit apparaître explicitement l’approche subjective, qui s’ajoute aux approches théorique et fréquentielle abordées dès le primaire. Bien que les approches probabilistes soient toutes explicitement présentes, rien n’indique qu’il faille les articuler. Nous pensons néanmoins que certaines pistes d’articulation implicites de ces approches existent dans la PDA du secondaire, par exemple lorsqu’un élève de 2e secondaire doit « distinguer la probabilité théorique de la probabilité fréquentielle » (Gouvernement du Québec, 2016b, p. 22) ou lorsqu’un élève de 4e secondaire de la séquence TS (ou en 5e secondaire de la séquence CST) doit « associer le type de probabilité à une situation : fréquentielle, théorique, subjective » (Gouvernement du Québec, 2016b, p. 23). Ces savoirs essentiels ne garantissent pas la mise en relation des approches dans l’expérience d’apprentissage offerte aux élèves dans les classes, mais selon nous, ils offrent des pistes potentielles pour réaliser une certaine articulation de celles-ci.

    I.2 / La pertinence de l’enseignement des probabilités à l’école

    Au-delà de la place donnée aux probabilités à l’école et des prescriptions gouvernementales, l’enseignement des probabilités constitue en pratique un défi de taille pour les enseignants. En effet, Borovcnik et Kapadia (2010) soutiennent que le domaine des probabilités est perçu comme plus difficile et moins pertinent que le domaine de la statistique dans les milieux scolaires. De leur côté, Batanero et Díaz (2007) affirment que les probabilités sont délaissées par beaucoup d’enseignants de mathématiques au secondaire. D’ailleurs, les 626 enseignants ayant participé à une enquête québécoise ont jugé que les probabilités sont parmi les domaines mathématiques les plus difficiles à apprendre, et ce, autant pour les élèves du primaire que du secondaire (Martin et Thibault, 2017).

    Il nous semble donc important d’argumenter sur la pertinence de l’enseignement des probabilités à l’école primaire et secondaire. Pour ce faire, nous développons quatre arguments distincts, à savoir 1) la place des probabilités au quotidien ; 2) les particularités conceptuelles des probabilités ; 3) les conceptions probabilistes et 4) la problématique de la dépendance aux jeux de hasard et d’argent.

    I.2.1 / Les probabilités au quotidien

    Puisque les probabilités se retrouvent dans notre quotidien, il semble important de développer une pensée probabiliste. En effet, comme l’a mentionné Martin (2014), les probabilités se retrouvent un peu partout dans la vie du citoyen. Elles occupent notamment une place dans ces domaines :

    la santé, par exemple avec le diagnostic ou avec le choix de traitement par calcul des risques associés aux différentes procédures ;

    l’environnement, par exemple avec les prévisions météorologiques et l’évaluation de dangers écologiques ;

    la consommation, par exemple avec l’achat de garanties prolongées ainsi que les jeux de hasard et d’argent ;

    la gestion, par exemple avec les choix d’investissement en fonction du jugement des risques associés aux différents types et la planification financière ;

    les loisirs, par exemple avec le choix d’une stratégie et les jeux de société recourant explicitement au hasard.

    Au regard de cette omniprésence, Borovcnik et Kapadia (2010) ont souligné l’importance des probabilités pour prendre des décisions éclairées en contexte d’incertitude, pour modéliser des situations aléatoires réelles et pour comprendre la notion de « risque ».

    Néanmoins, les enseignants ont une faible perception de l’utilité sociale dans la vie du citoyen du domaine des probabilités (Martin et Thibault, 2017). En considérant les résultats de cette enquête, parmi les cinq domaines mathématiques dont l’enseignement est prescrit au primaire, le domaine des probabilités revêt le plus bas niveau d’utilité sociale pour les répondants qui enseignent au primaire (n = 248). Ainsi, un peu plus de 21 % de ces répondants les voient comme peu ou très peu utiles. Il semble donc que la pertinence et l’utilité sociale des probabilités méritent d’être (ré)argumentées, notamment auprès des enseignants du primaire et du secondaire.

    I.2.2 / Les particularités conceptuelles des probabilités

    Les probabilités comportent plusieurs particularités par rapport aux autres domaines mathématiques, ce qui rend leur enseignement essentiel. Dans ce sens, les probabilités présentent une richesse conceptuelle particulière, entre autres en raison de leur caractère non déterministe. Contrairement aux autres domaines mathématiques, les expériences aléatoires (même si elles sont réalisées dans les mêmes conditions) ne donnent pas toujours les mêmes résultats d’une expérimentation à l’autre, entre autres en raison de la variabilité échantillonnale. D’ailleurs, Fischbein, Pampu et Mînzat (1969) ont déjà dit que les probabilités sont différentes et spécifiques en mathématiques et qu’elles ne requièrent pas que des techniques calculatoires. L’apprentissage et l’enseignement des probabilités impliquent donc un changement de perspective : il devient nécessaire de raisonner de manière non déterministe dans le cadre de situations dont les résultats sont incertains. Une autre particularité conceptuelle des probabilités est liée à l’existence des trois grandes approches probabilistes dont il est question dans plusieurs chapitres de cet ouvrage.

    I.2.3 / Les nombreuses conceptions relatives aux probabilités

    À ces particularités s’ajoute l’existence de nombreuses conceptions probabilistes, qui constituent un obstacle important dans le développement d’une pensée probabiliste. Étant donné le caractère contre-intuitif des situations probabilistes et du raisonnement en contexte d’incertitude, ces conceptions se retrouvent à la fois chez des élèves (Savard, 2014) et chez des enseignants (Batanero, Contreras, Fernandes et Ojeda, 2010). De plus, des études ont indiqué que certaines conceptions erronées se renforcent avec le temps (Fischbein et Schnarch, 1997) et demeurent résistantes au changement (Batanero et Serrano, 1999). De surcroît, un enseignement inadéquat peut renforcer les conceptions erronées d’un élève (Poirier et Carbonneau, 2002). Le caractère à la fois fréquent et persistant de ces conceptions probabilistes ajoute ainsi un argument pour enseigner les probabilités à l’école.

    I.2.4 / La problématique du jeu excessif et ses liens avec les probabilités

    L’importance de l’enseignement des probabilités à l’école peut constituer une des pistes de solution pour contrer le problème social que représentent les jeux de hasard et d’argent. Effectivement, le jeu excessif, qui peut être défini comme « un comportement lié au jeu qui entraîne des conséquences négatives tant pour le joueur lui-même que pour les personnes de son réseau social ou pour la collectivité » (Ferris et Wynne, 2001, p. 7), engendre de lourdes conséquences. Ainsi, cette problématique sociale peut par exemple entraîner un individu à emprunter de l’argent ou vendre des biens pour obtenir de l’argent à jouer, à parier plus qu’il ne peut vraiment se permettre de perdre ou encore occasionner des problèmes financiers pour son ménage (Ferris et Wynne, 2001).

    Au Québec, l’étude de Kairouz et Nadeau (2014) a révélé qu’environ 67 % des adultes sondés (n = 12 008) ont participé à des jeux de hasard et d’argent dans la dernière année, pour une dépense médiane annuelle de 150 $ par adulte. De plus, ces mêmes auteurs estiment qu’environ 90 000 individus (soit 1,4 % de la population adulte) seraient à risque modéré de développer un problème de jeu et que plus de 25 000 Québécois (soit 0,4% de la population adulte) seraient des joueurs pathologiques probables.

    L’ampleur du problème du jeu excessif auprès des adolescents québécois est considérable (Martin, Gupta et Derevensky, 2007). Néanmoins, Camirand (2014, p. 149) soutient que, chez les jeunes Québécois qui participent à des jeux de hasard et d’argent, les pourcentages des joueurs à risque et des joueurs pathologiques probables sont demeurés approximativement les mêmes entre 2002 et 2013. Ainsi, elle avance que « 2,7 % des jeunes sont considérés comme des joueurs à risque et 0,9 % sont des joueurs pathologiques probables ».

    Selon des travaux québécois en psychologie (Benhsain, Taillefer et Ladouceur, 2004), les connaissances probabilistes des joueurs excessifs sont utiles, mais ne sont pas suffisantes pour rationaliser leurs comportements dans une situation de jeu. Ainsi, puisque le cours de mathématiques est propice à la discussion sur les jeux de hasard et d’argent (Shaughnessy, 1992), Savard (2008) a argumenté en faveur du développement de compétences citoyennes comme la pensée critique et la prise de décision à travers le développement d’une pensée probabiliste riche, et ce, dès l’enseignement des premiers concepts de probabilités.

    I.3 / La formation à l’enseignement des probabilités au Québec

    Après avoir argumenté sur la pertinence de l’enseignement des probabilités à l’école primaire et secondaire au Québec, nous portons maintenant un regard sur la formation à l’enseignement des probabilités. Pour dresser un portrait actuel de cette formation, nous traitons du faible sentiment de compétence dont les enseignants témoignent par rapport à l’enseignement des probabilités, de la nécessité d’une préparation particulière pour cet enseignement, ainsi que des formations initiales à cet enseignement qui sont offertes au Québec.

    I.3.1 / Un faible sentiment de compétences lié à l’enseignement des probabilités

    L’enseignement des probabilités représente un important défi pour les enseignants, entre autres en raison des particularités conceptuelles que revêt ce domaine mathématique. Or, Wessels et Nieuwoudt (2010) ont montré que plusieurs enseignants estiment ne pas avoir suffisamment de connaissances en probabilités et que plusieurs d’entre eux affirment enseigner ces notions de manière traditionnelle plutôt que de recourir à une approche centrée sur l’utilisation de données réelles.

    D’ailleurs, parmi tous les domaines mathématiques, c’est par rapport aux probabilités que des enseignants du primaire et du secondaire ont déclaré le plus faible niveau d’aisance mathématique et le plus faible niveau de confiance didactique (Martin et Thibault, 2017). Ainsi, plus de 12 % des participants ne se sentent pas à l’aise sur le plan mathématique par rapport à ce domaine. Cette fréquence fait nettement contraste avec celles associées aux autres domaines mathématiques, qui se situent autour de 2 %. En outre, plus de 15 % des participants ne se sentent pas confiants sur le plan didactique par rapport à l’enseignement de ce domaine. Encore ici, cette fréquence fait nettement contraste avec celles associées aux autres domaines mathématiques, qui se situent autour de 3 %, sauf pour la fréquence associée au domaine de la statistique, qui s’apparente à celle relative aux probabilités. Ces résultats laissent donc présager un faible sentiment de compétence pour l’enseignement des probabilités, du moins chez un certain nombre d’enseignants ayant participé à cette enquête.

    I.3.2 / L’enseignement des probabilités nécessite une préparation particulière

    Devant le défi que représente l’enseignement des probabilités pour les enseignants, nous croyons qu’il est nécessaire de réfléchir à la nature et à la qualité de la formation pour cet enseignement. Dans ce sens, Batanero (2014) affirme que la formation en didactique des probabilités demande une préparation particulière, non seulement parce que la pensée probabiliste est contre-intuitive et distincte des autres pensées mathématiques, mais également en raison du fait que les élèves rencontrent de nombreuses difficultés et conceptions dans l’apprentissage des probabilités. Pourtant, malgré l’importance des probabilités pour le citoyen, leur présence dans les programmes d’études et la difficulté de les apprendre, elles n’occupent pas une place importante dans la formation des enseignants au Québec.

    I.3.3 / Les formations initiales à l’enseignement des probabilités sont limitées au Québec

    La formation initiale à l’enseignement pourrait répondre à la fois à la nécessité d’une préparation particulière à l’enseignement des probabilités et contribuer à contrer le faible sentiment de compétence rapporté par certains enseignants pour cet enseignement. Pourtant, le tableau I.1, qui présente les résultats d’un examen exhaustif des libellés de cours dans les différents programmes de formation initiale à l’enseignement dans les neuf universités québécoises francophones³, montre la place qui y est occupée par les probabilités. Ces programmes sont le baccalauréat en enseignement des mathématiques au secondaire (BES-MATH), le baccalauréat en enseignement au préscolaire et au primaire (BEPP) et le baccalauréat en enseignement en adaptation scolaire et sociale (BEASS).

    TABLEAU I.1 / Cours consacrés aux probabilités dans les baccalauréats en enseignement au sein des universités québécoises francophones

    * Selon les universités, ce programme est soit donné pour le primaire, pour le secondaire ou conjointement pour les deux ordres d’enseignement. Lorsque le nombre de cours consacrés aux probabilités ou que les crédits par cours diffèrent d’un ordre à l’autre, nous avons indiqué le plus grand nombre de cours ou de crédits.

    ** Lorsque le nombre de crédits est différent de 3, nous avons indiqué le nombre de crédits du cours après le pictogramme qui le représente.

    Légende : Cours de didactique complètement consacré aux probabilités.

    Cours de didactique partiellement consacré aux probabilités.

    Cours de mathématiques complètement consacré aux probabilités.

    Cours de mathématiques partiellement consacré aux probabilités.

    Opt. : Cours offert en option dans le programme.

    Source : Martin, Thibault, Vermette, Manuel et Mai Huy, 2017, p. 18.

    Une analyse de ce tableau nous permet de constater trois tendances générales quant aux cours liés aux probabilités dans les baccalauréats en enseignement au sein des universités québécoises. Premièrement, dans le BES-MATH, il y a généralement un cours de mathématiques spécifiquement consacré aux probabilités et parfois un cours de didactique portant partiellement sur les probabilités. Deuxièmement, dans le BEPP, il y a généralement un ou deux cours de didactique partiellement consacrés aux probabilités. Troisièmement, dans le BEASS, il y a généralement un cours de didactique partiellement ou parfois spécifiquement concentré sur les probabilités.

    Nous remarquons donc la très faible présence de cours de didactique complètement consacrés aux probabilités dans les formations à l’enseignement. À notre sens, cela atteste donc explicitement le fait que la formation à l’enseignement des probabilités est limitée au sein de la plupart des formations initiales à l’enseignement dans les universités québécoises francophones, alors que des portions de cours constituent souvent la seule occasion d’aborder explicitement la didactique des probabilités. Ainsi, nous pourrions penser (avec optimisme) que les enseignants ont des possibilités de formation continue pour l’enseignement des probabilités. Cependant, nous avons le sentiment que les offres de formation continue des dernières années pourraient bien être tout aussi limitées. Nous jugeons donc qu’un important travail est nécessaire pour réfléchir et proposer des pistes d’amélioration pour ces deux voies complémentaires de formation à l’enseignement des probabilités. D’ailleurs, la nécessité de bonifier la formation à l’enseignement des probabilités a été pointée dans plusieurs travaux récents (par exemple Batanero, 2014).

    C’est pourquoi le présent ouvrage collectif vise à soutenir le développement professionnel des personnes devant enseigner les premiers concepts des probabilités ou la didactique des probabilités. Nous l’avons donc pensé de telle sorte qu’il propose un ensemble d’idées et de réflexions originales destinées aux enseignants en exercice qui doivent initier les élèves au domaine complexe et contre-intuitif des probabilités. Il s’adresse également aux formateurs universitaires et aux futurs enseignants qui, travaillant de concert au sein de la formation à l’enseignement, préparent l’accompagnement des élèves au début de leur apprentissage des probabilités.

    I.4 / L’ouverture vers l’ouvrage et ses parties

    Cet ouvrage regroupe des experts québécois, canadiens, français, espagnols et étatsuniens dont les travaux de recherche et de formation portent notamment sur des questions qui rejoignent l’apprentissage et l’enseignement des premiers concepts de probabilités. D’abord, il débute par la préface de J. Michael Shaughnessy, professeur à la Portland State University, aux États-Unis. Il rapporte une tendance mondiale soutenant l’idée de la place de plus en plus importante occupée par les probabilités au sein des sociétés et de la plupart des systèmes scolaires. Il argumente donc, pour les acteurs du champ de la didactique des mathématiques, la pertinence de poursuivre les réflexions relatives à l’enseignement des probabilités et de ses premiers concepts.

    L’ouvrage collectif rassemble onze chapitres regroupés en trois parties. La première est axée sur des éléments contextuels, historiques et épistémologiques des probabilités et de leur enseignement. La deuxième partie est plus pratique, étant axée sur l’enseignement dans la classe du primaire ou du début du secondaire. Puis, la troisième est orientée vers la formation universitaire à l’enseignement des probabilités.

    La conclusion jette ensuite un regard rétrospectif et transversal sur les textes qui composent l’ouvrage. Pour ce faire, les situations d’enseignement que les auteurs de l’ouvrage ont proposées sont examinées du point de vue des contextes utilisés et des concepts travaillés, ainsi que les manières d’articuler les différentes approches probabilistes et les enjeux de cette articulation sont abordés. Finalement, un regard porté sur les variables didactiques utilisées dans les différents chapitres ouvre la réflexion sur les changements dans les situations proposées à la suite du jeu sur ces variables.

    Enfin, l’ouvrage se termine avec la postface, rédigée par Nathalie Sinclair, professeure à la Simon Fraser University en Colombie-Britannique, au Canada. Dans celle-ci, l’auteure s’intéresse à la place centrale des technologies numériques dans cet ouvrage. Elle explique pourquoi cette approche serait plus facile pour les élèves et expose comment les enseignants pourraient mieux se servir des intuitions probabilistes des élèves. De plus, elle relève le lien que les probabilités ont toujours eu avec la justice et met en lumière le rôle important que les valeurs et les émotions peuvent jouer dans l’enseignement des probabilités. Finalement, elle conclut en se tournant vers le futur et vers les nouvelles nuances que la physique quantique nous permet d’apporter envers l’incertitude.

    I.5 / Des réflexions et des interrogations pour guider la lecture

    À travers la lecture de ces différents chapitres, de nombreuses réflexions sur l’apprentissage, l’enseignement et la formation à l’enseignement des probabilités sauront probablement émerger autant chez l’enseignant en formation initiale ou en exercice que chez le formateur. De plus, plusieurs interrogations liées à la didactique des probabilités pourront trouver des pistes de réponses au fil des pages de cet ouvrage. Pensons par exemple aux questions suivantes :

    Comment conjuguer avec la variabilité et l’incertitude qui caractérisent les probabilités et leur enseignement ?

    Quelle place doit être accordée aux approches probabilistes et comment orchestrer leur articulation ?

    Quelles situations peuvent être utilisées pour enseigner les premiers concepts de probabilités ?

    Comment ces situations peuvent-elles être pilotées, que ce soit dans une classe du primaire, du début du secondaire ou à la formation à l’enseignement des probabilités ?

    Quels sont les enjeux didactiques rencontrés dans la formation à l’enseignement des probabilités ?

    Quels matériels didactiques peuvent être mobilisés pour l’enseignement des premiers concepts de probabilités ?

    Quelle place et quels rôles peut-on accorder aux outils technologiques dans l’enseignement des premiers concepts de probabilités ?

    Sur ces questions, qui ont habité nos réflexions et guidé nos travaux de chercheurs et de formateurs depuis un certain nombre d’années, nous vous invitons à laisser émerger vos propres interrogations relatives à l’apprentissage et à l’enseignement des probabilités… et à vous laisser guider par celles-ci au fil de la lecture des chapitres de cet ouvrage.

    Références

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    2 Les travaux réalisés dans le champ de la didactique des mathématiques distinguent trois grandes approches probabilistes pour l’apprentissage et l’enseignement des probabilités. L’approche théorique est basée sur le dénombrement des cas possibles et favorables et sur les calculs, l’approche fréquentielle est basée sur l’expérimentation et l’observation d’une tendance, puis l’approche subjective est basée sur l’estimation personnelle et l’expression d’une opinion probabiliste.

    3 Les libellés de cours dans les différents programmes qui ont été analysés étaient ceux présentés sur les sites Web des différents établissements au printemps 2017. Il est donc possible que, depuis ce temps, certains changements aient été apportés aux programmes et aux libellés des cours qu’ils contiennent.

    PARTIE 1 /

    DES ÉLÉMENTS HISTORIQUES, ÉPISTÉMOLOGIQUES ET CONTEXTUELS AUTOUR DES PROBABILITÉS ET DE LEUR ENSEIGNEMENT

    CHAPITRE 1 /

    L’histoire et l’enseignement-apprentissage des probabilités

    Quelques réflexions épistémologiques et didactiques

    ¹

    David Guillemette, Université du Québec à Montréal

    Les gens qui veulent fortement une chose

    sont presque toujours bien servis par le hasard.

    Balzac

    On peut faire ce que l’on veut, se dit l’Homme sans qualités

    en haussant les épaules, dans cet imbroglio de forces,

    cela n’a aucune importance.

    Musil

    Résumé

    Cette contribution met en évidence quelques évènements saillants de l’histoire des probabilités. De ce survol historique, une réflexion à la fois didactique et épistémologique associée aux notions fondamentales enseignées au primaire et au secondaire est développée. Une attention particulière est donnée au rapport entretenu par les mathématiciens envers la nature du hasard, ainsi que leur positionnement quant à la dichotomie déterminisme/libre arbitre. Ancrée dans les curricula québécois et étayée par une perspective socioculturelle de l’enseignement-apprentissage des mathématiques, cette réflexion fait émerger quelques pistes de réflexion pour une pratique enseignante et une pratique de formation à l’enseignement qui soient davantage sensibles à la dimension historique et culturelle des mathématiques et mieux informées quant à la genèse et à l’épistémologie de la discipline.

    1.1 / Une mise en contexte

    Suis-je en train d’écrire ce texte par hasard ? C’est une question qui me tracasse depuis que j’ai commencé mes recherches. D’une part, on m’a invité, non pas par hasard, à écrire ce chapitre de livre, puisque plusieurs connaissent bien mon intérêt à la fois pour l’histoire et pour l’enseignement-apprentissage des mathématiques. Nous pouvons en effet facilement mettre au jour certaines circonstances qui peuvent expliquer de manière très convaincante pourquoi je suis en train, à l’instant même, d’écrire ce texte. D’un autre côté, il apparaît clairement fortuit que je sois ici, assis à ce bureau, penché sur mon clavier et attelé à cette tâche. D’autres occupations auraient très bien pu m’être proposées et être choisies. Le parcours de ma vie est d’une complexité infinie, ce qui rend accidentel et imprévisible chacun des évènements qui la composent, y compris le fait d’avoir été invité à rédiger ce texte. N’est-ce pas au hasard des choix et des rencontres que je me retrouve ici, à ce point de ma vie ?

    Il semble en aller ainsi pour tous les évènements du monde, à la fois déterminés par l’histoire et le cours des choses (comme si chaque évènement ne pouvait pas ne pas avoir eu lieu, nécessaire et ultimement prévisible) et à la fois hasardeux dans leur avènement et dans leur effectivité (la sensibilité de chaque geste posé, l’origine mystérieuse et insondable du fond des évènements, le choix des actions de tout un chacun). Comme le visage de Janus, les évènements qui composent la réalité regardent dans deux directions à la fois : d’une part, vers sa détermination et la nécessité des prochains évènements qui lui sont associés et, d’autre part, vers l’infinie sensibilité de son émergence, vers le cours hasardeux et imprévisible des évènements qui lui succéderont. C’est la classique opposition déterminisme/libre

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