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Limousin connection: Retour aux Liades
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Livre électronique233 pages3 heures

Limousin connection: Retour aux Liades

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À propos de ce livre électronique

De retour dans le Limousin, Maxime est hanté par son passé, tandis que son rival de toujours est retrouvé assassiné...

Pour régler la succession de sa mère, Maxime rentre aux Liades, en Limousin, après de longues années passées à l’étranger. Très vite, son passé le rattrape entre le remords d’avoir laissé sa mère mourir dans la solitude, les souvenirs d’un amour douloureux,... Comble de tout cela, il apprend que son rival, Jean-Marc Bourdier, est devenu député-maire, ce même homme pour qui Solange l’a quitté. Peu de temps plus tard, le maire Bourdier est retrouvé assassiné dans des circonstances douteuses. Ce meurtre bouleverse les plans de Maxime qui se retrouve impliqué dans une affaire mystérieuse où il devra comprendre les jeux d’interactions entre politique et financier pour découvrir la vérité. Entre intrigue policière et peinture de moeurs, Jean-Pierre Bonnet réussit à faire durer le suspens jusqu’à la dernière phrase.

Suivez Maxime le long d'une enquête mystérieuse, tissée de jeux politiques et financiers, dans ce roman policier à l'issue surprenante.

EXTRAIT

Un tailleur gris, uniforme de veuve sans doute, accentuait l’impression de tristesse qui émanait d’elle. Regrettait-elle Bourdier ?
N’y tenant plus, il le lui demanda :
« Mais non, idiot, pas du tout ! Mais je me fais du souci pour la petite. Mes beaux-parents cherchent à me faire des ennuis, pour la succession : ils voudraient que tout soit mis directement au nom d’Anne !
– C’est gênant ?
– Je m’en moque bien. Ce qui est moins drôle, c’est qu’ils veulent me mettre sous tutelle ! Tu te rends compte, obligée de leur rendre des comptes sur l’éducation de ma fille ! Il n’en est pas question. Je veux rester sa mère avec tous mes droits. Qu’ils reprennent la maison, je m’en moque, mais je ne veux pas qu’ils me contestent ma fille, je me battrai ! »
Elle s’était enflammée et si son regard avait pu lancer des éclairs, Maxime en aurait été aveuglé. Il comprenait sa colère, mais, hélas, l’attitude du vieux pharmacien ne l’étonnait guère : égoïsme et esprit de caste réglaient sa vie. Pour lui, Solange resterait toujours la parvenue ayant débauché le beau parti ! Jamais, lui et son épouse, ils ne s’étaient mêlés aux petites gens de ces campagnes. Ce qui ne les empêchait nullement d’en accepter l’argent. Mais les patients n’avaient guère le choix : une seule pharmacie, pas de concurrence !
« Mais, qu’en pense ton père ?
– Mais papa est mort… depuis dix ans ! »
Maxime s’en mordit les lèvres : quelle bourde ! Il n’ignorait rien de l’affection de Solange pour son père qui l’avait élevée seul, sa mère ayant disparu prématurément d’un cancer. Sa mère avait dû le lui écrire, mais à l’époque il ne recevait pas toujours ses courriers : cette lettre devait croupir dans un quelconque hôtel du Niger ou du Mali.
« J’en suis désolé. La lettre me l’annonçant a dû s’égarer », balbutia-t-il.
Les yeux de Solange se mouillèrent. Elle se reprit et raconta brièvement les circonstances de la mort de son vénéré père. Après s’être sorti victorieusement d’une opération du cœur, un banal accident de voiture l’avait emporté.
Solange avait besoin de parler. Déjà avec Louis, elle s’était libérée de quelques-uns de ses secrets, mais n’avait pas osé lui raconter les tourments de sa belle-famille. Avec Maxime, dont elle pressentait la force, elle se livra enfin.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Pierre Bonnet partage sa vie entre la Charente-Maritime et le Limousin dont il est originaire. Ses ouvrages exploitent deux veines : l’intrigue policière et le roman de terroir. Son dernier roman La Loi des Humbles a obtenu le prix régional Panazol 2011.
LangueFrançais
Date de sortie3 juil. 2019
ISBN9791035305420
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    Aperçu du livre

    Limousin connection - Jena-Pierre Bonnet

    couv.jpg

    Limousin Connection

    Retour aux Liades

    Collection dirigée par Thierry Lucas

    www.gesteditions.com

    © Geste éditions – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    Jean-Pierre BONNET

    Limousin Connection

    Retour aux Liades

    Geste éditions

    À Catherine.

    1

    Une déflagration le réveilla en sursaut. Il s’assit aussitôt sur le bord de son lit, tous ses sens en éveil, il cherchait du regard où il avait bien pu poser son revolver. Mais, pendant qu’il tentait d’identifier les bruits qui l’avaient tiré de son sommeil, son cerveau embrumé s’affolait : il ne reconnaissait plus les lieux où il se trouvait ! Un lit à l’ancienne, une armoire du début des années 1950, et par la fenêtre un ciel nuageux ne ressemblant en rien au bleu azuré des cieux africains ? Enfin, un éclair, il se rassura : il n’était plus sur le continent noir, mais de retour en France, dans la maison de sa mère, en Limousin ! Quinze années passées en Afrique, à mener une vie aventureuse, lui avaient fait acquérir des automatismes qu’il allait devoir désormais maîtriser, même s’ils furent les conditions de sa survie jusqu’à présent.

    Des coups sur le chambranle de la porte d’entrée redoublèrent d’intensité : voilà donc l’origine du tintamarre ! Située à l’étage, sa chambre donnait sur l’arrière de la vieille maison de caractère. Il ne pouvait donc en jetant un coup d’œil par la fenêtre voir qui pouvait bien le déranger de si bonne heure. Sa montre indiquait huit heures quinze : arrivé depuis hier seulement, qui donc pouvait déjà connaître sa présence aux Liades ?

    « J’arrive ! j’arrive ! » cria-t-il en enfilant un pantalon. Puis, ouvrant la porte de sa chambre et s’apprêtant à descendre pieds nus dans l’escalier, il ajouta :

    « Qui est là ?

    – Gendarmerie nationale ! ouvrez ! »

    Il marqua un temps d’arrêt. Les événements de la veille revinrent en masse dans sa tête, et cela le dégrisa complètement. Arrivé en terre limousine pour son rendez-vous de quinze heures chez le notaire de Rochechouart, il en sortait deux heures plus tard, furieux ! Sa mère décédée trois mois plus tôt lui laissait sa maison des Liades amputée de son grand terrain la bordant. Il avait été préempté pour moitié par la mairie pour y agrandir la déchetterie communale ! Quand il avait appris en outre que l’auteur de ce méfait n’était autre que Jean-Marc Bourdier, l’homme qu’il haïssait le plus sur cette terre, sa colère avait décuplé :

    « Vous savez, l’offre de prix a été très correcte : l’estimation s’est faite sur les bases d’une bonne terre fertile ; or reconnaissez que ni vous, ni votre mère n’aviez jamais envisagé de la faire valoir un jour ! » lui avait assuré le notaire pour tenter de le calmer.

    – Peut-être, mais la maison des Liades, isolée comme elle se trouve, n’a de valeur qu’avec ce terrain qui aurait pu séduire n’importe quel acheteur cherchant à faire dans l’industrie touristique : club hippique, village de vacances, que sais-je ?

    – Ça n’existe pratiquement pas dans nos contrées… » avait répliqué le notaire en haussant les épaules.

    Il avait faillit lui répliquer : « Imbécile, c’est justement parce que cela n’existe pas qu’il faut y songer ! »

    Ce n’était pas tant la perte de valeur de la maison qui l’irritait le plus, de l’argent il en avait déjà beaucoup, mais le fait que la vente ne pouvait que s’éterniser ! Il n’avait envisagé qu’un bref passage en terre limousine : trop de mauvais souvenirs le reliaient à ces lieux !

    Sortant de l’office notarial, il avait filé sur Challaixe. Décidé à faire quelques courses pour le soir, ce fut en se garant sur la place de la mairie que l’idée lui était venue : « Et si j’allais saluer ce bon vieux salopard de Bourdier ! »

    Le notaire lui avait raconté sommairement la brillante carrière de « son ami » devenu maire, puis député ! Il n’avait pas trop insisté quand il avait surpris la moue de mépris qu’avait affichée son « client ».

    Habitué à entrer dans des ministères africains comme dans un moulin, Maxime avait traversé le hall de la mairie sans s’arrêter et avait gravi quatre par quatre les marches conduisant à l’étage vers les bureaux des élus. Les employés de mairie n’eurent que le temps d’entrevoir un individu vêtu d’une veste saharienne et d’un pantalon en lin de couleur sable. Bien lui en avait pris de foncer, car il était justement tombé sur « M. le maire Bourdier », en vive discussion dans le couloir, avec un de ses adjoints. Le dévisageant, Jean-Marc Bourdier avait marqué une pause, cherchant à mettre un nom sur l’apparition qui lui faisait face. Puis : « Maxime Lamure ! Tiens donc, quelle surprise ! Nous vous attendions plutôt en mars dernier, pour les obsèques de votre mère…

    – Ta gueule ! Explique-moi plutôt cette histoire de terrain volé aux Liades ? »

    Maxime avait le sentiment de n’avoir pas changé, lui : de taille moyenne, les épaules larges, brun, le teint hâlé, il n’avait pas pris une once de graisse. Il nota avec un plaisir mauvais que son rival de l’époque avait pris du ventre et que son visage à l’éternel sourire se boursouflait. Nourriture trop riche, manque d’exercice ? Certes il affichait toujours sa haute taille et un costume impeccable, mais sa chevelure blonde laissait apparaître des traces de calvitie précoce. Quel âge pouvait-il bien avoir ? s’était interrogé Maxime. « Moi j’en ai trente-cinq, il avait trois ans de plus, donc ça lui fait trente-huit ! »

    « Monsieur, si vous n’avez pas rendez-vous, redescendez immédiatement et laissez le député-maire tranquille ! » l’apostropha l’homme en conversation avec Bourdier. De courte taille, le crâne dégarni, sensiblement plus âgé que son maire, lui aussi accusait un embonpoint de notable.

    – Toi, on ne te demande rien ! » l’avait coupé sèchement Maxime.

    – J’appelle la sécurité ! aboya l’autre en tournant les talons.

    – O.K., Jean-Paul, t’inquiète ! En attendant j’en fais mon affaire, avait enchaîné Jean-Marc Bourdier. Eh bien ! tu as l’air en forme, mais toujours aussi mal élevé. Que puis-je pour ton service ? »

    Ce fut le regard narquois et méprisant de Bourdier qui avait fait réagir Maxime. Cela lui avait rappelé, seize ans plus tôt, la même situation quand ce fils de pharmacien nanti lui crachait sa morve au nez, en le croisant au volant de sa voiture de sport italienne. Son poing s’abattit sur la figure du « député-maire ».

    « Tiens ! ça c’est un acompte ! Et tu vas voir que ma mauvaise éducation n’a pas pris une ride. »

    Dans ses « affaires », il avait appris qu’il fallait d’abord s’imposer par la force, et seulement ensuite entamer les « négociations ». Seulement voilà, il n’était plus en Afrique, et déjà deux cerbères le ceinturaient et le traînaient vers l’escalier. Comme il ne s’attendait pas à une remontée si rapide de l’adjoint accompagné, il ne put contrôler la situation. À la façon dont ses bras étaient verrouillés, il avait compris qu’il avait affaire à d’anciens pros : il ne chercha pas à dépenser de l’énergie inutilement, cela aurait trop fait plaisir à Bourdier, qui le regardait avec horreur en se massant la joue gauche, là où le coup avait porté.

    « T’inquiète, je t’aurai un jour ! Tu ne seras pas toujours entouré de chiens de garde », eut-il le temps de lancer. On l’avait fait sortir par une porte dérobée sur l’arrière, sans oublier de le rosser de quelques coups dans le bas-ventre. « Ça suffit, les gars : il ne faut pas de traces et qu’il porte plainte, dans le contexte actuel cela ferait désordre », avait dit l’adjoint.

    Tous les événements de la veille lui étaient revenus en mémoire en descendant, et tandis qu’il ouvrait la porte d’entrée : « Ben mon colon ! il n’aura pas perdu de temps, le Bourdier, pour aller se plaindre », murmura-t-il en contemplant le gendarme galonné qui se présentait à lui :

    « Adjudant Machard, gendarmerie du canton. Maxime Lamure ?

    – Lui-même.

    – On peut entrer ?

    – Allez-y, la cuisine est à gauche. »

    Un deuxième gendarme, plus jeune que le premier, suivit son chef, tandis qu’un troisième restait dehors et contemplait sa voiture, une Opel de location.

    Arrivé dans la cuisine, Maxime fut légèrement gêné. Il n’avait rien rangé de ses agapes de la veille. Les reliefs de son poulet rôti et du camembert entamé traînaient encore sur la table, ainsi que deux bouteilles de vin, vides ! Seuls l’assiette et les couverts avaient été « rangés » dans la vasque de l’évier en Inox.

    L’adjudant ne montra aucun dégoût apparent : sans doute cela confortait-il l’idée qu’il se faisait du lascar qu’il s’apprêtait à appréhender.

    « On ne va tout de même pas m’arrêter pour avoir cassé la gueule à un député ! » se demandait Maxime. Inquiet, il prenait conscience que sa réadaptation aux mœurs civilisées allait devoir s’accélérer, sous peine de déconvenues à venir plus graves encore.

    L’interrogatoire commença, et Machard écrivait consciencieusement sur un bloc chacune de ses réponses. Il s’était trouvé un coin de table moins sale que les autres et, assis sur une chaise, son adjoint debout derrière lui, il s’adressait à Maxime qui lui faisait face, assis, lui aussi. Il ne leur avait pas proposé de café : il ne se souvenait plus où était la cafetière et le café, d’ailleurs restait-il du café ?

    Cela coinça dès la question :

    « Profession ?

    – Je suis dans les affaires.

    – Quels genres d’affaires ?

    – Diverses. De toute façon je viens de les liquider. »

    Maxime sentait bien que, pour ne pas aggraver son cas, il lui fallait éluder : éviter les aspects douteux de ses trafics en matériels divers, en particulier les armes !

    « Et pourquoi avez-vous tout liquidé ?

    – Les affaires, ça va, ça vient. Et puis l’Afrique de 1984 n’est plus ce qu’elle était : le commerce y devient risqué pour un Européen. »

    Il n’allait pas leur raconter que, depuis les accords du 16 mars dernier, l’Afrique du Sud n’intervenait plus au Mozambique et que son ami guinéen le président Sékou Touré était mort le 29 mars, laissant le pays dans une incertitude peu propice aux affaires. En plus, depuis l’arrivée de Mitterrand au pouvoir en 1981, toutes les lignes bougeaient et ses appuis français se faisaient plus discrets. Moyennant quelques services rendus, il s’était, au fil du temps, assuré de bons amis chez les barbouzes français, mais les temps changeaient : il avait jugé qu’il lui fallait « démonter » et vendre tant qu’il était encore en position de force pour négocier.

    Puis, se rappelant que sa mère était décédée : « J’ai eu aussi la nostalgie du pays, j’ai voulu revenir dans la maison de ma mère. » Sans doute ne fut-il guère convaincant car le gendarme lui répondit, narquois :

    « Vous avez pris le temps : votre mère a été enterrée le 4 mars et nous sommes le 3 mai…

    – Le télégramme m’annonçant son décès ne m’a été transmis que quinze jours plus tard. Je me trouvais en opération, enfin en visite dans des villages frontaliers de la Guinée. J’ai estimé que l’enterrement devait avoir été fait, ce que m’a confirmé le notaire par fax. J’ai ensuite mis un bon mois pour mettre en ordre mes affaires. »

    Maxime mentait effrontément. Il y avait belle lurette que la plupart de ses avoirs se trouvaient en sécurité dans diverses banques européennes. Par contre il avait dû quitter proprement, trouver un repreneur local pour continuer le business : on ne savait jamais de quoi l’avenir serait fait, il fallait toujours quitter en bons termes ses clients.

    Quand il en vint à décrire sa journée de la veille, le gendarme n’intervint que sur la fin de son entrevue avec le député-maire :

    « Vous avez quitté M. Bourdier en lui proférant des menaces de mort.

    – ça, ce ne sont que des mots, que l’on dit quand on est en colère ! » Il faillit lui répéter ce qu’écrivait Camus dans L’étranger : « Qui n’a pas eu envie un jour de tuer son père ? », mais l’adjudant aurait pu lui coller à la figure une infraction pour « injure à fonctionnaire ».

    « Proférer pareil propos vis-à-vis d’un élu, député qui plus est, peut entraîner des poursuites au pénal.

    – Il a donc déjà porté plainte ?

    – Non ! il ne le pourra plus, d’ailleurs.

    – Mais alors, pourquoi êtes-vous là ?

    – M. le député-maire Bourdier a été retrouvé mort ce matin vers six heures. »

    Maxime devint muet pour le coup. Tout devenait clair à présent. Lui à peine rentré au pays, son ennemi intime cassait sa pipe : il devenait le suspect numéro un !

    « Racontez-moi la suite. Qu’avez-vous fait après avoir quitté la mairie ?

    – Quitté ? On m’a foutu dehors après m’avoir corrigé.

    – Justement, cela ne pouvait qu’accroître votre ressentiment à son égard ! »

    Maxime comprit l’impasse dans laquelle il s’était engagé, aussi se contenta-t-il de décrire sobrement sa soirée : courses à l’épicerie et à la boulangerie et arrivée aux Liades quelques minutes plus tard.

    « Je n’ai pas bougé depuis : j’ai mangé, puis je me suis couché.

    – La tentation ne vous a pas pris d’aller faire un tour au bout de votre terrain pour aller voir cette fameuse déchetterie ?

    – Non ! »

    Fermant son bloc, l’adjudant se leva et se dirigea vers la fenêtre de la cuisine : « La déchetterie, on la voit d’ici ?

    – Je n’en sais rien. Ça m’étonnerait : le terrain est en pente et il y a au fond un taillis assez épais qui, s’il n’a pas été taillé, masque la vue. Derrière, on descend vers le Courseau, et il y a même une petite falaise qui le domine, dans laquelle une petite mine existait et que la précédente municipalité a rachetée lors de sa fermeture pour éviter que des badauds n’aillent s’y fracasser les os. C’est sans doute de cet enclos fermé que l’idée leur est venue d’en faire un dépôt d’ordures.

    – Bien, bien. Je vous propose que nous allions y faire un tour. Vous avez quelque chose de chaud à vous mettre ? Début mai, il fait encore frisquet.

    – Mais quel est le rapport avec la mort de Bourdier ?

    – C’est là qu’on a trouvé sa voiture ce matin, et lui derrière son volant, mort ! »

    2

    Ils cheminaient tous les trois vers le fond du parc. « Parc » était un grand mot, pour désigner un jardin potager faisant face à une grange, avec plus loin, en contrebas, une serve qui ne donnait plus beaucoup de poissons depuis belle lurette, et enfin le reste du pré. Ce fameux pré fut longtemps le bonheur d’une chèvre que Maxime gardait en rentrant de l’école. Celle-ci avait tendance à se tenir au fond, près du taillis dont les feuilles de noisetier la régalaient. Cette bouffée d’enfance l’éloigna de ses préoccupations actuelles et pour la première fois depuis son retour lui pinça le cœur, et il revit là sa mère toute mince, vêtue de noir, qui lui faisait signe de remonter la chèvre car il était temps de faire ses devoirs avant le dîner.

    En ce début de printemps, la végétation encore maigre laissait le regard percer vers le bourg de Challaixe dont le clocher de l’église s’apercevait sur la droite, tandis que sur la gauche, au-delà de la petite rivière du Courseau, les premières maisons de La Garaudie se dessinaient.

    Maxime constata avec soulagement qu’aucune construction de la déchetterie ne s’apercevait des Liades : il n’y avait donc pas de nuisance visuelle. Tout à ses souvenirs d’enfance, il n’avait pas remarqué que les deux gendarmes s’étaient tenus ostensiblement derrière lui, le laissant conduire la marche. Quand il le nota, Maxime pensa qu’ils le considéraient comme l’hôte des lieux qui conduisait la visite. En fait, Machard avait retenu le bras de son adjoint pour le faire se tenir derrière Maxime, pour voir avec quelle assurance ce dernier les mènerait et si donc c’était la deuxième fois en peu de temps qu’il effectuait le chemin.

    Il en fut pour ses frais. Maxime tomba interdit devant les broussailles qui envahissaient désormais la partie annexée par la mairie. Les nouvelles pousses qui ne pouvaient avoir plus de quelques années laissaient entrevoir l’ancien taillis, jamais coupé depuis une bonne vingtaine d’années. « Avant, le sentier se prolongeait, traversait le taillis et permettait de descendre vers la carrière, mais je vois qu’il n’existe plus. »

    De plus, un haut grillage ceinturait l’ensemble. Machard passa devant et, longeant la clôture, descendit vers le Courseau, mais là, nul accès possible : la rivière effectuait une boucle qui écartait ses rives de plusieurs mètres. Quant à la longer, impossible ! Le pied du dernier pilier du grillage baignait dans la rivière.

    « Ils n’ont pas regardé à la dépense. Deux mètres de haut, et cela semble faire le tour ! Ça doit faire cher la sécurité ! Ce sont des ordures qu’on y dépose ou une annexe de la Banque de France ? » ironisa Maxime.

    L’adjudant avait lui aussi noté le fait, mais se garda de tout commentaire. Perdu dans ses réflexions, il devait bien admettre que sa première hypothèse d’un Lamure descendant vers la déchetterie, y surprenant le député et lui faisant son affaire devenait de plus en plus tirée par les cheveux. L’autre route menant à la décharge, et qu’empruntaient les utilisateurs, était goudronnée, mais elle était boueuse ces jours-ci, compte tenu des nombreux passages des roues des camions-bennes. Or le gendarme resté près des

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