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Le mystère A: Polar
Le mystère A: Polar
Le mystère A: Polar
Livre électronique313 pages3 heures

Le mystère A: Polar

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À propos de ce livre électronique

Un écrivain en pleine promotion est retrouvé mort, découpé en morceaux...

Laurent A., romancier à succès, présente dans une émission littéraire son nouveau livre : Série noire au contre-espionnage. Quelques jours plus tard, on découvre, dans une caisse mystérieusement arrivée dans le hall des Éditions du Pont des Arts, le corps de l’écrivain découpé en morceaux... À la Préfecture de Police, le commissaire Maxime Chastang, policier un peu hors norme qui fait tourner les tables à ses moments perdus, est chargé de l’enquête.
Son équipe se compose de trois inspecteurs : Isabelle, dite la Musaraigne, elle vit avec un chanteur notoirement anarchiste. Fabien Moissonnier, un jeune policier méthodique, très propre sur lui, très poli, qui tire les cartes à l’occasion. Bernard, un flic lourd, grossier, volontiers picoleur et qui ne déteste pas les prostituées...

Qu'est-il arrivé à Laurent A. ? Que va révéler l'enquête ? Découvrez ce polar aux personnages hors normes à la recherche de la vérité ! 

EXTRAIT

Sur le terre-plein central, une foule de gens, les plus démunis des démunis, tentaient de vendre, qui des briques de lait, qui des boîtes de conserve, qu’ils prélevaient sur ce que leur avait octroyé les restos du cœur ou une autre organisation caritative. La Musaraigne resta quelques secondes interdite, les larmes lui montaient aux yeux.
— Quelle époque pourrie ! soupira-t-elle
À peine engagée dans la rue Jean-Pierre Timbaud, elle aperçut le but de son déplacement, « l’Assassin ». « Je connais cet endroit », se dit-elle.
Plusieurs guéridons meublaient une petite terrasse empiétant sur le trottoir, tous étaient occupés. Au premier abord, la clientèle lui parut plutôt jeune. Elle entra, la première chose qui la frappa fut la propreté du lieu. Sur le vieux parquet, pas un papier, pas un ticket de caisse, pas un emballage de sucre ne traînait. En fond sonore, la musique était un peu forte. Les tables étaient disposées de manière discontinue, afin d’éviter un alignement qui, dans certains bistros, donne des allures de cantine. Elle marchait lentement en achevant son tour d’horizon. Son œil fut attiré par deux étagères, qui, sur le mur du fond, supportaient une belle collection de livres de la série noire. Derrière le bar, un sourire aux lèvres, un jeune homme regardait arriver cette curieuse. La policière surprit son regard amusé, elle rosit légèrement.
— Bel endroit, dit-elle, pour se justifier. Pourrais-je avoir un thé, s’il vous plaît ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Rémi Hesse a quitté l’école à 14 ans. C’est à la suite d’un déménagement qui le coupe de ses amis et de ses habitudes qu’il commence à consigner ses états d’âme. Naissent alors ses premiers poèmes et quelques nouvelles. Sur le plan professionnel, Rémi enchaîne les petits boulots jusqu’en 1976 ; année où il crée une société de transports qu’il gérera pendant trente ans. Notre auteur ne décide de montrer ses textes qu’à partir de 2003. Les retours sont bons et l’encouragent à publier quelques nouvelles sur Internet. Il est alors contacté par Approches Éditions qui publiera l'une de ses nouvelles.
LangueFrançais
Date de sortie27 juil. 2018
ISBN9782378773656
Le mystère A: Polar

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    Aperçu du livre

    Le mystère A - Rémi Hesse

    Premier chapitre

    L’émission littéraire

    Malgré les portes grandes ouvertes, il faisait chaud ce mardi 15 juin 2010. Dans le bistro, tous les visages étaient tournés vers l’écran mural. Les conversations avaient cessé depuis quelques secondes. Le générique semblait s’éterniser.

    — Le voilà… eh ben, les gars, il a l’air coincé, déclara Bernard le plombier, perché sur un tabouret de bar, un pastis à la main.

    — Je voudrais t’y voir !

    Le ton de Catherine, la patronne, était sans appel. Après quelques paroles banales, le présentateur se tourna vers son invité.

    — Laurent A., bonsoir. Vous êtes venu nous présenter votre dernier ouvrage, qui s’intitule : « Série noire au contre-espionnage » et qui est édité aux Éditions du Pont des Arts.

    — Bonsoir, bredouilla l’écrivain qui, visiblement, ne savait quoi faire de ses mains.

    En quelques mots le journaliste résuma, tant bien que mal, le livre qu’il n’avait pas lu. Sûr de lui, petit sourire en coin, l’intervieweur lança une rafale d’interrogations, sans manquer de couper régulièrement la parole de son invité, pour placer un bon mot. Le romancier transpirait, paraissait de moins en moins à l’aise, d’autant que les questions qui lui étaient posées n’avaient qu’un rapport très vague avec l’intrigue de son livre. Peu habitué à la caméra, il souffrait de l’image que lui renvoyait l’écran de contrôle placé devant lui.

    — Si je comprends bien, lui dit à brûle-pourpoint le journaliste, en relevant le nez de la fiche qu’un stagiaire lui avait préparée. L’un de vos personnages, celui qui vient d’Amérique du Sud, est la cause de tous les échecs…

    Un sourire égaya le long visage de l’écrivain, il masqua un soupir de soulagement, ses petits yeux verts pétillèrent ; on rentrait enfin dans le vif du sujet.

    — Oui c’est exact, sa voix était plus assurée. Antonio Sombréro est l’archétype du raté, du gaffeur, il n’a aucune finesse et conduit régulièrement ses collègues à l’échec. Le fiasco est tel que le service de contre-espionnage français devient la risée du monde entier. Tout ça à cause d’un homme d’une stupidité rare...

    — Et pourquoi le garde-t-on ? Enfin un type comme ça, il faut l’éjecter, pourquoi ne pas le virer ?

    — Mais…  mais… euh…

    — Vous n’y avez pas pensé ? Dans un service comme le contre-espionnage, il n’y a pas de place pour les bras cassés.

    — Mais… mais s’il n’est plus là… il n’y a plus d’histoire…

    L’interview tournait à la catastrophe, l’écrivain liquéfié bredouillait, ramait tant et plus, pour ne pas sombrer en direct. Perfidement, tel un chat qui joue avec une souris avant de la croquer, le journaliste s’amusa quelques minutes de la situation. Puis il passa à un nouvel invité.

    — Le pauvre ! souffla la patronne du café de sa voix flûtée ; il ne lui a pas fait de cadeau.

    — Bah, il n’avait qu’à pas y aller, déclara le plombier accompagnant ses paroles d’un geste fataliste de la main. Remets-moi donc un jaune !

    À quelques mètres du comptoir, dans la demi-ombre de la salle, une femme brune haussa les épaules, avala une gorgée de vin blanc et se replongea dans la lecture de Libération. Au bar, les conversations reprirent leur cours normal. Boris, le patron, éteignit le téléviseur, servit quelques assoiffés et reprit nonchalamment l’essuyage des verres. Il jeta son torchon à carreaux rouges sur son épaule, croqua une cacahuète, et se rendit dans la salle pour prendre la commande d’un couple qui venait de s’attabler.

    Un croque-monsieur qui chauffait répandait alentour une agréable odeur de pain grillé et de fromage fondu. Comme chaque soir après vingt heures, la circulation diminuait sur le quai du canal Saint-Martin et le bruit des voitures devenait plus supportable. Comme chaque soir, accoudé au zinc, verre de Bordeaux à la main, Stéphane, aussi grand que maigre, gérant d’une agence de publicité située à deux pas, discutait âprement politique avec Jérôme, le petit blondinet, dont personne ne savait exactement ce qu’il faisait à France-Culture. Comme chaque soir, il n’y avait aucun espoir que ces deux-là tombent d’accord. La routine était rétablie. La somme des conversations, le son des verres choqués, provoquaient un bruit de fond familier à l’oreille de Catherine qui, discrètement, dos tourné à la salle, faisait la caisse.

    À la Plaine Saint-Denis, lorsqu’il vit le taxi s’arrêter, Laurent A. sortit des studios. Il s’engouffra à l’arrière de la Mercedes blanche.

    — Quai de Valmy, lança-t-il.

    Il était furieux. Furieux contre le journaliste qui l’avait torpillé, furieux contre l’attachée de presse des Éditions du Pont des Arts qui l’avait entraîné dans cette émission de merde, furieux contre lui-même. Il en était conscient, il avait été mauvais, n’avait pas su gérer la situation ; il avait honte de sa prestation. Il était mal…

    Le taxi roulait depuis un moment lorsqu’il se dit qu’il ne voulait voir personne, mais il n’avait pas envie non plus de rentrer chez lui, de se retrouver seul. Il chercha un moment vers qui se tourner, où se rendre ? Sa question restant sans réponse, il décida d’aller dîner dans un restaurant éloigné de son domicile, il réfléchit encore quelques instants, puis lança au chauffeur :

    — Non finalement, emmenez-moi rue Jean-Pierre Timbaud !

    — Ben faudrait savoir ! Je ne sais pas moi… on est presque arrivé !

    — Ça change quoi pour vous ? Que vous me déposiez dans une rue ou dans une autre.

    — Pour moi c’est pareil, mais faut savoir où vous allez m’sieur, vous imaginez si tous les clients faisaient ça, on en finirait plus… répondit le chauffeur d’un ton rogue.

    Le silence se fit dans la voiture, Laurent A. se promettait intérieurement de consacrer, dans son prochain roman, un chapitre aux chauffeurs de taxi et de régler, une fois pour toutes, le compte de cette profession de mal embouchés.

    — À quel numéro je vous laisse ? Parce qu’on arrive… À moins que vous ne changiez encore d’avis.

    — Laissez-moi là, tout de suite, je finirai à pied, rugit le client.

    Le taxi s’immobilisa à l’angle du boulevard, le chauffeur râla à nouveau, au moment du paiement, déclarant qu’il n’avait pas de monnaie. S’il espérait un pourboire…

    L’écrivain descendait la rue Jean-Pierre Timbaud, il pensait se rendre au « Cannibale-café », restaurant dans lequel il avait déjeuné quelques jours plus tôt, à l’occasion d’une séance de dédicaces, à la « Maison des Métallos », située quelques mètres plus bas. En marchant, il repensait au jour de la signature, à la violente altercation qui l’avait opposé à un petit homme noir, qui se disait marabout et distribuait ses publicités aux clients attablés à la terrasse de l’établissement. L’homme lui avait promis mille maux et terminé ses menaces par cette phrase : « Tu seras mort avant la fin du mois ». Un léger sourire égaya son visage : il imaginait le petit black piquant ses aiguilles dans une poupée Vaudou à son effigie. Cheminant d’un pas lent, il laissait errer son regard sur les terrasses. En passant, il lut machinalement l’ardoise du restaurant « l’Assassin » ; il s’immobilisa quelques mètres après avoir passé cette brasserie.

    — Tarte au maroilles, murmura-t-il, tarte au maroilles…

    Il remonta la rue jusqu’au menu, le consulta, il salivait à la simple lecture de la carte, la gourmandise suait par tous les pores de sa peau. Après quelques secondes d’hésitation, il s’attabla au seul guéridon disponible, à l’extrémité de la terrasse. La nuit s’installait, il faisait très doux, peu de voitures circulaient. Affalé sur son siège, l’écrivain profitait avec délectation de ce moment de quiétude, tout en promenant autour de lui son regard curieux. À la table voisine, installés devant deux bouteilles largement entamées, l'une de vin rouge et l’autre de rosé, quatre compères dévoraient, plus qu’ils ne mangeaient d’énormes pièces de bœuf. L’un des convives attira l’attention de Laurent A., il avait la physionomie d’un catcheur, grand, large d’épaules, le crâne rasé, des bras et des mains surdimensionnés. Il avait une voix de stentor, une méchante cicatrice barrait sa joue droite, tirant légèrement vers le haut le coin de sa bouche. La serveuse, une jolie brune à la peau mate et aux cheveux légèrement crépus, sourire aux lèvres, ramena le romancier à la réalité du moment.

    — Bonsoir, vous avez fait votre choix ?

    « Elle a un joli sourire et des yeux pétillants », pensa-t-il.

    — Je vais prendre une tarte au maroilles et un pichet de Bergerac.

    — Très bien, et ensuite ? … Nous avons ce soir du tartare et de très belles pièces de bœuf…

    — Beurk ! Fichtre non. Pas de viande. Votre maroilles, il est bio ?

    Le géant de la table à côté avait cessé de manger et dévisageait l’écrivain. La jeune femme replaça une mèche rebelle et reprit la parole :

    — Je ne sais pas s’il est bio, mais c’est un excellent fromage fermier, tous les clients en disent du bien.

    — Pour la suite… je ne sais pas, je verrai après.

    — Un apéritif en attendant ?

    — Non merci, mais apportez-moi le vin tout de suite, j’en prendrai un verre en patientant.

    Tout en regardant la serveuse s’éloigner, les yeux rivés à ses jolies fesses bien rondes, moulées dans une courte robe à carreaux, Laurent A., d’un geste de la main, ramena vers l’arrière ses cheveux châtain légèrement ondulés. Avec la quarantaine, son front se dégarnissait de plus en plus. Il massa son long nez du bout de l’index. Le catcheur le fixait, brutalement il interrogea :

    — Et qu’est-ce-t’as contre la viande, toi ?

    — Je ne suis pas un mangeur de cadavres !

    — Un mangeur de cadavres ! hurla le type.

    Il se leva d’un bond, déplia ses deux mètres et, penché en avant, se planta devant Laurent A., ses deux énormes mains rougeâtres de tueur posées à plat sur la table.

    — Tu répéterais ça pour voir ?

    Il agrémenta sa question d’un hochement de tête significatif. Le romancier, surpris, regarda quelques instants avec stupeur cette énorme tête au teint rouge, derrière une peau de blond constellée de taches de rousseur. En une fraction de seconde, il vit les yeux bleus injectés de sang, le nez épaté, les lèvres charnues qui tremblaient légèrement, laissant apparaître des dents jaunes mal plantées.

    — Mais Monsieur, bredouilla-t-il…

    Déjà, les copains du lutteur intervenaient :

    — T’énerves pas, Jacquot, du calme !

    — Viens boire un coup... Laisse le Monsieur, viens manger !

    — Allons, Jacquot, il est végétarien, le Monsieur. Il a pas dit de mal des bouchers…

    — Végétarien ! Vé-gé-ta-rien répéta le colosse avec dépit.

    Il se releva, cracha sur le sol et retourna à sa place, où il laissa tomber sa lourde carcasse sur le siège. Laurent A. n’osait le regarder, progressivement la peur le quittait. « Cent vingt kilos de muscles, un pois chiche pour cerveau » se dit-il. Il pensa à Lennie, le héros malheureux du roman de Steinbeck des souris et des hommes.  Il but un verre de vin pour se donner une contenance.

    Son plat arriva, il le dégusta avec gourmandise, commanda une tarte aux pommes... excellente. Il régla l’addition, le patron lui offrit, un petit verre de rhum arrangé maison aux senteurs de gingembre. S’il n’y avait pas eu ces encombrants voisins, l’écrivain serait resté un moment à profiter de la fraîcheur du soir. Il quitta à regret la terrasse, le catcheur l’accompagna des yeux, cracha une nouvelle fois son mépris sur le sol et maugréa : « mangeur de cadavres !... ».

    La nuit était douce, Laurent A. descendit la rue à pied, il avait besoin de se détendre et n’avait toujours pas envie de rentrer. Parvenu à la mairie du onzième arrondissement, il décida d’aller prendre un verre « aux Marcheurs de planète ». Il aimait ce bistro à la déco à la la fois dépouillée et foutraque, à l’ambiance musicale toujours agréable. Des livres et des revues traînaient çà et là, à la disposition de qui voulait lire. Il s’y sentait bien.

    Une seule table était inoccupée, à côté d’une femme d’une cinquantaine d’années qui dînait seule. Il commanda un verre de leur excellent vin de pays des coteaux de l’Hérault, contempla les « unes » de Charlie hebdo et les vieilles affiches collées au plafond. Puis il entama une conversation avec sa voisine, une historienne ou peut-être une sociologue, passionnante. Elle lui parla longuement de la Préhistoire, dont elle semblait être une spécialiste. Tout en suivant la conversation, Laurent A. était intrigué par une femme qui, seule au bar, buvait demi sur demi. C’était une belle rousse aux incisives bien blanches un peu en avant. Il se demandait ce que cette belle femme esseulée pouvait bien faire là, à une heure du matin. Il n’osa abandonner sa voisine pour aborder la rouquine, mais se promit de revenir un jour prochain dans l’espoir de la retrouver.

    Le temps d’un morceau de jazz, au solo de piano endiablé, la barmaid abandonna le service pour danser dans le passage entre les tables. Il attendit la fin du morceau pour commander un second verre de vin.

    Peu avant deux heures, il quitta le bistro. L’air frais lui fit du bien, il avait la tête un peu embrumée et la démarche pas très assurée. À la Bastille il prit un Vélib et regagna le quai de Valmy. Après une longue douche, il s’allongea sur son futon, se tourna et se retourna longtemps avant de trouver le sommeil. 

    Deuxième chapitre

    Découverte du corps

    Il était onze heures, ce lundi 21 juin. Une grande et belle jeune femme à la chevelure flamboyante faisait les cent pas devant la Maison de la Radio, en pestant à voix haute :

    — Mais qu’est-ce qu’il fout, mais qu’est-ce qu’il fout ? Ah c’est fini, fini, je ne m’occupe plus de lui !

    Pour la énième fois, elle tenta de joindre Laurent A., depuis deux heures elle essayait en vain. Sur l’antenne de France-Inter, le flash d’informations venait de s’achever, le générique du Fou du Roi retentissait, Stéphane Bern s’apprêtait à présenter ses invités du jour. Parmi ceux-ci, aurait dû se trouver Laurent A., la chaise était vide. À l’extérieur, Diane, l’attachée de presse des Éditions du Pont des Arts s’égosillait au téléphone, arpentant de long en large le trottoir à l’allure d’un chasseur alpin.

    — L’émission a commencé et il n’est pas là ! J’ai l’air de quoi moi, de quoi ? Mais non je ne crie pas, hurla-t-elle.

    Son visage était rouge sang, elle accéléra encore son pas et cria de plus belle en postillonnant dans son téléphone portable.

    — Je ne m’occuperai plus de lui, jamais, jamais tu entends !  Mais non je ne crie pas, et puis arrête de répéter ça sans arrêt ou sinon c’est pour le coup que je vais me mettre à gueuler. Parce que je commence à en avoir marre de cette boîte, de tes écrivains pourris… Mais où tu les trouves, dis-moi un peu ? Où trouves-tu des gus comme ça ? Mais non je ne crie pas, MERDE !

    Elle referma violemment le clapet du combiné, prit son visage dans ses mains et se mit à pleurer, le corps légèrement penché en avant. Sur le quai, la circulation était fluide et les voitures se succédaient à vive allure. Sur la Seine un petit remorqueur poussait vaillamment à contre-courant, trois énormes barges lourdement chargées de sable. Il  fallut quelques secondes à Diane pour se reprendre, elle se redressa, chercha un kleenex dans son sac, ses mains tremblaient autant que ses lèvres, elle était secouée de sanglots. En tentant de retenir ses larmes, elle se dirigea vers le hall de la Maison Ronde afin de ne plus se donner en spectacle sur le trottoir. 

    Un moment plus tard, elle se rendit aux toilettes pour rectifier son maquillage, avant d’aller présenter ses excuses pour l’absence de son poulain. En entrant, elle se cogna le genou droit et son bas noir fila immédiatement. Elle posa un regard pathétique sur sa longue jambe barrée d’un trait blanc. « Quelle journée ! ». 

    Après avoir pris congé de l’équipe de l’émission, elle s’engouffra dans sa Smart et rentra chez elle à Boulogne, pas question de retourner travailler. Elle s’enferma dans son appartement et ne répondit pas au téléphone qui sonna sans arrêt à partir de seize heures.

    Ce fut à peu près à cette heure que fut découvert dans une caisse mystérieusement livrée dans le hall des Éditions du Pont des Arts, faubourg Saint-Germain, le corps découpé en morceaux de Laurent A.

    Diane n’apprit la nouvelle qu’en regardant le journal télévisé de vingt heures. Un journaliste se tenant devant la façade de l’immeuble du boulevard Saint-Germain, protégé par des grilles, annonçait avec force détails que la police se trouvait sur place, que l’accès de l’immeuble était interdit et qu’il ne savait rien. Sur une autre chaîne, le manutentionnaire de la maison d’édition expliquait entre deux sanglots qu’il avait été intrigué par cette caisse que personne n’avait vue arriver, il avait coupé les feuillards, levé le couvercle et découvert une tête posée sur un amas de viande sanguinolente.

    Troisième chapitre

    Le message mystérieux

    Que s’était-il passé depuis l’émission de télévision ?

    Mercredi 16 juin 2010.

    Il n’était pas loin de dix heures lorsque Laurent A. se réveilla, pas très en forme. Il se précipita sous la douche, se rasa. Il regardait son visage dans le miroir son teint jaune, ses traits tirés, les pattes d’oies qui se creusaient, les cernes profonds qui soulignaient ses yeux verts. Il frotta son menton, il n’avait jamais aimé son menton, trop long. Il se massa la figure, sa peau sèche « tirait ». «  C’est le maquillage d’hier soir pensa-t-il. » Aussitôt lui revint en mémoire sa prestation télévisée de la veille ; l’image de son visage suant à grosses gouttes, qu’il ne pouvait s’empêcher de regarder sur l’écran de contrôle, au lieu de regarder son interlocuteur ou la caméra. Comme il aurait chassé une mouche, il chassa d’un geste de la main cette vision. À trois reprises, il pressa son pulvérisateur de parfum. L’odeur caractéristique de l’Eau sauvage de Dior emplit la salle de bain. Il se sentait un peu mieux.

    Laurent A. se prépara un bol de cette excellente chicorée bio qu’il commandait sur un site belge. Il se prépara deux tartines de pain complet aux graines de sésame, avec ses confitures préférées : le mélange reines-claudes mirabelles, dont c’était le dernier pot, et framboises et mûres, qu’il avait merveilleusement réussi l’été précédent. Comme il faisait beau, il revêtit un pantacourt blanc, un t-shirt rayé style marinière, les sandalettes en cuir brut qu’il avait achetées l’été précédent dans le Larzac. Il prit sa musette kaki, sa vieille casquette

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