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La main du crime
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Livre électronique274 pages4 heures

La main du crime

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À propos de ce livre électronique

La découverte un beau matin par un berger d’une main sanguinolente dans un fourré, sema le trouble dans un bourg tranquille. Poussant le vieux pâtre à l’esprit encore traumatisé par les horreurs de la décennie noire, à en informer les services de police à travers le Maire tout aussi déstabilisé.
L’enquête fut confiée à deux policiers, qui seront les principaux personnages de cette intrigue unique en son genre. Sommés de trouver le fil d’ariane coute que coute à cette affaire chargée de mystères tombant dans une conjoncture qui n’arrange personne.
Peu rompu à ce genre de violence, l’inspecteur Redouane proche de la retraite et son jeune adjoint Hocine nouveau recru et tout frais émoulu de l’école de police, ont été contraint de puiser dans leurs profondes détresses le moindre indice. L’aventure commença à partir de l’examen du tatouage ésotérique ornant cette main gauche du destin. Cette immersion dans l’inconnu les plongea dans l’univers des organisations du crime transnational.
LangueFrançais
Date de sortie9 sept. 2022
ISBN9782312125312
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    Aperçu du livre

    La main du crime - Arab Ahmim

    cover.jpg

    La main du crime

    Ahmim Arab

    La main du crime

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2022

    ISBN : 978-2-312-12531-2

    Avant-propos

    Présentation du roman :

    Roman atypique par excellence se distinguant par un mélange détonnant : d’aventure, de policier, de mystère et d’ésotérisme sectaire. « La main du crime » est rédigé dans un style simple, ou l’humour et la dérision sont rythmés par les péripéties d’évènements énigmatiques, qui s’y succèdent dans une longue action pleine de rebondissements. On y est tenu en haleine, par une immersion dans des univers passionnants, d’une époque moderne inquiétante. D’un monde en mutation, face aux aspects conquérants et sombres de la criminalité transnationale.

    Résumé et introduction du récit.

    Un beau matin, comme les autres que Dieu fait. Un berger, personne brave, comme il y en a encore dans nos campagnes. Découvre dans son champ par un hasard malheureux, une main coupée et tatouée sur le dos d’un signe mystérieux. Effrayé par cette horrible découverte au milieu de son troupeau et de son chien fidèle, il décide malgré son profond émoi, d’aller aussitôt en informer le maire du bourg, l’autorité la plus proche de ces lieux funestes.

    Celui-ci à son tour, malgré son désarroi, informe le commissariat territorialement compétent qui y dépêche aussi tôt, sa brigade spécialisée de la police scientifique.

    Ainsi fait, l’affaire fut confiée à nos deux policiers : l’inspecteur Redouane, fin limier sexagénaire et pas loin de la retraite. Accompagné de son Adjoint Hocine, nouvel arrivant au mental d’acier, passionné par son métier et armé de sa seule abnégation, à ne laisser aucune chance aux criminels.

    Voilà nos deux protagonistes face à une intrigue insidieuse, véritables sables mouvants aux profondeurs insoupçonnées. Avec comme seul indice relevé sur la main martyrisée, un soupçon de drogue sous l’ongle de son pouce.

    C’était pour eux, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Ignorant ingénument qu’il avait affaire à l’indicible pieuvre du crime, quadrillant de ses tentacules insatiables, les routes cachées de leurs sombres activités. Avec pour partenaires, des sectes mystérieuses. Surgissant du passé pour assouvir des vengeances mystiques d’il y a des siècles.

    Antécédents littéraires :

    L’auteur, âgé de 73 ans consacre le clair de son temps à l’écriture de romans dans un style qui lui rappelle les lectures classiques de son enfance. Ou la littérature française avait son piédestal d’airain dans ses souvenirs. Le temps était donc arrivé pour lui, de partager ces moments de rêves, de culture et de découverte par une vision universelle. Dans cette recherche de sincérité intellectuelle et humaine, pour une ouverture sur l’univers de la tolérance constructive. Qui le mena sans doute, à commettre des crimes de lèse-majesté à l’égard de la syntaxe, par la publication des trois romans suivants, vu comme des contes philosophiques modernes :

    – « La face cachée de la lune » en 2O16, aux Editions Dalimen.

    – « Les maquis du désespoir » en 2018 aux Editions La Pensée.

    – Une étude « Origines et Enjeux de la logique compétence » en 2021 aux Editions Loumi

    Chapitre I

    Le bourg se réveilla lentement, sortant laborieusement d’une torpeur pesante, hanté par les images douloureuses de jadis. Figées comme à dessein par un temps têtu refusant l’oubli, entre deux mondes ballotés par les vagues tumultueuses de l’histoire qui n’en finit pas de réveiller les blessures. Sa voie principale encore coquette, n’ayant rien perdu de son cachet colonial arrimé à son passé tenace avec ses ruelles alignées sagement, son kiosque jadis lieu de convivialité et de saine détente ainsi que son modeste jardin public, où il ne reste que son bassin couvert d’une mousse verdâtre encore fréquenté par quelques têtards téméraires nageant dans une eau saumâtre pour attester que ces lieux ont été habités par d’autres, venus d’autres rives avec une autre confession, une autre langue et le rêve d’une nouvelle terre promise. Pour fuir l’intolérance, la misère, la peur d’une Europe en pleine effervescence sous les coups de boutoir d’une économie et vie sociale en mutation. Ils étaient Maltais, Espagnols, Alsaciens, venus en Afrique terre d’espoir pour faire fortune.

    Originaire de la région, Smail Kaddour descendait d’une grande famille d’éleveurs de moutons. Bien avant le pathétique coup d’éventail qui transforma le grenier de Rome en une cible à conquérir par la force des baïonnettes. Ce matin-là, abandonnant avec émoi son troupeau dans ses champs, il rejoignit précipitamment le bourg. Là, il grimpa en haletant les quatre marches monumentales de l’entrée de la mairie encore plongée dans le calme matinal. Sa mise modeste attira sur le champ le regard ennuyé de l’agent de faction qui se tenait au sommet de l’entrée. Se sentant puissant dans ses rangers de cuir qui n’ont rencontré le cirage qu’à la dernière fête annuelle des oranges. Smail s’arrêta net devant la silhouette suspicieuse qui ne le quitta pas de ses yeux d’oiseau de proie. Décontenancé par cette vision cauchemardesque, le vieux Smail orienta un instant son regard implorant vers la placette animée par les cris familiers et perçants de son vieil ami le marchand de poissons. Il poussait péniblement sa carriole à deux roues sous une nuée de mouches en fête et répétait à tue-tête de sa voix brisée « De la vraie sardine ! De la vraie sardine ! ». Alors qu’elle n’était que de la vraie Latcha, sachant que la noble sardine a émigré depuis belle lurette vers des rives plus accueillantes.

    L’agent un instant distrait par la scène riva de nouveau son regard inquisiteur sur le turban misérable de son visiteur stoïque. Son examen pointu terminé le poussa à lui poser la question fatidique et habituelle : « Que veux-tu ? » En guise de réponse, il reçut une question du visiteur rusé ayant retrouvé ses esprits :

    « Tu es bien le fils de Brahim de la voierie ?

    – Euh, oui !

    – Alors montre-moi le bureau du maire ».

    L’ordre tomba comme un couperet qui transforma l’agent engoncé dans ses rangers en épouvantail que les courants d’air du hall transformèrent en girouette inutile. Silencieusement, il indiqua du menton l’unique porte capitonnée au fond du couloir. Sans hésitation, il se retrouva devant le skaï noir du battant rébarbatif en cherchant un coin où tambouriner. Impatient, Smail qui avait laissé ses moutons sous la surveillance de son chien fidèle avait quand même quelques inquiétudes. Il prit l’initiative de tourner d’un geste sec la poignée de porte et se retrouva dans le bureau de la secrétaire, celle-ci surprise rangea subrepticement son bâton de rouge à lèvres.

    « Qu’y a-t-il ? balbutia-t-elle à l’intrus.

    – Je veux voir monsieur le maire !

    – Mais le maire ne reçoit que sur rendez-vous, dit-elle mi surprise mi ironique.

    – Rendez fou ! Rendez fou ! Je crois que je vais le devenir si cela continu comme ça ! » hurla Smail énervé par l’image anachronique de cette fille portant le voile surprise se bariolant les lèvres d’un rouge criard. Les éclats de voix firent ouvrir miraculeusement la porte du bureau du maire. Celui-ci, les lunettes accrochées sur le bout du nez, apparu dans sa corpulence des jours fastes.

    « Quelle est la cause de tout ce chahut ? dit-il excédé.

    – Monsieur le maire, votre secrétaire me dit que vous ne recevez que sur rendez fou. Je ne parle pas français certes, mais de là à être traité de fou pour me dissuader de voir le premier magistrat de ma commune, c’est de l’excès de zèle tout cela ! »

    Celui-ci comprenant le quiproquo bomba son torse en souriant et invita son visiteur à le suivre dans son bureau, non sans fusiller sa secrétaire du regard.

    « De quoi s’agit-il ? marmonna-t-il inquiet, pensant à un mal logé ou bien un quelconque raseur en mission spéciale.

    – Voilà, je suis berger !

    img1.png Ah ! dit-il soulagé. Tu cherches peut-être des aliments pour tes moutons ?

    – Rien de tout ça, mes moutons sont élevés et nourris à l’ancienne et selon les règles de l’art, et ils ne risquent pas de virer au vert le jour de l’aïd. »

    Le maire surpris par l’air décidé de ce berger bien campé sur ses convictions l’encouragea à poursuivre.

    « Ma visite a plutôt un caractère particulier, car j’ai découvert une main coupée dans les fourrés de mon champ.

    – Main de quoi ? rétorqua le maire interloqué.

    – Une main pas aussi dodue que la vôtre peut-être, mais une main d’homme couverte de sang séché et de poussière. Tout cela avec une nuée de mouches bleues autour.

    – Bien ! Remets-toi de tes émotions et dis-moi ce que je peux faire pour toi, mais n’oublie pas que je ne suis ni médecin ni gendarme. Raconte-moi tout » répondit le maire. Il subit l’interrogatoire debout, pour ne pas salir le fauteuil de cuir noir réservé aux invités de marque.

    « Je sais tout ça et connais vos prérogatives en tant que premier magistrat de la commune, alors écoutez-moi bien, je n’aime pas me répéter car je suis extrêmement pressé ». Ne faisant aucun cas du froncement du sourcil du maire époustouflé, il se lança dans sa diatribe.

    « Je m’appelle Smail Kaddour, du douar Ouled kaddour, ce matin en menant paitre mon troupeau accompagné de mon fidèle compagnon… » Le maire amusé, l’interrompt par une question sans grand intérêt. « Et comment se nomme-t-il celui-là », tenté de renverser la vapeur en jouant à Sherlock Holmes, le vieux Smail faillit s’étouffer d’un rire retenu, décidé à se payer la tête de ce fonctionnaire endimanché. « Antar » dit-il en faisant mine de lisser sa moustache pour cacher son sourire malicieux.

    « C’est ton aide en quelque sorte ?

    – Ah ça oui, on peut le dire. Une très bonne aide même, sur qui on peut compter en toutes circonstances.

    – Un enfant de bonne famille celui-là apparemment, précisa le maire avec une lueur moqueuse dans les yeux.

    – Parfaitement, c’est une bonne race autochtone, rien à dire, ils ont marqué le temps par leur fidélité légendaire ».

    Voulant mettre fin au quiproquo rapidement pour ne pas donner libre cours à un fou rire impétueux qui gonflait sous cape, Smail sous pression précisa « Antar est mon chien, un sloughi d’une race supérieure unique au monde ». Estomaqué, le maire s’affala de tout son poids adipeux sur son fauteuil.

    « Pourquoi tu lui as donné ce nom et dans quelles circonstances ? demanda-t-il pour se redonner contenance.

    – Ecoutez cheikh, je n’ai pas beaucoup de temps mais cela m’a tellement marqué, et respectueux pour ce compagnon sans traitrise, que je vais illico tout vous raconter ».

    Le maire oublia tous ses problèmes devant ce paysan ingénu qui fit irruption dans sa vie, il l’encouragea vivement d’un geste énergique.

    « Voilà, c’était il y a presque quinze ans, j’étais invité par mon neveu habitant à Alger dans le quartier de sidi M’hamed à l’occasion d’une naissance, il venait d’avoir un enfant male. Moi, je n’ai pas eu de descendance, hélas c’est la destinée ! » Le maire compatit avec un sourire mielleux. « Dans la soirée, après un bon repas copieux digne d’un prince, mon neveu voulant m’émerveiller m’emmena au cinéma, Donyazad je crois, et là je vis pour la première fois de ma vie un film ». Le maire oubliant l’objet de sa visite était aux anges. « Là, Antar Ibn Chedad combattait ses ennemis aussi bien avec sa force physique prodigieuse que sa poésie antique des peuples du désert. J’étais plongé dans un rêve éveillé à une époque révolue hélas. Ce seul film de ma vie m’a inspiré pour nommer Antar mon fidèle ami qui ne m’a jamais trahi, de la pure amitié. Et justement, je suis sûr qu’il doit souffrir de mon absence en ce moment, partagé entre le droit et le devoir ». Cette dernière réflexion au contour philosophique tira son interlocuteur hébété de sa rêverie.

    « Ah ! Justement, revenons à tes moutons, dit-il en sursautant, de plus, ta découverte macabre ne me concerne en rien, nonobstant ton récit plein de sagesse.

    – Mais monsieur le maire, les gens de mon douar m’ont dit que vous êtes le premier magistrat de la commune, et à ce titre je suis venu en tant que citoyen vous en informer. Et puis, je vous répète aussi que mes moutons seraient livrés à eux s’il n’y avait Antar. Et c’est pour cela que je dois partir sur le champ.

    – Mais tu ne peux pas partir sans informer la police.

    – Faites-le-donc pour moi vous-même. Car si je tarde plus, je serais ruiné malgré toute ma confiance en Antar, et cela vous l’aurez sur la conscience.

    – Bon laisse nous au moins ton nom et ton adresse, rétorqua le maire vaincu.

    – Je vous l’ai déjà donné. Je suis Smail Kaddour du douar Ouled Kaddour, il débita tout cela avec la rapidité d’une sulfateuse à postillons qui lui servait de bouche.

    – Mais saches que la police te convoquera de toutes les façons, c’est la procédure légale et puis donne-moi le lieu exacte de ta découverte.

    – Enfin, nous voilà revenus à la raison ! C’est dans mon champ au bout du chemin qui mène à l’oued lahnache, c’est exactement au lieu-dit Magta el bir. Et puis j’y serai jusqu’à la fin de l’après-midi, précisa-t-il en prenant soin d’ajouter sans vergogne. Je pense que j’ai fait mon devoir et à vous de faire le vôtre ».

    Le maire subjugué par tant de candeur fixa sur lui un regard dubitatif avant de le congédier d’un geste sec qui en dit long sur son irritation. Smail rassuré fut heureux de retrouver un Antar inquiet mais vigilant. Il fut récompensé par une demi-douzaine de caresses qui lui tirèrent deux jappements appuyés, puisqu’entre lui et son chien il y’avait comme un deal solide. En début d’après-midi, La police sur l’instigation du maire ne tarda pas à arriver péniblement à travers un périple qui prenait l’allure d’une randonnée champêtre. Un policier s’empressa d’entourer les lieux avec un ruban coloré au-delà duquel on interdit à quiconque d’y aller, au grand étonnement de Smail qui se croyait libre dans sa propriété. Mais l’arrivée spectaculaire d’hommes habillés de blancs de la tête aux pieds excita plus sa curiosité. De véritables silhouettes surnaturelles échappées du monde des djinns. Aussitôt un ballet infernal s’organisa autour et au-delà du fameux ruban qui devient un point d’attraction que Smail ne quitta pas des yeux, malgré son apparence morbide. Antar lui aussi impressionné était de la partie, debout à côté de son maitre vers lequel il levait par intermittence un regard inquiet et voilé par l’âge. Décidément, il se passait des choses bien étranges sur cette scène de théâtre champêtre où ces acteurs dramatiques en blanc s’acharnaient à relever le moindre indice, le moindre pas pouvant faire éclater la vérité. À la fin de la matinée, le champ retrouva sa sérénité avec le dernier hululement de sirène de l’ambulance transportant la pauvre main gauche de Dieu orpheline de sa destinée.

    Evidemment et malgré ses supplications auprès du maire, il ne put s’éviter la convocation pour le lendemain au sein du commissariat déposée tôt le matin à l’unique bureau de tabac du douar où il se rend pour sa boite de chique quotidienne chaque jour que Dieu fait, mise à part cette douceur qui le maintien vigilant durant sa longue solitude avec son inséparable sloughi et son troupeau. Autrement, il ne s’accordait aucun autre plaisir. Austère et casanier à outrance, il avait un caractère façonné par le dur métier de berger qui se transmet de père en fils comme un sacerdoce millénaire.

    Malgré l’heure matinale, l’échoppe du marchand de tabac était déjà animée par un groupe de cultivateurs. Certains venus récupérer leurs courriers, et la majorité pour faire la récolte de ragots quotidiens. De quoi remplir les journées mornes des oisifs nombreux en quête de nouvelles dans cette période de disette en informations fraiches. L’arrivée impromptue de Smail glaça l’atmosphère, il devint instantanément l’objet de la curiosité du groupe. Le préposé au courrier lui tendit la convocation d’une main leste comme s’il avait peur de le toucher, tel un pestiféré.

    « C’est une convocation de la police, tu dois te rendre au commissariat sur le champ » aboya la voix rauque de Brahim le buraliste, prenant ses airs eut égard à sa fonction de facteur occasionnel et de gorge chaude du bourg où rien ne lui échappe, à telle enseigne qu’il a mérité le sobriquet de taupe qui lui va comme un gant. Mais qu’importe, cela lui donnait un ascendant sur le reste de la population du douar, le considérant comme un homme important et le liant à une administration souvent autiste.

    La nouvelle de la découverte par Smail de la mystérieuse main coupée s’était répandue comme une trainée de poudre, accentuant la méfiance de la population à son égard. Il est évident que son caractère de loup gris n’arrange pas les choses. Il reste donc pour tout un chacun le marginal à éviter et cette histoire de main solitaire tatouée sentant la magie noire n’arrange pas les choses. La curiosité maladive de ses coreligionnaires en mal de nouvelles ne sera pas satisfaite par la désinvolture simulée de Smail. Plus que jamais décidé à appliquer sa devise « pour vivre heureux vivons caché ». D’un pas pressé, il se dirigea vers l’arrêt du car, soucieux d’arriver au commissariat avant la fin de la matinée afin d’accomplir cette formalité éminemment importante pour son égo car malgré son caractère fruste, il tenait à être respectueux de la loi. Mais la vue d’un uniforme lui fout toujours une petite frousse qui lui fait perdre la moitié de ses moyens. Très souvent, il se rappelle sa jeunesse et les exactions que subissait son père berger comme lui de la part de l’horrible caïd qui terrorisait le douar. Mais cela c’était du passé, bien que d’un certain point de vue la peur de l’uniforme persiste dans les subconscients des personnes âgées.

    Le commissariat localisé à une dizaine de kilomètres du bourg dans le chef-lieu de la région avait des allures de forteresse imprenable. Les séquelles de la décennie noire qui a failli emporter le pays vers l’inconnu sont encore visibles sur tous les bâtiments administratifs. Quand il franchit sans hésiter son imposante grille de l’entrée, le garde de faction s’empressa de l’accueillir avec une certaine déférence. Smail émerveillé par cet accueil avait compris qu’il était attendu, il redressa son buste et suivi au pas cadencé le garde qui le conduit au secrétariat occupé par un autre agent à l’allure impressionnante. Celui-ci l’accueillit dans un silence religieux en pliant soigneusement son tapis de prière, et de son index lui indiqua une chaise de bureau confortable. Il l’examina un instant, donnant l’impression de chercher une chose insolite sur son visage buriné par la vie en plein air. Son examen ne l’ayant satisfait, il afficha une moue dubitative sur ses lèvres épaisses. Aussitôt, il se décida enfin à poser ses grosses mains sur le clavier de son ordinateur. Smail mal à l’aise évitait de croiser le regard de son vis-à-vis, occupé à taper de ses doigts velus sur les touches qui doivent gémirent de douleur si elles pouvaient protester. Un vrai marteau piqueur en action. Au bout d’un court laps de temps, le sautillement agile des mains s’arrêta brusquement, et le visage de l’armoire à glace pivota vers lui. Sa bouche s’ouvrit lentement comme s’il craignait de parler, quand il le fit une voix chevrotante remplis le silence du bureau. Smail sursauta, ce geste n’échappa pas au brigadier durcissant un peu plus son regard de taureau.

    « Ya elhadj, maintenant il va falloir tout me raconter dans les détails » dit-il inquiété par la pâleur soudaine du vieux berger déstabilisé par la voix aiguë du dactylographe qui ne cadrait pas du tout avec sa carrure de catcheur. Smail mal à l’aise, débita précipitamment son récit sans omettre le rôle capital d’Antar dans cette affaire sordide. Cette évocation canine a permis de détendre l’atmosphère. Les mains étrangement lestes entamèrent une nouvelle danse sur le clavier. Le point final magistral attendu comme le croissant de lune annonçant le ramadhan donna le signal de la fin du supplice pour Smail. D’angoisse, il eut tout le mal du monde à apposer une croix en guise de signature sur la déposition tendue fermement par l’agent impatient. « Encore une ici » dit-il en y posant son énorme index à l’ongle écorné. Bien parfait ! Maintenant vous pouvez aller rejoindre Antar, dit-il avec un sourire moqueur au coin de ses lèvres charnues. « Mais si entre temps tu te rappelles d’un détail, n’hésite pas à nous en informer ». Ceci clôtura La gêne de Smail qui reprit difficilement le chemin en sens inverse. Dérouté par la multitude de bureaux et les va et vient des agents à l’air pressé. Le policier de garde remarqua son hésitation, il le héla avec un sourire avenant sur les lèvres. « Merci mon fils » Smail libéré poussa un profond soupir et pressa le pas sur le trottoir arpenté par des badauds profitant de la fraicheur de l’air matinal, embaumé par les senteurs exquises des fleurs d’orangers.

    Chapitre II

    L’inspecteur se gratta nerveusement son menton revêche d’éternel mal rasé. L’esprit ailleurs, il avait l’air de réfléchir à la résolution d’un problème que même Einstein en personne n’aurait pas résolu. Tarabusté à outrance par cette affaire d’une main tatouée sur le dos, finement séparé du corps par une ablation. Un véritable boulot de professionnel, comme le précise le rapport du légiste, secondé par un spécialiste de la cryptologie qui a truffé sa partie d’analyses savantes et qui explique la signification de différents types de tatouages. Ceci a atterrit sur son bureau très tôt dans la matinée avant qu’il n’ait eu le temps d’avaler son habituel jus à la cafétéria du coin, ce qui explique son humeur exécrable. Son assistant arrivé à l’instant le salua de la main sans faire le moindre bruit, impressionné par sa pose et son silence de bonze en méditation et son regard plongé dans

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