Pauvre Bitos, le dîner de têtes
Un nobliau de province, Maxime de Jaucourt (Adrien Melin, resplendissant de cruauté), ne se tient plus de joie mauvaise au moment de recevoir, dans les vestiges d’un ancien prieuré promis à la vente, ses amis de la bonne société d’une ville de province pour un dîner de têtes sur le thème de la Révolution française. D’habitude, on, nouveau substitut du procureur de la République, aussi froid et tranchant qu’une guillotine qui tombe sur le cou d’un condamné. Ses anciens condisciples issus de familles riches l’appelaient le . Maxime s’est fait la tête de Saint-Just. Ses autres invités celles de Danton, Mirabeau, Marie-Antoinette, Camille et Lucile Desmoulins. Quant à Bitos, éblouissant Maxime d’Aboville qui tient certainement le rôle de sa vie, il s’est naturellement déguisé en Robespierre. , lui avait prédit Jean-Laurent Cochet, son professeur d’art dramatique. Un rôle qu’il endosse à merveille. Quand on lui dit bonjour, il menace, lorsqu’on l’attaque, il pleure et, si on le plaint, il mord. Pauvre Bitos que personne n’aime. Il faut imaginer un personnage de bouffon hystérique et malheureux à mi-chemin entre Sandrine Rousseau et Louis Boyard, décrétant la mort de Danton, l’homme qui boit, baise et bouffe comme un . Créée en 1959, la pièce, allégée d’une bonne heure, n’a rien perdu de son pouvoir de scandale ni de son actualité : soixante-cinq ans plus tard, les idéologues ont les mêmes rêves de purification de l’humanité. Avec Jean Anouilh, le grand misanthrope, personne ne sort indemne du jeu de massacre : ni les pauvres ni les riches, ni la droite ni la gauche. Et c’est ainsi que Jean Anouilh est le plus grand dramaturge français de la fin du XXe siècle…