Charles était un homme d’affaires froid, intraitable. Mais, en privé, il était bienveillant et aimait sa femme. Il espérait qu’elle l’aimait… au moins un peu.
Charles était au téléphone, en train de passer ses ordres d’achat à son courtier en Bourse, quand Louis, son chauffeur, pénétra brusquement dans son bureau sans même avoir pris la peine de frapper. Offusqué par cette intrusion, il lui fit signe d’un geste autoritaire de disparaître de sa vue. L’employé n’insista pas.
Mais alors qu’il rebroussait chemin, son patron, une main couvrant le combiné, le rappela brutalement.
– Qu’aviez-vous de si urgent à me dire qui ne pouvait attendre l’heure où habituellement vous venez me chercher ?
Louis refit un pas dans la pièce en baissant la tête.
– Je crois bien que l’on vient d’enlever Madame, Monsieur. Charles, saisi, lâcha le combiné qui retomba lourdement sur son bureau. Louis, depuis sa place, pouvait entendre la voix du correspondant qui avait haussé le ton.
– Allô ? Vous êtes toujours là, Monsieur Beauchamp ? Vous ne m’avez pas dit combien d’actions Métaliage vous vouliez acheter.
Charles était un businessman, un homme de sang-froid. Dur envers lui-même, impitoyable envers ses concurrents. Il était habitué à surmonter les épreuves, à se battre, et Louis ne l’avait jamais vu vaciller. Et pourtant, ce jour-là, celui qui lui paraissait imperméable à tout sentiment venait de s’écrouler dans son fauteuil.
Il y avait au moins une personne, sa femme, songea-t-il, attendri, pour qui il éprouvait quelque attachement.
– Vous vous sentez bien, Monsieur ?
Il était prêt à demander de l’aide, mais Charles le rassura.
– Ça va. Expliquez-moi vite comment c’est arrivé.
Le chauffeur, visiblement secoué par ce qu’il venait de vivre, prit une grande goulée d’air avant de se lancer, d’une voix chevrotante. Il l’avait conduite chez son coiffeur à 15 h 30. Il s’était garé en face pour l’attendre. Elle était sortie à 17 heures. Alors qu’elle s’apprêtait à traverser la rue pour le rejoindre, un