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Quimper sonne les cloches: Les enquêtes du capitaine Paoli - Tome 3
Quimper sonne les cloches: Les enquêtes du capitaine Paoli - Tome 3
Quimper sonne les cloches: Les enquêtes du capitaine Paoli - Tome 3
Livre électronique311 pages4 heures

Quimper sonne les cloches: Les enquêtes du capitaine Paoli - Tome 3

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À propos de ce livre électronique

Un mystérieux personnage décide de liquider les sans-abris de Quimper...

Des sans-abri quimpérois sont trouvés assassinés, poignardés pendant leur sommeil, un paquet de lessive entre les mains. Le message est clair : quelqu’un a décidé de nettoyer la ville. Qui ? Et pourquoi ? N’ayant aucun témoin et très peu d’indices, le lieutenant Paoli ne voit qu’une solution pour arrêter l'assassin : aller sur le terrain. Profitant de l’absence de son fils, il se déguise et infiltre le milieu des SDF. Jouant le jeu au maximum, il passe ses jours et ses nuits dans la rue, par tous les temps, au péril de sa vie…

Découvrez sans plus attendre le troisième tome des enquêtes du lieutenant Paoli dans une infiltration parmi les SDF, menacés par un mystérieux assassin...

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Sujet social, suspense garanti, Annie Le Coz s'est investie personnellement dans ce roman pour lequel elle a, durant plusieurs jours, vécu au plus près des SDF. - Le Télégramme

À PROPOS DE L'AUTEURE

Annie Le Coz est technicienne de laboratoire, diplômée de l'IUT en biologie médicale et auteure de la série policière Capitaine François Paoli aux éditions Bargain.


LangueFrançais
Date de sortie6 nov. 2018
ISBN9782355506000
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    Aperçu du livre

    Quimper sonne les cloches - Annie Le Coz

    REMERCIEMENTS

    Je tiens à remercier tout particulièrement le capitaine de police François Lange en qui j’ai trouvé un interlocuteur aussi disponible qu’attentif.

    Je remercie également les sous-brigadiers Laurent et Denis ainsi que l’adjoint de sécurité Kévin de m’avoir accompagnée sur le terrain pour rencontrer et dialoguer avec quelques SDF quimpérois qu’ils appellent les locaux.

    C’est grâce à leurs compétences, leurs conseils, mais aussi leur gentillesse que j’ai pu apporter à cette fiction sa touche de réalisme.

    Et enfin merci à ceux qui m’ont inspiré les personnages de cette histoire. Par respect pour eux et parce que je le leur ai promis, je ne citerai pas leurs noms.

    I

    À eux tous…

    Pas à pas, dans ses rangers aux semelles de crêpe, le Nettoyeur s’approcha en silence de sa future victime. Il avait suivi l’homme depuis le centre-ville et, maintenant, il l’épiait, à quelques mètres de distance.

    Normandie – tel était le surnom que ses compagnons d’infortune avaient donné à l’homme en raison de ses origines – leva sa bouteille de vin et la porta à ses lèvres. Deux longues rasades transitèrent par son gosier et descendirent rejoindre le cassoulet qu’il avait mangé à même la petite boîte en fer. Au moins, ce soir, il ne dormirait pas l’estomac vide.

    Avant de reboucher sa bouteille, Normandie la leva vers un éclairage de lampadaire et en évalua la quantité restante : de quoi débuter la journée du lendemain en attendant de pouvoir s’en acheter une pleine. À condition que le froid ne le réveille pas au milieu de la nuit et ne l’oblige à boire pour se réchauffer. Fort d’une longue pratique, malgré la quantité ingurgitée durant la journée, il introduisit le bouchon du premier coup dans le goulot avant de l’enfoncer d’un coup du plat de la main.

    À présent sûr que le liquide ne s’écoulerait pas de son contenant, Normandie glissa sa bouteille dans sa vieille besace en tissu parmi ses maigres effets. Puis il posa celle-ci sur le banc qu’il s’était choisi dans le jardin du théâtre Max Jacob pour y passer la nuit, boutonna sa veste et releva son col autour duquel il noua son écharpe.

    Il ne lui restait plus qu’à enfoncer son bonnet pour couvrir ses oreilles et son front, comme le lui recommandait sa mère, autrefois. Voilà, c’était fait : on ne voyait plus que ses yeux, son nez et ses joues.

    Normandie s’allongea en chien de fusil sur le côté droit et se croisa les bras contre la poitrine. Cette posture avait un double avantage : non seulement elle lui donnait l’illusion d’avoir chaud, mais elle le stabilisait, le calant contre le dossier en bois du banc. Un dernier regard au ciel où s’allumaient quelques étoiles et Normandie ferma les yeux.

    De son poste d’observation, le Nettoyeur n’avait pas perdu une miette du manège du sans-logis. Il n’avait plus qu’à patienter quelques minutes que celui-ci plonge dans les profondeurs du sommeil. En attendant le moment propice à son action funeste, le Nettoyeur sortit son poignard de son étui et en vérifia le tranchant en le passant sur le dos de sa main. Le léger crissement des poils qui se font raser le fit retrousser les lèvres en un sourire carnassier.

    — Nickel ! se félicita intérieurement le Nettoyeur en enfilant des gants.

    Puis, les yeux posés sur le corps replié de Normandie, il s’adressa à lui en silence :

    — Tu ne sentiras rien ou si peu… puisque tu t’es quasiment anesthésié avec tout ce que tu as bu.

    Il avait fait deux pas hors de sa cachette, quand il aperçut une voiture de patrouille de police roulant au ralenti devant le jardin. Il recula dans l’ombre protectrice et retarda son geste jusqu’à la disparition du véhicule après le pont Firmin. Il en profita pour faire jouer ses vertèbres cervicales par quelques mouvements lents de la tête.

    Son poignard bien en main, il s’apprêtait à commettre son forfait, quand un nouveau contretemps survint. Une silhouette venait d’apparaître du fond du jardin, celle d’un homme à la démarche mal assurée. Le Nettoyeur le regarda se diriger, titubant et boitant, vers le banc de Normandie.

    Le Boiteux s’arrêta un instant, leva une canette de bière qu’il vida et jeta par-dessus son épaule.

    — Normandie ! Hé, vieux ! Tu pionces ?

    Ne recevant pas de réponse, le Boiteux s’approcha du banc et considéra son locataire endormi.

    — Hé, Normandie !

    Mais, aux ronflements qu’il avait interrompus il ne reçut qu’un grognement en guise de réponse. Le Boiteux se pencha au-dessus du dormeur, faillit perdre l’équilibre, se rattrapa de justesse au dossier.

    — Merde ! J’tiens plus d’bout, moi ! Tu permets que je m’installe ? Juste quelques minutes. J’ai ma guibolle qui me fait mal. T’en fais pas, je ne resterai pas longtemps, soliloqua-t-il en se laissant choir sur le reste de banc libre, près de la tête de Normandie.

    Une fois assis, le Boiteux étendit les jambes et se frictionna les bras. Puis il souffla dans ses mains pour les réchauffer un peu et les enfonça dans les poches de sa veste râpée. C’est que la nuit était fraîche ce soir-là.

    Après être resté cinq minutes sur le banc, le Boiteux se leva. Le Nettoyeur le vit quitter le jardin et s’en aller vers la gare en zigzaguant.

    — T’en fais pas, Boiteux, ton tour viendra !

    Cette fois, il ne devait plus perdre de temps. Il fallait agir. Vite et en silence. Proprement.

    Poignard bien assuré dans la main droite, le Nettoyeur s’avança à pas de loup vers le banc de Normandie et le contourna. Passé derrière le dossier en bois, il s’inclina sur l’homme endormi en brandissant son arme. Plaquant la main gauche sur son visage afin d’étouffer tout cri, il lui planta la lame acérée dans le cœur. À peine un soubresaut et c’en fut fini de la vie de Normandie. Sans perdre une seconde, le Nettoyeur ressortit son arme ensanglantée et l’essuya sur la veste du mort. Il la rangea dans son fourreau, puis plaça un paquet de lessive entre les bras et le corps de sa victime, cachant ainsi la blessure mortelle.

    Il revint devant le banc. Satisfait de sa mise en scène, il gagna rapidement le trottoir où il adopta l’allure tranquille d’un promeneur nocturne.

    ***

    Alors que le lieutenant François Paoli arrivait au croisement du boulevard Dupleix et de la rue Théodore-Le-Hars, son attention fut captée par la présence d’une ambulance des pompiers et d’une voiture de police en face du vieux théâtre.

    Il décida d’aller voir ce qui se passait et continua tout droit. Son moteur à peine éteint, il était déjà hors de sa voiture et la contournait pour accéder à l’esplanade sablée qui s’étend devant le théâtre. Un gardien de la paix lui souleva le ruban de plastique du périmètre d’investigations en le saluant.

    — De quoi s’agit-il ? s’enquit le Corse.

    — Un malheureux qui s’est fait occire à l’arme blanche. Le lieutenant Marchand est déjà là.

    — Le légiste est prévenu ?

    Le gardien de la paix n’eut pas le temps de répondre. David Marchand, ayant aperçu son collègue, s’était détaché du petit groupe et arrivait.

    — Ah, François, salut !

    — Salut David ! T’es là depuis longtemps ?

    — Cinq minutes à tout casser. J’ai téléphoné à Séverin mais il n’est pas encore arrivé. Je l’attends.

    — Qui a trouvé le corps ?

    — Cette femme, là-bas, en cherchant son chat.

    La femme en question se tenait en retrait du groupe de pompiers et de policiers, serrant un magnifique chat persan gris dans ses bras.

    — Tu l’as interrogée ?

    — J’allais le faire quand je t’ai vu arriver.

    — Eh bien, allons-y ! Bonjour Madame…

    Paoli avait laissé traîné sa fin de phrase, invitant la femme à décliner son identité. Ce qu’elle fit :

    — Madame Rouzic.

    — Madame Rouzic, je suis le lieutenant Paoli.

    — Bonjour Lieutenant.

    — Comment vous sentez-vous ?

    — Choquée. Je ne m’attendais pas à trouver un homme mort !

    — Acceptez-vous de répondre à nos questions maintenant ou préférez-vous le faire plus tard ?

    — Devons-nous rester ici ? J’habite à deux pas…

    — Non, nous pouvons aller à votre domicile.

    — Merci.

    Il fut décidé que Marchand restait sur place pour attendre le médecin légiste tandis que Paoli accompagnait la dame chez elle.

    Chemin faisant, il apprit que le chat persan était pourvu d’un bon pedigree et que, de ce fait, il participait à des concours sous un nom à rallonge dont l’officier de police ne retint que le principal : Nuage.

    Dès que la porte de l’appartement de Margaux Rouzic fut ouverte, Nuage sauta des bras de sa maîtresse et se précipita vers son écuelle.

    — Entrez, Lieutenant.

    Elle ferma la porte d’entrée et invita Paoli à s’asseoir au salon. Il opta pour un fauteuil, elle prit place dans l’autre. D’un sourire un peu forcé, elle signifia qu’elle était prête.

    — Bien. Quelle heure était-il quand vous êtes sortie de chez vous, Madame ?

    — Huit heures moins dix. Je suis allée au jardin car c’est là que Nuage se rend quand je passe l’aspirateur. C’est un bon chat affectueux, mais il déteste le bruit de l’aspirateur. D’habitude, je fais mon ménage plus tard, mais j’attends l’arrivée d’une amie en fin de matinée.

    — Et quand votre chat se sauve de la sorte, allez-vous toujours le récupérer ?

    — Une fois sur deux, il rentre de lui-même quand j’ai fini d’aspirer.

    — Et ce matin, comme il ne revenait pas, vous êtes sortie le chercher…

    — Oui, il était caché dans la petite haie qui sépare le jardin des immeubles voisins. Quand je suis passée près du banc en appelant Nuage, j’ai cru que l’homme dormait. Ce n’était pas la première fois qu’un SDF y passait la nuit. Je n’y ai donc pas fait très attention. C’est quand je me suis baissée pour prendre le chat dans mes bras que j’ai vu une petite flaque rouge sombre sous le banc. En m’en approchant, je me suis rendu compte qu’il s’agissait de sang. J’ai pensé que l’homme était blessé et j’allais lui proposer de le soigner quand… quand j’ai vu ses yeux ouverts sur le néant. J’ai compris qu’il n’y avait plus rien à faire pour lui.

    — L’aviez-vous déjà aperçu dans le jardin ?

    — Je ne saurais vous le dire avec certitude. J’ai souvent vu des SDF traîner dans le jardin et y passer quelque temps à boire mais comme je me garde bien de rester les regarder, ils se ressemblent tous, plus ou moins, pour moi. Par contre, ce que je peux vous dire c’est qu’à 22 heures le jardin était vide.

    — Comment pouvez-vous l’affirmer ?

    — Parce que c’est l’heure à laquelle je l’ai traversé en rentrant du cinéma.

    — Bien des gens n’oseraient pas le faire, par peur de mauvaises rencontres.

    — À la vérité, je ne crâne pas non plus car c’est mal éclairé. Mais la distance que j’ai à faire est courte et j’ai toujours ma bombe défensive à la main.

    — Vous n’avez rien entendu de particulier la nuit dernière ?

    — Je prends un somnifère avant de me coucher, Lieutenant.

    — Et quand vous vous êtes rendue au jardin, tout à l’heure, avez-vous croisé quelqu’un ?

    — La gardienne de l’immeuble voisin qui ramassait ses poubelles et deux gosses qui allaient prendre le bus. Oh, et Simon aussi !

    — Qui est Simon ?

    — Un professeur de musique qui habite le quartier.

    — Bien, ce sera tout pour l’instant, madame Rouzic. Je vous remercie.

    Paoli se leva et prit congé.

    Quand il revint sur le lieu du crime, deux pompiers chargeaient le corps de Normandie dans leur fourgon, direction la morgue.

    — Salut Sev !

    — Salut François !

    — Quelles sont tes premières observations ?

    — La mort a eu lieu dans la nuit. Je dirais entre minuit et deux heures du matin, dans un premier temps. Un seul coup porté au cœur à l’arme blanche.

    — Il avait des papiers sur lui ? demanda Paoli à Marchand.

    — Oui. Il s’appelait Armand Patisson et avait 38 ans.

    — Lequel de vous deux vient assister à l’autopsie ?

    — Quand ? Là, maintenant ?

    — Non, cet après-midi.

    Les lieutenants Paoli et Marchand se consultèrent du regard.

    — Alors… toi ou moi ? demanda finalement Marchand.

    — Toi. Je dois emmener Pierre chez la psy après l’école.

    — Bon, alors ce sera moi, Séverin. À quelle heure dois-je venir ?

    — 14 heures 30, ça te va ?

    — Très bien.

    — Bon, je vous laisse les gars.

    Paoli et Marchand regardèrent le médecin légiste remonter à bord de sa voiture.

    — On se fait l’enquête de proximité ?

    — Allons-y !

    ***

    Ils passèrent la matinée à questionner les habitants du quartier qu’ils trouvèrent chez eux. Personne n’avait rien entendu.

    — Il fallait s’y attendre, vu l’heure estimée par Séverin… commenta David Marchand.

    — Je sais, répliqua François Paoli en poussant la porte du commissariat. Mais avec un peu de chance, on aurait pu tomber sur un insomniaque ou un noctambule.

    — Ouais, ben, on n’en a pas eu ! On va déjeuner ?

    L’affaire fut expédiée en trente minutes au bout desquelles ils revinrent.

    — Qu’as-tu l’intention de faire pendant que je serai là-haut avec Sev ? demanda David en insérant de la monnaie dans le distributeur de boissons chaudes.

    — Je vais essayer d’en savoir un peu plus sur la victime. Si ça se trouve, les îlotiers l’ont déjà croisée et contrôlée.

    — À condition que l’homme ne soit pas arrivé hier à Quimper.

    — Si c’est le cas, effectivement, je l’aurai dans l’os ! conclut François en prenant son gobelet de noir sans sucre.

    — Ah, vous êtes là ! fit le lieutenant Éric Durand en apparaissant.

    — Tu nous cherchais ?

    — Pas moi, Grincheux !

    — À quel sujet ?

    — Aucune idée. Mais il m’a dit qu’il vous attendait dans son bureau pour 14 heures.

    Dans un ensemble parfait, François et David regardèrent leur montre.

    — Ça nous laisse juste le temps de boire notre jus.

    Les gobelets vidés et jetés dans une poubelle voisine, les deux officiers de police grimpèrent au bureau de leur supérieur.

    Le commissaire Vincent Duval les fit entrer.

    — Asseyez-vous. Il paraît qu’on a trouvé le corps d’un SDF près du vieux théâtre…

    — Oui, c’est exact.

    — De quoi est-il mort ? De froid ?

    — Non, coup mortel à l’arme blanche.

    — Vous ne le saviez pas ? demanda François devant l’air surpris de Duval.

    Vincent Duval secoua la tête et se carra dans son fauteuil.

    — À l’arme blanche… dit le commissaire, songeur.

    — On n’a relevé aucune trace de lutte autour du banc où il était allongé. D’après le légiste, il a été tué dans son sommeil.

    — Nous avons commencé l’enquête de voisinage, intervint François. Mais, pour l’instant, ça n’a rien donné et nous doutons que ça le fasse.

    — Quand Leclerc fait-il l’autopsie ?

    — Je dois être là-haut à 14 heures 30, répondit David.

    — Bon. J’espère que cela vous apportera quelques éclaircissements.

    — Quand on a trouvé le SDF, il serrait un paquet de lessive contre lui.

    — Quoi ? Redites-moi ça ! fit Duval en se décollant de son dossier.

    — Je disais qu’on a trouvé un paquet de lessive entre les bras du mort.

    — Un paquet de lessive ? répéta le commissaire. Mais… mais alors…

    Il se leva, passa devant ses hommes et leur jeta :

    — Ne bougez pas, je reviens !

    Il sortit de son bureau en laissant la porte entrouverte.

    — Qu’est-ce qui lui prend, François ?

    — Il a peut-être oublié un truc…

    L’absence du commissaire Duval ne dépassa pas dix minutes au bout desquelles il revint avec deux chemises cartonnées en main.

    — Vous avez bien fait de me parler de ce paquet de lessive.

    — Ah ?

    — Tenez, Paoli, ouvrez ces rapports, ordonna Duval, et jetez-y un œil. Vous aussi, Marchand !

    Le rapport changea de main et le Corse l’ouvrit.

    — Ce sont les rapports concernant deux SDF morts en janvier. Regardez bien les clichés !

    Ils se penchèrent sur les photos prises sur les lieux des crimes. Sur chacune, figurait un paquet de lessive.

    — Ça alors ! s’exclama David.

    — Si je m’en souviens bien, le plus âgé des deux est mort de froid. Quant à l’autre, on l’a trouvé sur un banc, au jardin des Colombes. Je ne crois pas qu’on ait percuté sur les boîtes de lessive à ces moments-là, mais avec ce que vous venez de me dire…

    — Vous pensez qu’il peut s’agir d’une signature ? émit Paoli.

    Duval hocha la tête.

    — Oui, même si le légiste a conclu à une mort naturelle dans le premier cas.

    — Connaissant le professionnalisme de Séverin Leclerc, il me paraîtrait surprenant qu’il se soit trompé, plaça Marchand.

    — C’est étrange… Vous dites que le premier est mort de froid et…

    — Oui, Paoli ?

    — Pourquoi le meurtrier aurait-il placé un paquet de lessive près de lui, s’il ne l’a pas tué ?

    — Je vous l’accorde, ce détail est troublant.

    La sonnerie du téléphone interrompit leur échange.

    — Excusez-moi, Patron, il est temps que je monte à la morgue.

    — D’accord, Marchand, dit-il en décrochant.

    Tandis que le commissaire parlait au téléphone, le lieutenant Paoli observa les photos avec intérêt.

    Vincent Duval raccrocha et nota un rendez-vous sur son agenda.

    — Puis-je les emporter, Patron ? demanda Paoli en se levant.

    — Non seulement, vous pouvez, mais vous devez ! Pourquoi donc croyez-vous que je me sois dérangé pour aller vous les chercher ?

    II

    Dès qu’il fut sorti du bureau de Duval, Paoli déposa les deux rapports dans le sien et descendit au rez-de-chaussée. Il passa la tête à plusieurs portes à la recherche de quelques îlotiers. Il en trouva dans la pièce de détente, buvant un café.

    — Salut les gars ! Je ne vous dérange pas trop ?

    — Non, Lieutenant, on allait décoller.

    Ils esquissèrent un mouvement collectif vers la porte, mais Paoli les retint.

    — Un moment ! Je voudrais parler à ceux d’entre vous qui ont déjà eu à faire avec les SDF.

    — Lesquels, Lieutenant ? Les locaux ou les routards ? demanda l’un d’eux.

    — Les deux. Tout m’intéresse.

    — Alors, Magloire est l’homme qu’il vous faut, indiqua un autre.

    — Qui est-ce ? demanda Paoli.

    — C’est moi, répondit un homme d’une trentaine d’années en se détachant du petit groupe.

    — Vous alliez partir en ronde ?

    — Non, Lieutenant, je viens de la finir.

    — OK, alors, venez, nous allons monter à mon bureau.

    Alors qu’ils passaient devant le bureau de Marie, la jeune femme les intercepta.

    — François !

    — Oui ?

    — L’IJ te cherche. Les photos sont prêtes.

    — Quelles photos ?

    — Celles de ce matin, au jardin du théâtre.

    — Ah, oui ! Tiens, prends donc ton téléphone et demande qu’on me les apporte.

    — C’est comme si c’était fait !

    Suivi de Magloire, Paoli grimpa l’escalier. Un vaguemestre l’attendait, une enveloppe entre les mains. Paoli la lui prit et le remercia, puis fit entrer Magloire.

    — Asseyez-vous, Magloire.

    — Si ça ne vous fait rien, Lieutenant, j’aime autant que vous m’appeliez par mon prénom. C’est Gilles.

    — Comme vous voulez, Gilles.

    Paoli fit le tour de son bureau et sortit les photos de leur enveloppe. Après les avoir passées en revue, il en choisit une qu’il posa sous les yeux de Gilles. Celui-ci changea de couleur.

    — Vous le connaissiez ?

    — Assez bien, oui. Son nom était Armand Patisson, mais tout le monde l’appelait Normandie. Un pauvre gars brisé par la vie. Il n’était pas méchant et n’importunait jamais les gens. Bien sûr, il est arrivé qu’on l’amène ici, le temps qu’il cuve, mais il n’a jamais fait d’histoires. Vous n’aurez qu’à demander aux autres, ils vous le confirmeront.

    — De quel groupe Normandie faisait-il partie ?

    — Les locaux. Un jour, il m’a raconté qu’il avait quitté Caen pour venir travailler à Quimper, deux ans plus tôt. Les routards sont majoritairement des jeunes en errance, souvent accompagnés d’un copain ou d’un chien. Ceux-là se déplacent beaucoup et ne restent pas longtemps en ville. On les voit surtout en été, au moment des divers festivals, des teufs… Ceux qui sont à jeun ou sans animal fréquentent les foyers d’accueil.

    — Et les locaux ?

    — Ça dépend. Certains ont des logements sociaux, d’autres dorment dehors. C’était le cas de Normandie. Un jour qu’il faisait froid, je lui ai demandé pourquoi il n’allait pas se mettre au chaud dans un foyer. Il m’a dit qu’il ne supportait pas la promiscuité des foyers. C’était sans doute vrai, mais en partie seulement, car Normandie était toujours entre deux verres et on ne l’aurait pas accepté.

    Ouvrant les rapports fournis par Duval, Paoli sortit d’autres photos.

    — Et ceux-là, vous les connaissiez aussi, Gilles ?

    — Le vieux, je m’en souviens bien. Il s’appelait Larue. Antoine, je crois.

    — C’est cela effectivement, approuva Paoli après vérification. D’après les conclusions du médecin légiste, Larue serait mort de froid près de l’église Saint Mathieu.

    — Le froid n’est pas la seule cause de sa mort. Le chagrin aussi. Celui d’avoir perdu son chien Patouf, un bâtard sympathique, très affectueux. Le chien était la raison de vivre du vieux. Dès qu’il touchait son RMI, Larue allait dans une supérette de quartier et achetait sa boisson et de quoi nourrir Patouf. Le jour, ils se tenaient compagnie, la nuit ils se réchauffaient. Puis, Patouf est mort, empoisonné. On pensait, un collègue et moi, offrir un nouveau chien à Larue et on s’était renseigné à la SPA. Mais le jour

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