Passage à vide: Nouvelle

Par Vanessa Lépinard

Depuis toujours, Alice a du mal avec elle-même, du mal avec son corps.

Alice voudrait être comme les autres, comme Astrée. Ne pas se gaver à la moindre contrariété. Manger à sa faim, ni plus ni moins. Répondre au besoin physiologique de son corps sans lui infliger ce cirque sans fin. Elle ne sait pas faire. Ce que tout le monde fait sans même y penser, elle ne sait pas le faire.

Contre toute attente, c'est en donnant la vie à un autre corps qu'elle va se réconcilier avec le sien.

L'auteur raconte avec délicatesse la réconciliation avec son corps à travers la naissance d'un enfant.

EXTRAIT

Le repas est presque terminé.
Alice a servi une charlotte à la mangue et reçu les compliments des convives. Même les invités qui prétendaient avoir assez mangé ont fait honneur au dessert.
Alice racle consciencieusement les miettes imbibées de rhum et de crème restées sur le bord de l’assiette. Le vin, qu’elle a généreusement ingéré, opère un léger décalage entre ses pensées qui vagabondent et son corps, assis à côté de Paul, son mari, et faisant face à sa sœur Astrée. Pas de cigarette pour la contenance, pas de bavardage inutile pour combler l’ennui : même sans rien faire de particulier, Astrée est là, complètement présente. Sa peau nue est offerte au regard, son corps entièrement tourné vers autrui.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après avoir travaillé pendant une dizaine d'années dans la production audiovisuelle, Vanessa Lépinard passe par l'atelier scénario de la Fémis, puis se consacre à la réalisation et à l'écriture pour l'écran. En 2009, son court-métrage En douce est sélectionné et récompensé dans de nombreux festivals à travers le monde. Aujourd'hui, elle poursuit ses projets de fictions et collabore en tant que scénariste à plusieurs projets de longs métrages.

Passage à vide est sa première nouvelle publiée.

• Langue: Français
• Éditeur: Emoticourt
• Date de sortie: 6 févr. 2018
• ISBN: 9782823900507

Aperçu du livre

Passage à vide

Vanessa Lépinard

Scène 1

Le repas est presque terminé.

Alice a servi une charlotte à la mangue et reçu les compliments des convives. Même les invités qui prétendaient avoir assez mangé ont fait honneur au dessert.

Alice racle consciencieusement les miettes imbibées de rhum et de crème restées sur le bord de l’assiette. Le vin, qu’elle a généreusement ingéré, opère un léger décalage entre ses pensées qui vagabondent et son corps, assis à côté de Paul, son mari, et faisant face à sa sœur Astrée. Pas de cigarette pour la contenance, pas de bavardage inutile pour combler l’ennui : même sans rien faire de particulier, Astrée est là, complètement présente. Sa peau nue est offerte au regard, son corps entièrement tourné vers autrui.

Alice se trouve moins belle que sa sœur, moins singulière. Elle n’aime pas trop son corps girond et lui préfère la silhouette élancée d’Astrée. Elle reconnaît que son visage est agréable mais avance souvent en guise d’argument que les gens qui la croisent se souviennent rarement d'elle. Elle pense avoir un physique banal, interchangeable, et malgré ce que peut en dire Paul, elle ne