Mon enfance passa…: Souvenirs d’un Breton né en 1946
Par Patrick Huchet
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après une longue carrière professionnelle, Patrick Huchet choisit de savourer sa retraite en se consacrant à ses hobbies et en se plongeant dans la littérature. Grâce à sa plume délicate, il voyage dans le temps, exprime ses émotions les plus profondes et revisite avec tendresse les souvenirs de son passé imprégnés de l’amour familial. C’est ainsi qu’il vous offre ce nouvel ouvrage aussi captivant que son précédent," Les mémoires d’un œuf", paru en 2018 et publié en autoédition chez Kobo.
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Aperçu du livre
Mon enfance passa… - Patrick Huchet
1946
L’après-guerre…
L’année commence un mardi.
Ce jour-là, l’empereur Hirohito renonce à son ascendance divine.
Le 19 janvier, le Général de Gaulle démissionne en tant que président du gouvernement provisoire.
Le 27 mars, création de la FNSEA.
Le 9 avril, loi Marthe Richard sur la fermeture des maisons de tolérance.
Le 11 avril, la loi Houphouët-Boigny porte sur l’abolition du travail forcé ou obligatoire dans les colonies françaises.
Je viens au monde le 23 avril 1946, au 3e Boulevard du Colombier, à la maison avec l’aide du Docteur Saucet, qui habite, en aimable notable, la grande maison voisine cachée par une imposante grille noire en face du Pont de Nantes, près de notre immeuble.
Le lendemain, les forces franco-laotiennes du colonel de Crève-cœur – un nom prédestiné ! – entrent dans Vientiane.
Le 3 août, jour de la naissance de ma future chère et tendre, la 2 CV est présentée au Salon de l’auto.
Le 4 septembre, Guy Mollet devient secrétaire général de la SFIO.
Le premier octobre, fin du procès de Nuremberg.
Le 19 décembre, début de la guerre d’Indochine.
Naissances de l’année :
Michel Delpech, Bernard Lavilliers, Jane Birkin.
Décès de la même année :
Herman Goring, Raimu, H.G Wells, Jeanne Lanvin, John Maynard Keynes, W.C. Fields.
Quatrième enfant de la fratrie Alain Huchet, je succède à Brigitte, sœur aînée née en 1937, Marie-Noëlle, 1939 et Alain, 1941.
L’appartement du 1er étage est juste en face de la ligne de chemin de fer et, tout petit, je regarde passer les trains.
Rennes, années 50
C’est à l’institution du « Vieux Cours » dans la rue du même nom, près du Boulevard de la Liberté que votre serviteur rentra en maternelle dès qu’il fut… « propre » vers 4/5 ans.
Dans les rangs, en attendant la rentrée en classe, on tenait son index verticalement sur ses lèvres pour signifier le silence.
L’année suivante, je rentrais donc en 11e chez les frères « quatre bras » de la Tour d’Auvergne où l’instituteur, M. Desbois, imposait une discipline rigoureuse à coups de règles en fer sur les doigts réunis en offrande.
Il ne tapait pas très fort, le père Desbois, mais, avec sa blouse grise qui sentait la craie et l’encre, il avait su se faire craindre et respecter.
Je n’ai, en tout cas, jamais entendu parler de parents portant plainte à propos du traitement infligé par cet enseignant : autre temps, autres mœurs.
L’enseignement religieux n’était pas le seul choix des élites et dans la Bretagne catholique de l’époque, il était adopté naturellement par ces mêmes « honnêtes » gens qui rêvaient justement d’un futur moins gris que le leur pour leur progéniture.
Tous les horizons sociaux se retrouvaient au sein de cette école « libre » ou les futurs adultes apprenaient à se connaître et à se comprendre en se frottant les coudes parfois rudement.
Dès la petite enfance, on connaissait l’autre et on s’apercevait naturellement qu’il n’était pas bien différent de soi et qu’on allait pouvoir vivre ensemble sans trop de tracas.
Dès ce moment-là, sous l’influence… fraternelle… des chers frères, je fus – perfidement – conduit à plaindre mes « pauvres » homologues « laïcs » voués d’avance à toutes les malédictions et turpitudes de cette basse terre, n’ayant pas eu, comme « nous », la chance de rencontrer le seigneur.
On nous demandait de bien les plaindre, ce qui supposait, bien sûr, aussi implicitement d’un peu les mépriser !
Paradoxalement donc, quand les différentes strates sociales acceptaient de vivre paisiblement ensemble, c’était au prix de quelques distanciations au principe intellectuellement discutable.
Sans doute le prix à payer pour assurer une paix sociale ?
Les premiers combats de cartables avaient lieu à la sortie des classes sur le boulevard de la TA (Tour d’Auvergne). Premières luttes sociales de vies fragiles qui, tout juste, s’éveillaient.
Au Printemps, on enfermait des hannetons dans des boîtes d’allumettes et on organisait, entre deux parties de billes sous le préau, des courses acharnées.
Nos professeurs, les frères « Quatre bras », étaient sévères, mais justes.
Les trouble-fêtes étaient immanquablement repérés et punis avec une juste mesure.
Les bandes s’organisaient dans la cour de récré et les coups de galoches n’étaient pas rares pour assouvir les précoces instincts de domination de certains.
La vie, quoi !
Au retour, après la sortie de classes à 4 heures et demie, on rentrait en longeant le boulevard de la Tour d’Auvergne.
Il y avait souvent arrêt à l’épicerie du coin pour acheter des chewing-gums « gagnants » : on déroulait le papier d’emballage pour voir si on avait gagné une autre friandise, ou des « carambars » collants et gluants, mais, si gouleyants !
Ou bien, on passait à la boulangerie Pichard de la rue de Nantes – entre l’épicerie Gruel et la boucherie Cohan – pour acheter un « pommé », une part de flanc ou un pain au lait et l’on faisait marquer l’achat sur le compte des parents.
Une autre fois, c’était un arrêt au bureau de tabac (chez Gauchard) au bout du boulevard. Un couple à la Dubout : M. Gauchard était très menu, très timide et très gentil, sa femme était une grosse dame éthylique qui étalait ses kilos superflus et qui semblait haïr le monde entier. Elle me mettait très mal à l’aise. J’achetais régulièrement des bandes dessinées : « Kim », « Buck Jones ». « Kit Carson », « Blek » « Hopalong Cassidy »…
En rentrant, je m’asseyais dans la cuisine, sur un petit banc, avec une chaise « de grand » en guise de table ou je plaçais mon illustré debout contre le dossier de la chaise en dégustant mes tartines beurrées trempées dans du café au lait.
Rosalie était notre fidèle femme de ménage. On ne lui donnait pas d’âge, elle souriait tout le temps en roulant un peu les « r ».
Le vendredi, elle officiait à la tuile pour nous confectionner les galettes traditionnelles.
(Pas de viande le vendredi.)
Après le goûter, c’étaient les devoirs, et si la lumière et le temps le permettaient, un tour dans la cour de l’immeuble pour shooter dans la balle ou jouer à chat perché avec les copains du coin.
René Coty avait succédé sans bruit à Vincent Auriol. Le nouveau président sentait bon le terroir, le bon sens et la représentation d’une France enfin en paix avec elle-même. Pas d’arrogance, pas de mépris.
La fonction n’a sans doute jamais été assumée aussi discrètement. Coty ne régnait pas, il présidait sereinement une France sortie de ses blessures et avide de stabilité et d’espoirs autant que de sourires.
Un intermède à graver dans les mémoires…
Ces années 50 c’était la Juliette qui haïssait les dimanches, le petit Aznavourian qui ne s’était pas encore refait faire le nez. Les caves de saint germain – des – prés ou ils be-bopaient ne représentait pas grand-chose pour le petit rennais que j’étais.
Approchant des 10 ans, mes préoccupations étaient plus pratiquement axées sur le vestimentaire : le passage des culottes courtes au pantalon, avec braguette, s’il vous plaît !
Cela m’avait valu ma première véritable honte quand, mon grand frère m’avait – pour une fois ! – emmené à la séance du dimanche après-midi à l’Arvor pour voir « la princesse de Samarcande ». L’excitation liée à l’évènement m’avait conduit à trop retarder un soulagement naturel et l’ouverture de la nouvelle braguette ne s’étant pas faite dans les temps, j’avais dû misérablement assister au spectacle en supportant les sarcasmes du cruel grand frère qui se bouchait le nez à cause des relents d’urine émanant du nouveau pantalon souillé.
Triste début d’une adolescence par ailleurs plutôt heureuse et insouciante…
En composant cet ouvrage, j’ai retrouvé, dans mes tiroirs, quelques portraits que j’avais tracés de mes proches il y a une vingtaine d’années.
Derrière ces portraits, c’est cette « vie d’avant » qui transparaît en filigrane, avec nos préoccupations du moment et nos manières de penser.
Je les livre ici in extenso.
Papy
Mon père était un personnage très atypique.
Je ne sais plus exactement quand j’ai écrit la nouvelle qui suit, mais, en la relisant aujourd’hui, je ne trouve pas un mot à changer.
En fait, Papy, c’est mon papa.
L’Appellation « Papy » est devenue la norme quand mes enfants et mes neveux et nièces, puis les descendances l’ont ainsi nommé.
Puis, tout le monde l’a adoptée naturellement.
Ça lui allait bien.
Il avait la rondeur qui s’y prête et il a toujours adoré les enfants.
C’était un homme de cœur, difficile, coléreux, excessif, mais un être ultra-sensible derrière cette rugueuse apparence.
Malgré ses maladresses, son manque total d’impartialité bien souvent caricatural (les fonctionnaires et les médecins, tous des c…) ses jugements à l’emporte-pièce, curieusement, tout le monde l’aimait plutôt bien.
Moi, je l’ai toujours aimé, tout court et d’instinct, d’abord, étant petit, tant il était vivant tendre et drôle, puis, toujours avec mon cœur, mais aussi avec ma tête quand nous avons tous deux pris de l’âge, que je l’ai vu souffrir, colérer, douter, ne plus comprendre, jusqu’à désespérer.
J’ai compris sur le tard que ses colères et son instabilité démontraient une profonde angoisse devant les choses de la vie qu’il avait peine à maîtriser, une peur intense de ne pas pouvoir y arriver.
Son propre père, donc mon grand-père que je n’ai pas connu, était médecin et sa mère était morte en le mettant au monde.
Pas des conditions idéales pour débuter une vie sereine.
Il fut pourtant élevé au sens propre dans un château, dans une ambiance bohême où l’on jetait des rôtis entiers aux meutes de chiens de chasse et où l’on attachait, pour