D’abord, il y a eu cette silhouette fugitive, croisée un soir à la sortie d’une librairie de Saint-Germain-des-Prés, comme échappée d’un poème de Baudelaire, celui qu’il a dédié « à une passante » : « Un éclair... puis la nuit ! » La nuit de son regard, puis la lumière de son sourire ; impossible de se défaire de ce souvenir. Et maintenant la voilà, des années plus tard, une après-midi d’automne à Paris, dans l’intimité de la bibliothèque de l’hôtel Lutetia. Élégance, sens du tragique et humour indomptable, Fanny Ardant a accepté cette conversation à bâtons rompus, durant près de deux heures, sans vraiment savoir où tous ces mots allaient nous mener.
De sa voix si reconnaissable, elle évoque ses passions violentes, des addictions à la littérature russe ou au chocolat, le goût farouche de l’inconnu et, dans le même élan, le dégoût du voyage. Pas question de traverser la vie en touriste, mieux vaut être traversée par elle, la vie, qu’il s’agisse d’une joie ou d’un chagrin. Souvent identifiée à La Femme d’à côté, elle se définirait plutôt comme « la femme de l’autre côté », celui de l’art et de la surprise. Il faut écouter ses charmants paradoxes. Elle se dit inculte, mais connaît tout Dostoïevski. Elle dit détester les normes sociales, tout en étant fascinée par les règles de la culture japonaise. Elle n’obéit à personne, peut-être même pas à elle-même. Elle dit ne pas avoir d’amis, mais le formule avec une joie étrange. Elle fréquente volontiers tout ce qui est sombre, parce qu’en jaillit la lumière. « Seules les natures élevées, écrit Hegel, vivent dans la contradiction. »
Pour toutes ces raisons, parce qu’elle ne se prend pas au sérieux mais aime sérieusement la vie, parce que sans craindre l’adultère, elle croit à l’amour absolu, parce qu’elle n’a peur de rien ni personne mais aime faire peur aux enfants, parce qu’elle n’a rien à