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La mélodie du malheur
La mélodie du malheur
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Livre électronique117 pages1 heure

La mélodie du malheur

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À propos de ce livre électronique

Un village enchanteur et bucolique. Un éternel soleil. Mais sous la surface, une noire vérité…
Mina vient d’emménager aux Trois Epis. Enfant surdouée, elle a du mal à se faire des amis. Sa rencontre avec Lucien, un gamin du pays, va changer la donne. Hélas Mina décou-vrira qu’aux Trois Epis, certaines choses se payent cher.
LangueFrançais
Date de sortie5 févr. 2024
ISBN9782491750466
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    Aperçu du livre

    La mélodie du malheur - Michael Moslonka

    LA MÉLODIE DU MALHEUR

    Michaël Moslonka

    LA MÉLODIE DU MALHEUR

    Logo-Faute-de-Frappe

    La version courte de ce texte est parue dans l'anthologie Mystères et mauvais genres chez Sombres Rets, collection Nuits noires, en 2010.

    ISBN : 978-2-9563460-9-8

    Dépôt légal janvier 2020

    © Editions Faute de frappe

    Tous droits réservés.

    « En tous lieux, il commande, mais là il règne. »

    Dante – La Divine Comédie

    Le passage

    Debout sur le versant ensoleillé de la colline, une main dans sa poche de salopette, le vieil homme fume sa Gitanes. À son niveau, Lucien, un garçon de treize ans, cogne un galet contre le rocher sur lequel il est assis. Autour d’eux, le vent tente de revivifier l’herbe jaunie par la chaleur. Dans l’air lourd, rafraîchi par ce souffle bienvenu, vrombissent mollement quelques mouches éparses. Excepté leur bourdonnement et les coups de pierre, aucun autre bruit ne trouble la quiétude de cette journée d’été.

    L’aïeul et le préadolescent contemplent la route qui, en contrebas, serpente à travers la campagne. Une poignée de maisons s’alignent de chaque côté de l’un de ses tronçons : des habitations modernes, entourées d’un muret blanc garni de tuiles rouges ou d’une haie de thuyas, à la pelouse arrosée avec abondance – malgré les restrictions d’eau dues à la sécheresse – et disposant d’un garage au sous-sol. Elles poussent tranquillement au milieu d’un écrin de prairies et de champs de blé, tandis qu’en arrière-plan somnole une église romane.

    À l’une des extrémités de cette paisible rangée, juste au niveau du panneau qui annonce le lieu-dit, se trouve une ferme. Des poules caquettent sous sa porte cochère. Dans la cour intérieure, un tracteur John Deere et une moissonneuse-batteuse verte attendent l’heure de la récolte.

    — Décidément, c’est un vrai coin d’paradis, commente le vieux en soufflant sa fumée.

    Des volutes bleutées quittent sa bouche et ses narines pour monter vers le ciel d’azur.

    Le préadolescent se renfrogne.

    — Un coin d’paradis, tu dis ? Sérieux ? Les portables captent que dalle, Internet, c’est mort et le premier centre commercial est à vingt bornes d’ici ! En plus, y a que des cars scolaires qui passent. Tu parles d’un coin d’paradis !

    À chacune de ses énumérations, il frappe sèchement le rocher avec son caillou plat.

    — Cesse de faire l’enfant, le réprimande le vieil homme, sa clope et un sourire indulgent à la commissure des lèvres.

    Lucien laisse le bloc de pierre tranquille. Il tourne vers l’ancêtre sa moue boudeuse.

    — Je te rappelle que je suis un enfant !

    L’autre lève les yeux au ciel. Sur ses traits tannés par l’existence, son humeur bienveillante s’envole en même temps qu’un trio de corneilles. Les croassements rauques et durs de ces dernières viennent briser la sérénité des lieux.

    — C’est ça, râle le vieil homme, joue au malin avec moi !

    L’humeur du garçon change à son tour. Il se passe la main dans ses cheveux en bataille et met à rire, s’amusant avec bon cœur du jeu de mots. Ses éclats frayent avec le cri sonore des passereaux noirs.

    — Silence ! intime soudain l’aïeul. Zyeute là-bas...

    Une voiture roule vers les maisons.

    Lucien arrête de rigoler.

    Il interroge le vieux du regard. Celui-ci ne répond pas. Il se contente de hausser les épaules, sa Gitanes dansant avec incertitude le long de sa bouche.

    * * *

    Un peu avant les jolies maisons, une pancarte demande de ralentir et de « penser à nos bouts d’chou ». La voiture, un modèle gris métallisé, obtempère. Le conducteur sait ce que c’est de se soucier de la vie d’un « bout d’chou ». Sa femme, assise à son côté, et lui sont les parents d’une petite Marina, une fillette de huit ans, menue, aux grands yeux marron, aux joues tapissées de taches de son et aux cheveux bruns noués en couette. Elle est attachée, comme il se doit, à l’arrière du véhicule familial.

    — Le coin est sympathique, commente le père de famille en longeant les habitations. Idéal pour un véritable chez-soi !

    La mère regarde, dans le rétroviseur extérieur, le panneau qui annonce le lieu-dit s’éloigner.

    — Et le nom de ce hameau est charmant ! s’extasie-t-elle. Les Trois Épis, c’est ma-gni-fi-que !

    Un sourire empli de douceur aux lèvres, les yeux brillants d’un plaisir sincère, elle se redresse et tourne la tête vers la banquette arrière.

    — Qu’en penses-tu, Mina ?

    De derrière sa ceinture de sécurité, Marina lève son joli minois de son roman de plage. Depuis qu’ils sont partis, elle bouquine les aventures de son personnage préféré : Ali, une  enfant à peine plus âgée qu’elle, qui résout des énigmes avec ses amis. C’est sa mère qui lui a fait découvrir cette série. Elle est libraire. Son père, lui, est psychologue.

    Le visage de la fillette se teinte de gravité. Une gravité rare chez un enfant...

    Âgés tous deux de quarante ans, ses parents ont de sérieuses responsabilités à assumer avec leur métier et des agendas très chargés, si bien que les sorties en famille sont rares. Quand l’un est présent, l’autre est occupé à travailler. Ils s’organisent pour se relayer afin qu’elle ne soit pas élevée par une nounou... Néanmoins, deux à trois fois par an, ils s’arrangent pour passer du temps tous ensemble. Cette année, aux vacances d’été, ils ont programmé un séjour de quatre jours sur la côte. Ce qui devrait ravir la fillette. Tel n’est pas vraiment le cas. La petite Marina a l’impression que ses parents se rachètent ainsi une bonne conscience.

    Ses sourcils se froncent.

    Peut-être est-elle dans l’erreur ?

    Elle recouvre son sourire.

    Elle se fait des idées ! Son père et sa mère ont autant besoin qu’elle de ces moments à trois, l’esprit et leur agenda libérés de toutes contraintes. Elle serait bêta de ne pas en profiter ! Alors, elle approuve d’une voix joyeuse :

    — Oui, ma m’man ! Oui, mon p’pa !

    Elle précise d’un ton savant :

    — En plus, c’est écrit sur le panneau que Les Trois Épis, ils sont jumelés avec une ville italienne. Elle s’appelle La setta dei cattivi !

    La prononciation transalpine et l’accent de la fillette sont impeccables.

    La bonne ambiance dans l’habitacle se refroidit.

    Les parents échangent un coup d’œil troublé.

    — Comment as-tu vu ça, ma chérie ? s’enquiert avec une douceur prudente la mère. Ton nez n’a pas quitté ton livre depuis que nous sommes partis...

    — Et comment peux-tu connaître l’origine de ces mots ? veut savoir son père. D’ailleurs, où as-tu appris à parler l’italien ?

    — Je l’ai jamais appris..., commence Mina avant de s’interrompre et de pincer les lèvres.

    Aïe ! Tout à son engouement, elle est allée trop loin.

    Ses joues s’empourprent

    Elle baisse la tête.

    — Désolée, s’excuse-t-elle. L’origine m’est venue comme ça… La prononciation aussi. Il y a un épisode de Bob l’éponge où il s’amuse à imiter l’accent italien. J’ai juste pris exemple sur lui…

    Comme une supplique, elle ajoute :

    — Je ne sais même pas ce que ces mots signifient…

    Au même moment, sur le versant de la colline, le vieux acquiesce. Lucien, lui, s’est levé. Il se tient à ses côtés.

    — Pas évident d’éduquer une surdouée, marmonne l’ancêtre.

    — Je veux qu’elle reste ! exige le garçon.

    L’œil rayonnant, il affiche un sourire jusqu’en haut des oreilles.

    L’aïeul hausse de nouveau les épaules.

    — Si tel est ton désir, ils reviendront…, philosophe-t-il.

    Il regarde du côté des quelques mouches. Celles-ci sont en train de déserter les lieux. Vrombissantes, elles zigzaguent vers le bas de la colline.

    Son nez se plisse. L’air lourd se charge des effluves caractéristiques du fumier que les cultivateurs épandent dans leurs champs.

    Ce vrai coin d’paradis, c’est aussi ça, semble se dire le vieil homme.

    Avec un long soupir, il se met en mouvement.

    — Allez, viens, exige-t-il à l’intention du préadolescent, il y en a qui s’annoncent. On a du boulot…

    Ceci dit, il descend la pente d’un pas traînant, les mains dans les poches de sa salopette, le mégot éteint entre ses lèvres desséchées

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