L’étoile du bonheur
Par Isidor Ouédraogo
5/5
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Isidor Ouédraogo a été, entre autres, animateur radio d’émission littéraire et culturelle, juré de concours d’art oratoire et de débat et enseignant de français avant de s’inscrire, en 2022, en master de français langue étrangère de l’université de Rouen en Normandie. Lauréat de compétition littéraire, il nous offre ici son second roman, L’étoile du bonheur, qui témoigne de son engagement pour la cause et la condition de la femme.
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Avis sur L’étoile du bonheur
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Aperçu du livre
L’étoile du bonheur - Isidor Ouédraogo
Chapitre 1
Sur toute l’étendue du territoire du village de Samôgohiri, tous les habitants étaient ahuris par ce qu’ils vivaient depuis quelque temps. Les jours assombris relayaient les nuits obscures, avec un climat plus ou moins clément. Tous les agriculteurs étaient ébaubis par ce qui arrivait, particulièrement Gandaogo, un jeune et intrépide cultivateur. Tous pleuraient, invoquaient et priaient intérieurement. Malgré tout, la vie suivait toujours son cours. Rien n’avait changé, sauf le ciel qui, le jour, passait de son fond bleuté à un brun-marron. La nature présentait un aspect de calvitie gazonnier non verdâtre. Elle était bien jaune laissant à découvert des brindilles, des sachets plastiques et quelques feuilles jaunâtres des arbres trimballés çà et là par les tourbillons. La chaleur torride obligeait femmes, hommes et enfants à se retrouver sous les gros arbres ombrageux des figuiers et sous l’ombre des branches de baobab sans feuille en attente d’arrosage. Ce n’était plus qu’un secret de polichinelle. Ils savaient tous que l’hivernage frappait à la porte déjà, signe de la traversée des tempêtes, de la sécheresse, de la chaleur, du désert pour la destination promise. Tous les habitants du village s’y préparaient en conséquence. Ici, on renforçait les poutres des cases ou on renouvelait les toitures des chaumes et là, on vannait, on triait et on gardait soigneusement les meilleures semences qui contiendraient et la vie et l’espoir du cultivateur. Le manioc, le sorgho, le riz étaient apprêtés avec grand soin pour l’arrivée de l’hivernage. Les champs défrichés et brûlés avaient perdu leurs toitures protectrices. Détruits par le feu, ils attendaient d’être davantage frappés par les rayons solaires de la saison pluviale. Laquelle saison ne se différenciait de la saison sèche que par la durée relativement plus courte en matière de sécheresse. Soigneusement sélectionnées depuis le temps des récoltes précédentes, les croque-morts greniers pouvaient commencer l’enterrement de leurs victimes.
Un après-midi alors que les habitants s’occupaient à diverses activités et dans une complicité du silence, le ciel avait réuni de gros nuages noirs de toutes les formes. Un premier grondement se fit entendre et fut accueilli avec beaucoup d’enthousiasme. Puis une cacophonie de grondement tonna, résonna et fut entendue par intermittence par les villageois qui se mirent très vite dans un remue-ménage. On s’empressait et on courait dans tous les sens pour sauver tout ce qui pouvait être emporté ou endommagé par l’orage ou le violent vent de la crépusculaire averse. Les chèvres affolées courraient partout et dans tous les sens. De loin, un vieux à la barbe blanche, insensible aux mouvements de sauve-qui-peut, s’arrêta avec sa canne, scruta le ciel et déclara : « M’ba saaga, Wenna kon f sougri (Nous implorons ta clémence, chère pluie) » ; puis il continua sa route.
Un autre grondement encore plus menaçant et plus proche se fit entendre. Le vent en rage soudain rompit ses cordes et s’abattit sur tout Samôgohiri comme un épervier fondant sur sa proie. De grosses gouttes commencèrent à mouiller le sol, une à une, puis par centaines, par milliers. Le temps s’assombrit. Le ciel en quelques instants déversait sur la terre chaude de Samôgohiri des cordes liquides. Des éclairs zébraient tout le ciel. Le tonnerre grondait par intermittence. À chaque coup du tonnerre, les enfants dans les cases frémissaient. Ils s’agrippaient aux jarres, certains même se bouchaient les oreilles. Quant à leurs parents, en bon Sawadogo, ils étaient tranquilles. Les fétiches enfouis ou accrochés aux poutres des cases les protégeaient de toute attaque maléfique venue à la faveur de l’orage ou de tout autre contexte. L’orage dura une grande partie de la nuit, puis le ciel rendit les dernières trombes d’eau. Le matin au réveil, un spectacle désolant s’offrait aux regards : animaux emportés, toits de chaume envolés, sekos défaits, cases inondées... Tout était sens dessus dessous. Les feuilles des arbres, les pailles et les pagnes avaient été convoqués et traînés de force sur les branches de l’arbre à palabres, près du domicile du chef du village. Trottant devant sa cabane, les pieds dans la boue, un octogénaire fit le triste constat lui aussi puis, ironiquement cette fois, affirma : « Ayiwaa, mba saaga; Tond ka noor n poussid f ye ; Wenna reegué (Chère pluie, les mots nous manquent pour te remercier) ».
Quelque temps plus tôt, les habitants avaient déjà apprêté le nécessaire pour la relance des activités champêtres. Les animaux de trait (ânes, bœuf, chameaux…) avaient été soigneusement recherchés et ligotés par leurs propriétaires, les dabas et les semoirs apprêtés avec grand soin pour le début des semences. Afin de rompre avec les pratiques agricoles traditionnelles rudimentaires, de nouvelles techniques agricoles avaient été déjà initiées. La technique du zaï fut expérimentée. Aussi, l’engrais chimique fut remplacé par le fumier organique fait d’excréments d’animaux et de déchets de plantes ou d’arbres morts. Cependant, en dépit de toutes les précautions prises, la campagne agricole ne fut pas à la hauteur des attentes. L’espoir des paysans, consécutif à une pluviométrie longue et bien répartie dans l’espace, s’était transformé en cauchemar, car la saison pluviométrique n’avait duré que deux mois, au lieu de quatre mois et demi.
Gandaogo, sentant la situation de plus en plus insupportable, plia bagage à destination de Marouwa, un peu plus dans le sud-est de l’Afrique de l’Ouest, où il pleut abondamment.
Gandaogo alla s’installer à Marouwa, loin de son Samôgohiri natal. Il était d’avis que l’aventure même si elle n’arrive pas à rendre riche, elle éveille et change ta manière de percevoir le monde.
Le temps n’avait pas non plus épargné le sage Belemyêbré, un sage des notables et dignitaires descendants de Marouwa. Ses os à chaque génuflexion craquaient comme de branches mortes en proie à des flammes. Malgré l’expression de l’âge sur son corps et son visage à travers les rides repliées sur elles, il avait toujours gardé la foi et les bonnes habitudes. Cette foi s’était même endurcie et son œuvre de bienfaisance s’élargissait davantage. Il ne fallait surtout pas baisser les bras après tant d’hivernages de services dûment remplis, et lui rappelant une jeunesse des plus nostalgiques de sa vie d’antan. Il préparait son âme comme une semence afin qu’elle puisse être choisie et semée dans le Jardin de toutes les Contemplations, dans le haut lieu céleste sacré où se reposent Dieu le créateur, ses anges et les bonnes âmes. Les bonnes actions et les prières de la journée étaient au sage Belemyêbré ce que les cocoricos étaient aux jeunes coqs.
Le temps s’écoulait toujours, depuis l’arrivée de Gandaogo à Marouwa. On se tapa encore une nouvelle saison. On était entré de plain-pied dans les durs et pénibles travaux champêtres des plantations d’hévéa, de cocotiers et d’avocatiers. Comme à chaque hivernage, la famille de Gandaogo avait toujours la peur au ventre.
Installé dans ce campement loin de la terre natale de Samôgohiri, dix ans plus tôt, Gandaogo avait bénéficié de la sympathie de son père et était parti avec une très belle et jeune femme dynamique avec qui il a eu le plaisir de célébrer des noces. Avec la bénédiction de tous les membres proches et alliés de la famille, il avait pu, en l’espace de dix ans seulement, faire des gosses, grâce à la fertilité de Pagnangdé, sa ravissante épouse. Il avait pris le soin d’emmener avec lui dans le campement, toute sa famille.
Chapitre 2
Gandaogo avait bénéficié de l’hospitalité légendaire des habitants de Marouwa. L’autorisation lui avait été donnée d’exploiter et d’en faire sa propriété, un vaste domaine s’étendant à perte de vue dans la forêt classée de Koua. Cette exploitation nécessitait une grande prudence du fait que la forêt hébergeait toutes sortes d’animaux sauvages et féroces tels que les serpents venimeux, les félins carnivores, etc.