Du fond de la grotte: Roman
Par Dahmani Chihani
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ingénieur, Dahmani Chihani a passé la première partie de sa vie à travailler dans les mines, en Algérie et au Canada. Dans un retour aux sources, il écrit Au fond de la grotte pour faire connaître l’histoire de son pays natal.
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Aperçu du livre
Du fond de la grotte - Dahmani Chihani
Première partie
Ouenza
Le son strident de la sirène retentit, une légère secousse agita le village et un nuage rouge-ocre se dégagea vers le ciel, en même temps que la déflagration. Bien que le tir soit quotidien, on levait automatiquement la tête pour admirer le spectacle.
« Il est 1 h 15 ! »
« La poussière est rouge, c’est du minerai de fer ! » s’exclama Tahar.
« C’est une volée de bon minerai, et les trains vont être remplis aujourd’hui », renchérit Kirouan avec une pointe de satisfaction.
Avant même la dissipation des poussières, les engins de terrassement grimpent dans la précipitation, comme de petites bêtes qui ont été lâchées pour nettoyer les plates-formes et les routes afin de permettre à l’équipe du deuxième poste d’évoluer dans les meilleures conditions.
Les habitants du village vivaient au rythme, non seulement de ces explosions, mais aussi des sons assourdissants des gros démarreurs des camions de carrière, et du rugissement des grosses machines.
La mine se trouve dans le djebel Ouenza, cette montagne majestueuse qui tire son nom d’une question, restée sans réponse, d’un marchand qui cherchait la tombe de son ami. Ce nom fut légué à la mine qui le donna à son tour au village, pour s’enlacer dans une étreinte éternelle.
Lorsqu’on s’aperçut que la main-d’œuvre locale était plutôt attachée à sa terre même aride, et que la mine passait au second plan, surtout lors des saisons de moissons et semailles, on fit appel aux Algériens d’autres régions, aux Tunisiens, aux Marocains, et aux Libyens. Évidemment, l’encadrement demeura entre les mains des Européens.
Le caractère cosmopolite donna un cachet particulier à la population, qui tranchait avec la configuration tribale de cette contrée, jusqu’au jour où des aventuriers sans vergogne lézardèrent cet édifice pour les besoins de leur cause. Malgré les multiples ruades reçues par le village, l’adoption de la devise : « Notre mulet au lieu de leur cheval de course », restera toujours en vigueur.
La ligne de chemin de fer, qui était la première ligne électrifiée en Algérie, constituait une frontière et partageait le village en deux. À l’est, la zone des indigènes et de l’indigence, et à l’ouest ce sont les nantis. Cette répartition se poursuivit même après l’indépendance.
Cité centrale
C’est le quartier principal d’Ouenza. Les maisons aux toits en tuiles rouges sont emmitouflées dans de grands pins séculaires, et assises sur un banc de conglomérats qui couvre une marne gypseuse, naturellement parasismique, ce qui explique leur bonne tenue malgré les déflagrations quotidiennes.
Les demeures étaient dotées de jardins fleuris parfois aussi grands que le camp-bougie lui-même !
La senteur qui se dégageait de ces jardins nous attirait pour des virées nocturnes très vite réprimées par des gardiens, généralement d’anciens maquisards ayant gardé leur ardeur belliqueuse. L’un d’eux, dont la moitié de la denture est métallisée, était passé maître du lancer de la canne en olivier. Il la lançait à ras le sol, en la faisant tournoyer, pour faucher les petites jambes, et faisait chuter l’enfant. La guerre des enfants était loin d’être terminée, et ils ne goûteraient pas à la saveur de la liberté de sitôt.
À côté des écoles, il y avait le Monoprix encadré par la poste et la boucherie. En face, c’était la mairie occupant l’étage au-dessus du commissariat de police qui avait son entrée de l’autre côté. Et juste à côté, notre fierté, l’emblématique salle des fêtes avec le cinéma où l’on avait vu les plus beaux films. C’était le centre-ville.
C’était la cité destinée aux Européens, sur laquelle s’étaient greffés des logis de travailleurs de différents types.
L’entretien dans les différents corps du bâtiment était assuré par le service cité, et la sécurité par la gendarmerie à l’ouest, et une caserne de la garde mobile à l’est.
Camp bougie
Après l’indépendance, la caserne de la garde mobile avait été désaffectée, et des sans-logis y avaient été parqués à la hâte. On avait enlevé la clôture, mais ce n’était pas suffisant pour lui donner l’air d’un quartier résidentiel, on avait donc rajouté une traduction pompeuse « quartier des bougies ». Même avec ce subterfuge, il était resté la tare de la cité centrale. La plaie.
C’était comme un îlot de misère dans une mer de prospérité.
Chaque famille avait eu droit à une chambre et un mode d’emploi de débrouille. Les derniers arrivés s’étaient contentés des poulaillers. Comme si les poules avaient compati aux sorts de ces miséreux, jusqu’à leur abandonner leur propre foyer. Peut-être c’était pour les récompenser de leur geste noble que plus tard, lorsque certains habitants auront les moyens de les acquérir, elles circulaient librement dans tout le camp, suivies de leurs jolis petits poussins jaunes. Elles étaient adorées presque comme les vaches sacrées de l’Inde ! En tout cas dans le cœur des enfants, car elles donnaient des œufs, objets de leur convoitise.
« C’est le tour de ton frère, aujourd’hui ! » m’avertissait affectueusement ma mère, en lissant les cheveux du haut de mon crâne, comme pour, d’un seul coup, effacer mon amertume et ma faim. « La poule ne donne qu’un seul œuf par jour, tu le sais ! »
Mon frère à l’affût, prêt à bondir devant notre unique poule qui caquetait. Dès sa ponte, l’œuf servait à faire une délicieuse omelette, qu’on avait rarement la chance de goûter dans sa vie.
Si l’on était patient, elle pourrait aussi nous donner un poulet qui servirait à la bonne chorba du premier jour du ramadan.
Ma mère est une femme longiligne très propre, qui se souciait au même degré, aussi bien de son hygiène corporelle que spirituelle, elle était toujours immaculée et ne différait jamais ses prières. Elle s’attelait à donner l’aumône, rendre visite aux malades, et veillait à assister aux évènements de toute la famille. Elle ne ratait jamais un mariage ou un enterrement. Même après le retour de Sultan de l’armée, elle avait continué à