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La vie hypothequée: Roman africain
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Livre électronique238 pages3 heures

La vie hypothequée: Roman africain

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À propos de ce livre électronique

Une prédiction a été faite à Sancho : il rencontrera un blanc qui lui concédera sa fortune.

A sa naissance, dans une contrée ancrée sur les croyances ancestrales, Sancho, un initié reçoit un bain dans une rivière sacrée. On lui prédit qu’au cours de sa vie, il rencontrera un blanc qui lui concédera sa fortune. Quand il grandit, Sancho prend la route vers cette lointaine promesse, il rencontre Mouémèsse, une fille dont il s'éprend. Dans cette envolée vers sa fortune parfois, le doute s’installe. Va-t-il rencontrer ce blanc prédit par ses ancêtres et faire fortune ? Mouémèsse ne va-t-elle pas le détourner de ses croyances ancestrales ?

Découvrez sans plus attendre ce roman africain et partez à la rencontre de Sancho, en route vers une promesse : la fortune !

EXTRAIT

Sancho affirmait son individualité dans son travail, particulièrement durant la quatrième année lorsqu’il prit réellement causes pour des injustices criantes dans le traitement des travailleurs immigrés. Il s’était alors fait remarquer par sa gouaille et son éloquence. C’était un personnage volubile, volontaire et captivant. Il parlait en autoritaire, subjuguant son auditoire, par sa manière à dénoncer l’évidence de certaines décisions xénophobes.
Au demeurant, cela suscitait la jalousie dans son service. Des tensions envieuses se firent jour entre lui et ceux de ses collègues qui éprouvaient du dépit devant son autorité.
On lui envoya une foudre une nuit de fin décembre. La nuit ornementale de feux de combustions vives et artificielles des projectiles multicolores qui meurent à petit feu, celle de la saint sylvestre. Mais, Sancho et sa famille en sortirent. Ils veillèrent entre deux feux qui consumaient leur maison.
Sancho perdit tout. Heureusement qu’il était sorti avec son borofin. Ses ancêtres avaient-ils tissé une toile de protection au-dessus de la sacoche ?
Instinctivement, il se remit à caresser son sac fétiche. Il avait tout perdu mais pas la vie.
Une histoire presque impossible. Une tragédie d’opéra.
Sancho était anxieux alors que sa famille était terrifiée.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Olivier Tsélé-Moulebou est né à Pointe-Noire, au Congo-Brazzaville. Après des études supérieures en chimie en Côte d'Ivoire, il revient dans son pays natal et se donne à l’écriture, son passe-temps favori.
LangueFrançais
Date de sortie27 juil. 2018
ISBN9782378773830
La vie hypothequée: Roman africain

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    Aperçu du livre

    La vie hypothequée - Olivier Tsele

    La naissance de Sancho

    Le bonheur coulait comme un rayon de miel à Kimbimi. Un sanctuaire de vie sauvage de quelques dizaines de villageois dont l’amour dépasse la surabondance de la nature.

    Un clair de lune chatoyant berçait le village tranquille où, depuis une demi-heure, tout semblait dormir comme plongé dans un sommeil artificiel.

    Après les champs, les retrouvailles avaient été joyeuses. Les villageois avaient bu du vin de Tsamba (vin de palme), s’attardant au crépuscule.

    À peine étaient-ils assis sur de longs bancs au milieu de la grande cour ouverte, ils avaient avalé déjà plusieurs verres. D’un à deux verres habituels, chacun était passé à cinq ou six, jusqu’à ne plus se rappeler combien ils avaient ingurgité dans la soirée.

    Gagnés par la fatigue qui devenait écrasante, les « kimbimois » étaient rentrés dans leurs cases. Ils sommeillaient dans la nuit calme et paisible.

    L’air s’embaumait de froid. Le vent, mugissant orientait son sifflement vers Kimbimi Sud, soufflant comme un buffle en colère. La lune devenait aussi lumineuse qu’un milliard d’étoiles. Les lucioles voltigeaient, luisant le long de la piste de milliers d’étincelles.

    La vie s’était retrouvée dans la dernière case, chez les Tébés.

    Assis, les fesses enfoncées dans un sac d’arachides, Niama-Kata regardait fixement la toiture de pailles. Les putois trottinaient dans tous les sens, couinant nerveusement. Les couinements s’estompaient un moment après ses « chut ! chut ! », puis reprenaient, produisant un timbre qui perturbait le silence de la pièce. Un instant calme qu’il partageait avec ses mannes.

    Ce moment, il l’attend, il l’a attendu, vingt-cinq ans durant, depuis qu’il a épousé sa femme.

    Enfin, l’accouchement. Tout dépendait de cet accouchement ; sinon, à sa mort, tout disparaîtrait. Sa vie mariait angoisse et souci. Enfin, il allait avoir un fils, bourreau de travail, vif et très intense, à qui il passerait le « patrimoine » de ses grands-parents ; le borofin de son père qui se transmet d’homme à homme, de père en fils.

    Niama-Kata s’assoyait, se levait, par intervalles de temps réguliers et se précipitait aux nouvelles vers la matrone quand la douleur de sa femme s’accroissait.

    Son épouse se retournait sur le « lit de Koudika » (grabat), poussant des cris aigus prolongés des hurlements de douleur. Des cris de l’accouchement qui annonçait la venue de son fils. Par moment, il gagnait la chambre et venait s’asseoir à ses côtés pour lui lancer des encouragements.

    Il s’émerveillait à partir réaliser les splendeurs avec son fusil. Alourdi par la sangle, il glandouillait en attendant son heure.

    Toutes les nuits, il abandonnait Mouéma-Tébé, sa femme pour ses parties de chasse. Dans une valse-hésitation, une idée le retenait là. Rester, partir, le choix s’alternait. Le garçon n’était pas encore là. Encore un peu, il sera là, peut-être avant le début du jour. Les esprits ne mentent pas, ils m’ont donné un fils, ils ne l’arracheront pas dans mes mains.

    Il se leva, lui servit un peu d’eau dans un gobelet en bambou puis s’en alla bon train reprendre son train quotidien dans un traînement de pas.

    Le village avait baigné dans le petit jour. Sa tranquillité apparente était menacée par l’insoutenable sécheresse. On n’avait pas eu souvenir d’une période aussi longue sans pluie. Les nuages avaient pourtant sillonné le ciel. Le soleil avait grillé les quelques gouttes d’eau qui étaient retombées à peine sur le sol. Le lit de sable n’était devenu que poussière, les cultures avaient offert un spectacle désolant. Les végétaux avaient grillé.

    Les carcasses des animaux gisaient dans les branchages des arbres qui se défeuillaient et séchaient.

    Les oiseaux comme des artisans œuvraient à la construction de leurs nids, les mâles emportant les brindilles les femmes les mettant en place. Les poules grattaient le sol pour chercher à manger.

    Des bruits s’entendaient. Ils venaient de la petite hutte des Tébés qui s’apprêtaient à vivre un évènement sans égal. Que deviendrait sa lignée si Sancho n’était pas né ?

    Sancho était l’unique fils de la tribu des Ba-si-Miame, dans le territoire Téké.

    Semou, le crieur du village jouait du tam-tam pour annoncer la fête.

    Une troupe de danseuses traditionnelles accompagnait le griot.

    Mouéma-Tébé glapissait de douleur, sa respiration devenant de plus en plus bruyante.

    Alertées, les femmes accouraient au bruit vers la case de Niama-Kata.

    Tandis que s’écoulait la nuit vers le jour, et tout d’un coup, il vint une fine pluie.

    Sancho naissait sur les hauteurs de la rivière sacrée Lélièn. Fils de Niama-Kata et de Mouéma-Tébé.

    Niama-Kata avait maintenant trois bouches à nourrir. Le bébé annoncé la nuit était né le jour, lorsque les premières lueurs de l’aube s’étiraient vers la savane, après les derniers tourments de Mouéma-Tébé. Un noir, tête ronde, ventru, croupe rebondie, à moitié recouvert dans un lambeau de pagne. La matrone n’avait pas avancé ni moins ni plus sur le poids de l’enfant.

    Le bébé n’avait pas volé son nom. On l’appela Sancho, un homophone de « sang chaud. » La matrone qui parlait le français le nomma ainsi à cause de la tiédeur du sang qui avait jailli du sein de sa mère.  C’est comme ça qu’il méritait d’être appelé.

    Que dire du nombre de visiteurs ? Étaient-ils quinze ? Vingt-cinq ? Trente ? Sans doute une quarantaine. Des membres du clan venaient voir le petit Sancho.

    Ils ricanaient, heureux de toucher le petit malingre. La chaleur brûlait la maison qui se remplissait de monde. On ne pouvait pas respirer tellement elle était noire de monde.

    Niama-Kata était revenu de sa partie de chasse. L’esprit de la forêt lui avait annoncé la naissance de son fils. Il fallait circoncire l’enfant afin de le présenter au thaumaturge Ikata-Tébé, le gardien de la tribu des Ba-Si-Miame.

    Il se rua fièrement dans sa case, soupesa son garçon en râlant à lui-même dans une sorte d’adresses ininterrompues. Il s’assit sur le lit, près de sa femme, arrangea le haut de sa camisole qui laissa entrevoir sa poitrine puis l’embrassa sur la bouche.

    L’initiation

    Le troisième jour était arrivé selon sa volonté. La circoncision du bébé s’était ensuivie des danses tékés et une parade de guerriers. Music, folklore s’étaient rassemblés sur la place du village qui bouillonnait de vie et d’ambiance. Niama-Kata jouait avec son fils, le conduisant chez le sorcier Ikata-Tébé, oncle de Mouéma-Tébé qui scellait l’union avec les mannes. Un lien qui désormais serait la carte routière qui guiderait le jeune enfant.

    Ikata-Tébé avait quarante-cinq gosses. Un coup qui formerait trois équipes de rugby. Il avait six femmes et s’apprêtait à en épouser une septième. Ce n’était pas pour la bombance qu’il se permettait cela. La balance augmentant en femmes libres, la coutume recommandait d’en prendre davantage pour que les autres ne vieillissent pas sans maris. Ikata-Tébé était albinos. La fibre génétique lui a été transmise par son grand-père. Il n’en manifestait aucune gêne et cela n’avait pas d’incidence sur les autres. Sa réputation de colérique aurait pu les exposer à sa vindicte de sorcier réputé et craint.

    Il passait la nuit dans une dame-jeanne et il avait le pouvoir de rattacher à la branche un fruit d’où il était tombé.

    Sancho serait confié au sort des anciens.

    Les femmes du sorcier avaient conduit Niama-Kata, sa femme et Sancho sous la véranda où attendaient les membres du clan.

    Debout, près du filao de sa cour, Ikata-Tébé les avait accueillis insensiblement.

    Il ne manquait plus que ça ! peut-être est-il mécontent, s’inquiéta sa nièce.

    Non ! rien ne se passait, se rassura Mouéma-Tébé. Son oncle n’avait pas exhalé sa colère écarlate. L’exposition au soleil lui provoquant un hâle, le vieillard décati avait jugé mieux de rester dans la maison. Les rayons le fatiguaient, pelant sa peau, malgré sa visière dont il ne se séparait pas.

    Quel vent vous amène ? Soyez les biens venus ! dit-il à Niama-Kata.

    Merci ! comment vont ceux de chez toi ? répondit-il

    Ils vont bien, répondit le sorcier.

    Nous sommes venus pour le rituel de l’enfant, finit Niama-Kata.

    Attendez, pria le sorcier avant de disparaître dans sa case.

    Le vieil homme pauvrement habillé parut soudain après une escale gourmande, s’approchant avec un sourire d’artiste. Il portait une liquette kaki à manches qui couvrait sa grosse bedaine. Un talisman pendait sur son cou.

    La foule attendait sous le kolatier dans la cour de sa maison, bâtie de murs de terre battue et surmontés d’un toit de chaume.

    Au milieu de la foule, une de ses coépouses s’agitait bruyamment. Elle fondait dans une ligne d’adresses incompréhensibles, les yeux révulsés comme si elle était secouée par un effluve électrique, décrivant des visions effrayantes qui prédisaient l’avenir de Sancho :

    « Il va rencontrer un blanc… l’homme blanc le rendra riche… »

    Ikata-Tébé s’enduisit d’huile de palme mélangée à de la poudre de cola, puis en but la valeur d’un verre de palme. Il faisait une démonstration. Il épépinait une papaye à distance ; ensuite, il avait percé un sas empli d’eau. Aucune goutte n’était tombée du récipient.

    Les membres du clan, ébahis et estomaqués étaient tétanisés comme si un influx avait réduit leur sang cervical.

    Les femmes d’Ikata-Tébé fredonnaient un rythme de griottes.

    «  Lé ma sémé muana ! Lé n’zi muana ! » (On protège l’enfant ! on aime l’enfant !)

    Ikata-Tébé sortit de son sac un miroir. Il adorait ses statuettes en enfilade, au fil d’une danse folklorique.

    Mouéma-Tébé entra aussitôt dans un enthousiasme lyrique et mélodique qui coupla son énergie rythmique et, se mit à tripatouiller une sorte de danse ambiguë.

    La cérémonie avait viré à l’exorcisme. Mouéma-Tébé était prise d’une amnésie temporelle ; un looping qui lui sortait un langage sémitique. Elle soliloquait, entamant des pas qui l’entraînaient dans une sorte d’allégresse.

    Ikata-Tébé ordonna un silence.

    Dans la cour voisine, on entendait d’incessants caquètements de poules et des grognements de cochons.

    Le marabout s’assit sur sa chaise cérémonielle et s’adressa à Niama-Kata. Il s’exclama :

    Je vois un homme. Il porte des vêtements rouges. Il est grand et vieux et il marche un peu voûté avec un bâton.

    Niama-Kata l’avait reconnu. C’était son père qu’il décrivait ! Il se mit à crier.

    Tara ! tara ! (Père ! père !)

    Ikata-Tébé le calma en l’aspergeant d’une potion de feuilles et d’eau qu’il portait dans une calebasse. S’exprimant par l’intermédiaire de l’homme qu’il regardait dans le miroir, il dit :

    Ils ont accepté de protéger l’enfant ! Quand le gorille est au pouvoir, le singe mange à table.

    Le sorcier marqua de l’huile sur le front de Sancho : la contagiosité mystérieuse d’un pouvoir ; l’anode voilée qui le protégerait. Sancho fut pris d’une sensation subite et il se met à convulser. Son visage brillait jusqu'à devenir flamboyant comme le soleil. Le temps travaillait pour lui léguer une pique malicieuse.                                             

    Le petit Sancho se développait comme n’importe quel autre enfant de son âge, pieds nus, sale, embarbouillé de boue avec une boule de fétiche autour des reins. Déjà à huit mois, gazouillant, il avait foulé le sol terrestre et réalisait quantité d’actions. A cinq ans, un balaise gaillard africain roulant sur la terre de poussière. Il se retournait, se levait et se lançait dans la cour avec son cerceau de liane.

    Sancho partit à l’école à huit ans sans l’assentiment de son père qui entendait faire de lui son digne successeur. D’écrivant l’avenir radieux qui l’attendait auprès de lui, il avait à cœur que son fils devienne un chasseur.

    Sancho faisait de longs voyages pour aller à l’école de sa région. Il se mêlait aux autres écoliers qui allaient à l’école coloniale. Accompagnés par une troupe de routards, ils ne revenaient au village qu’à la fin de la quinzaine. À leur retour, les écoliers envahissaient la rue principale du village qui retrouvait sa popularité. Le village foisonnait d’ambiance mouvementée comme un jour de marché. Les femmes pilaient le saka-saka en groupe. Les vieux buvaient du vin de palme. Malgré la surconsommation, ces vieux sages ne perdaient pas leur retenue. Les jeunes, eux, bavardaient autour d’un feu qui rougeoyait. Le village en était en partie éclairé.

    Sancho avait décidé de ne pas repartir à l’école. Dès la deuxième année de sa scolarité, il coupa avec les bancs pour faire cesser les abus de M.Batonnier, son instituteur. Un missionnaire dont il se sentit vulnérable des coups de bâtons. Sa chicote dentée trouait sa culotte treillis.

    Sancho retourna à la vie traditionnelle et il fut initié ! Entouré de quelques membres du clan, dans un silence de morgue, il prit un bain sacré dans la rivière Lélièn. Son père lui remit un borofin :

    « Te voilà devenir un homme ! Maintenant, je vais te donner un sac fétiche. Jamais, tu ne t’en séparerais et, tu ne devrais pas proférer des paroles maudites avec cette sacoche ! »

    Dès lors, Sancho organisa ses propres parties. Il devint un chasseur émérite. Il passait la moitié de la journée à garnir son fusil de graisse de suif. Un fusil artisanal légué en héritage ayant appartenu à son oncle, mort, foudroyé par un apprenti qui l’avait pris pour un agouti.

    Un voyage vers l’inconnu

    La nuit se déchargeait de ses astres lumineux. La lune nébuleuse s’en allait. Il faisait deux jours que Niama-Kata n’était pas revenu de sa partie de chasse. Les chasseurs du village l’avaient recherché sans retrouver la moindre trace. Niama-Kata s’était vaporisé comme la fumée dans une couche de nuages. Sancho était rentré après le coucher du soleil. Il avait criaillé son nom dans la forêt. Mais son père n’était pas réapparu. Sa mère attendait, étendue sur la natte, au milieu de la cour caillouteuse, où son homme venait lui vanter son butin du soir. Les derniers forestiers n’apportèrent aucune nouvelle.

    Peut-être est-il passé voir une de ses « makangous » (amantes) celle du village voisin. La mafflue, avec ses fesses bouffies touffues et arcbombées en forme bateau, maronna la première coépouse d’Ikata-Tébé !

    Il ne va pas tarder à rentrer. Tous les hommes sont pareils quand ils trouvent une nouveauté ! dit Semou le griot.

    Mouéma-Tébé resta sans paroles comme si elle avait perdu l’usage de la langue. Elle se mit à mâcher sa noix de cola. Elle demeurait passive espérant qu’elle recevait un télégramme réjouissant. Le sorcier Ikata-Tébé était apparu. Il sortait de la forêt et se dirigeait vers la case de Niama-Kata. Il avait annoncé la disparition de Niama-Kata en tirant deux coups de fusil en direction de la forêt. Et, la boucle était bouclée.

    Sancho s’affala par terre. Effondré sur le sol de latérite, il s’étirait de tout son corps, se relevait et retombait de sa hauteur. Il perdit connaissance. On lui administra une pincée de liquide pimenté dans les narines. Il reprit son aise. Toujours couchée sur le macadam, Mouéma-Tébé restait calme, comme bloquée par aimantation. Elle étouffait ses pleurs. Dans sa coutume, on ne pleurait pas son premier mari. 

    Des jours passèrent, on ne découvrit jamais son cadavre. Les habitants du village endeuillé ne firent pas ses funérailles.

    Invisible mort, tu t’es tiré comme, un vol à tir – d’aile

    La vie continuait chez les Tébés après ces évènements. Sancho avait grandi et était devenu un homme robuste. Un balaise gaillard dont le gabarit pourrait flamber les prix sur le marché des négriers. Il avait compris le néant qui avait emporté son père. Seul, il prenait soin de sa mère.

    Des semaines seulement passèrent depuis la mort de Niama-Kata.

    Sancho avait fini sa randonnée. Il s’arrêta un instant puis traversa à gué une eau marécageuse. Devant lui s’ouvrait l’immensité de la forêt ; un océan de verdure de part et d’autre des coulées de la rivière Lélièn et une faune abondante. Sans doute, le même paysage que son père avait observé avant sa disparition, pensa-t-il.

    Parmi les animaux qu’il regardait, les singes étaient les plus nombreux. Soudés et sociaux, ils s’épouillaient. Quelques-uns, aux aguets, s’épuçaient. D’autres eux, se jouaient les vedettes de la grimpette.

    Sancho réfléchissait. Si besoin était, il pourrait arrondir son butin. Mais, il hésitait à prendre son fusil. Ses cartouches lui serviraient en d’autres situations. Il s’éloigna dans un froissement de feuilles sèches puis sortit vers la clairière de la forêt. La température avait chuté. Les oiseaux vidaient le ciel, cessant leur piaulement. Les animaux allaient se coucher. Le silence régnait. La couronne du soleil s’en allait avec son décor rose vif.

    Sancho entassait le bois de chauffage lorsque venue de nulle part, une lueur le visita. Il se rendit compte que la nuit tombait. La lumière du jour avait passé le témoin aux ténèbres. Les étoiles s’allumaient mais Sancho n’avait pas peur. La nuit ne lui inspirait aucune frayeur. La satisfaction et la joie de rendre service à sa mère l’habitaient. Il continuait à ramasser quelques morceaux de bois.

    Vers dix-neuf heures et demie, Sancho se mit en route vers son village. Ses pieds fourrés dans des godasses de latex martelaient les pierres sur le sol.

    À l’entrée du village, un hibou s’envola devant ses yeux. L’oiseau partit au vent puis se posa plus loin au creux d’une enfourchure et se mit à hululer. Sancho se

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