Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Le Collier de Coquillages: Le clan de l'île oubliée 1
Le Collier de Coquillages: Le clan de l'île oubliée 1
Le Collier de Coquillages: Le clan de l'île oubliée 1
Livre électronique280 pages4 heures

Le Collier de Coquillages: Le clan de l'île oubliée 1

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Lowinné, jeune femme aborigène, se réjouit de bientôt s'unir à Tughanah maintenant qu'il est devenu un homme. Mais les deux amoureux doivent encore faire preuve de patience. Depuis d'innombrables générations, leurs deux clans se rejoignent sur l'immense boucle qu'ils parcourent chaque année vers Trowenna, la grande terre du bout du monde. En chemin, la jeune femme fait une rencontre stupéfiante qui l'amène à formuler à son père, l'homme sage du clan des Nyu, une requête qui menace de briser un tabou. A-t-elle vraiment reçu un signe des esprits célestes ? Peut-il accéder à sa demande insensée ? Le vieil homme part dans le bush pour recevoir la réponse du père du ciel.


La longue marche immuable des clans continue, cependant. Le grand rassemblement à la Montagne du Grand Serpent Arc-en-ciel s'approche, et avec lui le jour des unions. C'est l'occasion de réjouissances et d'importants rituels pour tous les clans du sud. Et Lowinné tient à célébrer comme il se doit le Tjukuba, la création primordiale du monde, le "temps du Rêve". Mais un événement totalement inattendu précipite la vie de la jeune femme sur une tout autre trajectoire, faite de défis et de moments de solitude. C'est alors que les esprits célestes déclenchent la fureur de la nature, menaçant de détruire le monde et son fragile équilibre.


Comment les Nyu vont-ils affronter les épreuves qui remettent en cause l'existence même de leur clan ? Où Lowinné pourra-t-elle trouver la force d'offrir un avenir à celles et ceux qu'elle aime ? Quels objets sacrés, quelles coutumes millénaires lui viendront en aide ?


Le clan de l'île oubliée


Inexplorée durant des milliers d'années, l'Australie abrite encore de nos jours de nombreuses cultures parmi les plus anciennes et les plus fascinantes de notre planète : celle des peuples aborigènes et insulaires du détroit de Torres. À la fin du 18e siècle et en quelques dizaines d'années seulement, la colonisation met brutalement fin à un mode de vie aussi vieux que le monde, pulvérisant les traditions, précipitant des peuples entiers dans la guerre, le déclin et le désespoir. Mais au sud de l'immense continent austral, une île vaste et isolée connait un sort plus terrible encore : la disparition totale de sa première nation.


La Tasmanie est le cadre spectaculaire de la série préhistorique "Le Clan de l'Île Oubliée" qui imagine la fondation puis la survie d'un clan fictif au long de nombreux millénaires, avant et après la séparation de l'île du continent. Suivant les changements climatiques et ethniques, chaque livre est l'occasion de révéler les coutumes, les croyances, les légendes et la sagesse des Aborigènes à travers les aventures des membres du clan qui doivent faire face à de nouveaux défis. En effet, les peuples gardiens de l'île australe de Trowenna ont élaboré au cours des âges des rituels, des artefacts, une culture incroyablement riche dont nous commençons à peine à entrevoir la complexité et le mystère.


Comment ces femmes et ces hommes du passé ont-ils imaginé la création du monde et réussi à perpétuer leurs coutumes ancestrales ? Quelles techniques ont-ils développées pour assurer leur subsistance loin de la "civilisation" ? Que pouvons-nous apprendre de ce fabuleux héritage que les Australiens d'aujourd'hui redécouvrent et célèbrent ? Autant de questions auxquelles la série "Le Clan de l'Île Oubliée" tente d'apporter des réponses plausibles, étayées par les recherches et l'imagination des Auteurs.


 

LangueFrançais
Date de sortie6 août 2023
Le Collier de Coquillages: Le clan de l'île oubliée 1

En savoir plus sur Olivier Rebiere

Auteurs associés

Lié à Le Collier de Coquillages

Titres dans cette série (1)

Voir plus

Livres électroniques liés

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Le Collier de Coquillages

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le Collier de Coquillages - Olivier Rebiere

    Remerciements

    Nous saluons les gardiens traditionnels des terres ancestrales dont nous nous sommes inspirés pour écrire cette œuvre de fiction, et rendons hommage à leurs aînés d'hier et d'aujourd'hui. Nous étendons notre profond respect aux peuples aborigènes et insulaires du détroit de Torres.

    Nous avertissons les lecteurs et lectrices que, pour les besoins du récit et la compréhension de certains aspects de l'Histoire, nous utilisons parfois des noms de personnes décédées.

    Enfin, nous dédions ce livre et la série Le clan de l'île oubliée à toutes celles et ceux que la colonisation a brutalement affectés en Australie et ailleurs, tout particulièrement les Aborigènes et les clans de la merveilleuse Tasmanie.

    Que leur culture millénaire et leur sagesse nous inspirent !

    Les Auteurs.

    Prologue

    Les os blanchis derrière la paroi de verre froide lui coupèrent brutalement le souffle. Elle manquait d'air et n'en croyait pas ses yeux. Soudain, sa respiration s'accéléra à mesure qu'elle réalisait l'horreur de ce qu'elle devait contempler : le squelette de sa propre grand-mère, exposé dans cette salle immense, qui l'écrasait et l'étouffait. La lumière intense, pénétrant par les grandes baies vitrées du pavillon principal, l'aveugla. Elle tituba, manquant de tomber, refusant de toutes ses forces de prendre appui sur la vitrine étincelante. La tête lui tournait. Une boule dans la gorge l'empêchait de déglutir. Elle releva les yeux avec difficulté. Elle se força à inspirer profondément. Progressivement. Douloureusement. Et les sensations lui revinrent, la plantant dans la réalité. Sa vision, en premier, embuée de larmes.

    Elle fixa la gravure apposée sur le côté du verre épais, avec le portrait de celle qu'elle avait tant aimée. L'exposition macabre de ses os la faisait presque vomir. Puis, elle déchiffra en anglais – cette langue qu'elle commençait à haïr de toute la force de ses huit ans – la description scientifique, anatomique, factuelle, de celle qui était désormais l'héroïne de son cœur : Truganini. Une femme courageuse, battue, jugée, exilée, condamnée à finir sa vie dans un autre monde que le sien pour y dépérir. Et, une fois morte, son corps finalement dépecé puis exposé, là, dans cette cage de verre au milieu du vacarme assourdissant de la foule qui allait et venait dans la lumière indécente.

    Ce bruit-là était insoutenable. La fille se boucha les oreilles. C'était trop. Tous ces messieurs et dames bien habillés, tous ces blancs, qui s'arrêtaient pour étudier les tibias, les phalanges, le crâne rutilant de sa grand-mère. Hagarde, elle croisa une seconde son propre reflet dans la vitrine : oui, elle était noire comme la morte, noire comme son peuple, son clan décimé qui était exposé dans tous ces cabinets de curiosités. D'un coup, elle ne put plus supporter tout cela. Elle hurla, criant sa rage et sa révolte devant l'indifférence des gens autour d'elle. Ne réalisaient-ils pas que c'était mal ? Que c'était injuste ?!

    Son cri fit s'arrêter le flux des visiteurs. Le frou-frou des longues robes stoppa net. Des visages se tournèrent. Des sourcils indignés se levèrent.

    — Ah, tu étais là ! tonna la voix gutturale de James Dandrigde, son gardien qui surgit de la foule immobile.

    La main puissante de l'homme s'abattit sur la frêle épaule de la fillette. Celle-ci se débattit, en vain, voulant encore passer quelques secondes devant le squelette mis à nu et qui ne ressemblait plus à rien. Dissimulant avec peine son exaspération, James traîna la fille par le bras, dehors, alors que des regards outrés et accusateurs accablaient l'enfant qui vociférait et pleurait de colère. Finalement, elle se retrouva sur le grand escalier blanc du bâtiment spécialement construit à Melbourne pour cette occasion unique au monde. Elle n'entendait plus les remontrances de James, ne sentait plus son haleine fétide qui lui accablait les narines, ne bronchait plus sous les gifles qui s’abattaient sur sa peau noire et sa petite robe de blanche. Elle ne sentait plus la douleur atroce dans son épaule, ni sa main écrasée.

    Elle leva les yeux, contemplant l'affiche suspendue au-dessus de l'imposante entrée de l'exposition coloniale de 1880. Le cœur débordant d'une révolte qu'elle avait encore du mal à comprendre, elle sentit son poing libre se fermer, puis se lever dans un geste de vengeance vers la vitrine des ossements de la dernière femme de son clan. Elle prononça, dans sa langue maternelle, ces quelques mots : "Un jour je vengerai mon clan. Mon clan de l'île oubliée".

    L'abreuvant de remontrances qu'elle n'entendait plus, James la tira vers la maison, arrachant presque son bras. Pleurant en silence, la fillette tenait fermement de son autre main le seul souvenir qui lui restait de sa mère adoptive et de son clan à jamais disparu : son collier de coquillages.

    1.

    Lowinné

    icon_flowers

    La jeune fille progressait avec attention sous le soleil implacable de l'hémisphère sud. Pratiquement nue – seul un pagne de plumes d’émeu couvrait sa taille – elle ne craignait pas les rayons de l'astre qui frappaient ses épaules et son dos. À vrai dire elle ne s'en souciait guère : sa peau foncée était sa meilleure protection contre les rayons brûlants, même si elle luisait maintenant de transpiration. Qu'est-ce qu'il fait chaud ! remarqua-t-elle en réalisant que le soleil ne chauffait pas si intensément pendant la saison des fleurs sauvages. C'était plutôt pendant la saison suivante, celle des papillons, qu'il gagnait en puissance pour atteindre son maximum pendant la saison des anguilles.

    coolamon

    Avant de quitter le campement trois heures plus tôt, Lowinné avait pris soin de se couvrir d'argile grise en trempant ses doigts dans le grand coolamon qui restait à l'ombre à cet effet. Les marques claires se distinguaient ainsi un peu partout sur ses membres, son visage et ses seins, telles les taches blanches que faisaient les termites sur le sol rouge foncé de l'immense territoire où son peuple vivait. Elle portait un autre coolamon sur sa tête pour transporter ce qu'elle cueillait au fur et à mesure de sa progression. À l'intérieur du récipient d'herbes tressées, quelques noix, des baies de coo-yie qu'elle ne ramassait que lorsqu'elles étaient bien rouges et des kutjeras embrochées sur de fines piques témoignaient du succès de sa collecte.

    La cueilleuse avançait parmi les hautes herbes, pieds nus, tenant fermement d'une main son bâton à fouir sur l'épaule droite. La solide pièce de bois sculpté, presque aussi longue que sa jambe, était pointue et très dure à l'extrémité inférieure. L'autre bout était quant à lui bombé, lui permettant de saisir fermement l'outil avec une main, tout en tenant le manche de l'autre, et à concentrer ainsi toutes ses forces lorsqu'il lui fallait briser la surface du sol sec puis l'enfoncer et creuser avec énergie, à la recherche de la nourriture cachée sous la terre, en tournant vigoureusement. De loin, elle semblait marcher sans but mais elle savait pertinemment où trouver les tubercules qu'elle avait fouillés quelques mois auparavant au même endroit, près d'un ruisseau. D'ailleurs, elle aperçut rapidement les jolies fleurs jaunes au détour du sentier. Elle sourit.

    Les voilà ! Je vais en cueillir quelques-uns pour les cuisiner ce soir pour mes sœurs et notre père... se dit-elle en se réjouissant intérieurement. Mais il faudra en laisser une partie, se répéta-t-elle, par réflexe, comme elle l'avait appris lorsqu'elle était petite, ainsi qu'on l’enseignait à tous les enfants des clans. La plupart des murnongs avaient été déjà cueillis par ses semblables pendant la saison précédente, celle de la nidification des oiseaux. Mais elle était sûre d'en trouver quelques-uns et de pouvoir en laisser le nécessaire pour assurer leur survie. La nature ne la décevait jamais : les tubercules et les graines germaient puis poussaient tranquillement en son absence. Il suffisait de la laisser faire sans en abuser, ni en perturber son cycle.

    Son clan nomadisait depuis des générations sur une vaste boucle qui s'étalait de la Terre du bout du monde, au sud, en passant par l'isthme, assez étroit désormais, qui la reliait encore au vaste continent au nord. Les étapes de ce circuit annuel de plusieurs centaines de kilomètres permettaient à son peuple de vivre, de chasser, d'effectuer des rituels mais aussi d'entretenir ses nombreuses zones de cultures sans pour autant rester en permanence sur place. Ils parcouraient cet itinéraire en suivant le cycle des six saisons de la nature, en l'accompagnant pour en faire partie intégrante. Les campements étaient abandonnés puis remis en état à chaque passage du groupe.

    Concentrée, la fermière nomade arracha plusieurs tubercules à l'aide de son bâton à fouir, les lava dans l'eau du ruisseau et les rangea dans son sac tissé de fibres végétales qui était accroché à son épaule.

    Lowinné était plutôt solitaire et ses deux grandes sœurs ne manquaient pas de lui reprocher sans cesse son attitude réservée. Pourtant, elle aimait partir seule dans le bush, contrairement aux autres femmes du clan des Nyu qui restaient groupées à papoter pendant la cueillette des racines, des baies et des larves. Ces discussions-là l'ennuyaient profondément la plupart du temps et elle inventait n'importe quel prétexte pour aller voir ailleurs lorsque sa patience atteignait la limite. Lowinné avait conscience de sa réputation de femme étrange, mais elle n'avait cure de ce que l'on disait à son sujet.

    Ce qui comptait vraiment pour elle, c'était d'être au calme, dans la nature, de réfléchir tranquillement au rythme de ses pas. De sentir le vent dans ses longs cheveux crépus et dans les feuilles des arbres, d'écouter les craquements des troncs des eucalyptus, le crissement des insectes, le chant des oiseaux multicolores, le bruissement d'un buisson lorsqu'un wallaby, surpris de son arrivée, choisissait de s'enfuir. Elle adorait sentir l'énergie des êtres vivants, de l'eau et des pierres qui pulsait partout autour d'elle. Oui, elle adorait ressentir la kurunba qui l'accompagnait partout où elle allait, qui animait toute chose, lui insufflant la vie. Tout ce que son père lui avait montré, enseigné, sans pour autant tout lui dire, la fascinait.

    La solitude était pour Lowinné un refuge, un espace-temps de quiétude loin des membres du clan dont elle avait certes besoin pour survivre, mais dont les intrigues et les bassesses lui pesaient souvent. Et puis, seule, elle pouvait à loisir prendre le temps de songer à son amoureux, le beau Tughanah. Depuis quelques jours déjà, son clan à lui, celui des Noni, avait rejoint le sien pour parcourir les dernières étapes de leur long périple annuel vers le sud. Ils avaient fêté discrètement leurs retrouvailles avec des baisers passionnés dont le souvenir la faisait encore vibrer. Elle s'était presque évanouie de joie et de crainte lorsqu'il l'avait tendrement enlacée et qu'elle avait senti son enthousiasme et son corps musclé. Mais ils savaient tous les deux qu'il était trop tôt pour aller plus loin. La promesse qu'ils s'étaient faite dans le secret de leurs cœurs devait être prononcée devant tous les clans du bout du monde pour qu'ils puissent vivre véritablement en couple.

    Plus que quelques jours avant notre union... pensa-t-elle, un sourire radieux aux lèvres. Et après, nous pourrons enfin vivre ensemble et nous donner l'un à l'autre !

    Soudain, elle s'arrêta, ses beaux yeux noirs s'étant posés sur une trace totalement inouïe, juste devant elle. Sous le choc de sa découverte, son bâton à fouir tomba par terre. Le coolamon et son contenu chutèrent de son crâne et finirent de rouler avant de s'immobiliser un peu plus loin.

    Devant elle, parmi les herbes, une empreinte géante la cloua sur place. Écarquillant les yeux, elle attrapa instinctivement une boucle de ses cheveux et commença à l'enrouler autour de son index, sans décoller les yeux de sa trouvaille. Incapable de bouger, elle étudia les cinq griffes imposantes qui s'étaient enfoncées dans la terre. Son cœur se mit à battre à toute vitesse. Lentement, elle approcha son pied et le posa à côté de la trace. En réalisant que son pied ne couvrait même pas le quart de l'énorme silhouette creuse, elle se mit à tirer nerveusement sur sa boucle, cherchant une explication. Cette empreinte lui rappelait quand même une forme qu'elle connaissait bien. Soudain, un grognement puissant déchira l'air et l'arracha à ses réflexions. Elle se baissa instinctivement, en essayant de calmer sa respiration et son cœur qui s'était emballé et cognait fortement dans sa cage thoracique.

    Aiguisant tous ses sens, Lowinné réussit à détecter une tension très forte autour d'elle. Respirant à peine, elle continua à enrouler sa boucle de cheveux autour de son doigt. De grosses gouttes perlèrent sur son front et sa respiration devint difficile, comme si l'air s'était subitement raréfié. Elle patienta plusieurs minutes. Pourtant, rien d'autre ne se produisit. Elle décida finalement d'avancer, curieuse d'apprendre quel animal extraordinaire pouvait laisser des empreintes pareilles et émettre de tels sons.

    Quelques pas plus loin, ses yeux se fixèrent sur un cube géant qui gisait sur le sol rouge et brûlant. Verdâtre et odorant, il était plus gros que sa propre tête. Son aspect lui rappela, à nouveau, quelque chose de très familier.

    Mais... Comment pourrait-elle être aussi grande ?! se demanda-t-elle, interdite, lorsqu’elle réalisa à quoi cette chose étrange ressemblait.

    Lentement, elle ramassa son bâton à fouir et le coolamon vide, qu'elle attacha fermement à son pagne avec une ficelle d'herbes tressées. Elle collecta ensuite les victuailles éparpillées au sol et les enfouit dans le sac qui pendait sur son épaule. Lowinné décida que la cueillette du jour était désormais terminée. Elle devait élucider le mystère de cette empreinte qui devait appartenir au même animal qui avait produit ce monticule cubique qui trônait sur le sentier. C'est lui qui a grogné comme ça et il ne doit pas être très loin, conclut-elle en essayant de se donner du courage. Elle essuya de son bras la sueur abondante qui couvrait son front.

    La jeune femme toucha de la pointe de son outil en bois la surface du cube géant. L'objet étrange bougea un peu sous l'impulsion. Il semblait lourd. Peut-être autant qu'un lukomb rempli à moitié d'eau. Sa texture était semblable à d'autres cubes que Lowinné connaissait bien mais qui, eux, étaient minuscules par rapport à cet exemplaire unique. Les petits morceaux qu'on rencontrait sur le trajet des marsupiaux pouvaient tenir à deux ou trois dans la main, mais pour celui-là, c'était évidemment impossible ! En plus, il était frais, ce qui ne faisait que renforcer ce qu'elle pensait : celui qui l'avait produit se trouvait à proximité.

    Elle avança à croupetons, furtivement, pour se retrouver face au vent. L'odeur puissante du cube de végétation digérée vint alors frapper ses jolies narines : herbeuse, fraîche, humide. Impossible de se tromper !

    — Une crotte de wombat ! murmura-t-elle, sautant de joie et de surprise, avant de se recroqueviller, consciente d'avoir déchiré le silence serein de la nature, dévoilant sa présence. Mais... la crotte d'un wombat géant ! murmura-t-elle cette-fois ci plus discrètement, alors qu'un frisson glacé se propagea le long de son échine.

    Incapable de maîtriser complètement la peur qui se mêlait à l'enthousiasme, elle passa en mode chasse, se courbant et notant dans sa mémoire la configuration précise des lieux. Vers le nord, deux eucalyptus dont un penché vers la côte maritime. À l'est, un arbrisseau de wallum dont elle reconnut tout de suite les épis floraux dressés, de couleur jaunâtre qui embaumaient l'air avec leur parfum puissant. Vers le nord-ouest, à un jet de sagaie, une termitière géante – de la forme d'un index et d'un annulaire collés l'un à l'autre – projetait son ombre sur plusieurs wallums dont quelques exemplaires se dressaient tout près de l'immense excrément. Elle en cassa délicatement une des fleurs, faisant pendre la brosse jaune vers le bas pour marquer précisément l'endroit de sa trouvaille. Lowinné fit alors un effort de mémoire. Lors de toutes les précédentes traques du clan auxquelles elle avait participé et où tous les signes laissés par les animaux étaient analysés par les pisteurs, elle n'avait jamais vu une telle déjection, aux proportions si démesurées. Les wombats que tous les clans du bout du monde chassaient étaient bien plus petits, de la taille d'un gros bébé. Pourtant, cette crotte-là devait appartenir à un wombat qui devait bien être... au moins deux fois plus grand qu'elle ! Peut-être même plus !

    Lowinné tressaillit, à la fois choquée et intriguée. Sentant un frisson incontrôlable la gagner, elle se retint de trembler. Voulant absolument localiser la formidable bête, elle s'obligea à scruter les environs puis à marcher très lentement, décrivant des cercles concentriques afin de retrouver une autre trace du marsupial géant. Les pensées contradictoires s'entrechoquaient dans son esprit.

    Hum ! C'est impossible qu'un wombat soit aussi grand ! Sa patte est quand même pas aussi énorme... Mais sa crotte l'est ! D'où vient-il ? A-t-il été envoyé par les esprits célestes ?! Quelle chance que j'ai trouvé sa crotte ! Mais il pourrait me tuer… Les petits wombats que je connais n'hésitent pas à charger et à frapper avec leur museau dur lorsqu'ils sont acculés dans leur terrier. Celui-ci pourrait m'écraser sans peine !

    Malgré sa confusion et sa crainte, l'occasion semblait trop belle : quel festin son clan pourrait offrir aux autres lorsqu'ils atteindraient enfin la Montagne du Grand Serpent Arc-en-ciel ! Elle sourit, béate de gratitude à la perspective d'une quantité aussi inespérée de viande.

    C'est vraiment un signe des esprits célestes ! Si seulement je réussissais à tuer ce wombat ! prononça-t-elle d'une voix décidée dans sa tête.

    Mais Lowinné se mit à rire d'elle-même à cette pensée ridicule. En l'état actuel de sa situation, c'était impossible. Elle avait besoin d'aide, et vite ! D'ailleurs, elle sentait que la kurunba s'était déjà modifiée dans cette zone-là du bush. Elle lui semblait plus agressive, prête à anéantir, comme lorsqu'un incendie éclatait dans la forêt et que les animaux fuyaient les flammes. Le monstre l’avait imprégnée de sa marque et Lowinné sentait sa présence, menaçante, dans les environs. La jeune femme frissonna, mais continua son enquête. Elle devait absolument le localiser.

    Un instant plus tard, elle tomba sur une nouvelle empreinte de patte. Puis deux, puis trois. Des branches cassées. Il était passé par là. Un autre cube frais apparut alors sur sa route. Elle se baissa, en se mettant à quatre pattes. La kurunba semblait vaciller, déformant l'énergie des lieux et faisant vibrer sa propre miwi du côté gauche de son corps.

    — Il est là... susurra-t-elle entre ses dents.

    Transpirant à grosses gouttes, elle se fondit dans les herbes et s'approcha, suivant les ondes hostiles de la kurunba, tenant fermement son bâton à fouir tel un épieu, prête à l'enfoncer dans la fourrure et à déchirer des entrailles ou des muscles pour se défendre.

    Elle s'immobilisa lorsqu'elle vit le dos du géant, à quelques enjambées du lieu où elle se trouvait, tétanisée d'angoisse. Elle retint un soupir d'horreur et de fascination : il était immense. Jamais, elle n'avait vu un animal de cette taille-là ! Redressé sur ses pattes arrière, il grignotait bruyamment l'écorce d'un arbre. Lowinné entendait clairement le craquement effrayant de ses mâchoires puissantes écrasant sans peine les fibres ligneuses. Levé ainsi, il était aussi grand que deux ou trois hommes ! Et puis sa tête énorme ressemblait plutôt à celle d'un koala à la différence que son nez était bien plus grand et remontait de sa bouche jusqu'en haut de son crâne... Elle aperçut ses incisives impressionnantes et frissonna en réalisant qu'il pourrait la déchiqueter en un seul instant.

    Diprotodon

    J'ai besoin d'aide, là ! se ressaisit-elle. Aucune chance que je lui fasse quoi que ce soit ! Je dois retrouver Tughanah pour lui dire ce que j'ai trouvé !

    Lowinné recula avec précaution, consciente du danger imminent, regardant attentivement en arrière l'endroit précis où elle posait chaque pied. Le vent pouvait tourner à tout moment, et le monstre allait certainement se ruer sur elle sans avertissement s'il la sentait ou entendait le moindre bruit. Même si elle savait que le

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1