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La Bastida: Roman préhistorique à suspense
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La Bastida: Roman préhistorique à suspense
Livre électronique309 pages4 heures

La Bastida: Roman préhistorique à suspense

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La Bastida


Roman préhistorique à suspense


La Bastida est une forteresse préhistorique érigée à l’âge de bronze, située dans la province de Murcia, au sud-est de l’Espagne. C’est l’une des cités les plus importantes de la civilisation argarique, fondatrice probablement du premier État de l’Europe occidentale, il y a 4000 ans. Un site impressionnant qui nourrit l’imagination des visiteurs en la connectant à la réalité historique issue des fouilles archéologiques.


La civilisation d’El Argar, très bien organisée au niveau économique, social et politique, a régné par la violence et l’oppression sur un grand territoire pendant plus de 700 ans, entre 2200 et 1500 av. J.-C. avant de disparaître brutalement, oubliée dans les tréfonds de l’histoire et dans la mémoire collective.


Vous revivrez dans ce roman préhistorique à suspense les tourments de La Bastida pendant cette période trouble avant son abandon mystérieux qui rappelle le drame d’autres fameux sites comme Machu Picchu, Troie, Pompéi, Pétra ou Palenque.


Les intrigues se tissent au fil des luttes : pour la survie de certaines castes sociales, pour le pouvoir dans d’autres, illustrant la vie de l’époque comme si vous y étiez. Les découvertes réalisées pendant les fouilles et les investigations archéologiques sur le site de La Bastida ont constitué le creuset de cette histoire qui vous plongera dans un monde surprenant.


Un État totalitaire où une élite exploite la masse. Les castes opprimées grondent et la révolte monte au sein des murailles de La Bastida. Tous les éléments sont réunis pour un choc terrible. Contre toute attente, la civilisation argarique disparaît vers 1500 av. J.-C.


Quelles furent les raisons qui aboutirent à son déclin soudain et pour l’instant… encore mystérieux ?

LangueFrançais
Date de sortie30 janv. 2024
La Bastida: Roman préhistorique à suspense
Auteur

Cristina Rebiere

Courte biographie:Cristina Rebière est auteure de nombreux guides et livres. Elle a dirigé une maison d'édition, un parc d'aventures et mené à bien de nombreuses missions dans la fonction publique européenne. Elle est aussi spécialisée dans la formation continue.Ses origines:Après la Révolution roumaine, Cristina interrompt de brillantes études pour entrer à l'université en France où elle suit tout le cursus en faculté de droit et obtient une Maîtrise en Administration Économique et Sociale. D'abord chargée de communication dans un Institut Français en Allemagne, elle devient statisticienne à Bruxelles pour un bureau d'assistance de la Commission Européenne. De retour à Bucarest elle est successivement contrôleuse de gestion, directrice de maison d'édition, experte européenne puis professeure de français. En Roumanie elle fonde avec son mari une entreprise de team building puis le premier parc d'aventures jamais créé dans ce pays - construit de leurs mains - qui attirera des milliers de personnes, écoles et entreprises dans la pratique du sport et d'activités de cohésion en pleine nature. Avec son équipe, elle conçoit et construit des parcours d'escalade dans les arbres pour d'autres clients.Au rectorat de l'Académie de la Martinique, Cristina prend en charge la coordination de la Cellule Académique des Fonds Européens et de Coopération où elle accompagne les porteurs de projet dans le montage des dossiers, assure la formation en ingénierie de projet, gère un réseau de plus d'une soixantaine d'enseignants référents à l'ouverture internationale. Elle assure la gestion opérationnelle de plusieurs projets de coopération. Elle assure l'actualisation du site internet de la Délégation Académique aux Relations Internationales et à la Coopération.La pédagogie de Cristina Rebière est basée sur le pragmatisme et l'efficacité.Domaines de compétence:management de projet, voyage, marketing social de contenu, team building, formation initiale et continue, expertise en fonds européens, budgétisation, planification, productivité et stratégie, coaching, ingénierie financière, webmestre, statistiques, procédures, web intégration, conception graphique, communication, conception et construction de parcs d'aventure

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    Aperçu du livre

    La Bastida - Cristina Rebiere

    Les faits

    La Bastida est une forteresse préhistorique érigée à l'âge de bronze, située dans la province de Murcia, au sud-est de l'Espagne. C'est l'une des cités les plus importantes de la civilisation argarique, fondatrice probablement du premier État de l'Europe occidentale, il y a 4000 ans. Un site impressionnant qui nourrit l’imagination des visiteurs en la connectant à la réalité historique issue des fouilles archéologiques.

    La civilisation d'El Argar, très bien organisée au niveau économique, social et politique, a régné par la violence et l’oppression sur un grand territoire pendant plus de 700 ans, entre 2200 et 1500 av. J.-C. avant de disparaître brutalement, oubliée dans les tréfonds de l'histoire et dans la mémoire collective.

    Vous revivrez dans ce roman préhistorique à suspense les tourments de La Bastida pendant cette période trouble avant son abandon mystérieux qui rappelle le drame d'autres fameux sites comme Machu Picchu, Troie, Pompéi, Pétra ou Palenque.

    Les intrigues se tissent au fil des luttes : pour la survie de certaines castes sociales, pour le pouvoir dans d’autres, illustrant la vie de l'époque comme si vous y étiez. Les découvertes réalisées pendant les fouilles et les investigations archéologiques sur le site de La Bastida ont constitué le creuset de cette histoire qui vous plongera dans un monde surprenant.

    Un État totalitaire où une élite exploite la masse. Les castes opprimées grondent et la révolte monte au sein des murailles de La Bastida. Tous les éléments sont réunis pour un choc terrible. Contre toute attente, la civilisation argarique disparaît vers 1500 av. J.-C.

    Quelles furent les raisons qui aboutirent à son déclin soudain et pour l’instant… encore mystérieux ?

    Prologue

    Une brûlure indicible lui tordit les entrailles. La Matca se plia de douleur en courbant son échine déformée par le poids des ans et la malformation osseuse qu'elle bravait avec courage et détermination depuis sa naissance. Son coccyx tordu l’empêchait de se mouvoir et de s’asseoir correctement, lui causant de permanentes souffrances. Mais elle avait toujours su faire face à cette épreuve divine avec courage et détermination, qualités fondamentales pour assurer la paix durant son règne.

    D’un coup, sa tête se mit à tourner, sa vue commença à se brouiller comme si un voile brumeux descendait dans la vaste pièce à vivre. Elle repoussa le bol de nourriture fumante. En râlant, la vieille femme se leva péniblement de sa chaise et tenta de fixer le rayon de lumière qui palpitait dans l’autre chambre. Elle traîna ses jambes avec encore plus de difficulté qu'à l'habitude. Je dois me coucher... la fatigue a dû me rattraper, pensa-t-elle en sentant que le sol pavé se dérobait sous ses pieds déformés par l'arthrose. Elle se força à ne pas paniquer, alors que des ondes d’angoisse pulsaient dans sa poitrine fatiguée. Ses tempes se mirent à palpiter. La Matca reconnût cette sensation étrange de faiblesse qu’elle ne connaissait que trop bien : l’évanouissement la guettait.

    Chaque pas en avant lui semblait une véritable épreuve. Elle trouvait pourtant la force de faire le suivant en étant soulagée que ce ne fusse pas le dernier. Tout à coup, une violente envie de vomir lui embrasa la gorge. Elle s'appuya contre le mur en torchis, soigneusement poli, et réussit à ravaler la bile amère qui lui brûlait l’œsophage, craignant d’en salir le sol de terre battue. Sans avoir le temps de se réjouir de sa petite victoire, elle sentit son front se couvrir de sueur et un puissant spasme la secoua sans aucun avertissement. Son cœur s'emballa, cognant de plus en plus fort dans sa cage thoracique.

    Des gouttes brûlantes s’écoulaient de son front. Elle s’arrêta, choquée. Ses yeux s’écarquillèrent, témoins d’une intense terreur. Sa respiration s’accéléra et, par réflexe, elle ouvrit largement la bouche en essayant de remplir ses poumons du gaz vital. L'air semblait pourtant refuser de s'y engouffrer laissant sans effet ses efforts désespérés. Malgré sa haute position sociale, la Matca se sentait aussi impuissante qu'un poisson jeté sur le rivage par la houle trop forte de l’océan. L'ouverture répétée de ses mâchoires, en quête du fluide indispensable à la vie, ressemblait d'ailleurs aux mêmes mouvements saccadés de l’animal agonisant. Ses jambes flageolantes avaient du mal à soutenir ce corps tant éprouvé par un destin hors du commun, hors même de son temps.

    Terrassée par le blocage de ses poumons, elle s’écroula à genoux. Sa tête dodelina un moment, avant de tomber vers l’avant. Elle voulait appeler à l’aide. Mais aucun son ne sortait de sa bouche. Elle se sentait si terrifiée. Si désespérément… seule.

    Une nouvelle attaque dans ses entrailles contracta soudainement tous ses muscles. La vieille femme puisa dans ses dernières forces pour se relever et se pencher avec difficulté sur le grand vase en céramique qui dépassait largement la moitié de sa taille, collé contre le mur, et qui lui servait normalement de garde-manger. Elle y vida le contenu de ses boyaux, secouée par des puissants spasmes. Dans un dernier sursaut de lucidité, elle s'agrippa de toutes ses forces au conteneur imposant afin de ne pas s'écrouler à nouveau. Un soulagement illusoire lui permit de lever les yeux et d'apercevoir sa couche un peu plus loin. Avec la détermination qui la caractérisait, la Matca se traîna jusqu'à l'embrasure de la porte de sa chambre à coucher.

    Au même moment, dans le noir profond de la nuit, deux yeux scrutaient à travers une fente dans le mur épais, conçue pour laisser entrer la lumière du jour dans la tour. Cette nuit-là, une silhouette dissimulée sous une large cape, tressée en spart, empêchait la clarté de la lune de pénétrer dans la chambre de la Matca.

    L'imposante tour était l'épicentre de La Bastida, s'élevant au milieu de cette cité fortifiée comme nulle autre à la même époque sur des milliers de kilomètres à la ronde. Une véritable forteresse, cachée au milieu d'une dense forêt d’épineux, au bord d'un ravin dont les profondeurs étaient léchées autrefois par un cours d'eau salée. Perchée sur une colline dont le seul accès se fait par un sinueux sentier, connu et emprunté par quelques seuls privilégiés...

    Le voyageur qui trouverait par hasard cette sente arriverait devant de murailles hautes de plus de cinq mètres et jusqu'à trois mètres de largeur. À l'extérieur de ces murs étaient appuyées cinq tours massives à profil pyramidal tronqué, encore plus épaisses, surveillées en permanence par des gardes entraînées, toujours aux aguets. Témoin prodigieux de cette architecture défensive préhistorique, une seconde muraille courait tout au long de la première, flanquée par deux bastions en forme de quart de cercle. Les deux rangées défensives formaient une entrée étonnement serrée et facile à défendre. Une solide porte en troncs de pins permettait l'accès à un étroit couloir, surmonté par un chemin de ronde. Tout envahisseur ou étranger serait anéanti avant même de pouvoir pénétrer au sein de cette cité secrète.

    Que cachait La Bastida derrière ses murs ? Qui habitait dans cette forteresse si bien gardée ?

    La tour en pierre taillée se lançait fière et menaçante vers le ciel, au milieu des constructions bâties sur des terrasses creusées dans la roche, soigneusement alignées au long de ruelles étriquées. Toutes ces venelles montaient jusqu'à la lisière d'un curieux bois, situé à l'intérieur de l’enceinte. Les arbres dissimulaient parfaitement l'endroit le plus convoité, le plus craint et le mieux gardé de toute La Bastida. Seule la Matca, habitante de la tour placée pourtant en contrebas, vers le milieu de la cité, avait le droit de dépasser cette orée qui représentait LA limite à ne pas franchir par le commun des mortels. Les vigiles armés s'y rendaient uniquement pour assurer la protection de ce lieu hautement stratégique. Leur autorisation temporaire d’approcher cet endroit ne leur donnait pas plus de droits. Sans savoir ce qu'ils protégeaient, le relèvement de la garde se faisait deux fois par jour et deux fois par nuit. Aucune erreur, aucune relâche, aucune approximation dans cette bastide où tout était organisé minutieusement. Comme dans une fourmilière humaine.

    Cette nuit-là, une lampe à huile éclairait faiblement la chambre attenante à la grande pièce à vivre de la tour. Calista l'avait allumée avant de quitter la Matca, la personne la plus importante de La Bastida. Elle lui vouait le respect et la déférence auxquels tous les habitants étaient tenus, mais surtout elle éprouvait à son égard une très grande reconnaissance. La Matca lui avait permis d’avoir un bien précieux, que peu d’habitants pouvaient espérer dans de telles circonstances : un foyer pour elle et pour l'être qui grandissait dans son ventre. Pour une fille comme elle, tisserande de la caste moyenne avec, certes, quelques droits, mais pas suffisamment pour attendre une quelconque réparation pour ce qu'elle avait subi ce jour-là, la décision de la plus haute autorité de la cité lui avait probablement sauvé la vie. Ou en tout cas, lui avait donné la chance de tenir la tête haute, malgré l’infamie des faits...

    Calista lui avait apporté son dîner quelques heures auparavant car la cuisinière attitrée était malade depuis deux jours. D'ailleurs, depuis ce soir funeste, quatre mois plus tôt, la jeune femme se rendait chaque matin à la tour pour s'occuper de la Matca, alors que personne ne le lui avait demandé. Son geste avait été totalement spontané. Elle espérait ainsi, par sa reconnaissance et sa gentillesse, pouvoir la remercier. Peu de personnes au sein de La Bastida s’encombraient de telles préoccupations altruistes. Mais Calista était consciente que la protection offerte par souveraine lui servait de bouclier invisible, sans qu’elle eût même besoin de l'utiliser jusqu’alors.

    Les yeux fixaient avidement la silhouette de la vieille femme attendant impatiemment le moment fatidique. Lorsqu'elle s'écroula comme un chiffon sur sa couche, un long soupir de victoire s'échappa de ses lèvres : Enfin, la voie est libre ! pensa le témoin sournois avant de détacher son regard de la scène lugubre lui procurant un plaisir inouï.

    1.

    Le soleil était en train de se coucher et plus aucun rayon ne pénétrait dans cette vallée encaissée du Ravin Salé. Dans la ruelle sombre, elle entendit plusieurs voix masculines. Tendant l'oreille sans même en avoir l'intention, elle crut saisir une inflexion moqueuse :

    — De toute manière, tu n'as même pas le courage d'admettre que tu ne t'es jamais tapé une femme !

    Puis un autre homme renchérit, provoquant la raillerie générale :

    — Il ne sait taper que sur ses barres de cuivre... de toute façon !

    Retenant sa respiration, elle continua son chemin sans pouvoir s’empêcher d’entendre la suite.

    — Parce que tu sais, toi, fabriquer un poignard peut-être ?! s'insurgea une voix rocailleuse.

    La jeune femme distingua le tremblement dans cette dernière réplique. Une intuition soudaine lui intima de rebrousser chemin sans plus attendre et de fuir, mais elle devait impérativement se rendre chez sa mère. Une voisine venait de lui apprendre qu'elle était tombée malade et avait besoin d’aide.

    — T'as qu'à nous prouver alors que tu sais prendre une femme... comme un vrai homme ! tonna une voix tellement proche qu'elle sentit son pouls s’accélérait.

    — Ouais ! Comme un vrai mâle qui sait baiser une femelle comme elle le mérite ! Qui s’accouple comme il faut !

    Angoissée, elle pressa subitement le pas et aperçut une ombre surgir de la ruelle menant à la petite placette avec la citerne d'eau. Baissant instinctivement les yeux, sa respiration se précipita et les pensées contradictoires se bousculèrent dans sa tête. Je ne peux pas prendre un autre chemin : c'est le seul qui va chez maman. Je ne peux pas la laisser seule dans son état ! conclut-elle pour se donner du courage.

    Son cœur battait si fort dans sa poitrine que ses oreilles bourdonnaient, n'arrivant plus à déchiffrer les insultes et les moqueries qui semblaient accabler de plus en plus l'homme, le transperçant telle une volée de flèches. La dernière chose qu'elle entendit ce fut :

    — Allez Alaro, prouve enfin que t'es pas qu'un homme à bites ! Baise la première femelle qui passe ici !

    Elle traversa en vitesse l'intersection avec la ruelle de la citerne, mais une main la saisit vigoureusement au passage. Bousculée par le choc, elle fut projetée au milieu de la placette et se retrouva d'un coup au milieu de plusieurs hommes huant et sifflant en même temps. Leurs visages étaient déformés par le persiflage et l’excitation. Leurs bouches éructaient des sarcasmes. L’odeur de la transpiration, les miasmes du rut percutèrent ses narines. Elle sentit des doigts palper ses seins, des mains avides pénétrer sous sa robe, cherchant à atteindre ses fesses. Ils tournaient autour d’elle, haletants. Prise au centre de cette danse lubrique, elle ouvrit la bouche pour crier à l’aide.

    — À ta place, je n'oserais pas ! tonna une voix glaçante derrière elle. Si tu veux t'en sortir vivante, ne t'avise pas de sortir le moindre bruit !

    — Allez, tu as dit que tu te feras la première qui passe ! railla un homme trapu.

    — Montre-nous que t'es pas une tapette ! se moqua un autre.

    — En plus, tu as de la chance, mon gaillard : ce n'est pas la plus moche qui est apparue la première, lança une voix libidineuse tout en saisissant à pleines mains ses fesses, à travers sa robe en lin.

    Haletante, sans savoir ce qu'elle devait faire pour s'en sortir, la femme virevolta et recula pour éviter de se faire attraper par l'homme qu’elle avait reconnu et dont elle connaissait la réputation.

    — Mais c'est qu'elle est farouche, notre brebis ! Il faudra peut-être qu'on la dompte avant ! ajouta-t-il la déshabillant d’un regard graveleux.

    — Pas la peine ! l'interrompit la voix rauque.

    Deux bras puissants l'attrapèrent et la tirèrent en arrière puis la plaquèrent contre la citerne en pierre. Elle sentit sa robe se soulever et le déchirement de ses dessous fut si brutal qu'elle ne put étouffer un cri d’effroi.

    Calista se réveilla en sueurs, tremblant de tout son corps. Des larmes coulaient abondamment sur son visage et ses sanglots incontrôlés la secouaient violemment. Ce n'était pas la première fois qu'elle faisait des cauchemars en se rappelant chaque détail douloureux de ce jour où sa vie avait basculé.

    Elle inspira profondément pour se calmer et essuya ses yeux avec le bras. Scrutant le noir, elle réalisa que son conjoint n'était pas dans le lit. Comme à chaque fois, elle sanglota en silence assise sur la couche conjugale, dans la grande pièce vide. Certes, cette maison était désormais aussi la sienne, mais à quel prix ? Elle connaissait souvent la solitude, mais ne s’en plaignait pas.

    Comme d'habitude. Il doit être chez Nuno et rentrera au petit matin, pensa-t-elle en reniflant bruyamment. Elle s’inclina vers le côté, pinça son nez et se moucha en direction du sol.

    Sachant qu'elle ne pourrait plus s'endormir, la jeune femme essuya son visage avec le bas de sa robe de nuit, se leva de sa couche et se rendit aux latrines attenantes pour se soulager.

    2.

    Comme tous les jours, Calista prépara le panier avec le repas du matin pour la Matca. Après avoir rempli à ras bord la coupe biconique qui était réservée à la plus importante femme de la cité, elle avait avalé en vitesse une assiette de la bouillie d'orge aux raisins secs et à la fleur d’oranger mitonnée depuis son réveil.

    Sur le pas de la porte, elle jeta un dernier regard à la portion qui attendait le retour d'Alaro sur la table de la pièce à vivre, dans un plat couvert en terre cuite orangée. Une fois de plus, son mari mangerait froid. Il continue à m'éviter... se dit-elle avant de sortir de la maison.

    Calista aimait profiter de la fraîcheur faiblissante de la nuit, du silence qui donnait à la cité un semblant de calme, avant le tumulte des activités quotidiennes. Après quelques minutes de traversée dans le méandre des ruelles pentues, elle frappa avec le martelet en pierre sur la planche qui se trouvait devant l'entrée de la tour. Les battements signalaient sa présence. Personne ne lui répondit. Elle essaya à nouveau. Devant le silence pesant de l'aube naissante, elle poussa doucement la porte et pénétra dans la vaste pièce en refermant derrière elle. Se tournant rapidement, elle lança un coup d'œil furtif à l'autel niché dans la partie semi-circulaire de la tour couverte par une voûte. Quelquefois, elle la trouvait agenouillée dans cette abside, plongée dans des pensées si profondes ou si lointaines que souvent sa présence n'arrivait même pas à l'en soustraire.

    La Matca était une femme forte, ne laissant jamais transparaître la moindre émotion sur son visage. Pourtant, Calista savait qu'elle était bien plus sensible que ce que les autres pouvaient penser... Déterminée à sauver La Bastida des tergiversations politiques, Adelma, âgée d'une soixantaine de printemps, avait pris le pouvoir avec l'assentiment du Conseil des Matcas. Elle appliquait scrupuleusement le système mis en place depuis plusieurs générations, largement inspiré de l'organisation méticuleuse des fourmis que ses ancêtres avaient dû observer attentivement avant de le transposer chez les Argaris. D’ailleurs, la souveraine se plaisait quelquefois à aller regarder pendant des heures les allées et venues de ces petits insectes. Leur industrie et leur abnégation étaient toujours pour elle une source d’émerveillement et d’inspiration. Si seulement les humains pouvaient être si disciplinés ! Toutefois, Adelma n'aimait pas la violence, ce qui n'était pas vraiment du goût de tout le monde dans la cité fermée. Calista avait appris au cours du temps, à l’occasion de quelques brèves conversations, que la Matca s'était imposée surtout grâce à ses liens de sang avec la Matca Supérieure de La Almoloya. Son humanisme l'avait progressivement rendue appréciée parmi les castes populaires de la communauté, mais beaucoup moins parmi les nobles ou les gardes de La Bastida, conduits d'une main de fer par l'ambitieuse et impitoyable Javi.

    Calista s'arracha à ses pensées et appela de nouveau. Le silence resta de plomb. Inquiète, elle fouilla des yeux chaque recoin de la grande pièce à vivre. Soudain, une odeur âcre lui frappa les narines. Rien ne traînait pourtant sur la table en pierre blanche, lustrée, zébrée de marbrures rosâtres. Ni sur les banquettes couvertes de fourrures de mouton. Que se passait-il ?

    Elle se précipita vers la chambre à dormir. Apercevant sur la couche la Matca, il lui fut impossible de voir son visage car il était tourné vers le mur. Pensant qu'elle se reposait encore, elle s'approcha à pas de loup et tendit l'oreille. Pas le moindre bruit ne s'entendait dans la pièce. En retenant sa respiration, elle avança discrètement afin de ne pas risquer de la réveiller. Son grand âge la fatiguait davantage chaque jour et il lui arrivait de faire des siestes pendant la journée, mais rarement de prolonger son sommeil matinal. Calista se pencha pour vérifier son souffle. De plus en plus tendue, elle s'aventura à toucher sa main. Elle était glacée. Affolée, elle craqua :

    — Adelma, réveillez-vous !

    Aucune réponse. Pas le moindre mouvement. Paniquée, elle agrippa son épaule et la tourna brusquement. En apercevant son visage et surtout ses yeux écarquillés, elle ne put s'empêcher de crier. Les pupilles de la vieille femme étaient dilatées et Calista avait du mal à interpréter l’expression de ces yeux glacés, empreints d’horreur. Elle fouilla rapidement du regard tout le corps de la Matca, à la recherche de sang ou d’une arme qui pût lui révéler la cause de sa mort. Rien d’apparent.

    Tout à coup, une vive agitation prit possession de la jeune femme : sa respiration s’accéléra, des gouttes de sueur perlèrent sur son front et elle se mit à trembler sans savoir ce qu'elle devait faire.

    Les premières lumières du jour teintaient de rose le ciel bleu azur au-dessus de La Bastida. Alaro leva les yeux et contempla rapidement les quelques nuages qui s'entêtaient à paresser au-dessus de la vallée boisée de pins, de chênes verts et d'oliviers argentés. Il respira profondément, humant les bonnes odeurs qui s'échappaient des maisons environnantes. Il préférait manger chez lui tous les matins pour éviter de se rappeler que la situation dans laquelle il se trouvait lui avait été imposée contre son gré. Malgré l'amour sincère et profond qu'il éprouvait pour la personne qu'il venait de quitter, il était obligé de faire des allers-retours entre les deux maisons. Tout en regardant où il posait les pieds, il ne put s'empêcher de se reposer les questions qui le torturaient depuis plusieurs mois. Aurait-il dû avoir le courage d'imposer à la lumière du jour sa relation amoureuse ? La Matca aurait-elle pu finalement consentir à cette union inhabituelle ? Vivraient-ils actuellement sous le même toit ? Aurait-il pu ainsi éviter tout ce qui était arrivé en ce jour maudit ? Et de subir cette union dont il n’avait pas souhaité l’existence ? Dégoûté par ces sombres pensées, Alaro donna un puissant coup de pied dans une pierre qui ricocha, avant de tomber un peu plus loin.

    La cité fourmillait déjà de vie dans ses parties basses. Les sans-droits étaient au travail, chacun dans l'atelier auquel il était affecté, alors que les serviteurs et servantes se rendaient aux maisons situées sur les hauteurs de La Bastida pour préparer le repas et les affaires de leurs maîtres. Les premiers dormaient dans des habitations collectives et n'avaient aucun droit, alors que les seconds jouissaient de quelques privilèges comme une modeste case familiale et plus de nourriture. Toutefois, les deux catégories travaillaient tout aussi durement les unes que les autres. La caste moyenne occupait des maisons en pierre et ses membres étaient chargés de certaines tâches productives moins éprouvantes comme le tissage, la poterie, le façonnage du métal, la préparation de la nourriture ou le transport des denrées entre les cités.

    Alaro passa ses doigts sur la lame acérée de son épée courte en cuivre avant de la ranger dans son fourreau qu'il portait à la ceinture. Seuls les hommes de la caste dirigeante de La Bastida étaient autorisés à posséder ce genre d'arme. Chef Armurier, il possédait également une hallebarde et une longue épée en bronze, équipement rare, qu'il cachait dans un endroit sûr de sa maison. Elle était destinée à servir dans les luttes avec des

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