Vive le poulet!

Par Mahtab Narsimhan

Shivani a quitté Mumbai il y a quelques mois à peine…

Mais elle ne se sent plus vraiment comme une étrangère. Elle aime sa nouvelle école et elle a enfin une amie. Par contre, quand sa mère se propose pour cuisiner pour la fête-bénéfice annuelle de l’école, Shivani est sûre qu’elle deviendra la risée de tout le monde. Qu’est-ce qui arrivera si sa mère décide de préparer un de ses « plats qui puent » ? Shivani adore la cuisine indienne, mais pas question d’en manger devant ses amis.

Dès son entrée dans le gymnase le jour de la fête de l’école, Shivani sait que ses pires craintes sont devenues réalité : l’odeur caractéristique des épices indiennes flotte dans l’air. Mais ensuite, elle voit que des dizaines de personnes font la file devant le stand de sa mère. C’est le plus populaire !

• Langue: Français
• Éditeur: Orca Book Publishers
• Date de sortie: 16 août 2022
• ISBN: 9781459833241

Mahtab Narsimhan

Mahtab Narsimhan is the award-winning author of several books for young readers, including Embrace the Chicken, Mission Mumbai, The Tiffin and The Third Eye, which won the Silver Birch Award. She was a Writer in Residence at the Toronto District School Board from 2015 to 2016. Born in Mumbai, Mahtab immigrated to Canada in 1997. She now lives in Vancouver.

Aperçu du livre

Chapitre un

Shivani joue distraitement avec le riz dans son assiette. Habituellement, elle ne peut pas résister à la viande de poulet qui se détache de l’os pour se mêler à la sauce épaisse, ni à l’arôme mi-sucré, mi-épicé du lait de coco et du garam masala. Mais aujourd’hui, impossible. Elle arrive à peine à avaler une bouchée.

Pourquoi la vie est-elle si compliquée ? Ça a été déjà si difficile de quitter son appartement et tous ses copains à Mumbai. Il lui a fallu des mois pour se repérer dans sa nouvelle ville, pour ne plus se sentir comme une étrangère. Elle s’est enfin fait une bonne amie. Et puis, c’est arrivé.

Elle ferait mieux d’en finir une fois pour toutes. Avant même de poser la question, elle connaît la réponse de son père. Elle fait un souhait : SVP, que je me trompe, juste cette fois.

— Problème, Shivani ? demande Ma dans son français cassé habituel.

Shivani prend une longue inspiration et dépose sa fourchette. Ses parents la fixent tous les deux. Seule Anita continue à manger en se fichant du reste du monde. Rien ne semble embêter sa petite sœur : ni être déménagée au Canada, ni se faire de nouveaux amis dans une nouvelle ville, ni s’accoutumer à un mode de vie complètement différent.

Shivani répond en évitant de regarder sa mère :

— Il y a une réunion à l’école demain soir à huit heures. C’est au sujet d’une campagne de financement. On est censés emmener un de nos parents. Tu vas venir avec moi, hein, Pa ?

Son père se gratte le nez, puis fait un gros rot.

— Rupal, ma chérie, ta cuisine est divinement bonne, dit-il à sa femme avec affection.

Ma lui donne une petite tape sur la main en souriant.

— Papa, s’il te plaît ! Réponds à ma question, demande Shivani.

— Je félicite ta mère pour sa cuisine. Et tu devrais en faire autant.

Anita dit, entre deux grosses bouchées :

— Moi, j’aime ta cuisine, Ma. Je pourrais t’embrasser les mains chaque jour.

Shivani fronce les sourcils en regardant sa sœur.

— Papa ? Youhou ! La réunion sur la collecte de fonds demain. Vas-tu venir, Pa ?

— Je suis désolé, je ne peux pas. Ça m’a fait plaisir d’assister à quelques événements avec les parents et les profs cette année, mais je suis très occupé au travail ces jours-ci. Ta mère va t’accompagner.

— Non ! s’exclame Shivani.

Le mot sort plus violemment qu’elle le voudrait. Sa mère lui lance un regard qui lui donne envie de se réfugier sous la table.

— Je suis désolée, Ma. Pour vrai. Mais il y aura beaucoup de discussions. Ils vont poser un tas de questions et ton… ton…

Shivani hésite à finir sa phrase. Son plat refroidit. Il s’est transformé en flaque brunâtre parsemée de grains blancs.

— Je parle pas bon, mais j’écoute aussi, dit Ma doucement.

Shivani jette un regard implorant à son père.

— S’il te plaît, tu ne pourrais pas venir, juste cette fois-ci ? Je vais te masser la tête avec de l’huile. Je vais aussi t’arracher les poils des oreilles sans me plaindre.

Pa n’arrive jamais à persuader Anita ou sa femme de le faire. Cette promesse devrait le convaincre, pense Shivani.

Papa secoue la tête.

— Il est temps que Ma commence à participer davantage aux activités de ton école. Il faut qu’on l’aide, tous les deux. On doit tous s’intégrer au Canada, Ma aussi. Vous, les filles, vous apprenez facilement la langue parce que vous êtes entourées de français toute la journée. C’est la même chose pour moi. Mais il faut que ta mère sorte et rencontre des gens. Tu dois être patiente. Et j’accepte ta gentille offre pour m’enlever les poils, si elle tient toujours.

Shivani soupire. En plus de devoir faire une tâche dégoûtante, elle n’a pas eu ce qu’elle veut. Pourquoi se sont-ils installés dans cette petite ville où il n’y a aucun restaurant indien, aucun supermarché indien ? Où ils sont les seuls Indiens ? Papa doit conduire Ma jusqu’à Montréal quand elle a besoin de certaines épices. Ils auraient dû déménager là-bas plutôt.

Shivani brise le silence qui flotte dans la pièce comme un nuage pendant la mousson :

— Est-ce que Ma ne pourrait pas s’intégrer après la rencontre ?

Elle pense aux garçons de sa classe qui lui plaisent. Romain est mignon, mais il ne l’a pas encore remarquée. Ce n’est qu’une question de temps. Si Ma vient à la réunion et se met à parler, c’est sûr qu’il verra Shivani à côté d’elle et qu’il la fuira. Non.Il faut que Ma se tienne loin de l’école jusqu’à ce que Shivani soit certaine d’être acceptée parmi le groupe d’élèves cool.

— Je viens demain, dit Ma. Discussion finie.

— Vous êtes méchants, tous les deux ! crie Shivani.

Elle se lève brusquement en poussant sa chaise et se précipite dans sa chambre.

Si elle ne parvient pas à les faire changer d’idée par la douceur, peut-être qu’un geste spectaculaire fonctionnera. Comme dans les films de Bollywood !

Chapitre deux

Allongée sur son lit, Shivani fixe